Comptes rendus

Vaccination chez l’enfant : Prenons les infections virales de l’enfant plus au sérieux
Traitement par un fibrate : pour une réduction globale de l’incidence des événements chez les diabétiques de type 2

Réévaluation du début d’action différé dans le traitement de la dépression

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 61e Assemblée annuelle de la Society of Biological Psychiatry

Toronto, Ontario / 18-20 mai 2006

La théorie voulant qu’un antidépresseur mette plusieurs semaines à agir provient de plusieurs analyses influentes lors desquelles l’écart le plus marqué entre la réponse du groupe de traitement actif et celle du groupe placebo a été constaté après un délai assez long. La situation est d’autant plus compliquée que les patients doivent répondre à des critères d’amélioration assez stricts sur des échelles comme CGI (Clinical Global Impression) et l’échelle de dépression de Hamilton (HAM-D). Le score des symptômes dépressifs baissait de façon marquée après seulement trois ou quatre semaines.

Analyse des résultats d’études

L’hypothèse du «début d’action différé» a été réévaluée dans le cadre d’un symposium spécialisé. Après le début du traitement par un antidépresseur, «ce que l’on voit est une amélioration plus ou moins continue sur une échelle comme HAM-D, et cette amélioration peut être mesurée de façon fiable après seulement une ou deux semaines de traitement», comme le faisait remarquer le Dr Armin Szegedi, Roseland, New Jersey, dans une interview. Après deux semaines, en effet, on pouvait constater une baisse de 20 % du score sur l’échelle HAM-D par rapport au score initial chez la majorité des patients.

Pour étudier ce phénomène de plus près, le Dr Szegedi et ses collègues ont analysé les réponses individuelles au traitement enregistrées dans une base de données regroupant environ 6500 patients qui avaient participé à 41 essais cliniques randomisés différents portant notamment sur la mirtazapine, la venlafaxine, les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) et les antidépresseurs tricycliques. Leur objectif était non seulement d’évaluer l’existence de changements précoces dans la réponse à l’antidépresseur, mais aussi de voir si ces changements précoces permettaient d’identifier les répondeurs à plus long terme. «L’amélioration se définissait comme une diminution du score sur l’échelle HAM-D-17 de ³20 %, notent les investigateurs, et la réponse était qualifiée de stable ou de rémission si elle persistait à quatre et à six semaines.»

Selon les résultats de cette analyse approfondie, environ 60 à 70 % des patients dont l’état s’est amélioré après deux semaines sous l’effet de l’antidépresseur deviennent des répondeurs à six semaines, la réponse étant définie comme une diminution de 50 % du score HAM-D. Inversement, environ 10 % seulement des patients qui ont fini par bénéficier d’une réponse ou d’une rémission ne montraient aucun signe d’amélioration précoce à deux semaines. «Dans le cas de la mirtazapine, si l’on parvient rapidement à la dose efficace de 35 à 40 mg/jour, ce pourcentage peut être encore plus faible», d’ajouter le Dr Szegedi. Par exemple, lorsque les investigateurs ont analysé les résultats des essais et comparé la mirtazapine avec la venlafaxine, ils ont constaté que moins de 2 % des patients qui avaient eu une réponse ou une rémission sous l’effet de la mirtazapine n’avaient pas eu de réponse précoce au traitement, par comparaison à 4,2 % des patients traités par la venlafaxine. «C’est un jalon très utile, fait valoir le Dr Szegedi, parce que cela permet de décider très tôt si le patient est sur la bonne voie. C’est aussi bon pour le patient parce qu’il n’a pas besoin d’attendre encore deux à quatre semaines sans raison valable.»

L’analyse du Dr Szegedi montre également que la rapidité du rétablissement ne dépend pas d’une rubrique en particulier. «Chez les patients prenant la mirtazapine, nous avons constaté non seulement un meilleur sommeil, mais aussi une amélioration de la somatisation de l’anxiété; contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’attendre d’un agent qui exerce un certain effet sédatif, le retard psychomoteur s’améliore plutôt que de s’aggraver», fait remarquer le Dr Szegedi.

L’échelle d’évaluation utilisée pour mesurer la réponse précoce ne semble pas importer non plus, car toutes les échelles semblent étayer l’importance d’une réponse précoce en tant que facteur prédictif de la réponse ultérieure. Dans cette analyse, par exemple, la réponse à l’antidépresseur a été évaluée au moyen de l’échelle MADRS (Montgomery-Asberg Depression Rating Scale) chez quelque 4000 patients. Lorsque les investigateurs limitaient leur analyse à ce sous-groupe de patients, «les résultats étaient très comparables, de sorte que l’échelle utilisée ne semble pas faire de différence; il est beaucoup plus important que la réponse soit captée par l’évaluation du clinicien», enchaîne le Dr Szegedi. De même, on n’a pas observé de différence dans la réponse au traitement chez les patients qui prenaient un médicament concomitant pour améliorer leur sommeil, «ce qui renforce la théorie voulant que l’on mesure un phénomène réel qui est perceptible très tôt», ajoute-t-il.

Étude prospective

Dans une autre étude prospective dont les résultats ont été publiés récemment et à laquelle participait le Dr Szegedi, les chercheurs ont comparé le délai d’action de la mirtazapine en comprimé oral à dissolution rapide (RD) avec celui de la venlafaxine en préparation à libération prolongée (XR) chez des patients souffrant de dépression majeure (Benkert et al. J Clin Psychopharmacol 2006;26[1]:75-8). «On croit que ces deux composés sont particulièrement efficaces en début de traitement, indique le Dr Szegedi, et l’ajustement posologique des deux médicaments a été très rapide, une dose très efficace ayant été atteinte en six jours; l’intention était de permettre aux deux médicaments de montrer leur plein potentiel le plus rapidement possible.» Le paramètre principal d’évaluation de l’efficacité était la variation moyenne du score total sur l’échelle HAM-D les jours 5, 8, 11 et 15.

Les résultats montrent que le comprimé oral à dissolution rapide était significativement plus efficace que la préparation XR (p=0,008). «En outre, le calcul du score HAM-D sans les items relatifs au sommeil s’est traduit par une réduction significative en faveur de la mirtazapine RD les jours 8 [p=0,002], 11 [p=0,004] et 22 [p=0,037]», écrivaient les investigateurs dans le résumé de l’étude qu’ils ont publié. La proportion de répondeurs, c’est-à-dire les patients dont le score HAM-D avait baissé de 50 % ou plus par rapport au score initial, était aussi plus élevée dans le groupe mirtazapine RD lors de toutes les évaluations, et un plus grand nombre de patients sont parvenus à la rémission (score HAM-D total de 7 ou moins jusqu’au jour 29) que dans le groupe préparation XR.

Dans cette étude comparative en particulier, tous les patients sans exception du groupe mirtazapine RD parmi ceux qui ont ensuite bénéficié d’une réponse ou d’une rémission avaient réagi à l’antidépresseur au cours des deux premières semaines. «C’est donc de toute évidence un médicament qui permet de déterminer avec exactitude après deux semaines si l’on doit poursuivre le même traitement, ajouter quelque chose ou carrément changer de traitement», de poursuivre le Dr Szegedi. Il précise également que, personnellement, il choisirait toujours un agent comme la mirtazapine RD ou la venlafaxine qui cible plus d’un neurotransmetteur si le patient ne parvient pas rapidement à une réponse sous l’effet d’un ISRS. «Plusieurs séries de données montrent que le pourcentage de patients qui répondent à un antidépresseur agissant sur plusieurs neurotransmetteurs – comparativement aux ISRS – est significativement plus élevé en début de traitement, de sorte que les probabilités de rétablissement sont plus fortes avec les IMAO à double action qu’avec les ISRS», dit-il. Fait intéressant à souligner, il a été démontré que l’incidence des effets indésirables est en fait plus faible lorsque la mirtazapine RD et la venlafaxine sont utilisées en association que lorsque chacun est administré en monothérapie, ajoute-t-il.

Le Dr Alan Frazer, professeur titulaire et directeur, département de pharmacologie, et professeur titulaire de pharmacologie et de psychiatrie, University of Texas Health Science Center, San Antonio, et ses collaborateurs ont rapporté que, dans le cadre de leur étude randomisée et à double insu qui comparait les délais d’action de la désipramine, de la paroxétine et d’un placebo chez des patients hospitalisés, les agents actifs avaient donné lieu à une amélioration distinctive du comportement au cours des deux premières semaines de traitement chez les patients qui répondaient au traitement après six semaines. «On n’a pas observé ce phénomène chez les patients sous placebo ni chez les non-répondeurs, de souligner le Dr Frazer. Les effets précoces spécifiques du traitement médicamenteux sont hautement prédictifs de la réponse clinique ultime aux divers antidépresseurs», conclut-il.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.