Comptes rendus

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Traitement par un fibrate : pour une réduction globale de l’incidence des événements chez les diabétiques de type 2

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 15e Assemblée annuelle de l’American Association of Clinical Endocrinologists

Chicago, Illinois / 26-30 avril 2006

Les lignes directrices actuelles du National Cholesterol Education Program (NCEP) pour la normalisation du bilan lipidique abordent surtout la baisse du taux de C-LDL, et les statines sont considérées à cet égard comme les agents pharmacologiques les plus efficaces. Les statines exercent toutefois un effet thérapeutique limité sur le C-HDL et les triglycérides (TG) (NCEP Adult Treatment Panel [ATPIII]. Circulation 2002;106[25]:3143-421).

Selon le Dr David G. Robertson, division de l’endocrinologie et du métabolisme, Emory University School of Medicine, Atlanta, Géorgie, «le C-LDL n’est pas nécessairement le meilleur facteur prédictif pour déterminer qui aura un événement cardiovasculaire [CV]. Ce que nous voulons, c’est réduire l’incidence de la maladie CV, et nous avons une belle occasion d’intervenir et de réduire le risque, notamment chez les diabétiques.»

Les dyslipidémies mixtes (taux modérément élevé de C-LDL, faible taux de C-HDL et taux élevé de TG) – qui sont hautement athérogènes – sont souvent diagnostiquées chez les patients diabétiques ou porteurs du syndrome métabolique. Au sein de cette population particulière, les fibrates pourraient offrir de plus grandes possibilités d’intervention pour réduire le risque de maladie CV, ces agents ayant tendance à augmenter le taux de C-HDL, à abaisser le taux de TG et à abaisser légèrement le taux de C-LDL.

Augmenter le taux de C-HDL chez le diabétique

Même si le C-LDL demeure au cœur du traitement de la maladie CV, diverses études épidémiologiques, en particulier l’étude de Framingham, ont confirmé que plus le taux de C-HDL est faible, plus le risque de maladie coronarienne est élevé. La réduction du risque passe par une augmentation du taux de C-HDL, et le taux de C-HDL est inversement corrélé avec le taux de TG (Gordon et al. Am J Med 1977;62[5]:707-14).

«Il n’est pas clair si c’est le faible taux de C-HDL ou le taux élevé de TG qui expose le patient à un risque [CV] plus élevé», affirme le Dr George Steiner, directeur, Lipid Research Clinic, Toronto General Hospital, et professeur titulaire de médecine et de physiologie, University of Toronto, Ontario, qui ajoute que «si deux variables étroitement liées changent, il est difficile de déterminer laquelle des deux est la plus importante».

Le C-HDL est, entre autres, essentiel au transport du cholestérol des tissus périphériques vers le foie, ce qui assure l’élimination du cholestérol de l’organisme; c’est ce que l’on appelle le transport inverse du cholestérol. «Le transport inverse du cholestérol pourrait théoriquement vider l’organisme de tout son cholestérol», d’ajouter le Dr Steiner.

Les fibrates augmentent le taux de C-HDL, surtout chez les patients hypertriglycéridémiques, et on a recours tant à la niacine qu’aux fibrates pour traiter les patients qui présentent un faible taux de C-HDL. Cela dit, explique le Dr Steiner, l’utilisation de la niacine pour augmenter le taux de C-HDL pose un problème chez les diabétiques, car elle entraîne divers effets indésirables dont les suivants : bouffées vasomotrices, irritation gastrique, fluctuation des taux d’enzymes hépatiques, hyperuricémie et induction de la résistance à l’insuline. Ce dernier effet est le plus inquiétant de tous, fait-il remarquer, car il peut donner lieu à un diabète ou l’exacerber, et il augmente le risque coronarien. Bien que la niacine en préparation à libération prolongée entraîne moins d’hyperglycémie que la préparation à libération immédiate, aucune étude sur la résistance à l’insuline n’a encore été entreprise. En revanche, la niacine peut être envisagée chez les patients qui présentent une dysfonction rénale.

Étude FIELD : résultats macroangiopathiques et avantages de la prévention primaire

Le rôle des fibrates dans le diabète de type 2 a été évalué dans le cadre de l’étude FIELD (Fenofibrate Intervention and Event Lowering in Diabetes). Lors de cette étude randomisée, des diabétiques de type 2 recevaient du fénofibrate micronisé à raison de 200 mg/jour (n=4895) ou un placebo (n=4900). «L’étude FIELD a montré l’innocuité à long terme des fibrates, lesquels contribuent étroitement à la réduction plus marquée de l’incidence des événements CV chez les patients [souffrant d’un diabète] de type 2», affirme le Dr Robertson. Certes, les statines demeurent l’intervention clé, mais «de nombreux patients demeurent exposés à un risque [CV] élevé, même s’ils reçoivent une statine. FIELD a révélé que les fibrates sont particulièrement efficaces pour réduire le risque de maladie CV chez les diabétiques de type 2.»

Les résultats ont mis en évidence une réduction significative de l’incidence globale des événements CV, surtout des infarctus du myocarde non mortels et des interventions de revascularisation coronarienne (24 %, p=0,01 et 21 %, p=0,003, respectivement) chez les diabétiques de type 2 traités activement (pendant cinq ans). Chez les patients qui n’avaient pas d’antécédents de maladie CV, l’incidence globale des événements CV a baissé de 19 % (p=0,004). Bien que l’étude n’ait pas objectivé de réduction significative de l’incidence des événements coronariens majeurs (paramètre principal de l’étude), les chercheurs ont déterminé que le nombre plus élevé de nouveaux traitements par une statine dans le groupe placebo pourrait avoir camouflé un bénéfice plus marqué (Keech et al. Lancet 2005; 366[9500]:1849-61).

Bénéfices microangiopathiques

Bien que l’on ignore les mécanismes en jeu, le traitement actif a été associé, dans l’étude FIELD, à un effet bénéfique sur les vaisseaux de petit calibre, d’où une fréquence moindre des complications connexes.

Chez les patients qui recevaient le traitement actif, on a observé une réduction significative des taux de progression vers l’albuminurie et une augmentation significative du taux de régression de la microalbuminurie (p=0,002). En outre, le fénofibrate a diminué de 30% le nombre de traitements au laser pour les rétinopathies, ce qui est significatif (p=0,0003). Dans le sous-groupe de patients qui ne souffraient pas d’une rétinopathie au départ, l’effet sur la fréquence des chirurgies au laser a été similaire (p=0,001). Au cours de l’étude, le nombre de patients ayant eu besoin de dialyse était de 16 dans le groupe fibrate vs 21 dans le groupe placebo.

Stratégie d’association

L’association d’un fibrate et d’une statine est une stratégie pharmacologique complète qui cible l’ensemble des lipoprotéines, l’objectif ultime étant de réduire le risque CV chez les patients porteurs de dyslipidémies mixtes. Cette démarche pourrait réduire le risque de façon plus marquée qu’un traitement hypolipidémiant n’ayant pour objectif que la seule baisse du taux de C-LDL.

Selon le Dr Peter H. Jones, professeur agrégé de médecine, section de la recherche sur l’athérosclérose et les lipides, Baylor College of Medicine, Houston, Texas, une statine fortement dosée n’est pas un choix optimal, par comparaison avec la niacine et les fibrates, pour faire augmenter le taux de C-HDL, surtout en présence de dyslipidémies mixtes. «La prescription d’une statine fortement dosée doit aussi tenir compte du risque d’effets indésirables, notamment l’élévation des taux de transaminases hépatiques et les symptômes musculaires», fait-il remarquer.

«Les lignes directrices Adult Treatment Panel III du NCEP étant axées sur le C-LDL, nous sommes toujours portés à penser aux statines d’abord», enchaîne le Dr Jones, ajoutant que ces lignes directrices recommandent l’ajout d’un fibrate ou de l’acide nicotinique à un traitement visant à réduire le taux de C-LDL chez les patients à risque élevé. De plus, les traitements d’association aident les cliniciens à atteindre les cibles lipidiques préconisées par l’American Diabetes Association.

Lorsqu’ils prescrivent une association fibrate-statine, les cliniciens craignent une exacerbation des effets indésirables et l’apparition de problèmes comme la myosite et la rhabdomyolyse. Ces craintes tiennent peut-être en partie à l’expérience négative que nous avons connue avec l’association gemfibrozil-cérivastatine. L’un des inconvénients du gemfibrozil, souligne le Dr Jones, est son interaction avec les statines. En revanche, le fénofibrate et le bézafibrate risquent moins d’entraîner des effets musculaires délétères (comme la rhabdomyolyse) s’ils sont administrés en association avec une statine.

Chez les patients qui se plaignent de malaises musculaires, les experts appellent à la prudence et recommandent d’ajuster la posologie soigneusement. «Nous ne devons pas baisser les bras pour autant, de poursuivre le Dr Robertson. Nous devons toujours essayer autre chose, car l’inaction expose le patient dyslipidémique à un risque inacceptable», conclut-il.

«Les statines sont la pierre angulaire du traitement, mais ce n’est pas la seule option. La vaste majorité des patients diabétiques doivent recevoir un autre traitement [normolipémiant]. Chez les patients dyslipidémiques à risque élevé, le traitement d’association sera la voie de l’avenir», de réitérer le Dr Jones.

Résumé

Bien que les résultats à cinq ans de l’étude FIELD aient objectivé le bon profil d’innocuité et de tolérabilité du fénofibrate chez les patients qui souffrent d’un diabète de type 2 et la réduction significative de la mortalité chez les patients n’ayant pas d’antécédents de maladie CV, l’innocuité et l’efficacité de l’association d’un fibrate avec une statine au sein de cette population justifie la tenue d’autres études. Si l’on aspire à réduire l’incidence de la maladie CV, la prochaine étape consistera peut-être à définir le traitement d’association optimal chez le diabétique de type 2. L’étude ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) qui regroupe 10 000 patients et qui porte sur l’association fibrate-statine est l’une des études qui permettront de répondre à la question.

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