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Traitement précoce et à long terme recommandé dans la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès mondial sur le traitement et la recherche en sclérose en plaques (ACTRIMS-ECTRIMS-LACTRIMS)

Montréal, Québec / 17-20 septembre 2008

Dans le traitement de la sclérose en plaques (SEP), il a été démontré que les immunomodulateurs, commercialisés depuis maintenant une dizaine d’années, diminuent la fréquence des poussées, ralentissent la progression vers l’incapacité et réduisent la surface lésionnelle totale sur les clichés d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Des données présentées au congrès ont confirmé la pertinence d’amorcer le traitement sans délai – c’est-à-dire peu de temps après un premier épisode de démyélinisation ou un syndrome clinique isolé (SCI) – et de le poursuivre à long terme. La nécessité d’une intervention énergique chez un patient qui se sent bien après un SCI et dont la maladie semble bénigne ou d’évolution lente fait l’objet de débats. Pourtant, de plus en plus de données indiquent que le traitement permet d’agir sur la maladie, que celle-ci soit cliniquement active ou «silencieuse», et sur le déclin cognitif insidieux et possiblement dévastateur. De l’avis des conférenciers, le report du traitement pourrait se traduire par l’apparition de lésions irréversibles.

L’étude BENEFIT (Betaseron in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment) a révélé que le traitement par l’interféron bêta (IFNß)-1b en injection sous-cutanée (s.-c.) administré à des patients qui avaient eu un SCI et présentaient deux lésions cliniquement silencieuses à l’examen IRM avait réduit de moitié ou presque le risque d’un deuxième événement clinique ou d’un diagnostic de SEP selon les critères de McDonald (Kappos et al. Neurology 2006;67:1242-9). Dans le cadre de cette même étude, les patients du groupe placebo se voyaient offrir un traitement dès l’apparition d’un deuxième événement clinique ou au terme de la période comparative avec placebo, c’est-à-dire après deux ans. De ce fait, la période comparative réelle a été de un an et quatre mois, et non de deux ans, explique le Dr Mark Freedman, professeur titulaire de médecine, Université d’Ottawa, et directeur de l’unité de recherche sur la SEP, Hôpital d’Ottawa, Ontario.

L’étude ouverte et prospective subséquente a confirmé après trois ans un écart significatif de 40 % entre les deux groupes, en faveur du traitement précoce, quant au risque de SEP cliniquement certaine (SEPCC) (p=0,0011). Elle a aussi montré pour la première fois que le traitement précoce diminuait la probabilité d’incapacité —progression sur l’échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale)—de 40 % (p=0,022) (Kappos et al. Lancet 2007;370(9585):389-97). Chez les patients qui étaient dans le groupe placebo au départ, souligne le Dr Freedman, «le report du traitement a entraîné des lésions irréversibles qui se sont traduites par une progression de l’incapacité après trois ans. Bref, la première année est capitale, car la suite en dépend.»

Résultats à cinq ans de l’étude BENEFIT

Le Dr Freedman a présenté au congrès les résultats à cinq ans du suivi des sujets de l’étude BENEFIT (résumé P901). Ces résultats ont montré que le début précoce du traitement avait réduit de 37 % le risque de progression vers la SEPCC (p=0,003) et de 45 % le risque de SEP selon les critères de McDonald (p<0,0001). Ces réductions se sont traduites par un écart de plus de deux ans dans le délai de progression vers la SEPCC. Le début précoce du traitement a également eu pour conséquence une diminution significative de la fréquence annualisée des poussées (0,214 vs 0,270, p=0,0141) et une réduction significative du nombre de lésions rehaussées par le gadolinium ou visibles en T2 – c’est-à-dire des lésions étant apparues récemment ou ayant augmenté de taille – sur les clichés de l’IRM cérébrale. Au chapitre de la probabilité de progression de la cote EDSS, l’écart n’était pas significatif entre les groupes traitement précoce et différé (25 % vs 29 %, respectivement). Ce constat n’a étonné personne, précise le Dr Freedman, puisque l’étude n’avait pas la puissance statistique nécessaire pour l’évaluation de l’incapacité et que, après cinq ans, la majorité des patients recevaient un traitement pour la SEP depuis trois à cinq ans. «J’aurais été bien découragé si on avait observé un écart significatif, parce que tous les sujets du groupe placebo sont maintenant sous traitement, quoique celui-ci ait été différé.»

Le suivi à cinq ans de l’étude BENEFIT a aussi permis de déterminer que le traitement n’avait pas de répercussions négatives sur la qualité de vie des patients, ajoute le Dr Freedman. À l’aide de deux questionnaires sur la qualité de vie, note-t-il, les investigateurs ont conclu que «le début précoce du traitement n’avait imposé aucun compromis».

D’autres données présentées au congrès ont mis en évidence les avantages d’un début précoce du traitement dans la SEP. Il est en effet ressorti d’une étude sur 231 patients recevant un INFß-1a par voie intramusculaire (i.m.) que la mise en route du traitement après un seul épisode clinique de démyélinisation – par comparaison à un début plus tardif du traitement – avait réduit significativement la fréquence des poussées sur une période de un an et que les deux tiers des sujets de ce premier groupe n’avaient eu aucune poussée. Par contre, on a observé plus de poussées chez les sujets qui avaient commencé à être traités après deux épisodes, bien que la différence n’ait pas été significative (Haas et al., affiche 56).

La cognition, un paramètre pertinent

Le déclin cognitif est une réalité qui frappe jusqu’à deux patients atteints de SEP sur trois. Ses effets sont sous-estimés, principalement parce que, en général, la SEP n’altère ni le langage ni l’attention. «La SEP risque beaucoup plus d’altérer la vitesse de traitement de l’information et la mémoire épisodique ou à court terme; de même, on observe un degré intermédiaire d’altération des habiletés visuo-spatiales, de la capacité de raisonnement conceptuel et de la capacité de résolution de problèmes», explique Dr Stephen Rao, directeur, Schey Center for Cognitive Neuroimaging, Cleveland Clinic, Ohio.

La fonction cognitive devrait être évaluée plus souvent dans les essais cliniques sur le traitement de la SEP, poursuit Stephen Rao, qui souligne la corrélation médiocre entre l’incapacité physique et l’incapacité cognitive. En revanche, fait valoir le Dr Tony Traboulsee, professeur adjoint de médecine et directeur adjoint, groupe de recherche sur la SEP et l’IRM, University of British Columbia, Vancouver, on observe une bonne corrélation entre une activité marquée d’emblée à l’IRM et le déclin cognitif ultérieur. Qui plus est, la cognition est un prédicteur puissant de l’issue de la SEP. «La cognition est le meilleur prédicteur de l’incapacité. Autrement dit, les patients chez qui on note un déclin cognitif précoce sont ceux chez qui la SEP risque d’avoir le plus d’impact», ajoute le Dr Freedman. Les symptômes cognitifs influent sur la capacité fonctionnelle au quotidien et peuvent, avec le temps, avoir des conséquences désastreuses comme la perte d’un emploi ou un accident de la route. «Bref, nous avons intérêt à traiter la maladie le plus tôt possible pour prévenir pareille détérioration», enchaîne le Dr Traboulsee.

Une autre observation s’est dégagée du suivi de l’étude BENEFIT : le traitement précoce a eu des retombées positives substantielles sur la cognition telle que mesurée par le test PASAT (Paced Auditory Serial Addition Test). Un test comme celui-là ne peut évidemment pas se substituer à une batterie complète de tests neuropsychologiques, mais c’est l’un des meilleurs outils dont on dispose pour mesurer la fonction intellectuelle, affirme le Dr Freedman.

Une autre étude a démontré que le traitement par l’IFNß-1a en injection s.-c. pourrait contribuer à prévenir le déclin cognitif chez les patients atteints de SEP rémittente. Cette analyse a révélé que la proportion de patients présentant un déclin cognitif était demeurée stable pendant trois années de traitement (Patti et al., affiche 85).

Facteurs à considérer à long terme

À long terme, l’innocuité et la tolérabilité du traitement de la SEP revêtent une importance capitale, car le clinicien devra peut-être envisager l’administration chronique d’un interféron chez un jeune adulte qui vient d’avoir un SCI, note le Dr Traboulsee. Des chercheurs (Goodin [et al.] affiche 52) ont déterminé que l’administration précoce et prolongée de l’IFNß-1b était fortement corrélée avec un risque moindre d’incapacité (cote EDSS >6,0, utilisation d’un fauteuil roulant, progression vers la SEP progressive secondaire, ou décès) sur une période de 16 ans. Une incapacité peu marquée en début de traitement a également été associée à une issue plus favorable après 16 ans, fait remarquer le Dr Traboulsee. Dans une autre présentation où l’on décrivait les résultats du suivi de patients sous IFNß-1a i.m. pendant un maximum de 15 ans, les auteurs ont conclu à une incapacité moindre, à une meilleure qualité de vie et à un sentiment d’autonomie plus prononcé chez les patients qui étaient sous traitement, peu importe depuis quand, que chez ceux qui n’avaient jamais été traités ou qui avaient mis fin à leur traitement (Bermel et al., affiche 14).

Dans le cadre de l’étude BEST (Betaseron/Betaferon in Early Relapsing-Remitting Multiple Sclerosis Surveillance), le Dr Urs Pohlmann, département de neurologie, Hôpital universitaire, Bâle, Suisse, et ses co-investigateurs ont tenté de vérifier si l’issue à long terme de la maladie dans la pratique clinique s’apparentait à ce que l’on obtenait dans les essais cliniques avec randomisation. À ce jour, leurs observations – qui portent sur 3566 patients ayant reçu l’IFNß-1b (affiche 86) – montrent que, comme on pouvait s’y attendre, l’arrêt du traitement est plus fréquent en pratique que dans les essais cliniques avec randomisation. Cependant, relate le Dr Pohlmann, les résultats sont similaires au chapitre de l’efficacité. Sur une période de deux ans, la fréquence annualisée de poussées était environ deux fois moins élevée sous traitement qu’avant le traitement (0,43 vs 0,97), et il n’y avait eu ni poussée ni progression de l’incapacité chez 66 % des patients.

L’inobservance et l’abandon du traitement sont des problèmes bien connus dans la SEP. Les raisons invoquées sont nombreuses. Par exemple, explique le Dr Bernd Kieseier, professeur titulaire de neurologie et chef des consultations externes en SEP, Université Heinrich Heine, Düsseldorf, Allemagne, certains patients se sentent «confrontés à la maladie» lorsqu’ils doivent s’injecter un médicament plusieurs fois par semaine. De même, la perception d’un manque d’efficacité motive souvent l’arrêt du traitement. Une étude a révélé que 50 % des patients oubliaient de prendre leur médicament, ce qui plaide en faveur d’une évaluation plus poussée de la fonction cognitive dans la SEP, poursuit le Dr Kieseier. Il a été démontré que les techniques d’administration améliorées, comme les auto-injecteurs et les aiguilles plus fines et plus pointues, sont utiles pour favoriser l’adhésion au traitement. D’autres améliorations sont à prévoir, notamment la mise au point de médicaments pégylés qui nécessitent une administration moins fréquente et de nouvelles formes galéniques qui s’administrent par inhalation ou par voie orale.

Améliorations observées au fil du temps

Jamais depuis l’avènement des traitements de fond de la SEP n’avons-nous obtenu de si bons résultats, fait observer le Dr Freedman. «Peut-être utilisons-nous enfin ces médicaments comme ils sont censés l’être. Nous voyons nos patients plus tôt, dès la première ou la deuxième année, si bien que nous obtenons de meilleurs taux de réponse, des baisses plus marquées de la fréquence des poussées et une meilleure amélioration globale.»

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