Comptes rendus

Prise en charge de la dépendance aux opioïdes dans un contexte de soins primaires
Retombées de l’insuline en inhalation sur la maîtrise de la glycémie

Traiter la triade symptômes du bas appareil urinaire, vessie hyperactive et hypertrophie bénigne de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

102e Assemblée annuelle de l’American Urological Association

Anaheim, Californie / 19-24 mai 2007

Comme l’expliquait le Dr Alexis E. Te, directeur, Brady Prostate Center, codirecteur de l’urodynamique, New York Presbyterian Hospital, et professeur agrégé d’urologie, Weill Medical College, Cornell University, New York, au congrès de l’American Urological Association (AUA), les physiopathologies de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) et des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) sont inextricablement liées.

Physiopathologie

Les modifications du volume et du tonus musculaire de la prostate ont un retentissement sur l’écoulement de l’urine, l’urètre pouvant alors se trouver sténosé et la vidange vésicale, obstruée. Cette obstruction urodynamique fonctionnelle entraîne au niveau de la vessie des changements compensatoires, notamment une augmentation de la pression intravésicale, afin de parer à l’obstruction. Cette augmentation de la pression entraîne une hypertrophie progressive du détrusor et, avec le temps, une diminution de la compliance et de la contenance. L’hyperactivité du détrusor peut résulter d’un processus similaire.

Les SBAU et l’hyperactivité vésicale partagent certaines caractéristiques physiopathologiques. De plus en plus de données semblent indiquer que les SBAU résultent de l’obstruction du col de la vessie, laquelle peut aussi être à l’origine d’une instabilité du détrusor et de symptômes d’hyperactivité vésicale (Kaplan SA. Rev Urol 2006;8:14-22; Mirone et al. Eur Urol 2007;51:57-66; Greenland JE, Brading AF. J Urol 2001;165:245-8; Harrison et al. Br J Urol 1987;60:519-22).

L’International Continence Society définit l’hyperactivité vésicale comme des épisodes d’urgence mictionnelle avec ou sans incontinence d’urgence, généralement accompagnés de pollakiurie et de nycturie (Abrams et al. Neurourol Urodyn 2002;21:167-78). Le symptôme clé qui signe la vessie hyperactive est l’urgence mictionnelle, qui demeure difficile à définir, même pour les experts en la matière.

La vessie hyperactive n’est pas propre au sexe féminin

On a longtemps considéré que la vessie hyperactive relevait de la santé des femmes et la recherche dans le domaine était orientée en ce sens, note le Dr Claus Roehrborn, professeur titulaire et directeur, département d’urologie, University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas. Des études récentes ont toutefois montré de façon concluante que la vessie hyperactive touche autant les hommes que les femmes.

«En fait, la vessie hyperactive pourrait être aussi courante chez l’homme que chez la femme, et semble aussi incommodante pour un sexe que pour l’autre», précise-t-il.

Une enquête menée dans quatre pays a objectivé une prévalence croissante de l’incontinence urinaire chez l’homme de même qu’une utilisation croissante de serviettes absorbantes (Boyle et al. BJU Int 2003;92:943-7). L’étude a aussi révélé que les symptômes liés à l’urgence mictionnelle étaient ceux qui avaient le plus de retombées sur la qualité de vie.

«En fait, certaines données indiquent que l’urgence mictionnelle nuit davantage à la qualité de vie liée à la santé chez l’homme que chez la femme», fait valoir le Dr Roehrborn.

La prévalence de l’urgence mictionnelle et de l’incontinence chez l’homme pourrait être sous-estimée, poursuit-il. L’enquête menée dans quatre pays a permis de constater que de nombreux hommes sont réticents à parler d’incontinence, de serviettes absorbantes et de questions connexes avec leur médecin.

Une étude sur l’incontinence urinaire, la vessie hyperactive et les SBAU qui s’est déroulée dans cinq pays a mis en lumière le même tableau clinique chez près des deux tiers des sujets de l’étude (Irwin et al. Eur Urol 2006;50:1306-14). Bien que les SBAU chez l’homme soient généralement associés à des troubles mictionnels, l’examen de la prévalence des SBAU dans le cadre de l’analyse englobant cinq pays a montré que plus de 50 % des hommes sondés avaient rapporté des problèmes liés à la rétention et que la moitié de ces hommes avaient rapporté des problèmes mictionnels.

Les problèmes de rétention et de miction vont souvent de pair, confirme le Dr Roehrborn. Lors d’une étude récente, environ les deux tiers des hommes ont signalé qu’ils étaient aux prises avec les deux types de symptômes (Abrams et al. Urology 2003;61:28-37).

Retombées thérapeutiques

Dans le passé, les cliniciens avaient deux options pour traiter les symptômes urinaires secondaires à l’HBP : les alpha-bloquants et les inhibiteurs de la 5-alpha réductase (I5AR). Ces deux classes sont reconnues pour leur efficacité dans le traitement des SBAU chez l’homme, mais l’étude phare VA Cooperative Study semblait avoir sonné le glas des I5AR dans ce domaine thérapeutique (Lepor et al. N Engl J Med 1996;335:533-8). En effet, il est ressorti de cet essai que le traitement par un alpha-bloquant atténuait significativement les symptômes urinaires par rapport à un placebo, contrairement au traitement par un I5AR, souligne le Dr Roehrborn. De plus, l’association d’un I5AR et d’un alpha-bloquant ne semblait pas soulager les symptômes de façon plus marquée qu’un alpha-bloquant seul.

Cela dit, le Dr Roehrborn a ensuite effectué une méta-analyse d’essais sur les I5AR et a constaté que le finastéride (alors le seul représentant de la classe des I5AR) soulageait efficacement les symptômes urinaires chez les hommes sélectionnés de façon appropriée, c’est-à-dire les hommes dont la prostate était volumineuse (Roehrborn C. Urology 1998;51:46-9). Or, la VA Cooperative Study ciblait des hommes dont la prostate était de petite taille.

La méta-analyse a été suivie de la publication des résultats de l’étude MTOPS (Medical Therapy for Prostatic Symptoms), qui a permis de constater qu’un I5AR, un alpha-bloquant ou l’association des deux prévenaient la progression des symptômes de l’HBP. Cependant, seuls l’I5AR et l’association ont pu prévenir la progression des symptômes vers les complications les plus graves de l’HBP, à savoir la rétention urinaire aiguë et le recours obligatoire à un traitement invasif (McConnell et al. N Engl J Med 2003;349:2387-93).

«Le suivi de la VA Cooperative Study était de plus courte durée que celui de l’essai MTOPS, explique le Dr Roehrborn. Le suivi plus long a mis en évidence les bienfaits à long terme du traitement d’association, ce que la VA Cooperative Study ne pouvait pas faire ressortir.»

Place croissante aux antimuscariniques

L’observation selon laquelle la vessie hyperactive frappe autant les hommes que les femmes a soulevé beaucoup de questions sur les traitements existants. Plus précisément, on se demandait si un agent utilisé pour traiter la vessie hyperactive chez la femme serait aussi efficace chez l’homme. Une réponse affirmative ferme s’est dégagée d’études sur la toltérodine, précise le Dr Steven A. Kaplan, chef, Institute for Bladder and Prostate Health, New York Presbyterian Hospital, et professeur titulaire d’urologie, Weill Medical College.

Lors d’une étude préliminaire, la doxazosine, un alpha-bloquant, a été évaluée avec et sans toltérodine chez des hommes présentant une obstruction symptomatique du col vésical et une vessie hyperactive (Lee et al. BJU Int 2004;94:817-20). Les résultats ont révélé que près des trois quarts des hommes présentant une obstruction du col vésical et une hyperactivité vésicale ne répondant pas à la doxazosine seule avaient bénéficié d’un soulagement important de leurs symptômes lorsque la toltérodine était ajoutée. Il a cité une étude clinique similaire menée en Grèce dont les résultats avaient été comparables (Athanasopoulos AA, Perimenis PS. BJU Int 2005;95:1117-8).

Résultats du traitement d’association

Il est ensuite ressorti d’un certain nombre d’études que la toltérodine était efficace chez les hommes souffrant d’hyperactivité vésicale. Plus récemment, les Drs Kaplan et Roehrborn et leurs collaborateurs se sont dits encouragés par les résultats qu’ils observaient lorsque l’antimuscarinique était utilisé en association avec un alpha-bloquant, la tamsulosine, pour traiter les SBAU et la vessie hyperactive chez l’homme (Kaplan et al. JAMA 2006;296:2319-28).

«Nous avons maintenant des données très solides indiquant que la toltérodine peut soulager les SBAU et la vessie hyperactive chez l’homme et qu’elle est bien tolérée», affirme le Dr Kaplan.

Le Dr Kaplan et ses collègues ont discuté de l’effet de la préparation à libération prolongée, avec ou sans tamsulosine, sur les variables de la fonction vésicale chez des hommes présentant des SBAU, dont une vessie hyperactive. L’étude à quatre groupes réunissait près de 900 hommes souffrant d’HBP et d’hyperactivité vésicale qui, après randomisation, recevaient pendant 12 semaines un placebo, la toltérodine, la tamsulosine ou l’association tamsulosine/toltérodine. Le paramètre principal était le bénéfice du traitement à 12 semaines.

Les paramètres évalués étaient le nombre d’épisodes d’urgence mictionnelle, le nombre d’épisodes d’incontinence d’urgence et le nombre de mictions par période de 24 heures ainsi que le nombre de mictions par nuit. Les deux monothérapies se sont révélées efficaces par rapport au placebo, mais c’est l’association qui a donné les résultats les plus robustes et les plus constants. «Ces données laissent entendre que les hommes présentant des SBAU, y compris une vessie hyperactive, pourraient bénéficier davantage d’un double traitement par un antagoniste des récepteurs alpha-adrénergiques et un antimuscarinique que de l’un ou l’autre agent administré seul», conclut le Dr Kaplan.

De la même étude, le Dr Roehrborn a présenté les effets du traitement sur le score IPSS (International Prostate Symptom Score) (Tableau 1). La variation du score IPSS à 12 semaines était un paramètre secondaire; les patients devaient préciser la fréquence à laquelle ils étaient incommodés par sept SBAU sur une échelle de 0 (pas du tout) à 5 (à peu près toujours). En outre, ils devaient répondre à la question suivante sur la qualité de vie : «Si vous deviez passer le reste de votre vie avec vos symptômes urinaires actuels, qu’en penseriez-vous?» Les réponses variaient entre 0 (très heureux) à 6 (insupportable).

Tableau 1. Score IPSS


Au terme de l’étude, l’association de la toltérodine et de la tamsulosine avait amélioré significativement le score IPSS total et le sous-score rétention par rapport au placebo. La tamsulosine en monothérapie avait pour sa part amélioré significativement le score total et le sous-score miction. Le traitement d’association a aussi amélioré significativement tous les symptômes rétentionnels.

Tous les traitements actifs ont été bien tolérés. L’incidence de la rétention aiguë était faible chez les hommes traités par la toltérodine, seule ou en association avec la tamsulosine.

«Selon le score IPSS, seule l’association a amélioré significativement la qualité de vie par rapport au placebo, fait remarquer le Dr Roehrborn. Sur la foi de ces résultats, nous pouvons conclure que le traitement par la toltérodine et la tamsulosine atténue significativement les SBAU et la gêne qui en découle.»

Une troisième analyse a été présentée à la rencontre de la World Chinese Urological Society qui se tenait en marge du congrès de l’AUA. Le Dr Zhonghong Guan, chercheur de New York, New York, a présenté la mise à jour des données rapportées l’année dernière par Kaplan et ses collaborateurs (Kaplan et al. JAMA 2006).

La mise à jour a confirmé l’efficacité de la toltérodine chez les hommes présentant une HBP et des SBAU, que l’agent antimuscarinique ait été administré seul ou en association avec la tamsulosine.

Le Dr Guan précise que, par rapport au placebo, les meilleurs résultats ont été obtenus avec le traitement d’association. La toltérodine en monothérapie était plus efficace qu’un placebo sur le plan des épisodes d’incontinence urinaire d’urgence, tandis que la tamsulosine était supérieure au placebo sur les plans du score IPSS total et du sous-score miction. Les résultats ont aussi permis de constater que la toltérodine était efficace chez l’homme sans égard au volume de la prostate, indique-t-il.

Autres stratégies

Outre les antimuscariniques, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, qui sont largement utilisés dans le traitement de la dysfonction érectile, suscitent de l’intérêt dans le traitement des SBAU et de la vessie hyperactive. Cet intérêt découle de données montrant que les SBAU secondaires à l’HBP et à la dysfonction érectile pourraient partager une voie physiopathologique commune, explique le Dr Kevin McVary, Center for Genetic Medicine, professeur agrégé d’urologie, Northwestern University, Chicago, Illinois.

Au congrès de l’AUA, le Dr McVary a rapporté les résultats d’un essai clinique multicentrique et comparatif avec placebo sur le sildénafil chez des hommes qui présentaient à la fois une dysfonction érectile et des SBAU concomitants d’intensité modérée ou sévère. Les patients recevaient un placebo ou 50 mg de sildénafil chaque soir ou une heure avant une relation sexuelle. Après 12 semaines de traitement, on a noté une diminution de 16 % des sujets présentant des SBAU sévères dans le groupe de traitement actif vs une diminution de 4 % dans le groupe placebo. Parmi les patients présentant des SBAU modérés à leur admission à l’étude, 57 % des sujets du groupe de traitement actif avaient des symptômes bénins au terme de l’étude, par comparaison à 36 % des sujets du groupe placebo (p<0,0001). Le débit urinaire maximal ne s’est pas amélioré sous l’effet du traitement.

«La diminution des SBAU était corrélée avec l’amélioration des scores de la fonction érectile, d’enchaîner le Dr McVary. Bien que cet essai n’ait pas comparé deux traitements actifs, l’amélioration du score IPSS chez les hommes présentant des SBAU modérés à sévères semble comparable à l’amélioration qui découle d’alpha-bloquants et d’I5AR.»

En outre, les chercheurs ont présenté des études cliniques sur le tadalafil et le vardénafil dont les résultats dénotent une efficacité dans le traitement des SBAU. L’étude sur le vardénafil portait sur des hommes qui n’avaient pas d’antécédents de dysfonction érectile au départ.

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