Comptes rendus

Améliorations observées chez des patients souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire débutante
Sortir des sentiers battus : Stratégies novatrices pour un bilan équilibré

Traitement optimal du cancer du sein : le traitement hormonal adjuvant et les agents ciblés évoluent

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 33e Congrès de la Société européenne d’oncologie médicale

Stockholm, Suède / 12-16 septembre 2008

Le tamoxifène, antagoniste des récepteurs oestrogéniques (RO), a longtemps été la norme dans le traitement hormonal adjuvant du cancer du sein postménopausique à RO (RO+) et à récepteurs à la progestérone, mais on n’en recommande plus l’administration pendant cinq ans chez ces patientes. Si l’on en juge par les recommandations de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) et du Consensus international de St-Gall, il est préférable d’amorcer le traitement adjuvant par un inhibiteur de l’aromatase (IA) ou encore, de passer à un IA après deux à trois ans de traitement par le tamoxifène. Si la plupart des études sur la stratégie de substitution ont objectivé une prolongation de la survie sans récidive (SSR), la plus vaste a mis en évidence une prolongation de la survie globale.

IES, une étude phare

«L’étude IES [Intergroup Exemestane Study] est la seule étude randomisée à avoir démontré que l’on prolonge la survie après le passage à un IA en cours de traitement adjuvant», affirme la Dre Hope Rugo, directrice du programme de recherche clinique sur le cancer du sein, University of California at San Francisco Comprehensive Cancer Center. «Le gain de survie a été observé dans divers sous-groupes, lesquels avaient été définis d’après les traitements préalables, l’âge et les caractéristiques du cancer du sein.»

Lors de l’étude IES, dont les résultats ont été publiés l’année dernière (Coombes et al. Lancet 2007;369:559-70), 4724 femmes ménopausées qui recevaient déjà du tamoxifène et chez qui aucune trace de la maladie n’était décelable après deux à trois ans de traitement par le tamoxifène ont été randomisées de façon à passer à l’exémestane ou à poursuivre leur traitement par le tamoxifène. La réévaluation, qui a eu lieu 4,5 ans après la randomisation, a mis en évidence un avantage significatif en faveur de la substitution, la SSR ayant augmenté de 24 % dans le groupe où l’IA s’était substitué au tamoxifène, par rapport au groupe qui avait continué de prendre du tamoxifène (taux de risque [HR, pour hazard ratio] de 0,76, IC à 95 % : 0,66-0,88, p=0,0001). En outre, on a observé une diminution de 17 % (p=0,05) de la mortalité toutes causes confondues lorsque les cancers RO- étaient exclus.

Données corroborantes d’autres essais sur les IA

À défaut d’avoir objectivé une prolongation de la survie, d’autres études sur la stratégie de substitution ont fait ressortir la supériorité de l’IA sur le tamoxifène sur le plan de la SSR de même que certains avantages sur le plan de la tolérabilité, notamment une diminution du risque d’effets indésirables oestrogéno-dépendants comme les bouffées de chaleur. Si le tamoxifène confère une plus grande protection que les IA contre l’ostéoporose, les IA protègent mieux contre la thrombose veineuse profonde, les maladies cardiovasculaires et le cancer de l’endomètre. C’est d’ailleurs ce rapport bénéfice:risque favorable qui a motivé une série d’études comparant un IA au tamoxifène comme traitement adjuvant initial. Là encore, les IA ont été associés à une augmentation de la SSR – le paramètre principal – de 13 % (HR de 0,87, IC à 95 % : 0,78-0,97, p=0,01) dans l’essai ATAC (Anastrozole, Tamoxifen, Alone or in Combination) et de 19 % (HR de 0,81; IC à 95 % : 0,70-0,93; p=0,003) dans l’essai BIG 1-98 (Breast International Group 1-98).

L’essai en cours TEAM (Tamoxifen, Exemestane, Adjuvant, Multicenter) est à ce jour la plus vaste des études sur l’administration d’un IA comme traitement adjuvant initial. Après randomisation, 9487 femmes souffrant d’un cancer du sein postménopausique ont reçu soit un traitement adjuvant de cinq ans par l’exémestane, soit un traitement adjuvant de deux à trois ans par le tamoxifène suivi d’un traitement par l’exémestane, pour une durée totale de cinq ans. Bien qu’il s’agisse de données préliminaires, nous avons déjà en main les résultats favorables d’une sous-étude dans laquelle on a évalué l’épaississement de l’endomètre dans les deux groupes. Selon des données rapportées il y a un an, la probabilité d’épaississement de l’endomètre était cinq fois moins élevée dans le groupe exémestane que dans le groupe tamoxifène. Les résultats définitifs seront scrutés à la loupe, non seulement sur le plan de la SSR, mais aussi des avantages relatifs quant à la qualité de vie. L’essai TEAM est par ailleurs assez vaste pour faire ressortir des différences au chapitre de la survie.

Inhibition de l’aromatase avant la ménopause ou en périménopause

Compte tenu des avantages relatifs des IA chez la femme ménopausée, on réévalue actuellement le traitement hormonal adjuvant optimal avant la ménopause et en périménopause. Si certains se montrent réticents à remplacer le tamoxifène par un IA avant la ménopause du fait que les IA augmentent la biosynthèse des oestrogènes et qu’ils induisent l’ovulation à moins d’être associés à un analogue de la GnRH, la crainte d’une efficacité moindre du tamoxifène, surtout après les trois premières années de traitement, a suscité de l’intérêt lors des études de substitution, même dans cette population.

«Le traitement hormonal adjuvant optimal chez la femme ménopausée n’est pas bien défini», déclare le Dr Olaf Ortmann, chef du département d’obstétrique-gynécologie, Université de Ratisbonne, Allemagne. En particulier, «chez les femmes plus jeunes dont la ménopause découle de l’insuffisance ovarienne causée par la chimiothérapie ou résulte de l’administration d’un agoniste de la GnRH, on cherche à savoir si l’on obtiendra les mêmes bénéfices que ceux que l’on a observés dans les essais d’envergure sur les IA, comme l’essai IES, en remplaçant le tamoxifène».

Pour tenter de répondre à cette question, on a entrepris plusieurs essais. Ainsi, dans l’étude TEXT (Tamoxifen and Exemestane Trial), 1317 patientes ont été réparties aléatoirement en deux groupes : suppression de la fonction ovarienne (SFO) plus tamoxifène ou SFO plus exémestane. Le recrutement a pris fin il y a près de deux ans, et le protocole prévoit un suivi de cinq ans. Cela dit, cette question est également pertinente pour les femmes en périménopause qui deviennent ménopausées après avoir amorcé un traitement par le tamoxifène. Sur la foi d’études comme IES, il est raisonnable de supposer que ces femmes bénéficieraient aussi d’une protection supplémentaire contre la récidive du cancer du sein si, après deux ou trois ans de traitement par le tamoxifène, elles passaient à un IA une fois ménopausées.

«L’ennui dans ce groupe de patientes, c’est la multitude de définitions de la ménopause et l’absence de signes cliniques fiables», prévient le Dr Ortmann. Personnellement, il a l’habitude de demander un dosage de la FSH et de l’oestradiol pour confirmer la ménopause.

Nouveau rôle du traitement anti-angiogenèse dans le cancer du sein

Si les traitements adjuvants efficaces laissent entrevoir une diminution des taux de récidive, les agents anti-angiogenèse, eux, laissent entrevoir une augmentation des taux de réponse. Le prototype de ces agents, le bevacizumab, fait déjà partie du traitement standard, mais les modes d’action des nouveaux agents pourraient expliquer que ceux-ci soient mieux adaptés pour potentialiser l’effet des chimiothérapies traditionnelles. Il s’agit là d’un point important, car les agents anti-angiogenèse freinent la croissance tumorale, mais ils n’éliminent pas directement les cellules tumorales; il est donc essentiel de les associer à des agents cytotoxiques. Contrairement au prototype des agents anti-angiogenèse, quelques nouveaux médicaments ciblés agissent sur de multiples facteurs de croissance, ce qui pourrait être un avantage compte tenu de la redondance des voies de signalisation.

«Nous nous intéressons grandement au sunitinib dans le cancer du sein, car son inhibition de l’activité tyrosine kinase ratisse très large, affirme le Dr Jonas Bergh, directeur scientifique de l’oncologie, Institut Karolinska, Stockholm, Suède. En inhibant un éventail plus large de tyrosine kinases, ces nouveaux médicaments pourraient être plus efficaces contre le cancer que les premiers agents ciblés, suggère-t-il.

Diverses études cliniques ont suscité de l’intérêt pour le sunitinib. Lors d’une étude de phase Ib où le sunitinib a été associé au docetaxel, on a recensé 13 rémissions partielles (59 %) chez 22 patientes, précise le Dr Bergh, et le cancer s’est stabilisé chez cinq des neuf patientes restantes. Fait important à signaler, on n’a fait état d’aucune interaction médicamenteuse avec le docetaxel, qui s’est au contraire révélé plus actif sous l’effet de l’association. Bien que le taux d’effets indésirables ait été considérable, le Dr Bergh a avancé l’hypothèse voulant que ce désavantage «soit en fait l’un des marqueurs de substitution d’une bonne efficacité anticancéreuse».

Les résultats de cette étude et d'une étude de phase II subséquentes sur l'association du sunitinib et du docetaxel dans le traitement de tumeurs solides ont été assez conculants pour motiver la tenue d'une étude de phase III visant à comparer le docetaxel seul et le docetaxel en association avec le sunitinib. Cette étude est actuellement à l’étape du recrutement. Le sunitinib est déjà homologué pour le traitement du cancer du rein et des tumeurs stromales gastro-intestinales. Bien que les études expérimentales aient mis au jour une activité importante de cet agent dans le cancer du sein, c’est sa capacité à potentialiser l’activité des agents cytotoxiques qui soulève de réels espoirs. En raison du vaste éventail de cibles moléculaires, il semble que le sunitinib et d’autres nouveaux agents ciblés exercent une activité différente et possiblement plus marquée que celles des agents ciblés d’usage courant.

Résumé

Dans le cancer du sein à récepteurs hormonaux, l’avènement des IA a permis d’amplifier les bénéfices déjà associés au tamoxifène. Que l’IA se substitue au tamoxifène après deux à trois ans de traitement adjuvant ou qu’il soit prescrit d’emblée en remplacement du tamoxifène comme traitement adjuvant, les essais cliniques montrent que l’on obtient de meilleurs résultats; en particulier, un essai multinational sur l’exémestane a objectivé une prolongation de la survie. Au chapitre des traitements ciblés, de nouveaux médicaments anti-angiogenèse comme le sunitinib pourraient aussi accroître les bénéfices déjà associés aux premiers médicaments ciblés. En agissant sur un plus vaste éventail de cibles, ces médicaments exerceront peut-être une inhibition plus complète des voies de signalisation redondantes. Les études en cours sur les IA et les traitements ciblés sont appelées à redéfinir le traitement optimal.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.