Comptes rendus

Traiter la triade douleur, symptômes psychologiques et troubles du sommeil
Reflux gastro-oesophagien : Le lien entre la suppression de l’acidité gastrique et la cicatrisation des lésions

Pour réduire le risque à vie d’événement cardiovasculaire : modification précoce et intensive des facteurs de risque

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2006

Vancouver, Colombie-Britannique / 21-25 octobre 2006

Dans le contexte d’une prise en charge à vie de l’athérosclérose, il serait beaucoup plus bénéfique et efficient de corriger les facteurs de risque tôt, avant que la maladie cardiovasculaire (CV) ne devienne symptomatique, que d’offrir des stratégies énergiques et coûteuses aux patients dont la maladie avancée se manifeste cliniquement, estime le Dr John Deanfield, professeur titulaire de cardiologie, University College, Londres, Royaume-Uni. «Si vous traitez uniquement les patients qui présentent des symptômes, vous ratez l’occasion de traiter un grand nombre de personnes qui deviendront malades et mourront de cette maladie sans passer par le système de santé», fait-il valoir. Chez environ 60 % des hommes et 40 % des femmes, la première manifestation de l’athérosclérose est un infarctus du myocarde (IM) mortel ou la mort subite.

La théorie voulant que l’athérosclérose offre de grandes possibilités d’intervention préclinique n’est pas nouvelle, car des études reposant sur l’échographie endovasculaire ont déjà confirmé le début précoce de l’athérosclérose dans les coronaires.

Il a été démontré que les lésions s’accumulent dans les coronaires non seulement en tapissant la lumière de l’artère – ce qui survient à un stade très avancé de la maladie, note le Dr Deanfield – mais aussi en élargissant les artères vers l’extérieur pendant des dizaines d’années, processus morbide que l’on ne peut pas voir à l’angiographie. Fait important à souligner, des autopsies ont confirmé que plus de 85 % des personnes de 50 ans et plus décédées de causes autres qu’une maladie CV présentaient une athérosclérose importante dans les artères.

Pour une intervention précoce

L’interaction entre les facteurs de risque classiques et la paroi artérielle – que l’on observe dès les tout premiers stades de la maladie – plaide aussi en faveur d’une «prise en charge à vie». Chez une personne qui atteint l’âge de 50 ans et dont les facteurs de risque sont «sous contrôle», le risque d’AVC ou d’IM au cours des 25 années subséquentes est d’environ 5 %, souligne le Dr Deanfield. Inversement, si cette personne atteint l’âge de 50 ans en ayant deux facteurs de risque ou plus «mal maîtrisés», le risque à vie d’événement CV est de 69 %. «Les interactions précliniques entre les facteurs de risque et la paroi vasculaire contribuent étroitement à la survenue d’un événement CV», observe-t-il. Les lignes directrices sur les dyslipidémies – qui indiquent le moment optimal pour intervenir et les cibles lipidiques – sont utiles, mais elles sont fondées sur une estimation du risque d’événement CV à court terme (sur 10 ans), lequel est souvent considérablement plus faible que le risque à vie.

L’avènement des statines a contribué à abaisser la fréquence des événements CV chez les adultes qui semblent à risque de maladie CV ou qui en présentent déjà les signes cliniques. Pourtant, fait valoir le Dr Deanfield, «elles ne réduisent le risque que de 30 % parce que le traitement est instauré trop tard dans l’évolution naturelle de la maladie pour corriger les facteurs de risque». Si les mêmes agents commençaient à être administrés à l’âge de 40 ans plutôt qu’à l’âge de 70 ans, «l’intervention précoce aurait probablement un effet bénéfique deux fois plus marqué, ajoute-t-il. L’intervention précoce optimise les gains ultérieurs» (Figure 1).

Figure 1. Bénéfice d’une intervention précoce


Le Dr Deanfield a qualifié de «stupéfiantes» les retombées économiques du traitement de la maladie coronarienne symptomatique, la majeure partie des frais étant consacrée au traitement des manifestations cliniques tardives de l’athérosclérose plutôt qu’à la correction des facteurs de risque qui sous-tendent l’évolution de la maladie. Or, ces facteurs de risque qui conduisent aux manifestations coronariennes de l’athérosclérose sont parfaitement modifiables, comme l’a montré l’étude INTERHEART (Lancet 2004;364[9438]:937-52). Lors de cette étude, le facteur prédictif le plus important d’un IM à l’échelle planétaire était le ratio apoB:apoA1, suivi du tabac et du stress. En effet, l’étude INTERHEART a permis de constater que neuf facteurs de risque modifiables expliquaient 90 % des IM aigus chez les hommes et 94 % des IM aigus chez les femmes (Figure 2).

Fi
isque des maladies CV

<img677|center>

«On doit investir dans ses artères tout comme on investit dans son régime de retraite, souligne le Dr Deanfield. Nous avons beaucoup de connaissances sur l’étiologie de la maladie, mais nous devons modifier notre démarche thérapeutique de façon à réduire la morbidité et la mortalité qui en découlent. Autrement, l’augmentation des facteurs de risque au sein de la population générale menace de contrebalancer toutes les améliorations que nous avons apportées à notre pratique clinique dans le passé.»

Modification des habitudes de vie : la clé

La réduction du risque de maladie CV ne doit pas reposer uniquement sur la pharmacothérapie, rappelle le Dr Jean-Claude Tardif, directeur, Centre de recherche, Institut de cardiologie de Montréal, Québec. La modification des habitudes de vie est essentielle à la réduction du risque. Il a, en effet, été démontré à maintes reprises qu’une meilleure alimentation en quantité moindre, une intensification de l’activité physique et, surtout, l’abandon du tabac ont un retentissement majeur sur le risque d’événement CV. Cela dit, la motivation du patient demeure le plus grand défi à relever pour faire changer les habitudes de vie.

Au dire du Dr Nigel Flook, professeur agrégé de clinique en médecine familiale, University of Alberta, Edmonton, une bonne attitude est primordiale. «Nous devons demander au patient quelles sont ses intentions et ses priorités et nous retenir de lui dire quoi faire», insiste-t-il. Le médecin doit par ailleurs évaluer le stade où en est le patient : Réfléchit-il? Fait-il l’autruche? Est-il prêt à agir mais ne sait pas comment y arriver? En est-il à l’étape de la mise en œuvre, du maintien ou de la rechute? «Si vous écoutez ce que le patient vous dit et lui posez des questions ouvertes, il vous révélera où il en est dans le processus», explique le Dr Flook.

Le médecin peut aussi propulser le patient vers l’étape suivante en l’aidant à identifier et à apprécier les avantages qu’il tirerait d’une nouvelle habitude de vie et en repérant les obstacles qui pourraient nuire à la mise en application du nouveau comportement. Le patient doit être à la fois persuadé de l’utilité du changement qu’il s’apprête à opérer et confiant qu’il peut y parvenir. De l’avis du Dr Flook, c’est en amenant le patient à voir de façon très concrète et pratique comment il tirerait avantage d’une nouvelle habitude de vie que l’on obtient les meilleurs résultats.

Abandon du tabac

Certes, les conseils du médecin contribuent à la motivation du patient, quelle que soit l’habitude de vie à modifier, mais quand le défi est très difficile à relever comme c’est le cas pour l’abandon du tabac, la médication est souvent nécessaire. Selon les données à notre disposition, la varenicline, agoniste partiel et sélectif des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, semble augmenter significativement les taux d’abstinence chez les personnes qui viennent de cesser de fumer.

Dans le cadre d’un essai randomisé et comparatif cité par le Dr Tardif, 1927 fumeurs ont reçu la varenicline (ajustement posologique progressif jusqu’à 1 mg b.i.d.) en mode ouvert pendant 12 semaines. Les résultats ont montré que 64,1 % des sujets ne fumaient pas ni ne prenaient de médicaments de substitution du tabac ou de la nicotine lors de la dernière semaine de traitement. De ces patients, environ le tiers ont été de nouveau randomisés de façon à recevoir le traitement ou un placebo pendant 12 autres semaines et ont été suivis pendant les 52 semaines suivant la mise en route du traitement.

Le principal paramètre d’évaluation était l’abstinence continue confirmée par la mesure du monoxyde de carbone jusqu’à la semaine 24 et des semaines 13 à 52 de l’étude. Pendant les semaines 13 à 24, le taux d’abstinence était significativement plus élevé dans le groupe varenicline (70,6 %) que dans le g
) (p<0,001) (Figure 3).

Figure 3. Taux d’abstinence soutenue

<img678|center>

Des semaines 13 à 52, le taux d’abstinence était aussi plus élevé dans le groupe varenicline (44 % vs 37,1 % dans le groupe placebo; p=0,0126). Au chapitre des effets indésirables, les chercheurs n’ont observé aucune différence entre les deux groupes pendant la période à double insu de l’étude.

«En tant que médecins, nous essayons tous d’amener nos patients à faire des changements importants, poursuit le Dr Flook. Si nous pouvons leur proposer des stratégies qui les aideront à surmonter les obstacles au changement, ils n’en seront que mieux habilités à réussir.»

Mise à jour des lignes directrices sur les dyslipidémies

La Dre Ruth McPherson, professeure titulaire de médecine et de biochimie, Université d’Ottawa, Ontario – qui représentait le groupe de travail canadien ayant formulé les nouvelles lignes directrices de 2006 sur les dyslipidémies – reconnaît «que nous manquons un peu de perspicacité en nous limitant au risque à court terme». Néanmoins, dans les toutes nouvelles lignes directrices, on préconise de nouvelles cibles à la fois pour le taux de C-LDL et le ratio cholestérol total (CT):C-HDL. En présence d’une maladie vasculaire ou d’un diabète de type 2 avérés, le taux cible de C-LDL doit maintenant être <2,0 mmol/L. Cette nouvelle cible est fondée sur les résultats d’études comme TNT, lors de laquelle l’atorvastatine à forte dose a réduit l’incidence des événements coronariens majeurs de 22 % par rapport à la dose standard. En outre, le ratio CT:C-HDL doit être <4 chez les patients à risque élevé, précise la Dre McPherson. Idéalement, le taux de C-LDL doit être abaissé d’au moins 50 % par rapport au taux initial. Chez les patients exposés à un risque modéré, le médecin doit intervenir lorsque le taux de C-LDL est ³3,5 mmol/L ou que le ratio CT:C-HDL est ³5. Chez les patients exposés à un faible risque, les seuils d’intervention sont un taux de C-LDL ³5,0 mmol/L et un ratio CT:C-HDL ³6.

Par ailleurs, on recommande dans les nouvelles lignes directrices d’augmenter la dose de la statine initiale jusqu’à la dose maximale, puis d’ajouter un deuxième agent, tel l’ézétimibe, si les cibles lipidiques ne sont pas atteintes. On parle beaucoup de l’effet des statines sur l’incidence des événements coronariens, mais on ne doit pas oublier qu’elles abaissent aussi l’incidence des événements vasculaires cérébraux.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’entretiens avec les médecins suivants pendant les séances scientifiques : la Dre Ruth McPherson, professeure titulaire de médecine et de biochimie, Université d’Ottawa, Ontario; le Dr John Deanfield, professeur titulaire de cardiologie, University College, Londres, Royaume-Uni; et le Dr Nigel Flook, professeur agrégé de clinique en médecine familiale, University of Alberta, Edmonton.

Q : Quelle est l’influence de la génétique sur les facteurs de risque CV traditionnels?

Dre McPherson : La plupart des facteurs de risque sont déterminés en partie par la génétique. Par exemple, le score de Framingham du risque sur 10 ans doit être doublé en présence d’antécédents familiaux, c’est-à-dire des antécédents de maladie coronarienne avant l’âge de 55 ans chez l’homme et de 65 ans chez la femme chez un parent du premier degré.

Q : À votre avis, les lignes directrices fondées sur le risque de maladie CV sur 10 ans pour stratifier le risque coupent-elles court aux bienfaits éventuels d’une intervention plus précoce?

Dr Deanfield : Oui. Les types standard d’évaluation des facteurs de risque nous amènent à ne pas traiter les jeunes patients à risque aux stades plus précoces de la maladie, parce que l’âge est le plus important des facteurs contributifs du risque absolu. Prenons les statines comme exemple : elles étaient censées être la panacée pour réduire le risque de maladie CV et, pourtant, nous sommes déçus de voir que malgré leur utilisation répandue, elles ne réduisent le risque de maladie CV que de 30 %. En vérité, c’est que nous instaurons le traitement trop tard dans l’évolution naturelle de la maladie. Plus on traite longtemps, meilleurs sont les résultats.

Q : Les jeunes fumeurs ne se rendent peut-être pas compte qu’ils s’exposent au risque d’événement CV. Comment les amenez-vous à cesser de fumer?

Dr Flook : Il faut lorgner le côté affectif en explorant les avantages personnels d’une décision comme l’abandon du tabac. Les jeunes fumeurs, par exemple, aiment bien que leurs nouvelles fringues ou leur haleine n’empestent pas le tabac.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.