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Nutrition Pédiatrique

Étude AIM-HIGH : Évaluation des résultats dans le contexte de l’hypothèse C-HDL

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - Séances scientifiques 2011 de l’American Heart Association (AHA)

Orlando, Floride / 12-16 novembre 2011

Rédactrice en chef invitée : 


Ruth McPherson, MD, FRCPC
Directrice, Laboratoire de génomique de l’athérosclérose et
Clinique des lipides
Professeure titulaire de médecine et de biochimie
Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
Ottawa (Ontario)

Introduction

Lorsqu’on tente de réduire le risque cardiovasculaire (CV), il est tout à fait logique de cibler un faible taux plasmatique de C-HDL, ce dernier étant connu depuis longtemps pour être l’un des meilleurs prédicteurs d’événement CV1. L’augmentation du taux de C-HDL est une stratégie particulièrement séduisante lorsqu’on souhaite réduire le risque résiduel chez un patient ayant déjà atteint son taux cible de C-LDL2. L’étude AIM-HIGH sur la niacine à libération prolongée – dont les résultats ont été publiés récemment – était censée confirmer qu’un traitement visant à augmenter le taux de C-HDL pouvait amplifier le bénéfice associé à la baisse du taux de C-LDL3. L’échec de l’étude sur ce plan montre que la confirmation décisive de l’hypothèse C-HDL n’est pas sans difficulté. Cette hypothèse, à savoir que le C-HDL est un facteur de risque que l’on peut traiter, n’a pas été suffisamment bien testée dans le cadre de l’étude AIM-HIGH, de sorte que le rôle potentiellement important de la niacine dans la prise en charge du risque CV ne peut pas être exclu sur la foi des résultats de l’étude.

Il ressort d’une longue liste d’essais multicentriques d’envergure que les statines, du fait qu’elles abaissent le taux de C-LDL, offrent une protection de taille contre le risque d’événement cardiovasculaire (CV), qu’elles soient prescrites en prévention primaire ou secondaire. La régression de l’athérosclérose et l’amélioration de la fonction vasculaire qui résultent de la baisse du taux de C-LDL étayent amplement le bénéfice clinique4.

On espère depuis longtemps déjà que le C-HDL soit une cible thérapeutique analogue. En particulier, l’étroite corrélation entre le C-HDL et le risque de maladie CV est compatible avec l’activité connue du C-HDL dans le transport inverse du cholestérol, qui favorise l’efflux du cholestérol à partir des tissus périphériques5. Si diverses études épidémiologiques ont pourtant bien démontré la corrélation négative entre le taux de C-HDL et le risque CV, on n’avait encore jamais réussi à générer des données décisives montrant qu’un traitement visant à augmenter le taux de C-HDL abaisse le risque CV.

Il ne faut pas croire pour autant que nous n’avons pas du tout de données. Lors de l’essai VA-HIT (Veterans Affairs High-Density Lipoprotein Cholesterol Intervention Trial), par exemple, chaque augmentation de 5 mg/dL (0,13 mmol/L) de C-HDL sous l’effet du gemfibrozil était associée à une diminution de 11 % des événements coronariens6. Lors de l’essai CDP (Coronary Drug Project), la niacine a non seulement été associée à une diminution du risque d’événement CV – y compris une diminution de 27 % (p=0,004) des infarctus du myocarde (IM) non mortels récidivants – mais aussi à une diminution de 11 % (p=0,0004) de la mortalité toutes causes confondues7. Enfin, dans le cadre d’une méta-analyse de 11 essais avec randomisation qui a confirmé la régression de l’athérosclérose, la niacine a été associée à une diminution de 25 % (p<0,0001) des événements coronariens majeurs, à une diminution de 26 % (p=0,007) des AVC et à une diminution de 27 % (p<0,0001) des événements CV tous types confondus par rapport à l’agent de comparaison8.

Sur la foi de ces études et d’autres données, les traitements qui augmentent le taux de C-HDL sont largement utilisés pour réduire le risque CV, en particulier chez les patients qui n’ont pas atteint leur taux cible de C-LDL et dont le taux de C-HDL est faible (<1,0 mmol/L chez l’homme, <1,3 mmol/L chez la femme). Dans l’attente d’essais plus concluants, les recommandations – à savoir que l’on devrait «envisager» un traitement – reflètent les données et ne peuvent donc pas être plus directives.

Plusieurs études, dont AIM-HIGH, ont tenté de confirmer l’hypothèse C-HDL à peu près de la même façon que les essais sur les statines ont confirmé l’hypothèse C-LDL. La plus vaste de ces études, ILLUMINATE, réunissait 15 067 patients à risque CV élevé qui ont été randomisés de façon à recevoir l’association torcetrapib (inhibiteur de la CETP) + atorvastatine ou l’atorvastatine seule9. Or, on a dû mettre fin prématurément à l’essai en raison du taux plus élevé de mortalité dans le groupe torcetrapib. Des analyses subséquentes ont toutefois attribué le risque accru à des effets «hors cible» du produit, en particulier des effets sur le système rénine-angiotensine et l’hypertension artérielle10. Les autres inhibiteurs de la CETP ne semblent pas exercer ces effets «hors cible», et deux essais de phase III d’envergure visant à évaluer de nouveaux agents de cette classe sont déjà en cours.

Méthodologie de l’étude AIM-HIGH

L’étude AIM-HIGH avait pour but de démontrer le bénéfice associé à l’ajout d’un traitement par la niacine à libération prolongée à un traitement par la simvastatine chez des patients présentant une maladie CV établie et un faible taux de C-HDL. Le paramètre principal regroupait les décès d’origine coronarienne, les IM non mortels, les AVC ischémiques, l’hospitalisation pour un syndrome coronarien aigu et les interventions de revascularisation coronarienne ou cérébrale motivées par la présence de symptômes. Les 3414 sujets ont été randomisés de façon à recevoir de la niacine à raison de 1500 à 2000 mg/jour ou un placebo d’apparence similaire. Tous les patients recevaient 40 à 80 mg de simvastatine et, au besoin, 10 mg d’ézétimibe afin que le taux de C-LDL se maintienne entre 1 et 2 mmol/L.

On a mis fin à l’essai prématurément en raison d’un manque d’efficacité. À l’arrêt de l’étude, les taux d’événements chez les patients qui recevaient de la niacine et ceux qui n’en recevaient pas étaient presque identiques (16,4 % vs 16,2 %). Le taux légèrement plus élevé d’AVC qu’une analyse intermédiaire a mis en évidence dans le groupe niacine (1,6 % vs 0,9 %) a précipité la décision de mettre fin à l’étude. Ce phénomène n’avait jamais été observé dans les études antérieures sur la niacine, et l’analyse finale des données de l’étude AIM-HIGH n’a d’ailleurs objectivé aucune différence entre les groupes quant au taux d’AVC durant l’étude (21 sous niacine vs 18 sous placebo). Les auteurs ont conclu que chez les patients présentant une maladie CV et un taux de C-LDL <1,8 mmol/L, l’ajout de niacine n’était associé à aucun bénéfice supplémentaire même si le taux de C-HDL avait augmenté significativement (médiane de 0,91 mmol/L au départ vs 1,08 mmol/L à la fin).

Leçons à tirer de la méthodologie de l’étude AIM-HIGH

Les résultats de l’étude AIM-HIGH témoignent des difficultés que pose la démonstration de l’hypothèse C-HDL. Bien que certains aspects méthodologiques de l’étude soient controversés, par exemple la décision d’offrir une faible dose de niacine aux sujets du groupe placebo afin de maintenir l’insu, la petite différence entre les taux de C-HDL en fin d’étude est préoccupante. En effet, si le taux de C-HDL a augmenté significativement sous niacine, il a aussi – contre toute attente – augmenté sous placebo, de sorte que la différence en fin d’étude était inférieure à 10 % (1,08 vs 0,98 mmol/L). Même si elle était censée mettre en évidence une diminution de 25 % des événements CV avec une puissance statistique de 85 %, l’étude – qui a pris fin après 550 événements plutôt qu’après les 800 prévus – avait la puissance nécessaire pour objectiver seulement une diminution de 10 % du taux d’événements en fin d’étude compte tenu des différences observées entre les deux groupes quant au taux de C-HDL. De plus, près de 25 % des patients ont abandonné l’étude en cours de route, ce qui est venu atténuer encore l’effet discriminant éventuel du traitement.

Fait digne de mention, 28,2 % des sujets sous placebo vs seulement 17,7 % des sujets sous niacine recevaient au moins 60 mg/jour de simvastatine durant l’essai. En outre, les patients sous placebo étaient au-delà de deux fois plus nombreux que les patients sous niacine à recevoir également de l’ézétimibe (21,5 % vs 9,5 %; p<0,001). Malgré l’utilisation accrue de traitements hypolipidémiants dans le groupe placebo, non seulement l’augmentation du taux de C-HDL était-elle plus forte dans le groupe niacine – ce qui était prévisible –, mais les taux médians de C-LDL (1,6 vs 1,73 mmol/L) et de triglycérides (3,1 vs 3,9 mmol/L) au terme des 3 années de traitement étaient plus faibles sous niacine.

L’objectif de l’étude était de démontrer une diminution du risque résiduel chez les patients ayant déjà presque atteint leur taux cible de C-LDL. La quasi-totalité (94 %) des patients avaient déjà reçu une statine au moment où ils ont commencé à recevoir de la niacine, et 20 % avaient déjà pris de la niacine. Comme l’hyperlipidémie était déjà traitée énergiquement avant le début de l’étude, il se pourrait qu’il ait été plus difficile d’objectiver une réduction supplémentaire du risque sous l’effet d’une augmentation du taux de C-HDL. À long terme, la stabilisation des plaques athéromateuses atténue sans doute le bénéfice potentiel associé à l’augmentation du taux de C-HDL et à l’amélioration du transport inverse du cholestérol. Le taux global d’événements signalés dans l’étude AIM-HIGH était effectivement plus faible que le taux prévu au protocole.

Par ailleurs, il importe de souligner que, l’étude ayant pris fin prématurément, le bénéfice associé à l’augmentation du taux de C-HDL se serait peut-être accentué sur une plus longue période que le bénéfice associé à la baisse du taux de C-LDL. Le rôle qu’a joué l’augmentation non significative du taux d’AVC dans l’arrêt prématuré de l’essai est en fait déconcertant vu les problèmes qui surgissent quand des événements non précisés influencent des décisions quant à la conduite d’essais objectifs. Des études antérieures, y compris l’étude CDP, et une méta-analyse récente d’études sur la niacine ont au contraire montré que le traitement par la niacine offrait une protection contre l’AVC, et il n’y a aucune explication biologique plausible au risque accru d’AVC sous niacine. En définitive, d’ailleurs, les taux d’AVC sous traitement ne différaient pas de manière significative.

Dans l’ensemble, l’étude AIM-HIGH n’étaye pas l’utilisation de la niacine pour réduire le risque au sein de la population évaluée. Par contre, l’étude ne réfute pas la possibilité d’un bénéfice chez les patients qui n’ont pas atteint leur taux cible de C-LDL sous l’effet d’une statine ou qui ne tolèrent pas les statines. N’oublions pas qu’une statine en monothérapie ne permet pas d’obtenir un taux de C-LDL ≤2,0 mmol/L chez un pourcentage élevé de patients.

Résumé

Pour diverses raisons, plusieurs études conçues pour confirmer l’hypothèse C-HDL n’ont pas réussi à le faire. Le C-HDL est peut-être une molécule plus complexe que le C-LDL quant à son lien avec le risque CV et à son potentiel en tant que cible pour réduire le risque CV, mais un fait demeure : l’hypothèse C-HDL n’a toujours pas été évaluée en bonne et due forme. Le C-HDL est un puissant marqueur du risque CV et demeure une cible potentielle du traitement. Les essais cliniques en cours, dont HPS2-THRIVE, pourraient nous apporter une réponse plus définitive.

Questions et réponses

Trois médecins ont répondu à nos questions durant le congrès récent de l’AHA : la Dre Ruth McPherson, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa; le Dr Jean C. Grégoire, Institut de cardiologie de Montréal; et le Dr Todd J. Anderson, Département des sciences cardiaques, University of Calgary.

Q: De l’avis d’experts invités au congrès pour critiquer l’étude AIM-HIGH, plusieurs aspects méthodologiques rendaient impossible l’obtention de résultats probants. Qu’en pensez-vous?

Dre McPherson : L’étude AIM-HIGH visait un nombre prédéterminé d’événements et devait déceler une réduction de 25 % des événements CV avec une puissance statistique de 85 %. On a calculé que, compte tenu des différences escomptées entre les deux groupes quant aux taux de C-HDL et de C-LDL, une cohorte de 3400 participants suivis pendant 2,5 à 7 ans générerait les 800 événements prévus dans le paramètre principal. Or, les écarts escomptés entre les taux lipidiques ne se sont pas matérialisés en partie à cause de la méthodologie de l’étude. Sous l’effet du traitement par la niacine, le taux de C-HDL a augmenté de 25 %, passant ainsi à 1,08 mmol/L Pour des raisons inconnues, cependant, le taux de C-HDL a aussi augmenté considérablement sous placebo, passant à 0,98 mmol/L. La différence entre les deux groupes quant au taux de C-HDL n’était que de 0,10 mmol/L. Au chapitre du C-LDL, les sujets du groupe statine + placebo recevaient des doses significativement plus fortes de simvastatine et ont été deux fois plus nombreux à recevoir de l’ézétimibe que les sujets du groupe statine + niacine. Le taux de C-LDL a ainsi atteint une médiane de 1,60 et 1,73 mmol/L sous niacine et sous placebo, respectivement, ce qui représente un écart de seulement 0,13 mmol/L. Compte tenu des différences observées entre les taux lipidiques, un bénéfice minime – c.-à-d. une baisse du nombre d’événements CV de ~12 % – était à prévoir sous niacine. Fait digne de mention, l’étude n’était pas conçue pour répondre à une question clinique fort importante : quel bénéfice découlerait de l’ajout de niacine à une statine dans les cas où la statine en monothérapie ne permet pas d’atteindre le taux de C-LDL optimal?

Dr Grégoire : De nombreuses raisons peuvent expliquer que les résultats de l’essai AIM-HIGH aient été neutres. La taille de la cohorte (N=3400) avait été calculée de façon à montrer une réduction de 25 % des événements CV sur une période moyenne de 4,6 ans chez des patients sous niacine. L’essai devait générer 800 événements au total. Or, on a observé une diminution de 12,5 % dans le groupe niacine, ce qui est nettement inférieur au taux prévu. Il semble donc que la taille de la cohorte initiale et la durée de suivi aient été largement insuffisantes pour objectiver un bénéfice clinique associé à la niacine. La différence de C-HDL entre les deux groupes – de seulement 0,10 mmol/L – a d’ailleurs été moindre que prévu en raison d’une augmentation imprévue et difficile à expliquer du taux de C-HDL dans le groupe placebo. En outre, 93 %
des patients recevaient déjà une statine avant d’être randomisés. En fin d’étude, le taux médian de C-LDL était de 1,60 mmol/L dans le groupe niacine et de 1,73 mmol/L dans le groupe placebo, ce qui revient à une différence de 0,13 mmol/L. Cette très petite différence entre les deux groupes et l’effet d’un traitement prolongé par une statine ont contribué à réduire le nombre d’événements CV observés dans cette cohorte traitée de manière optimale.

Dr Anderson : Les défenseurs de l’hypothèse C-HDL ont vertement critiqué l’étude AIM-HIGH, mais la méthodologie de l’étude ne permettait pas de confirmer une fois pour toutes que le C-HDL est un facteur de risque que l’on peut cibler. L’étude avait plutôt pour objectif de déterminer que l’ajout de niacine permet de réduire le risque d’événement CV chez des patients ayant un phénotype à risque élevé qui reçoivent déjà un traitement hypolipidémiant énergique, Il importe ici de souligner que 80 % de ces patients étaient porteurs d’un syndrome métabolique ou atteints de diabète. Chez ce type de patient, une dose raisonnable de niacine n’a pas été associée à une diminution supplémentaire du risque lorsque le taux de C-LDL était déjà faible. Je ne suis pas tout à fait d’accord pour dire que des vices de méthodologie ne nous ont pas permis de répondre à la question que nous nous posions.

Q: Une analyse intermédiaire a révélé un déséquilibre entre les deux groupes quant au taux d’AVC au moment où l’essai a pris fin. Les résultats définitifs ont-ils confirmé ce déséquilibre?

Dre McPherson : La différence quant au taux d’AVC n’était pas significative. Fait digne de mention, on a enregistré dans le groupe niacine 8 AVC qui sont survenus de 2 mois à 4 ans après l’arrêt du traitement. L’incidence des AVC sous traitement était similaire dans les deux groupes.

Dr Grégoire : Contre toute attente, l’AVC ischémique a été le premier événement signalé chez 27 (1,6 %) patients du groupe niacine et 15 (0,9 %) du groupe placebo. Parmi les 27 AVC du groupe niacine,
8 sont survenus de 2 mois à 4 ans après l’arrêt du traitement. L’absence de différence statistiquement significative entre les deux groupes devrait nous rassurer quant à l’utilisation de la niacine.

Dr Anderson : Le taux légèrement plus élevé d’AVC que l’analyse intermédiaire a objectivé n’est pas le motif principal de l’arrêt prématuré de l’essai. C’est la futilité du traitement qui était en cause. La différence entre les taux d’AVC était à peine significative sur le plan statistique au moment où l’on a décidé de mettre fin à l’étude, et l’analyse finale n’a révélé qu’une tendance à la hausse. Sur la foi de ces données, la possibilité d’un risque accru d’AVC sous niacine ne m’inquiète pas. Il n’y a rien dans le mode d’action de la niacine qui puisse expliquer l’accroissement du risque d’AVC; d’ailleurs, aucune des études antérieures n’avait associé la niacine à un risque accru d’AVC. Certaines études semblent au contraire indiquer que la niacine prévient les AVC.

Q: L’hypothèse C-HDL est solidement étayée par des données d’études populationnelles, mais aucune étude prospective n’a encore permis de la confirmer. Diriez-vous que l’étude AIM-HIGH nous a été utile pour explorer l’hypothèse C-HDL?

Dre McPherson : Pour déterminer que l’augmentation de C-HDL sous niacine est d’une quelconque utilité clinique, nous aurions sans doute eu besoin d’une différence plus marquée entre les taux de C-HDL. Il se pourrait aussi qu’il soit moins important d’augmenter le C-HDL en présence d’un taux de C-LDL déjà bien maîtrisé.

Dr Grégoire : L’hypothèse du rôle bénéfique de l’augmentation du C-HDL n’a pas été testée adéquatement dans l’étude AIM-HIGH en raison de la méthodologie de l’essai et de la faible différence entre le groupe niacine et le groupe placebo quant au taux de C-HDL. De plus, chez les patients qui ont déjà atteint le taux cible de C-LDL, l’effet favorable de l’augmentation du C-HDL devient plus difficile à démontrer.

Dr Anderson : Plusieurs raisons pourraient expliquer que l’augmentation relative de 15 % du taux de C-HDL n’ait pas protégé les sujets de l’étude AIM-HIGH contre les événements CV. L’effet potentiel d’un traitement au long cours par une statine est probablement l’un des arguments qui devraient le plus nous inciter à la réflexion. La plupart des sujets prenaient une statine depuis déjà longtemps lorsque l’étude a commencé, et il se pourrait que leurs plaques aient été stabilisées au point où l’augmentation du C-HDL n’a eu aucun effet bénéfique supplémentaire, surtout au chapitre de l’efflux de lipides à partir de la paroi vasculaire. Il est important d’envisager la possibilité d’un fossé entre les données épidémiologiques à l’appui d’un bénéfice associé à un taux croissant de C-HDL, d’une part, et la protection CV réelle, d’autre part – nous l’avons d’ailleurs déjà vu dans le cas de l’homocystéine –,
mais l’étude n’a pas beaucoup affaibli l’hypothèse C-HDL pour autant. Nous aurions peut-être besoin d’agents qui augmentent le taux de C-HDL de manière plus sélective, et peut-être devrions-nous les offrir aux patients dont les plaques friables bénéficieraient vraiment d’une augmentation du C-HDL.

Q: Quelles seront les retombées de l’étude AIM-HIGH sur la pratique clinique?

Dre McPherson : Il y en aura probablement peu, car la niacine est surtout prescrite aux patients qui n’ont pas atteint leur taux cible de C-LDL. Même aujourd’hui, comme l’a montré le récent sondage LTAP-2, le taux moyen de C-LDL des patients à risque élevé est de 2,35 ± 0,85 mmol/L. Le taux de C-LDL demeure donc supérieur au taux cible chez la majorité des patients à risque élevé.

Dr Grégoire : L’étude AIM-HIGH aura probablement peu d’impact dans la pratique clinique actuelle. Cependant, de nombreux patients n’atteignent pas le taux cible de C-LDL avec une statine en monothérapie ou ne tolèrent pas les statines. Chez ces patients, l’ajout de niacine seule ou en association est indiqué pour abaisser le C-LDL jusqu’à l’atteinte du taux cible.

Dr Anderson : Les résultats de l’étude AIM-HIGH n’ont pas eu d’effet sur ma pratique. Je ne suis pas un grand prescripteur de niacine, mais je l’utilise chez les patients qui ne tolèrent pas les statines ou qui souffrent d’une maladie familiale prédictive d’un risque élevé d’événement CV malgré une baisse optimale du taux de C-LDL. Les résultats de l’étude AIM-HIGH ne nous renseignent nullement sur le bénéfice éventuel associé à la niacine dans ces indications. Bien que nous ayons besoin de nouvelles données pour étayer l’efficacité de la niacine dans ces groupes de patients, il existe des données à l’appui de ces indications et nous avons somme toute peu de solutions de rechange.

Q: À l’heure actuelle, comment traitez-vous les patients qui, malgré une baisse optimale du taux de C-LDL, présentent un risque résiduel en raison d’un taux élevé de triglycérides ou d’un faible taux de C-HDL?

Dre McPherson : Je commence par une statine très efficace et j’ajuste la posologie jusqu’à la dose maximale tolérée. Si le patient n’atteint pas un taux de C-LDL <2,0 mmol/L, j’envisage l’ajout d’un agent. La niacine est un deuxième agent de choix en cas d’hypertriglycéridémie.

Dr Grégoire : Dans un premier temps, il faut amorcer le traitement par une statine, puis augmenter la dose graduellement jusqu’à la dose maximale tolérable. Si le taux cible de C-LDL n’est toujours pas atteint, l’ajout d’un agent doit être envisagé. La niacine demeure un choix adéquat en présence d’un faible taux de C-HDL et/ou d’un taux élevé de triglycérides. On doit aussi envisager un changement strict des habitudes de vie chez l’ensemble des patients atteints de dyslipidémie.

Dr Anderson : Si la maladie progresse malgré une baisse optimale du taux de C-LDL, il est logique d’envisager la niacine. Nous avons assurément besoin de nouvelles données et peut-être aussi de meilleurs traitements pour augmenter le taux de C-HDL chez ces patients, mais la maladie n’était pas forcément en progression chez les sujets de l’étude AIM-HIGH. L’étude AIM-HIGH a démontré que, chez des patients à risque élevé qui recevaient une statine depuis longtemps et dont le taux de C-LDL était déjà très faible, l’ajout de niacine n’a pas réduit le risque de manière significative pendant la période où les patients étaient suivis. Cela dit, les résultats de l’étude ne s’appliquent qu’à la population étudiée et ne peuvent pas être généralisés.

Références

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