Comptes rendus

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Vers une charge virale indécelable chez les patients au lourd passé thérapeutique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La XVIe Conférence internationale sur le SIDA

Toronto, Ontario / 13-18 août 2006

Dix ans après l’avènement du traitement antirétroviral hautement actif, la proportion de patients infectés par le VIH qui présentent une résistance à de multiples classes est à la hausse. Les nouvelles options de traitement pour les patients ayant un lourd passé thérapeutique sont arrivées à point nommé, les essais TORO (T-20 or Optimized Regimen Only) ayant donné lieu à l’homologation de l’enfuvirtide, inhibiteur de fusion, en 2003. Les essais RESIST (Randomized Evaluation of Strategic Intervention in Multi-Drug Resistant Patients with Tipranavir) – qui ont suivi deux ans plus tard – ont démontré que même des agents oraux bien tolérés appartenant à des classes d’ARV existantes peuvent aider les patients qui ne répondent plus aux options préalables à redevenir avirémiques.

Charge virale indécelable : maintenant possible

Lors des essais RESIST, indique la Dre Sharon Walmsley, professeure agrégée de médecine, University of Toronto, Ontario, «le paramètre principal était une réduction de 1 log10 de la charge virale [CV] parce que, au moment où cette étude a été conçue, l’atteinte d’une CV indécelable ne semblait pas réaliste». Alors que 22,8 % des patients randomisés dans le groupe tipranavir, un inhibiteur de la protéase (IP), ont atteint une CV indécelable, c’est-à-dire <50 copies de l’ARN du VIH/mL (vs 10,2 % dans le groupe de comparaison; p<0,001), la proportion était de 35,8 % (vs 14,4 % dans le groupe de comparaison; p<0,001) chez ceux qui recevaient également un nouvel agent actif, généralement l’enfuvirtide. De l’avis de la Dre Walmsley, pareil taux d’avirémie chez des patients traités massivement était «sans précédent» et fixe «un nouvel objectif» dans une population pour laquelle toutes les options ont été épuisées.

Lors des deux essais de phase III RESIST – dont l’un a été mené en Amérique du Nord et en Australie et l’autre, en Europe et en Amérique latine – 1483 patients ont été randomisés de façon à recevoir 500 mg de tipranavir potentialisé par 200 mg de ritonavir (TPV/r) ou un IP de comparaison, aussi potentialisé par le ritonavir (IPC/r). Ces deux schémas étaient combinés avec un traitement de fond optimisé. À 48 semaines, dans le groupe TPV/r, la réponse au traitement et tous les paramètres secondaires, dont l’atteinte d’une CV <400 copies/mL et d’une CV <50 copies/mL, étaient meilleurs. Le degré d’efficacité du TPV/r était semblable à celui de chaque IPC/r auquel il a été comparé individuellement. Un échec virologique a été enregistré chez 10,9 % des patients qui recevaient le TPV/r vs 40 % de ceux qui recevaient un IPC/r.

Changement précoce d’agent et exposition aux IP

Les nouvelles données de RESIST présentées au congrès ont non seulement renforcé les résultats principaux, mais elles ont également souligné l’importance de changer d’agent assez tôt pour que le patient ait la possibilité d’avoir au moins un autre agent d’efficacité prévisible. Dans les données présentées par le Dr Richard B. Pollard, chef, division des maladies infectieuses, University of California, Davis, les patients étaient stratifiés d’après le nombre d’IP auxquels ils avaient été exposés dans les schémas qu’ils avaient reçus avant d’être admis à l’un des essais RESIST. Dans tous les cas, le schéma TPV/r s’est révélé plus efficace que les IPC/r sur les plans de la réponse au traitement (définie comme une réduction >1 log10 de la CV), de l’atteinte d’une CV <400 copies/mL et de l’atteinte d’une CV <50 copies/mL. Plus l’exposition aux IP avait été longue, plus l’avantage relatif du schéma TPV/r était marqué, mais les patients étaient plus nombreux à atteindre une CV indécelable s’ils changeaient de traitement tôt. Plus précisément, parmi les patients exposés à six IP, 17,6 % des patients du groupe TPV/r ont atteint une CV indécelable vs 2,0 % des patients des groupes IPC/r. Chez les patients exposés à deux IP, 35 % des patients du groupe TPV/r vs 24,3 % des patients des groupes IPC/r ont atteint une CV indécelable.

«Sans égard au nombre d’IP préalables, le schéma TPV/r a été plus efficace que les schémas IPC/r, mais les patients qui avaient reçu moins d’IP au moment où ils ont amorcé le traitement par le TPV/r ont eu de meilleurs résultats à 48 semaines», rapporte le Dr Pollard. À son avis, cela pourrait changer le paradigme thérapeutique chez les patients traités massivement dans le passé. Plus précisément, cela souligne l’importance de passer à l’un des nouveaux composés – toujours plus nombreux – lorsque, chez un patient déjà traité, le traitement en cours commence à montrer des signes d’échec. La Dre Walmsley – qui était du même avis – a ajouté que l’on doit maintenant envisager de changer de traitement plus tôt qu’on ne le faisait à l’époque où nous avions moins d’options pour les patients dont l’infection était hautement résistante.

«Toutes les études réalisées chez des patients déjà traités nous révèlent qu’on a vraiment besoin d’un deuxième médicament pour obtenir une réduction soutenue de la CV», affirme la Dre Walmsley, qui faisait référence non seulement aux essais RESIST mais aussi aux essais TORO et POWER (Performance of TMC114/r When Evaluated in Triple-Class-Experienced Patients with PI Resistance). Bien que le TMC114/r, nouvel IP qui a fait l’objet de l’étude POWER, ne soit pas encore commercialisé, les premiers résultats donnent à penser que l’efficacité de cet agent, comme c’est le cas pour le tipranavir et l’enfuvirtide, dépend d’une association qui inclut un autre agent doté d’une efficacité prévisible. Selon la Dre Walmsley, les essais RESIST ont fait de l’avirémie un objectif viable chez les patients traités massivement, et cet objectif nous oblige à changer de traitement «le plus tôt possible si l’on aspire à reprendre le contrôle de l’infection».

Potentialisation des IP et mutations de résistance

Les produits en développement sont essentiels au bon fonctionnement de cette stratégie. Les nouveaux IP ont l’avantage de demeurer actifs en présence de multiples mutations typiques des IP. Selon la Dre Carmen de Mendoza, Instituto de Salud Carlos III, Madrid, Espagne, les IP potentialisés sont tous plus efficaces que les IP non potentialisés pour surmonter les mutations conférant une résistance au traitement, mais le TPV/r est actuellement le seul IP potentialisé qui demeure hautement actif, même en présence de multiples mutations propres aux IP. Selon les données qu’elle a présentées et qui avaient été recueillies chez 389 patients recevant le lopinavir potentialisé (LPV/r), l’amprénavir potentialisé (APV/r), l’atazanavir potentialisé (ATV/r), le saquinavir potentialisé (SQV/r) et l’indinavir potentialisé (IDV/r), les taux de réponse aux IP potentialisés chutaient tous à mesure qu’augmentait le nombre de mutations associées aux IP. Cependant, même chez les patients porteurs d’au moins cinq mutations typiques des IP, le taux de réponse était de 64 % dans le groupe TPV/r vs 47 % pour le LPV/r, 46 % pour le SQV/r, 33 % pour l’ATV/r, 25 % pour l’IDV/r et 16 % pour l’APV/r.

«Lorsqu’un nouvel IP est ajouté au traitement existant, le principal facteur déterminant de la puissance est le nombre initial de mutations propres aux IP. Bien que la potentialisation augmente les taux de réponse chez les patients porteurs de multiples mutations, le TPV/r a été l’IP le plus puissant, surtout lorsque le nombre de mutations grimpait à cinq ou plus», rapporte la Dre de Mendoza. Cependant, même dans le sous-groupe de patients ayant moins de cinq mutations, le TPV/r a permis une réponse virologique chez 100 % des patients vs 75 % pour le LPV/r, 77 % pour le SQV/r, 93 % pour l’ATV/r, 89 % pour l’IDV/r et 60 % pour l’APV/r.

Le développement initial de l’enfuvirtide a été une étape clé pour ce qui est d’accroître le nombre d’options à notre disposition pour les patients au lourd passé thérapeutique, mais cet agent doit être injecté, ce que de nombreux patients considèrent comme un obstacle, principalement du fait que le traitement doit se poursuivre à vie. L’un des résultats encourageants des essais RESIST a été que le TPV/r, qui s’administre par voie orale, n’a entraîné aucun problème d’innocuité inhabituel par rapport aux autres IP potentialisés. Lorsqu’on le calculait en fonction du nombre d’effets indésirables (EI) pour 100 années-patients d’exposition, le taux d’EI était en fait légèrement plus faible dans le groupe TPV/r (23,9) que dans les groupes IPC/r (27,8). Même si les élévations des taux d’enzymes hépatiques étaient plus fréquentes dans le groupe TPV/r que dans les groupes IPC/r (15,8 % vs 6 %, respectivement), le taux d’abandon pour 100 années-patients d’exposition était similaire dans les deux groupes (12,4 et 10,6, respectivement).

Résumé

Les nouvelles options de traitement nous permettent d’atteindre une CV indécelable chez une proportion substantielle de patients infectés par le VIH qui ont été lourdement traités. Ces options incluent de nouveaux agents appartenant à de nouvelles classes de médicaments, comme les inhibiteurs de fusion, ainsi que de nouveaux composés appartenant à des classes existantes, comme le tipranavir potentialisé. Les essais cliniques sur l’IP ont permis de constater que l’atteinte d’une CV indécelable est un objectif raisonnable même chez les patients traités massivement, mais le bienfait semble dépendre de l’administration simultanée de deux nouveaux agents auxquels l’infection devrait être sensible en théorie. Une fois la virémie supprimée, le bienfait à long terme du traitement, tant chez les patients au lourd passé thérapeutique que chez les patients jamais traités au préalable, dépendra de l’innocuité et de la tolérabilité soutenues des agents prescrits.

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