Comptes rendus

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Vaccination chez l’enfant : Prenons les infections virales de l’enfant plus au sérieux

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 24e Assemblée annuelle de la European Society for Pediatric Infectious Diseases

Bâle, Suisse / 3-5 mai 2006

Si l’on en croit l’une des premières études sur la gastro-entérite à rotavirus (GER) dans la pratique communautaire au Canada, nous devons prendre cette infection plus au sérieux. On oublie généralement qu’elle est la cause première des gastro-entérites (GE) déshydratantes sévères chez les enfants de six mois à trois ans et qu’elle peut être mortelle si elle n’est pas traitée. Les chercheurs canadiens ont rapporté au congrès que l’infection à rotavirus est la cause principale des hospitalisations pour GE (78 %) chez les nourrissons et les enfants au Canada. Pour bien saisir les retombées éventuelles des nouveaux vaccins anti-rotavirus sûrs et efficaces à l’échelle de la population, il est nécessaire de bien comprendre la sévérité de la maladie et son impact sur l’utilisation des ressources du système de santé.

Sévérité de la gastro-entérite à rotavirus

De l’avis du Dr Marc Lebel, CHUM-Hôpital Ste-Justine, Montréal, Québec, l’un des auteurs principaux de l’étude en trois volets, la GER est cliniquement plus sévère que la GE imputable à d’autres causes. «Ses symptômes multiples, dont la diarrhée sévère, les vomissements fréquents et la fièvre, augmentent le risque de déshydratation rapide et rendent la réhydratation orale difficile, ce qui explique que tant d’enfants aient besoin de soins d’urgence supplémentaires», affirme-t-il.

Le premier volet de l’étude visait à déterminer la sévérité de la GER et l’utilisation des ressources du système de santé dans la pratique communautaire. Des échantillons de fèces provenant de 395 enfants de moins de trois ans de partout au Canada qui consultaient pour une GE ont été analysés; sur les 369 échantillons dont les résultats ont été concluants, 200 échantillons (54,2 %) ont objectivé la présence de l’antigène rotavirus alors qu’aucun antigène n’a été décelé dans 169 autres échantillons (45,8 %). Comparativement aux GE rotavirus-négatives, les GER étaient plus susceptibles de causer de la diarrhée (100 % vs 95,9 %, p=0,0037), des vomissements (85,5 % vs 50,9 %, p<0,0001), de la fièvre (62,0 % vs 34,3 %, p<0,0001) et les trois symptômes simultanément (57,5 % vs 18,9 %, p<0,0001).

«Après consultation d’un médecin de famille ou d’un pédiatre, les probabilités d’hospitalisation [risque relatif approché (OR) de 4,5], de visite aux urgences [OR de 2,3] et/ou de réhydratation intraveineuse [OR de 4,9] étaient beaucoup plus élevées dans les cas d’infections à rotavirus», poursuit le Dr Lebel, ajoutant que ces données montrent que la GER est cliniquement plus sévère que les autres GE et qu’elle grève davantage les ressources du système de santé. La vaccination anti-rotavirus pourrait donc diminuer significativement l’utilisation des ressources du système de santé chez les jeunes enfants du Canada, conclut-il.

Distribution des sérotypes du rotavirus au Canada

Comme l’infection à rotavirus induit une immunité spécifique du sérotype, le deuxième volet de l’étude visait à mesurer la distribution des sérotypes G afin de prédire les retombées éventuelles de l’immunisation. Les résultats ont montré que des sérotypes G avaient été identifiés chez 175 des 197 enfants infectés par le rotavirus (88,8 %). La vaste majorité des cas de GER (99 %) se caractérisaient par un sérotype G1 à G4 et G9, souvent conjointement avec le sérotype P1, et le sérotype G le plus fréquent dans cette étude contemporaine était le G1 (55,4 %). Le Dr Lebel précise qu’il s’agit là d’une découverte étonnante, car la prévalence du sérotype G2 était beaucoup plus élevée pendant l’éclosion d’infections à rotavirus qui a eu lieu à Toronto en 1997-1998 (31,5 %) que pendant les six premiers mois de 2005 (3,4 %). «Cela illustre la variabilité saisonnière des types de rotavirus associés aux infections cliniquement pertinentes et souligne la contribution importante de sérotypes autres que G1 à la prévalence des infections à rotavirus», explique-t-il.

Autre observation surprenante, précise le Dr Lebel, la majorité des symptômes de la GER ont été signalés de février à mai. Ils ont atteint un maximum en avril (67 % des infections étaient rotavirus-positives). Or, il était plus ou moins admis que la prévalence des infections à rotavirus atteignait presque toujours un maximum durant les mois d’hiver les plus froids.

La commercialisation de nouveaux vaccins contre le rotavirus – actuellement en phase de recherche clinique – devrait avoir un effet significatif sur les infections à rotavirus. Il importe de souligner que l’un des vaccins contient cinq sérotypes (G1, G2, G3, G4 et le nouveau G9), d’où une protection contre 98 % des GER sévères et 95 % de toutes les infections à rotavirus au Canada. L’autre vaccin expérimental offre une immunité contre les sérotypes P1-G1.

Un fardeau pour les familles canadiennes

Faisant remarquer qu’il est essentiel de connaître les retombées économiques et psychosociales de la GER sur la famille pour évaluer la vaccination, les auteurs se sont concentrés – dans le cadre du troisième volet de l’étude – sur le poids de la GER pour les familles canadiennes relativement à la qualité de vie, aux jours de travail perdus et à la transmission aux autres membres de la famille. Dans 111 cas de GER sur 200 (56 %), au moins un parent s’était absenté du travail, et il s’était perdu en moyenne 2,9 jours de travail, rapporte le Dr Lebel. «Globalement, une GER moyenne nécessitant l’hospitalisation coûte 3,1 jours de travail, vs 2,3 jours pour les cas ne nécessitant qu’une visite aux urgences [sans hospitalisation] et 2,1 jours pour les cas ne nécessitant que la consultation d’un médecin», dit-il.

La GER diminuait la qualité de vie des enfants de 8 % selon le Health Utilities Index (HUI) et de 31 % selon une échelle analogique visuelle (EAV). La qualité de vie des soignants (généralement les parents) avait baissé de 7 % sur l’échelle EQ-5D (Euro Qol-5D) et de 12 % sur l’EAV. Les investigateurs estiment que 100 000 cas de GER entraîneraient la perte de 186 années-personnes sans invalidité (QALY) selon l’index HUI et de 755 QALY selon l’EAV pour les enfants malades ainsi que la perte de 200 QALY selon l’EQ-5D et de 320 QALY selon l’EAV pour les soignants de ces enfants. À leur avis, ces estimations peuvent servir à analyser le rapport coût-efficacité, ce qui capterait la réduction de la mortalité attribuable à la vaccination contre le rotavirus.

Autre donnée importante, dans 93 cas de GER sur 100 (47 %), au moins un autre membre de la famille souffre d’une GE dans un délai de deux semaines, des adultes dans plus de la moitié des cas. «Nos résultats montrent qu’au Canada, la GER perturbe non seulement la qualité de vie des enfants, mais aussi celle des parents», concluent les investigateurs.

Vaccination simplifiée

Au dire du Dr Keith Reisinger, directeur médical, Primary Physicians Research, Pittsburgh, Pennsylvanie, «bien que les avantages économiques et sanitaires de la vaccination chez l’enfant aient été amplement démontrés, le taux de couverture du vaccin contre la varicelle n’est pas optimal [63 % et plus] alors que celui du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole [ROR] dépasse le seuil de 90 %».

Au Canada, les taux de couverture calculés d’après l’enquête nationale de 2004 portant sur des sujets de deux, de sept et de 17 ans indiquent que 94 % des enfants de deux ans avaient reçu au moins une dose du vaccin ROR, alors que 32 % avaient reçu le vaccin contre la varicelle (la première année, le vaccin était offert gratuitement dans certaines provinces). Parmi les enfants de sept ans, 79 % avaient reçu au moins deux doses du vaccin ROR, tandis que seulement 9 % avaient reçu au moins une dose du vaccin contre la varicelle. Enfin, parmi les adolescents de 17 ans, 62 % avaient reçu au moins deux doses du vaccin antirougeoleux et 93 % avaient reçu au moins une dose du vaccin ROR, tandis que seulement 1 % avaient reçu au moins une dose du vaccin contre la varicelle.

«L’une des stratégies intéressantes pour augmenter les taux de couverture du vaccin contre la varicelle et réduire la prévalence de cette dernière consiste à utiliser un vaccin ROR-varicelle combiné. Un vaccin RORV quadrivalent pourrait faciliter la vaccination universelle contre les quatre maladies en améliorant l’observance et les taux de couverture du vaccin contre la varicelle et en réduisant le nombre de visites chez le médecin et le nombre d’injections données aux enfants», explique le Dr Reisinger. Ce vaccin combiné existe et devrait être commercialisé au Canada dans un avenir prochain.

Le vaccin quadrivalent – qui contient la même composante varicelle que le vaccin contre le virus de la varicelle (vivant) (VVL) mais à dose plus forte, et les mêmes composantes que le vaccin ROR II – est aussi immunogène que les vaccins ROR II et VVL administrés en concomitance et offre une protection élevée dès la première dose.

«Dans le cadre d’une étude multicentrique qui regroupait 480 nourrissons sains de 12 à 23 mois recevant aléatoirement le vaccin RORV ou le vaccin ROR II plus le vaccin [VVL], le taux de réponse était supérieur à 90 % dans les deux groupes, et les titres d’anticorps étaient équivalents, souligne le Dr Reisinger. D’autres études ont montré que des enfants de quatre à six ans peuvent recevoir la préparation quadrivalente comme deuxième dose plutôt que les deux vaccins – ROR II et [VVL] – séparément.»

On n’a signalé aucune différence entre les groupes de traitement quant aux éruptions cutanées, aux ecchymoses, à l’enflure ou à l’érythème au point d’injection, mais les patients recevant le vaccin quadrivalent ont bénéficié d’une diminution significative de la douleur et de la sensibilité au toucher. Le vaccin combiné RORV est utilisé aux États-Unis depuis l’année dernière et s’impose comme la nouvelle norme en vaccination, ce que le Dr Reisinger qualifie de développement rapide. Ce vaccin a ceci d’avantageux qu’il permet de réduire le nombre d’injections administrées aux enfants et d’améliorer l’observance du traitement. C’est une solution de rechange commode et efficace aux vaccins séparés contre les ROR et la varicelle, de conclure le Dr Reisinger.

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