Comptes rendus

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Emploi judicieux des antibiotiques pour contenir la résistance chez l’enfant

Une bonne prise en charge de l’asthme passe par un traitement de fond quotidien et un plan d’action écrit

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 88e Congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie

Québec, Québec / 15-18 juin 2011

Québec - Un traitement de fond quotidien est essentiel au soulagement continu des symptômes de l’asthme. Malheureusement, cette maladie inflammatoire chronique est souvent traitée comme une maladie épisodique, les parents imputant l’usage intermittent du traitement à leur crainte d’effets indésirables. Cela dit, les corticostéroïdes en inhalation (CSI) ne sont pas tous identiques. Le médecin doit donc expliquer aux parents que certaines préparations sont intrinsèquement plus sûres que d’autres et que leur crainte d’effets indésirables ne devrait pas priver leur enfant des avantages d’un traitement de fond par des CSI. Des experts réunis au congrès ont expliqué l’importance d’un plan d’action écrit (PAE) dans le cadre d’une stratégie d’autoprise en charge et ont discuté d’études ayant montré qu’un PAE pouvait améliorer l’adhésion au traitement et la maîtrise de l’asthme par rapport à une simple ordonnance

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Le médecin doit convaincre les parents et les patients, voire se convaincre lui-même, que l’asthme est une maladie inflammatoire chronique nécessitant un traitement de fond quotidien, et non intermittent, et qu’un plan d’action écrit (PAE) peut être très utile pour protéger un enfant contre l’hospitalisation pour cause d’aggravation de l’asthme.

Un sondage réalisé auprès de patients ou de parents d’enfants asthmatiques en septembre 2008 (IMS) a révélé que seulement 25 % des quelque 600 répondants prenaient un médicament chaque jour, malgré le fait qu’environ la moitié des répondants souffraient d’asthme modéré ou sévère, affirme le Dr Denis Bérubé, professeur adjoint de pédiatrie, Université de Montréal. «Lorsqu’on a demandé aux parents s’il y avait une raison qui les empêchait d’utiliser le médicament au quotidien, 71 % ont répondu qu’ils craignaient les effets indésirables; qui pis est, 50 % d’entre eux n’avaient en fait aucune idée des effets indésirables qu’ils craignaient», poursuit le Dr Bérubé. Les patients utilisent le traitement de fond pendant quelques semaines, comme ils le feraient pour une infection aiguë, puis une fois les symptômes disparus, ils cessent de prendre leur médicament, pour finalement recommencer à le prendre quant l’asthme s’aggrave, explique-t-il.

L’utilisation intermittente de corticostéroïdes en inhalation (CSI) est même une stratégie que les médecins trouvent séduisante, précise-t-on dans les recommandations canadiennes sur la prise en charge de l’asthme (Can J Med 2005;173:S1-S55). Jusqu’à tout récemment, peu de données étayaient la pertinence d’un traitement de fond quotidien comme stratégie d’optimisation de la prise en charge de l’asthme.

Dans le cadre de l’essai PAC (Prevention of Asthma in Children) mené par Bisgaard et al. (N Engl J Med 2006;354[19]:1998-2005), 411 nourrissons âgés de 1 mois ont été randomisés de façon à recevoir sur une période de 3 ans soit du budésonide à raison de 400 µg/jour, soit un placebo, pendant 2 semaines après chaque épisode de respiration sifflante de 3 jours. Au cours des 3 années de l’étude, la proportion de sujets ayant connu des jours sans symptômes était presque identique : 83 % dans le groupe budésonide vs 82 % dans le groupe placebo. Il en était de même pour le pourcentage d’enfants présentant une respiration sifflante persistante : 24 % dans le groupe CSI vs 21 % dans le groupe placebo. Toujours au cours des 3 années de l’étude, les crises aiguës duraient en moyenne 10 jours dans les deux groupes. Les chercheurs en ont conclu que l’usage intermittent de CSI n’avait aucun effet sur la progression de la respiration sifflante – d’épisodique à persistante – et qu’il ne conférait aucun avantage à court terme durant les épisodes de respiration sifflante pendant les 3 premières années de vie, souligne le Dr Bérubé.

Bachanier et al. (J Allergy Clin Immunol 2008;122:1127-35) se sont eux aussi penchés sur l’efficacité de l’utilisation épisodique de CSI comparativement à un traitement par le montélukast chez des enfants d’âge préscolaire présentant une respiration sifflante modérée ou sévère intermittente. Au total, 238 enfants ont été randomisés de façon à recevoir pendant 7 jours soit une suspension de budésonide en inhalation (1 mg 2 fois/jour), soit du montélukast (4 mg 1 fois/jour), soit un placebo, en plus de l’albutérol pour chacun des épisodes respiratoires repérés. Après 12 mois, la proportion d’enfants n’ayant eu aucun épisode ne différait pas d’un groupe à l’autre : 76 % dans le groupe budésonide, 73 % dans le groupe montélukast et 74 % dans le groupe de traitement traditionnel. Les trois groupes ne différaient pas non plus sur les plans suivants : usage de corticostéroïdes oraux, utilisation des ressources du système de santé, qualité de vie et croissance staturale. Ces observations étayent une fois de plus la théorie voulant que, dans cette population, l’utilisation épisodique de CSI ou d’un antagoniste des récepteurs des leucotriènes n’augmente pas la proportion de jours sans crise d’asthme ni ne diminue l’utilisation de corticostéroïdes oraux sur une période de 12 mois. «L’usage intermittent de CSI n’est d’aucune utilité contre les exacerbations», insiste le Dr Bérubé.

 

CSI à dose faible ou modérée

 

Les effets bénéfiques des CSI en traitement de fond s’obtiennent en grande partie avec des doses faibles ou modérées, L’objectif est d’acheminer le médicament vers les poumons, explique le Dr Bérubé, mais «au mieux, 50 % de ce qui sort d’un inhalateur-doseur se rend dans les poumons»,; le reste se rend, du moins en partie, dans l’oropharynx, et c’est là qu’il y a un risque d’effets indésirables. La fraction de médicament qui stagne dans l’oropharynx finit par atteindre la grande circulation, où le médicament se lie en partie aux protéines, mais c’est la fraction non liée qui est responsable d’effets indésirables. «Plus un médicament se lie aux protéines, moins il risque de causer d’effets indésirables», affirme le Dr Bérubé. Dans le cas d’un promédicament comme le ciclésonide, on n’observe quasiment aucun effet stéroïdien tant qu’il n’est pas activé dans les voies respiratoires, où se trouve la maladie. Le risque d’effets indésirables est donc moindre.

Dans le cadre d’une comparaison de divers CSI quant à la fraction de médicament qui se retrouvait dans la grande circulation et y demeurait libre (Winkler et al. Proc Am Thorac Soc 2004;1:356-63), le ciclésonide est, de tous les CSI, celui qui affichait la plus grande affinité de liaison aux protéines. «Encore là, le risque d’effets indésirables est moindre parce que la fraction libre dans la circulation est moindre», ajoute-t-il. En outre, la demi-vie de ce CSI est parmi les plus courtes, et «moins le médicament passe de temps dans la circulation, moins on observe d’effets indésirables, confirme le Dr Bérubé (Figure 1). Si les parents craignent les effets indésirables, sachez que le ciclésonide est le plus sûr des CSI», ajoute-t-il.


 

Plan d’action écrit

 

L’asthme demeure l’une des maladies qui a le plus d’impact sur l’utilisation des ressources du système de santé bien que nous ayons des médicaments efficaces contre l’asthme et que l’accès aux soins de santé soit universel, affirme la Dre Francine Ducharme, professeure titulaire de pédiatrie, CHU Sainte-Justine, Université de Montréal, Québec. Ce phénomène tient en grande partie à l’observance médiocre du traitement. Selon la GINA (Global Initiative for Asthma), les patients asthmatiques devraient savoir comment prévenir et traiter les symptômes témoignant d’une détérioration de l’asthme et les exacerbations aiguës; à cette fin, ils ont besoin d’un plan directif d’autoprise en charge.

Un survol d’études où l’on comparait l’autoprise en charge avec les soins usuels a permis de constater que l’autoprise en charge diminuait le taux d’hospitalisation, les visites au Service des urgences, les visites non planifiées, l’absentéisme au travail et l’asthme nocturne, souligne la Dre Ducharme (Gibson et al. Cochrane Database Syst Rev 2003;1:CD001117). L’autoprise en charge repose sur un certain nombre d’éléments, dont le PAE qui est le principal élément. Dans un PAE, on précise en toutes lettres ce que le patient doit faire au quotidien, quand, comment et pendant combien de temps il doit intensifier son traitement; et quand il doit obtenir de l’aide.

La Dre Ducharme et ses collègues ont élaboré un PAE qui ne prend pas plus de temps à rédiger qu’une simple ordonnance. À vrai dire, ils n’ont fait que fusionner la rédaction de l’ordonnance et celle du PAE (Am J Respir Crit Care Med 2011;183[2]:195-203). Partant du principe qu’un PAE conçu pour promouvoir une autoprise en charge encadrée améliorerait à court terme l’adhésion au traitement de fond de l’asthme, Ducharme et ses collaborateurs ont randomisé 219 enfants de 1 à 17 ans de façon à ce qu’ils reçoivent un PAE avec ordonnance (PAE-O) ou une ordonnance usuelle (OU). L’objectif était de déterminer si le PAE-O pouvait améliorer l’adhésion au traitement par la fluticasone prescrit au Service des urgences et aux recommandations connexes.

«Le taux d’adhésion a chuté de façon similaire au cours des 14 premiers jours dans les deux groupes, fait remarquer la Dre Ducharme. Entre le 15e et le 18e jour, cependant, 50 % des enfants qui avaient reçu un PAE-O adhéraient toujours au traitement par la fluticasone vs 34 % de ceux qui avaient reçu une OU. «Étonnamment, le PAE-O a eu un effet vraiment positif sur les recommandations des médecins», ajoute la Dre Ducharme. En effet, quelque 83 % des sujets du groupe PAE-O ont consulté leur médecin habituel conformément à la recommandation du médecin qu’ils avaient vu au Service des urgences, vs 44 % des sujets du groupe OU. Comme on pouvait s’y attendre, les résultats étaient significativement meilleurs dans le groupe PAE-O que dans le groupe OU : les enfants du groupe PAE-O ont été significativement plus nombreux à prendre leurs CSI, les doses reçues de corticostéroïdes, en inhalation ou oraux, étaient plus fortes, sans compter que l’asthme était mieux maîtrisé.

«Le PAE a nettement augmenté l’adhésion au traitement, probablement en améliorant la communication, note la Dre Ducharme. Et comme le pharmacien reçoit ce que le médecin a prescrit, il sait exactement ce que le médecin a dit au patient et peut renforcer le message.»

 

Résumé

 

L’asthme est une maladie qui coûte cher et dont la piètre maîtrise entraîne un grand nombre de visites inutiles. Tous les médecins doivent avoir comme priorité d’améliorer la maîtrise de l’asthme. Or, un traitement de fond quotidien permet justement de bien maîtriser l’asthme. En expliquant au patient, histoire de le rassurer, que certains CSI sont moins susceptibles que d’autres d’entraîner des effets indésirables, le médecin favorisera l’usage quotidien du traitement de fond et contribuera ainsi à l’obtention de meilleurs résultats.

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