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Vaccination des garçons contre le virus du papillome humain (VPH) : le CCNI actualise ses recommandations

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

MEDI-NEWS - D’après le Relevé des maladies transmissibles du Canada (RMTC), janvier 2012;38:DCC-1.

En 2006, le vaccin quadrivalent contre le virus du papillome humain (VPH) a été approuvé au Canada pour utilisation chez les filles et les jeunes femmes de 9 à 26 ans aux fins de prévention de l’infection par les types 6, 11, 16 et 18 du VPH. Ces types sont responsables des cancers du col, de la vulve et du vagin (et des lésions atypiques précédant leur survenue) et des verrues génitales. Environ 2 ans plus tard, on a révisé cette indication de façon à inclure la prévention de l’infection par les mêmes types et la prévention des verrues génitales causées par les types 6 et 11 du VPH chez les garçons. Peu de temps après, le vaccin quadrivalent a été homologué pour utilisation chez les femmes jusqu’à l’âge de 45 ans. Il a ensuite été démontré que le vaccin pouvait aussi protéger les filles et les garçons de 9 à 26 ans contre le cancer de l’anus et les cellules atypiques qui le précèdent. En 2010, le vaccin anti-VPH bivalent contre les types 16 et 18 du VPH a été autorisé pour la prévention du cancer du col et des lésions atypiques qui le précèdent chez les filles et les jeunes femmes de 10 à 25 ans. En janvier 2012, le Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) a revu l’épidémiologie du VPH dans les deux sexes et a actualisé ses données sur l’utilisation du vaccin quadrivalent chez l’homme. Voici les grandes lignes de cette mise à jour.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Le Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) y est allé d’une solide recommandation quant à l’utilisation du vaccin quadrivalent contre le virus du papillome humain (VPH) chez les garçons de 9 à 26 ans aux fins de prévention des dysplasies anales tous grades confondus, du cancer de l’anus et des verrues anogénitales (VAG). Les données à l’appui de cette recommandation ont été qualifiées d’aussi robustes (grade A) que les données à l’appui de la recommandation antérieure quant à l’utilisation du même vaccin quadrivalent chez les filles et les jeunes femmes de 9 à 26 ans.

Le CCNI recommande également la vaccination anti-VPH chez les femmes de plus de 26 ans, et il a accordé une recommandation de grade A au vaccin quadrivalent, ce dernier ayant fait la preuve de son efficacité chez les femmes de 24 à 45 ans. Le vaccin bivalent a pour sa part reçu une recommandation de grade B, son efficacité n’ayant pas été démontrée dans ce groupe d’âge. Les deux vaccins se sont révélés immunogènes et sûrs.

Ces recommandations reflètent celles que l’ACIP (Advisory Committee on Immunization Practices) a présentées aux États-Unis en octobre 2011. L’ACIP recommande en effet l’utilisation systématique du vaccin quadrivalent chez les garçons de 11-12 ans et les garçons de 13 à 21 ans n’ayant pas été vaccinés antérieurement ou n’ayant pas reçu les 3 doses du vaccin. L’ACIP précise en outre que les hommes de 22 à 26 ans pourraient recevoir le vaccin quadrivalent.

Le CCNI recommande d’administrer le vaccin quadrivalent à partir de l’âge de 9 ans aux garçons ayant des relations homosexuelles. En revanche, il ne recommande pas le vaccin bivalent chez les garçons, l’efficacité de ce dernier n’ayant pas été démontrée chez les sujets de sexe masculin.

Incidence des verrues anogénitales

Lorsqu’il aborde l’éventualité d’inclure les garçons et les hommes dans les programmes de vaccination anti-VPH actuellement réservés aux femmes, le CCNI souligne que les provinces et les territoires auraient peut-être intérêt à tenir compte du fardeau que représentent à elles seules les VAG pour la santé publique et l’économie (plus de 90 % des VAG sont causées par les types 6 et 11 du VPH). 

«Au Canada, les VAG représentent un lourd fardeau pour la santé publique et l’économie, estiment les collaborateurs du CCNI. Au cours des dernières années, on a observé en particulier une augmentation marquée de leur incidence chez les hommes et une modification du sex-ratio de leur incidence». Selon deux études canadiennes, l’incidence des VAG se chiffrait à 154 pour 100 000 hommes au Manitoba en 2004 et à 131 pour 100 000 hommes en Colombie-Britannique en 2006, vs 120 et 121 pour 100 000 femmes au Manitoba et en Colombie-Britannique, respectivement. Les deux études ont aussi montré que l’incidence des VAG atteignait un maximum entre les âges de 20 et 24 ans chez la femme et de 25 à 29 ans chez l’homme.

En Colombie-Britannique, la durée moyenne d’un épisode de VAG a été estimée à 76 jours chez l’homme vs 61 jours chez la femme, et le coût moyen du traitement s’élève à environ 190 $ par épisode, «ce qui revient à des coûts médicaux directs d’environ 1 million de dollars pour la Colombie-Britannique». Du point de vue du patient, Drolet et al. ont montré qu’un premier épisode de VAG donnait lieu à une perte d’années de vie ajustées en fonction de la qualité (QALY) équivalente à une perte de 9 à 40 jours de vie saine (Sex Transm Dis 2011;38:949-56).

Incidence des cancers

Le Centre international de Recherche sur le cancer a conclu que de multiples types de VPH, dont les types 16 et 18, étaient responsables de la quasi-totalité des cancers du col de l’utérus. Les données font aussi ressortir un lien causal entre le type 16 du VPH et les cancers de la vulve, du vagin, du pénis, de l’anus, de la cavité buccale et de l’oropharynx de même qu’un lien entre le type 18 du VPH et la plupart de ces cancers. Parmi les cancers recensés chez l’homme, on estime que 80-90 % des cancers de l’anus, 40-50 % des cancers du pénis, 35 % des cancers de l’oropharynx et 25 % des cancers de la cavité buccale découlent de l’infection à VPH; la grande majorité des cancers de l’anus, de la cavité buccale et de l’oropharynx sont imputables aux types 16 et 18 du VPH. À en juger par les données canadiennes et américaines, l’incidence globale des cancers de l’anus chez l’homme et la femme est en hausse depuis des dizaines d’années et la survie globale liée au cancer de l’anus est moindre chez l’homme à tous les stades de la maladie.Des données récentes ont aussi étayé un lien entre l’infection à VPH et un sous-groupe de cancers du pharynx et de la cavité buccale, et c’est le type 16 du VPH qui était encore le plus souvent en cause. 

Comme le soulignent les chercheurs du CCNI, «l’infection à VPH et les maladies de l’anus connexes sont très courantes chez les [hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes], particulièrement ceux qui sont séropositifs pour le VIH». Même en cette ère de traitements antirétroviraux hautement actifs (HAART), on continue de rapporter une incidence à la hausse des cancers de l’anus parmi les hommes infectés par le VIH. Ces données semblent indiquer que l’incidence à la hausse des cancers de l’anus chez les hommes ayant des relations homosexuelles pourrait découler de la prolongation de l’espérance de vie chez les hommes infectés par le VIH qui reçoivent un schéma HAART. En effet, le taux de cancer anal chez les hommes infectés par le VIH est d’environ 70 pour 100 000
années-personnes, ce qui excède le taux de cancer du col utérin chez les femmes, même dans les régions du monde où l’on trouve les taux les plus élevés de ce cancer.

Les hommes infectés par le VPH participent à l’augmentation du risque de lésions précancéreuses et de cancer du col chez leurs partenaires sexuelles. Dans une étude cas-témoins citée par le CCNI, la probabilité de survenue d’un cancer du col était 5 fois plus élevée chez les femmes dont les partenaires étaient positifs pour le VPH.

Au sein de la cohorte canadienne HITCH (HPV Infection and Transmission among Couples through Heterosexual Activity) (J Infect Dis 2011;204:1723-9), la prévalence globale de l’infection à VPH s’élevait à 56 %. Cependant, elle était plus élevée chez les femmes dont les partenaires étaient infectés (83 %) que chez celles dont le partenaire n’était pas infecté (19 %). 

Selon certaines études de modélisation, un programme reposant sur le vaccin anti-VPH quadrivalent qui ciblerait les filles de moins de 12 ans réduirait l’incidence des VAG de 83 % et celle du cancer du col utérin de 78 %, mais «l’intégration des hommes à ce programme entraînerait une [...] réduction supplémentaire, ce qui produirait une réduction totale de 97 % des verrues anogénitales et de 91 % des cancers du col de l’utérus», affirme le CCNI.

Aux États-Unis, les effets indésirables du vaccin quadrivalent signalés dans le cadre du Vaccine Adverse Event Reporting System concordaient avec les effets observés dans les essais qui ont précédé l’homologation.

Questions et réponses

Le 7 février 2012, la Fédération des femmes médecins du Canada (FFMC) a prié les gouvernements provinciaux et territoriaux de financer la vaccination des garçons contre le VPH dans le cadre des programmes de vaccination actuels en milieu scolaire. 

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec la Dre Vivien Brown, présidente de la FFMC (section de Toronto) et affiliée au Département de médecine familiale, University of Toronto, Ontario. 

Q : Pourquoi, à votre avis, avons-nous besoin d’un programme de vaccination anti-VPH financé par l’État pour les garçons?

R : Maintenant que le CCNI recommande le vaccin, la vaccination deviendra la norme. Les données ne laissent planer aucun doute : le vaccin réduit le risque de cancer, et il est donc juste et équitable que les hommes et les garçons aient accès à un vaccin recommandé. 

Q : Vous dites qu’il n’est pas suffisant de vacciner seulement les filles. Pourquoi?

R : Aucun vaccin n’a une couverture vaccinale de 100 %, et nous savons que les hommes ont des partenaires sexuels masculins qui vont aussi répandre le VPH. Nous ne parviendrons donc pas à réduire l’incidence des infections virales à moins de vacciner tout le monde.

Q : Y a-t-il d’autres programmes de vaccination qui ciblaient uniquement les filles – contre la rubéole, par exemple – où cette politique n’a pas fonctionné?

R : Le vaccin contre la rubéole est un bel exemple. Comme on craignait la rubéole durant la grossesse, seules les femmes ont été vaccinées, mais ça n’a pas fonctionné, car le virus était encore trop répandu dans la population. On comprend maintenant que les cancers génitaux sont des maladies infectieuses et qu’en vaccinant les deux partenaires, on diminue à la fois les taux d’infection et de cancer dans la collectivité. 

Q: Qu’en est-il des garçons/hommes et des filles/femmes qui ne sont pas admissibles au programme de vaccination financé par l’État ou des filles/femmes admissibles qui ont raté l’occasion de se faire vacciner? Les omnipraticiens devraient-ils, à votre avis, recommander fortement le vaccin anti-VPH à leurs patients à risque d’infection qui n’ont pas encore été vaccinés?

R : Absolument! Les recommandations du CCNI deviennent la norme. En notre qualité de prestataires de soins de première ligne, nous avons comme mandat de faire connaître le vaccin au public et à nos patients. Que le vaccin fasse l’objet de campagnes financées par l’État ou non, son utilisation doit être recommandée, et cela devrait faire partie de la formation des médecins. Les patients ont le droit d’accepter ou de refuser la vaccination, mais si nous ne contribuons pas à leur éducation, ils ne comprendront pas bien les enjeux. Notre rôle en tant que prestataires de soins de première ligne est donc d’expliquer ce que veulent dire ces recommandations pour eux personnellement. 

































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