Comptes rendus

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Vers une charge virale indécelable chez les patients au lourd passé thérapeutique

Troubles gastro-intestinaux liés à l’acidité gastrique : des symptômes qui se recoupent

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 14e Congrès de la Fédération européenne de gastroentérologie (UEGW)

Berlin, Allemagne / 21-25 octobre 2006

Le soulagement du pyrosis ne suffit pas

En présence d’un patient qui se plaint de brûlures d’estomac, un diagnostic de reflux gastro-œsophagien (RGO), qu’il succède ou non à une endoscopie, signe habituellement le début d’un traitement anti-acide. Cependant, le clinicien qui prescrit un inhibiteur de la pompe à protons (IPP), très efficace contre le pyrosis, ne doit pas pour autant perdre de vue les autres manifestations du RGO. Ces autres symptômes, par exemple les troubles du sommeil et les nausées, ont été plutôt négligés par le passé. Toutefois, grâce à de nouveaux outils, on peut maintenant évaluer de manière objective et reproductible un large éventail de symptômes connexes, et apprécier ainsi de façon systématique l’effet du traitement sur la qualité de vie (QdV). C’est là une démarche essentielle vers une prise en charge plus efficace.

«On associe d’office le RGO au pyrosis et à la régurgitation acide, mais on néglige souvent la vaste gamme de symptômes gastro-intestinaux (GI) qui l’accompagne», observe le Dr Juan Malagelada, Hôpital général Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne. Cette omission n’est pas dénuée d’importance sur le plan clinique, car «les autres manifestations GI ont un retentissement de taille sur la QdV liée à la santé».

Ces propos se fondent sur des données objectives issues d’études sur les symptômes du RGO menées à l’aide des outils ReQuest et GERDyzer. Ces deux instruments validés rendent compte d’un ensemble de manifestations qui déborde largement le cadre symptomatologique habituel du RGO. Ils sont nés l’un comme l’autre du désir de rehausser la QdV globale des patients atteints de RGO. Comme le souligne le Dr Malagelada, le soulagement du pyrosis ne représente souvent qu’une étape du processus de la guérison aux yeux du patient, seul véritable juge des bienfaits cliniques.

Évaluation des données

Lors de l’évaluation la plus récente des méthodes ReQuest et GERDyzer, on a analysé les données de 578 patients sous pantoprazole et de 452 patients sous esoméprazole, deux IPP, traités dans le cadre d’essais cliniques échelonnés sur plus de deux ans. Les deux groupes ont reçu une dose de 40 mg par jour. Le GERDyzer, bref questionnaire d’auto-évaluation de 10 composantes de la QdV, et le ReQuest, questionnaire plus approfondi permettant d’évaluer 67 symptômes sous divers aspects, ont tous les deux fait l’objet d’une analyse de covariance. Celle-ci a porté sur des troubles GI tels que les malaises liés à l’acidité gastrique, les manifestations abdominales hautes et les nausées. Les résultats mettent en lumière l’influence appréciable de toutes les composantes ReQuest sur le score GERDyzer global, confirmant à quel point les symptômes autres que les renvois acides alourdissent le fardeau du RGO.

On a également comparé, à partir de ces mêmes données, les effets du traitement sur divers paramètres cliniques, notamment la rapidité de la régression des symptômes et l’apaisement des manifestations nocturnes du RGO. À l’aide de l’information recueillie par les méthodes ReQuest et GERDyzer, on a jugé de l’évolution des manifestations au fil du traitement en regard des symptômes de départ, recensés pendant trois jours en période préliminaire, soit avant le début du traitement. Dans l’étude de la rapidité du soulagement, les données de départ ont confirmé le retentissement des renvois acides sur le bien-être du patient.

«La fréquence et l’intensité élevées des épisodes d’acidité [en période préliminaire] ont toutes les deux diminué la QdV de manière très significative [p<0,0001], rapporte le Dr Gerald Holtman, Royal Adelaide Hospital, Australie. Plus les épisodes d’acidité étaient nombreux, ajoute-t-il, plus le score GERDyzer global moyen s’élevait. Autrement dit, la QdV liée à la santé était inversement proportionnelle au nombre d’épisodes d’acidité.»

Intensité mesurable des épisodes d’acidité

Après le premier jour de traitement, le nombre moyen d’épisodes d’acidité avait diminué de 1,3 dans le groupe pantoprazole et de 1,1 dans le groupe esoméprazole (p=0,0491); quant à l’intensité moyenne de ces épisodes, elle s’était atténuée de 1,4 pour le pantoprazole et de 1,1 pour l’esoméprazole (p=0,0035). Selon le Dr Holtman, il faut nécessairement tenir compte tant de la fréquence que de l’intensité des épisodes d’acidité pour juger des répercussions sur la QdV, ce que la méthode GERDyzer avait d’ailleurs permis de constater. Le pantoprazole a agi plus rapidement que l’esoméprazole, différence attendue compte tenu du comportement pharmacocinétique de ces deux IPP. Cela dit, le grand mérite de cette étude est de montrer que dès le premier jour, on peut mieux juger des résultats du traitement en considérant le score de QdV global plutôt que le retentissement d’un seul symptôme.

En ce qui concerne les troubles du sommeil, on a comparé les traitements au bout de quatre semaines. Les patients ont dû se prononcer sur la qualité de leur sommeil à l’aide du GERDyzer. Au départ, 10,3 % des sujets seulement disaient «bien dormir». Après quatre semaines, cette proportion avait grimpé à 80,4 % dans le groupe pantoprazole et à 65,3 % dans le groupe esoméprazole (p<0,0001). Ce n’est pas la première fois que le pantoprazole fait montre de sa grande efficacité contre les troubles du sommeil; mais ici encore, ce qu’il faut retenir, c’est que la qualité du sommeil ne représente qu’un seul des multiples paramètres à mesurer pour déterminer si le traitement met le patient sur la voie de la rémission complète plutôt que de soulager uniquement son principal symptôme.

«Les symptômes du RGO peuvent surgir à tout moment; lorsqu’ils apparaissent en pleine nuit, ils ont des effets sous-estimés sur la QdV. Les manifestations nocturnes qui nuisent au sommeil et au fonctionnement du patient le lendemain ont été associées à de la somnolence diurne et à une baisse de la productivité au travail», fait valoir le Dr Kenneth R. De Vault, Mayo Clinic, Jacksonville, Floride. Principal auteur de l’analyse du sommeil, il souligne que les méthodes ReQuest et GERDyzer sont des outils de recherche clinique dotés d’une grande sensibilité et que le sommeil n’est qu’une des nombreuses composantes auxquelles on doit s’intéresser.

Diagnostic différentiel des affections GI

L’un des principaux enseignements tirés de l’évaluation étendue de la symptomatologie du RGO est que la ligne de démarcation entre les maladies digestives hautes n’est peut-être pas aussi nette qu’on le croyait. En effet, il est dorénavant bien établi qu’une forte proportion de patients exempts d’œsophagite à l’endoscopie présentent volontiers des symptômes recoupant ceux d’autres troubles fonctionnels, tels que la dyspepsie non ulcéreuse et le syndrome du côlon irritable (SCI). Tout traitement empirique du RGO axé sur la rémission complète doit être guidé par ce principe de chevauchement des symptômes.

«La vaste base de données ReQuest nous aide à mieux comprendre le lien qui unit les troubles GI. Dans une population comptant plus de 6000 patients, on a constaté qu’au-delà de 60 % des personnes souffrant de RGO présentaient des symptômes abdominaux ou digestifs bas, qui pourraient dès lors s’inscrire dans le spectre du RGO», nous apprend le Dr Jan Tack, Université catholique de Louvain, Belgique. Selon lui, on n’a pas nécessairement rendu service au patient en s’employant à distinguer le RGO des affections GI hautes, dans la mesure où celui-ci recherche un soulagement, quelle que soit l’entité clinique qui l’accable.

Le Dr Ronnie Fass, University of Arizona, Tucson, partage ce point de vue. Il s’est intéressé au lien entre le RGO avec œsophagite et le RGO non érosif. Il reconnaît que le concept de RGO non érosif ne fait pas l’unanimité, certains estimant qu’il s’agit d’une œsophagite légère et d’autres, d’une maladie distincte, mais il signale que c’est sans doute là un problème accessoire pour le patient qui souhaite simplement voir ses symptômes s’atténuer suffisamment pour retrouver une QdV acceptable.

«Nous en connaissons beaucoup plus sur le RGO aujourd’hui qu’il y a quelques décennies. Il est maintenant établi qu’il s’agit d’une entité complexe dont les manifestations hétérogènes couvrent un spectre constitué de symptômes tant œsophagiens qu’extra-œsophagiens, affirme le Dr Fass. On s’est toujours fié à l’endoscopie ou au soulagement du pyrosis pour évaluer l’effet du traitement, mais les données récentes semblent indiquer que le concept de rémission complète témoigne plus justement de la réussite thérapeutique.»

Résumé

Dans le traitement du RGO et d’autres affections digestives hautes liées à l’acidité gastrique, on s’attache de moins en moins au soulagement des symptômes cardinaux, tels que le pyrosis, pour se tourner vers une démarche plus globale en traitant l’ensemble des troubles qui minent la QdV. Les méthodes ReQuest et GERDyzer, nouveaux instruments d’évaluation des manifestations GI hautes, favorisent la rémission complète. Sans nier l’importance du soulagement du pyrosis, on constate que l’évolution des symptômes vers une amélioration de la QdV vie demeure le meilleur indicateur des bienfaits pour le patient.

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