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Vaccins contre les infections invasives à méningocoques : État de la situation

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - Point de vue sur l’article suivant : Clin Infect Dis 2009;49(1):e1-10

Octobre 2009

Relu et révisé par :

Lisa Jackson, MD, MPH

Chercheuse principale, Group Health Research Institute, Professeure en recherche, Épidémiologie Professeure auxiliaire en recherche, Allergies, maladies infectieuses et médecine, University of Washington School of Public Health, Seattle, Washington

Avant 2001, les éclosions d’infections invasives à méningocoques (IIM) causées par le sérogroupe C étaient assez fréquentes au Canada, mais leur incidence a diminué considérablement depuis, en partie grâce aux programmes d’immunisation par les vaccins antiméningococciques C conjugués. Selon un numéro récent du Relevé des maladies transmissibles au Canada (RMTC), le sérogroupe B est à l’origine de 55 % des méningococcies diagnostiquées à l’échelle nationale, mais le taux d’incidence varie, allant d’environ 33 % en Colombie-Britannique et dans les Maritimes à 100 % au Manitoba (RMTC 2009;36:DCC-3).

Toujours selon ce même relevé pancanadien, environ la moitié des autres infections méningococciques seraient imputables au sérogroupe C. Ici encore, cependant, on observe une variation épidémiologique considérable d’une province à l’autre; ainsi, dans certaines régions, l’incidence des infections par le sérogroupe C est presque identique, voire inférieure, à l’incidence des infections par le sérogroupe Y.

Par ailleurs, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) note que le pourcentage et le nombre de méningococcies causées par le sérogroupe Y sont demeurés stables au fil du temps. Toutefois, un examen attentif du RMTC révèle que ce sérogroupe est responsable de 24 % des méningococcies en Colombie-Britannique, 21 % en Alberta, 20 % en Saskatchewan et 20 % en Ontario (Tableau 1). À l’heure actuelle, les sérogroupes A et W135 provoquent très peu d’IIM au pays.

Tableau 1. Incidence des infections invasives à méningocoques


Aux États-Unis, les infections à méningocoques de l’adolescent et du jeune adulte sont généralement causées par les sérogroupes C, Y et W135; collectivement, ceux-ci sont à l’origine d’environ 80 % des IIM chez les Américains de 11 à 22 ans.

Actuellement, deux vaccins antiméningococciques quadrivalents sont homologués au Canada et aux États-Unis : un vaccin polysaccharidique non conjugué (Menomune) et un vaccin polysaccharidique conjugué à un support protéique, MenACWY-DT (Menactra). À l’instar des autres vaccins polysaccharidiques non conjugués, le vaccin antiméningococcique déclenche une réponse immunitaire largement indépendante des lymphocytes T et, de ce fait, ne confère pas une immunité de longue durée, quel que soit le groupe d’âge. Par contre, les vaccins conjugués suscitent une réponse immunitaire dépendante des lymphocytes T et confèrent au sujet une mémoire immunitaire, lui procurant, croit-on, une immunité plus durable. Fait digne de mention, les vaccins antiméningococciques conjugués réduisent le portage asymptomatique de N. meningitides, ce qui peut améliorer l’immunité collective.

Au début de 2009, le CCNI a mis à jour ses recommandations sur la vaccination antiméningococcique de l’adolescent, si bien que l’on peut désormais opter pour le vaccin conjugué contre les méningocoques du groupe C ou pour le vaccin quadrivalent MenACWY-DT. Le choix doit être fonction du fardeau imposé par les sérogroupes A, Y et W135 dans la région considérée ainsi que de la répartition selon l’âge des infections causées par chaque sérogroupe. Trois provinces – l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario – ont inscrit le vaccin MenACWY-DT dans leur calendrier de vaccination. En Ontario, la vaccination des adolescents a lieu en septième année, alors qu’à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick, elle a lieu en neuvième année.

Le CCNI recommande également l’ajout au calendrier de vaccination d’une dose d’un vaccin antiméningococcique conjugué à l’adolescence, même chez les sujets déjà immunisés dans le cadre d’un programme de vaccination systématique contre le sérogroupe C visant les nourrissons et les bébés de un an. Le CCNI estime que cette dose favorisera la présence d’anticorps circulants contre le sérogroupe C, laquelle semble jouer un rôle protecteur important contre les IIM.

L’âge optimal pour l’administration de cette dose est environ 12 ans. Entre 1995 et 2006, l’incidence moyenne des IIM au Canada s’est chiffrée, selon le CCNI, à 0,77 cas pour 100 000 habitants/année, et c’est chez les bébés de moins de 12 mois qu’elle a été la plus élevée, soit 8,7 cas/100 000. Le deuxième groupe le plus touché était constitué des enfants de 1 à 4 ans, chez lesquels l’incidence annuelle a atteint 2,3/100 000.

Vaccin quadrivalent innovant : Résultats d’un essai de phase III

On a mis au point récemment un nouveau vaccin antiméningococcique quadrivalent utilisant la protéine CRM (cross-reacting material), toxine diphtérique mutante non toxique, comme vecteur protéique. Dans un essai de phase III avec randomisation mené chez 2170 sujets de 11 à 18 ans, on s’est livré à la première comparaison directe entre le nouveau vaccin ACWY-CRM et le vaccin quadrivalent actuellement sur le marché, soit MenACWY-DT. La randomisation avait pour but d’affecter la population à l’un des trois lots du vaccin MenACWY-CRM (n=1631) ou au vaccin quadrivalent MenACWY-DT (n=539). Chaque adolescent a reçu une seule injection dans le deltoïde.

Des prélèvements sanguins ont été effectués au moment du recrutement, puis un mois après la vaccination. À l’aide du dosage de l’activité bactéricide du sérum avec le complément humain (hSBA), on a comparé l’immunogénicité des deux vaccins pour les sérogroupes A, C, W135 et Y. Lorsque le titre prévaccinal était inférieur à 1:4 (donc sous la limite de détection), la présence d’un titre postvaccinal d’au moins 1:8 témoignait d’une réponse sérologique. Lorsque le titre prévaccinal était d’au moins 1:4, la multiplication par au moins quatre de ce titre après la vaccination témoignait d’une réponse sérologique.

Les analyses n’ayant pas révélé de manque d’homogénéité entre les trois lots du vaccin MenACWY-CRM utilisés dans l’essai, on a comparé la réponse des sujets qui ont reçu ce vaccin, sans égard au lot, à celle des sujets qui ont reçu le vaccin MenACWY-DT. La moyenne géométrique des titres (MGT) mesurés par la méthode hSBA un mois après la vaccination a été systématiquement plus élevée dans le groupe MenACWY-CRM que dans le groupe MenACWY-DT. De fait, la MGT des titres postvaccinaux (hSBA) atteinte grâce au nouveau vaccin répondait aux critères de supériorité prédéfinis, et ce, pour les quatre sérogroupes (Tableau 2).

Tableau 2. Moyenne g
postvaccinaux (hSBA)

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Parmi les critères d’évaluation prédéfinis figurait la proportion d’adolescents atteignant un titre postvaccinal d’au moins 1:8 (hSBA). La comparaison des deux vaccins a révélé que la réponse au MenACWY-CRM satisfaisait au critère de supériorité statistique pour les sérogroupes A, W135 et Y, et au critère de non-infériorité pour le sérogroupe C. C’est pour le sérogroupe Y que la différence a été la plus marquée, 88 % des sujets du groupe MenACWY-CRM ayant atteint un titre postvaccinal d’au moins 1:8 (hSBA), contre 69 % des sujets du groupe MenACWY-DT (Figure 1).

Figure 1.
ésentant un titre postvaccinal <u>></u>1:8 (hSBA)

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Les deux vaccins ont été bien tolérés et ont fait montre d’une réactogénicité comparable. La réaction locale la plus fréquente a été la douleur, signalée par un nombre à peu près comparable d’adolescents dans chaque groupe.

Discussion

On ne saurait dire pour l’instant, à la lumière des résultats de cet essai multicentrique de phase III, si les réponses immunitaires plus robustes associées au vaccin MenACWY-CRM offriront effectivement une meilleure protection contre les IIM. Cela dit, la détermination de l’immunogénicité à l’aide du complément humain a bien prédit l’efficacité vaccinale dans d’autres études. Qui plus est, des vaccins homologués après démonstration de leur capacité de déclencher une réponse immunitaire robuste se sont ensuite révélés efficaces lors de campagnes de vaccination à grande échelle dans de nombreux pays, dont le Canada.

Par ailleurs, d’autres éléments donnent à penser que les différences entre les deux vaccins au chapitre de la réponse hSBA pourraient avoir un retentissement clinique appréciable. En effet, d’autres chercheurs ont déjà montré qu’administré au cours des six premiers mois de vie, le vaccin quadrivalent MenACWY-DT ne conférait pas une protection suffisante contre les IIM causées par le sérogroupe C, W135 ou Y. En revanche, le nouveau vaccin, dans des formules comprenant ou non du phosphate d’aluminium à titre d’adjuvant, s’est révélé immunogène chez des nourrissons. Fait à noter, le vecteur protéique des deux vaccins diffère : protéine CRM<sub>197</sub> de Corynebacterium diphtheriae dans le cas de MenACWY-CRM et anatoxine diphtérique dans le cas de MenACWY-DT. Initialement, le vaccin utilisé contre Haemophilus influenzae de type b (Hib), lui aussi conjugué à une anatoxine diphtérique, s’était révélé efficace lors d’un essai clinique, mais son immunogénicité demeurait relativement faible chez les nourrissons de moins de six mois. Ce manque d’efficacité avait également été constaté après l’administration de ce même vaccin à une cohorte de nourrissons autochtones de l’Alaska.

À l’opposé, dans un autre essai, le vaccin anti-Hib, conjugué cette fois à la protéine CRM utilisée dans le nouveau vaccin antiméningococcique, s’était montré efficace chez des nourrissons. En fait, depuis la mise en marché du vaccin anti-Hib conjugué à la protéine CRM aux États-Unis, l’infection invasive à Hib a pour ainsi dire été éradiquée.

Le profil épidémiologique de l’IIM diffère tant au sein d’un même pays que d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, par exemple, les infections causées par le sérogroupe Y ont connu une croissance exponentielle au cours des 20 dernières années et représentent aujourd’hui environ le tiers des IIM.

Or, une proportion significativement plus grande de sujets du groupe MenACWY-CRM (81 %) ont atteint un titre protecteur d’anticorps contre le sérogroupe Y par rapport au groupe MenACWY-DT (54 %). Il y a donc lieu de croire que le nouveau vaccin pourrait faire reculer l’incidence des infections causées par le sérogroupe Y et réduire notablement la morbi-mortalité qui en découle.

Les essais cliniques ont montré que le nouveau vaccin était immunogène à tous les âges, y compris chez les nourrissons de deux mois et les personnes âgées, et que la protection contre les quatre sérogroupes était toujours active après un an, chez les enfants comme chez les adolescents.

Dans notre essai comparatif, les adolescents ayant reçu le nouveau vaccin MenACWY-CRM ont eu une réponse immunitaire favorable par rapport à ceux qui ont reçu le vaccin MenACWY-DT. Chez les sujets à qui on a administré le nouveau vaccin, le pourcentage de réponses sérologiques pour les sérogroupes A, Y et W135 a été statistiquement plus élevé, tout comme le pourcentage de titres d’au moins 1:8 (hSBA) pour les sérogroupes A, Y et W135. Les deux vaccins ont été bien tolérés, et peu d’effets systémiques ont été signalés.

Cela dit, il faut souligner ici que les réponses immunitaires statistiquement supérieures associées au nouveau vaccin ne se traduiront pas forcément par une meilleure protection contre les sérogroupes A, C, W135 et Y. Comme les titres d’anticorps observés initialement chez les receveurs du nouveau vaccin étaient plus élevés, la protection sera peut-être plus durable. Les spécialistes vont devoir évaluer la robustesse de la protection offerte par les deux vaccins à l’aune du profil épidémiologique de l’infection dans la région visée. Ainsi, en présence d’une incidence notable d’infections par le sérogroupe Y, ce qui est le cas dans certaines provinces canadiennes et aux États-Unis, l’exposition de la population cible justifie l’administration d’un vaccin quadrivalent conjugué, que l’on opte pour le vaccin actuel ou le nouveau vaccin.

La prévention des IIM, de la petite enfance au troisième âge, est un objectif des plus louables. On ne peut donc que se réjouir de l’arrivée d’un nouveau vaccin capable de déclencher des réponses immunitaires robustes contre les sérogroupes à l’origine de la majeure partie de ces infections.

Références : Jackson LA, Baxter R, Reisinger K, Karsten A, Shah J, Bedell L, Dull PM and the V59P13 Study Group. Phase III comparison of an investigational quadrivalent meningococcal conjugate vaccine with the licensed meningococcal ACWY conjugate vaccine in adolescents. Clinical Infectious Diseases 2009;49(1):e1-10.

Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI). Mise à jour des recommandations concernant la méningococcie et le vaccin conjugué contre le méningocoque. Relevé des maladies transmissibles au Canada Avril 2009;36:DCC-3.

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