Comptes rendus

Préparations enrichies et santé optimale du nourrisson : coup d’œil sur les données probantes

Une forte baisse des taux de C-LDL génère une forte baisse du risque de thrombo-embolie veineuse, selon l’analyse d’un paramètre secondaire de l’étude JUPITER

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES 58e Séance scientifique annuelle de l’American College of Cardiology

Orlando, Floride / 29-31 mars 2009

Deux nouvelles séries de données, toutes deux présentées aux séances de dernière heure du congrès annuel de 2009 de l’American College of Cardiology, viennent d’élargir considérablement le cercle de patients chez qui un traitement hypolipidémiant intensif serait bénéfique. Ces données sont tirées de l’étude JUPITER (Justification for the Use of Statins in Prevention: an Intervention Trial Evaluating Rosuvastatin), laquelle avait déjà associé un traitement hypolipidémiant énergique à une baisse de 44 % (p<0,00001) du paramètre mixte regroupant l’infarctus du myocarde (IM), l’AVC, l’intervention de revascularisation, l’hospitalisation pour cause d’angine instable et le décès d’origine cardiovasculaire (CV). L’étude a été réalisée chez des patients qui présentaient un taux élevé de protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP) sans pour autant être hyperlipidémiques. La protection hautement significative contre la thrombo-embolie veineuse (TEV), paramètre secondaire prévu au protocole, vient s’ajouter aux avantages pratiques immédiats de cette stratégie.

«Les chercheurs ont constaté que la TEV, qui peut être grave au point de menacer le pronostic vital, était à peu près aussi fréquente que l’IM et l’AVC au sein de la population de l’étude. La rosuvastatine a réduit l’incidence des TEV sans que l’on observe la moindre augmentation du risque d’hémorragie», rapporte le Dr Robert Glynn, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. JUPITER est le premier essai avec randomisation à confirmer prospectivement la protection contre la TEV. On n’a relevé aucune hétérogénéité entre les principaux sous-groupes (âge, sexe ou poids, par exemple) quant à la baisse du taux de TEV, et la diminution du taux de TEV n’était pas secondaire à la diminution du taux d’événements CV.

JUPITER en un coup d’œil

L’étude JUPITER a fait date parce qu’elle a permis d’étoffer l’hypothèse des lipides en redéfinissant le seuil auquel la baisse des taux lipidiques confère une protection CV. Dans le cadre de cette étude, 17 802 hommes de plus de 50 ans et femmes de plus de 60 ans, apparemment en bonne santé, ont reçu aléatoirement 20 mg de rosuvastatine une fois par jour ou un placebo. Les deux principaux critères d’inclusion étaient un taux plasmatique de C-LDL <3,4 mmol/L et un taux d’hsCRP <u><</u>2,0 mg/L. Le comité indépendant de surveillance des essais a recommandé que l’on mette fin à l’essai après une médiane de 1,9 an plutôt qu’après cinq ans de suivi comme le prévoyait le protocole en raison d’un bénéfice écrasant en faveur du traitement actif.

Risque de TEV

Dans la toute dernière analyse, la rosuvastatine a été associée à une réduction de 43 % du risque de TEV (HR de 0,57; IC à 95 % : 0,37-0,86; p=0,007) par rapport au placebo (Figure 1). La protection contre les TEV était marquée, que celles-ci aient été spontanées ou, au contraire, provoquées par un facteur connu comme un trauma, une intervention chirurgicale ou un cancer. La protection contre les TEV n’était pas corrélée avec la protection contre les événements CV. Ni la rosuvastatine ni la protection contre les TEV n’ont été associées à un risque hémorragique accru, ce qui différencie nettement cette stratégie de prévention des TEV d’avec les autres stratégies. Dans le cadre de JUPITER, des épisodes hémorragiques ont été signalés chez 2,9 % des sujets randomisés dans le groupe rosuvastatine et 3,1 % des sujets randomisés dans le groupe placebo (p=0,45).

Figure 1. TEV totales


La réduction du taux de TEV réduit substantiellement le nombre de patients à traiter (NPT) pour obtenir un bénéfice. Passant en revue les NPT en fonction des paramètres de JUPITER, le Dr Glynn a souligné que la réduction de 44 % du risque de survenue du paramètre principal correspondait à un NPT de 25. Si on ajoute les TEV au paramètre mixte principal, le NPT chute à 21. Lorsque la réduction relative de 20 % de la mortalité totale se greffe aux baisses du risque de survenue du paramètre principal et des TEV, le NPT chute à 18 (Figure 2). Comme l’explique le Dr Glynn, «ces résultats sont nettement supérieurs à ceux des stratégies admises comme le traitement de l’hypertension ou l’utilisation de l’AAS à faible dose».

Figure 2. TEV
+ mortalité totale

<img3043|center>

Traitement à double cible

Bien que les résultats de JUPITER étayent le bénéfice d’une forte baisse du taux de C-LDL, y compris dans les cas où le taux de C-LDL descend en deçà de la valeur seuil actuellement recommandée, la possibilité de sélectionner les patients à traiter en fonction du taux d’hsCRP, marqueur de l’inflammation, est un nouvel élément d’information important. De l’avis de l’investigateur principal de l’essai JUPITER, le Dr Paul Ridker, lui aussi affilié au Brigham and Women’s Hospital, ces résultats «indiquent que l’athérosclérose est un processus qui découle à la fois de taux lipidiques élevés et de l’inflammation». Bien qu’on ignore toujours si le taux d’hsCRP est un facteur de risque traitable, une nouvelle analyse des données de JUPITER a confirmé que la baisse du taux de C-LDL et la baisse du taux d’hsCRP sont en soi des facteurs prédictifs d’un bénéfice.

«Les patients qui sont parvenus à un taux de C-LDL inférieur à 1,8 mmol/L et à un taux d’hsCRP inférieur à 2,0 mg/L se sont mieux tirés d’affaire que les patients qui n’ont atteint aucun des deux ou qui ont atteint seulement le taux cible de C-LDL», affirme le Dr Ridker.

Dans le cadre d’une analyse publiée dans The Lancet (publication en ligne le 29 mars 2009, avant impression), les auteurs ont calculé la probabilité relative (hazard ratio [HR]) de réduction du risque de survenue du paramètre principal selon que les patients avaient atteint ou non le taux cible de C-LDL (<1,8 mmol/L ou <u>></u>1,8 mmol/L) et le taux cible d’hsCRP (<2,0 mg/L ou <u>></u>2,0 mmol/L) en fin d’étude. Ils ont aussi comparé les patients sous traitement et les témoins sous placebo quant à la réduction du risque, après prise en compte d’un nombre substantiel de variables, dont l’âge, le taux initial de C-LDL, la tension artérielle, l’indice de masse corporelle, l’usage du tabac et les antécédents familiaux. Cette analyse a révélé que les bénéfices observés chez les patients qui présentaient à la fois un faible taux de C-LDL et un faible taux d’hsCRP étaient additifs et indépendants.

Plus précisément, bien que le traitement n’ait été associé à aucun bénéfice par rapport au placebo chez les patients dont le taux d’hsCRP était <u>></u>2,0 mg/L et le taux de C-LDL était <u>></u>1,8 mmol/L, la réduction du risque relatif d’événement atteignait 58 % (HR de 0,42; IC à 95 % : 0,18-0,94; p<0,0001) si le taux d’hsCRP était <2,0 mg/L, même en présence d’un taux de C-LDL >1,8 mmol/L. Si le taux d’hsCRP était <u>></u>2,0 mg/L, mais que le taux de C-LDL était <1,8 mmol/L, la réduction du risque relatif atteignait 47 % (HR de 0,53; IC à 95 % : 0,38-0,74; p<0,0001). Si le taux de C-LDL était <1,8 mmol/L et le taux d’hsCRP était <2,0 mg/L, la réduction du risque atteignait 65 % (HR de 0,35; IC à 95 % : 0,23-0,54; p<0,0001). Si le taux d’hsCRP était <1,0 mg/L, la réduction du risque était encore plus marquée. Ainsi, chez les patients dont le taux de C-LDL était <1,8 mmol/L et le taux d’hsCRP était <1,0 mg/L, la réduction du risque de survenue du paramètre mixte principal atteignait 79 % (HR de 0,21; IC à 95 %, 0,09-0,51; p<0,0001), résultat sans précédent dans un essai de prévention primaire sur le traitement hypolipidémiant. Ces baisses tiennent toutes compte des caractéristiques initiales, ce qui vient confirmer que les réductions et les bénéfices cliniques découlent effectivement des effets du traitement médicamenteux.

La baisse des taux lipidiques, toujours aussi importante

Dans notre quête d’une meilleure compréhension du mécanisme qui sous-tend la protection que confèrent les statines contre le risque CV, ces résultats semblent revêtir une grande importance. Bien qu’une baisse plus forte du taux de C-LDL puisse être associée à une baisse plus forte des taux de marqueurs de l’inflammation, peu importe la statine administrée, le Dr Ridker insiste pour dire que, chez chaque patient, la corrélation entre la baisse du taux de C-LDL et celle du taux d’hsCRP est faible. Moins de 2 % de la variance du taux d’hsCRP obtenu s’expliquait par la variance du taux de C-LDL obtenu lors de l’étude JUPITER, souligne le Dr Ridker. C’est pourquoi les deux résultats possèdent la meilleure valeur prédictive d’une protection CV.

D’autres bénéfices sont possibles. Lorsqu’on lui a demandé de se prononcer sur le mécanisme qui pourrait sous-tendre la protection contre les TEV, le Dr Glynn a répondu que les études précédentes n’avaient pas établi de lien étroit entre des taux lipidiques élevés et un risque accru de TEV. Bien que le lien entre la TEV et les marqueurs de l’inflammation soit plus évident, fait-il valoir, «nous pensons que ce que nous observons avec la rosuvastatine pourrait tenir à une action anticoagulante». En réponse à une question sur un effet de classe éventuel, le Dr Glynn a répondu bien humblement : « Je n’en ai aucune idée». Des études s’imposent, ajoute-t-il.

Pour l’instant, l’hsCRP demeure un marqueur du risque et non la cible du traitement. JUPITER a montré que le taux d’hsCRP peut servir à repérer les patients qui bénéficieraient d’un traitement hypolipidémiant énergique même si leur taux de C-LDL ne justifie pas un traitement d’après les recommandations actuelles. Cela dit, l’étude JUPITER montre aussi qu’en pareil cas, le meilleur prédicteur de la protection est la baisse du taux de C-LDL sous l’effet du traitement et non le taux de C-LDL auquel le patient est parvenu. Cette observation contraste nettement avec les recommandations actuelles, des taux cibles précis étant préconisés en fonction du risque.

«À mon avis, si j’en juge par les données, déclare le Dr Ricker, c’est la réduction en pourcentage des taux de C-LDL et d’hsCRP par rapport aux taux initiaux qui explique la réduction du risque relatif», ce qui voudrait dire qu’aucun taux lipidique absolu ne détermine le risque ou l’absence de risque d’événement CV. Un taux élevé d’hsCRP pourrait expliquer pourquoi certains patients présentant des taux lipidiques assez faibles demeurent exposés à un risque CV élevé. Un taux élevé d’hsCRP permettrait donc de reconnaître les patients chez qui le taux de C-LDL doit être abaissé de façon substantielle même quand les valeurs initiales ne sont pas particulièrement élevées.

Le Dr Jacques Genest, directeur, division de cardiologie, Hôpital Royal Victoria, Université McGill, Montréal, Québec – à qui on a demandé de commenter ces données – affirme que l’objectif du traitement doit demeurer la baisse du taux de C-LDL, même si c’est un nouveau marqueur comme l’hsCRP qui permet de reconnaître les patients à risque. L’une des plus grandes contributions de JUPITER est précisément de réitérer ce message.

«Lorsqu’on abaisse le taux de C-LDL, le risque d’un événement CV diminue», poursuit le Dr Genest, qui ajoute que les très fortes baisses du taux de C-LDL observées lors de JUPITER ont été bien tolérées et sûres et qu’elles ont conféré une protection relative considérable contre les événements. Bien que les résultats dans leur ensemble renforcent l’hypothèse voulant qu’un taux plus faible ait toujours sa place et qu’un seuil minimum n’ait pas encore été repéré, le Dr Genest est d’accord avec le Dr Ridker pour dire que la baisse relative pourrait être tout aussi importante que le taux cible atteint. Selon les résultats de JUPITER, une baisse de 50 % ou plus par rapport au taux initial semble à la fois sûre et bénéfique.

Résumé

L’analyse d’un paramètre secondaire de l’étude JUPITER – la protection contre les TEV – est venue amplifier les bénéfices relatifs associés à une dose plutôt faible de rosuvastatine chez des patients sélectionnés en raison de leur taux élevé d’hsCRP plutôt que d’une hyperlipidémie. La protection contre les TEV – bénéfice qui s’ajoute à la diminution marquée du risque de survenue du paramètre mixte principal regroupant divers événements CV majeurs – a réduit substantiellement le NPT, qui dénote le bénéfice relatif. Même si la forte baisse des taux lipidiques qui résulte de l’administration de la rosuvastatine est probablement le principal facteur qui sous-tend la réduction du risque, de nouvelles analyses ont solidement établi que l’hsCRP est en soi dotée d’une valeur prédictive et ont jeté les bases d’une exploration plus approfondie des mécanismes de cette méthode de prise en charge du risque. En outre, il semble qu’une baisse du taux de C-LDL de 50 % ou plus soit davantage annonciatrice de la protectio
cible de C-LDL.

Figure 3. Baisses des taux de C-LDL et d’hsCRP

<img3044|center>

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.