Comptes rendus

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Traiter la triade douleur, symptômes psychologiques et troubles du sommeil

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Conférence annuelle de 2007 de la Société canadienne de la douleur

Ottawa, Ontario / 23-26 mai 2007

La douleur sévère, surtout celle qui accompagne les neuropathies, augmente considérablement l’utilisation des ressources du système de santé, la consommation de médicaments et les coûts connexes. Selon une analyse récente des données de la Régie de l’assurance maladie du Québec, les visites chez le médecin, les interventions/examens et les jours passés à l’hôpital étaient au moins deux fois plus nombreux chez les patients souffrant de douleurs neuropathiques que chez les patients souffrant de douleurs non neuropathiques (Lachaine et al. Pain Res Manage 2007;12:31-7). Comme le souligne le Dr John Clark, professeur de clinique en anesthésiologie et directeur médical, Centre de douleur chronique, University of Calgary, Alberta, le coût annuel moyen de la douleur neuropathique s’élève à plus de 10 000 $ par patient, la majeure partie provenant de la perte de travail et de l’incapacité du patient à vaquer à ses occupations quotidiennes.

Retombées psychologiques

L’incidence des souffrances psychologiques est toujours plus élevée chez les patients en proie à des douleurs chroniques que chez les patients souffrant d’autres maladies graves, dont les AVC et le cancer. La douleur, les troubles du sommeil et les symptômes psychologiques forment une triade de facteurs de comorbidité, fait remarquer le Dr Clark. Le manque de sommeil et ses séquelles (p. ex., somnolence, manque d’énergie et incapacité de se concentrer) de même que les symptômes psychologiques (p. ex., anxiété et dépression) sont courants chez les patients en proie à des douleurs et peuvent même aggraver ces dernières. Seuls ou collectivement, les éléments de la «triade de la douleur» peuvent avoir d’énormes retombées sur la vie au quotidien et la qualité de vie.

«Il semble y avoir un facteur unique qui augmente significativement l’incidence des troubles anxieux et des troubles de l’humeur chez ces patients en proie à des douleurs», fait valoir le Dr Robert Hewko, directeur clinique, Service de la douleur complexe, Vancouver General Hospital, et professeur de clinique en psychiatrie, University of British Columbia. La corrélation est maximale dans le cas de la douleur neuropathique. Dans une étude qui portait sur des patients souffrant de névralgies postzostériennes, par exemple, l’anxiété ou la dépression ont été signalées par 41 %, 55 % et 68 % des personnes souffrant de douleurs légères, modérées et sévères, respectivement (Oster et al. J Pain 2005;6:356-63). Il ressort d’études chez l’animal que la pathogenèse de ces symptômes psychologiques est liée à une altération de l’axe hypothalamo-hypophysaire et/ou du système limbique. «Compte tenu de la neurochimie qui sous-tend la douleur neuropathique, il pourrait effectivement y avoir de bonnes raisons pour expliquer l’incidence plus élevée d’anxiété et de dépression au sein de cette population», ajoute le Dr Hewko.

Le lien entre la douleur et les souffrances psychologiques est encore plus profond, car une fois bien ancrés, les symptômes psychologiques ont des retombées négatives sur le seuil de la douleur du patient et/ou sa capacité à tolérer la douleur, affirme le Dr Hewko. «Le processus commence à se retourner contre lui-même.» C’est pourquoi on obtient généralement de mauvais résultats lorsqu’on traite la douleur et les symptômes psychologiques comme des entités distinctes. «Il est très clair que pour traiter ces patients efficacement, on doit traiter les deux entités morbides simultanément [...] Une démarche thérapeutique linéaire est vouée à l’échec.» Les médicaments qui agissent à la fois contre la douleur neuropathique et les troubles psychiatriques représentent la solution idéale en pareil contexte, indique le Dr Hewko, car leur utilisation peut réduire le nombre total de médicaments nécessaires.

Conséquences du manque de sommeil

Il existe un lien semblable entre la douleur et le sommeil ou la qualité du sommeil. Les troubles du sommeil peuvent résulter directement de la douleur ou être causés par les médicaments administrés pour traiter la douleur. En particulier, il est ressorti de la recherche – et c’est là un point pertinent – que les benzodiazépines pourraient supprimer le sommeil à ondes lentes ou delta, qui est le stade le plus réparateur, précise le Dr Brian Murray, directeur du programme du sommeil, Sunnybrook Health Sciences Centre, et professeur adjoint de médecine, University of Toronto, Ontario. Les antidépresseurs tricycliques et les ISRS ont tendance à supprimer le sommeil paradoxal, tandis que les benzodiazépines et les opiacés peuvent aggraver les apnées obstructives et centrales du sommeil, respectivement.

Le manque de sommeil peut à son tour contribuer largement à la douleur, note le Dr Murray. Il a été démontré que la perte de sommeil peut intensifier la douleur de 25 % à 30 %. Une étude récente a révélé que la perte de sommeil (en particulier, la perte de sommeil paradoxal) peut induire une hyperalgésie. Des données chez l’animal semblent indiquer que le manque de sommeil pourrait entraver l’effet analgésique des opiacés. «C’est un point important auquel il faut porter attention, parce que si vous corrigez le manque de sommeil chez votre patient en proie à des douleurs complexes, vous pourrez peut-être lui offrir une autre modalité, une autre façon d’atténuer le problème [...] Un soulagement approprié de la douleur assorti d’un traitement efficace des troubles du sommeil signifie dans les faits qu’il faut cibler les deux composantes : soulager la douleur pour favoriser le sommeil et traiter les troubles du sommeil pour atténuer les symptômes douloureux», explique le Dr Murray. Dans les lignes directrices nouvellement publiées sur le traitement de la douleur neuropathique (Moulin et al. Pain Res Manage 2007;12[1]:13-21), des anticonvulsivants comme la prégabaline sont recommandés en première intention. Il a d’ailleurs été démontré qu’ils améliorent la qualité du sommeil et qu’ils atténuent la douleur.

Le Dr Clark souligne que les patients en proie à des douleurs neuropathiques pourraient présenter les trois éléments de la triade. «Une prise en charge optimale signifie qu’il faut traiter les trois composantes. Ce qui revient à dire qu’il faut cibler à la fois les facteurs de comorbidité psychiatrique et les troubles du sommeil.»

Le Dr Hewko – qui abonde dans le sens du Dr Clark – fait remarquer que même les spécialistes n’ont pas nécessairement les outils nécessaires pour travailler seuls. La meilleure solution repose souvent sur une démarche multidisciplinaire de soins intégrés dans une clinique de la douleur, enchaîne-t-il.

Délais d’attente et qualité de vie liée à la santé

Malheureusement, l’accès à ces cliniques multidisciplinaires de la douleur est souvent difficile pour les patients du Canada. Le projet de recherche STOP-PAIN a permis de déterminer qu’il y a une centaine de centres publics et non publics de traitement de la douleur au Canada, dont 80 % sont situés dans les grands centres urbains. Il n’y en a aucun à l’Île-du-Prince-Édouard ou dans les Territoires du Nord. Bien que la médiane du délai d’attente soit de huit semaines pour l’obtention d’un rendez-vous, le délai peut varier entre 0 et 260 semaines, ce qui est ahurissant. Le principal élément des délais d’attente est le financement, note le Dr Philip Peng, département d’anesthésie, Toronto Western Hospital, et professeur adjoint, University of Toronto. Dans les centres publics, le délai d’attente se chiffre en moyenne à six mois, mais il est supérieur à un an dans le tiers des établissements. Dans les établissements qui ne relèvent pas du secteur public, le délai est de deux semaines en moyenne, et 90 % rapportent un temps d’attente inférieur à deux mois. «Un grand nombre de patients en proie à des douleurs n’ont pas suffisamment de ressources pour soulager leur douleur, conclut-il. [De nombreuses cliniques publiques de la douleur] ne sont pas en mesure de permettre un accès raisonnable aux soins ni d’offrir un temps d’attente raisonnable pour une première consultation.»

Le groupe de travail de la Société canadienne de la douleur (SCD) sur les délais d’attente a vu le jour parce que la douleur chronique – même si elle affecte jusqu’à un million de Canadiens – ne figure pas sur la liste des priorités citées par le gouvernement fédéral dans son plan de 10 ans pour réduire les délais d’attente dans le système de santé. Son objectif était de déterminer les retombées de l’attente d’un traitement approprié de la douleur, explique la Dre Mary Lynch, directrice de la recherche, unité de traitement de la douleur, Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse. Le groupe de travail a confirmé qu’un temps d’attente de six mois ou plus se solde par une importante diminution de la qualité de vie et du bien-être psychologique. Certaines études ont objectivé une détérioration après un délai de cinq semaines à peine. En fait, poursuit la Dre Lynch, les souffrances des patients pourraient être sous-estimées, puisque la période d’attente de six mois commence à partir du moment où le patient essaie d’avoir un premier rendez-vous et non à partir du moment où apparaît la douleur. «Nos estimations sont très prudentes», indique-t-elle. La SCD prévoit demander au gouvernement fédéral de considérer le temps d’attente pour le traitement de la douleur chronique comme une priorité du système de santé à l’échelle nationale. Elle espère aussi avoir la collaboration de l’International Association for the Study of Pain pour obtenir d’autres données sur les retombées cliniques de l’attente d’un traitement approprié de la douleur.

Résumé

La douleur chronique, surtout celle qui découle de processus neuropathiques, constitue un défi clinique. Les facteurs de comorbidité sont courants, et leur traitement concomitant est un élément crucial de la prise en charge. Bien que la consultation d’une équipe multidisciplinaire dans une clinique de la douleur soit souvent idéale pour le patient en proie à des douleurs compliquées, l’accès à ces établissements au moment opportun est souvent difficile. Les nouvelles lignes directrices sur la douleur neuropathique peuvent aider le clinicien à prendre les mesures nécessaires au moment opportun et à prescrire les agents appropriés pour soulager les symptômes du patient, idéalement le plus tôt possible après leur apparition.

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