Comptes rendus

Améliorer le quotidien des patients atteints de MPOC et leurs perspectives d’avenir
STRIDE-3 : Prise en charge de l’hypertension artérielle pulmonaire par le blocage sélectif des récepteurs de l’endothéline

Évaluation des risques et des bénéfices des nouveaux traitements et des traitements actuels contre la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 25e Congrès du Comité européen pour le traitement et la recherche sur la sclérose en plaques (ECTRIMS)

Düsseldorf, Allemagne / 9-12 septembre 2009

Vu la nature hétérogène de la sclérose en plaques (SEP), les besoins varient d’un patient à l’autre. Plus les nouveaux agents seront nombreux, mieux nous pourrons adapter le traitement aux besoins de chaque individu. Comme le résume le Dr Mark J. Tullman, Columbia University Medical Center, New York, les grands objectifs du traitement sont «la prévention de la progression de l’invalidité, la prévention des poussées et l’amélioration de la qualité de vie». De plus, les traitements doivent être «commodes, sûrs et bien tolérés; et si possible, ils doivent réparer les lésions et rétablir les capacités fonctionnelles».

Dans le cas des nouveaux traitements, il faudra du temps pour parvenir, au fil de la pratique clinique, à une connaissance complète du rapport risques/bénéfices. À mesure que ce rapport se précisera, on pourra prendre des décisions de traitement plus judicieuses en tenant compte des éléments de la Figure 1.

Les traitements de fond reconnus – les interférons (IFN) et l’acétate de glatiramère (AG) – étant sur le marché depuis de nombreuses années, leur dossier clinique s’enrichit de jour en jour. Bien que les données issues de suivis au long cours soient peu nombreuses, les risques et les bénéfices à long terme de ces traitements sont raisonnablement bien établis.

Suivi au long cours des traitements de fond actuels

En ce qui concerne l’AG, voilà maintenant 15 ans qu’on se livre au suivi prospectif de sujets d’un essai clinique pivot mené aux États-Unis. Dans cet essai, l’AG avait amené une réduction significative de la fréquence des poussées par rapport au placebo, et l’écart avait atteint la significativité à partir du neuvième mois. En outre, l’AG avait prolongé l’intervalle avant la progression de l’invalidité (hausse <u>></u>1,5 du score sur l’échelle étendue d’incapacité [EDSS, pour Expanded Disability Status Score]). Au terme de cet essai, les sujets pouvaient, à leur gré, passer à l’AG s’ils faisaient partie du groupe placebo ou poursuivre le traitement par l’AG s’ils avaient été affectés à cet agent.

On a assuré le suivi prospectif dans une cohorte modifiée par rapport à celle de l’analyse en intention de traiter. Cette dernière comportait 232 patients qui, pour y être admis, devaient avoir reçu au moins une dose d’AG. De ce groupe, 108 patients poursuivent leur traitement par l’AG à ce jour. Des 124 patients qui ont cessé de prendre le médicament, 50 se sont présentés à une visite dans le cadre du suivi à long terme, permettant du coup une comparaison entre les patients traités de façon continue et les autres. «Chez les patients qui prennent encore de l’AG, on a observé une baisse constante de la fréquence des poussées, et, fait encourageant, le score EDSS moyen est demeuré relativement stable», fait observer le Dr Peter Rieckmann, University of British Columbia, Vancouver. Le score EDSS a atteint 4 chez 24 % de ces patients et 8 chez seulement 8 % de ces patients, comparativement à 69 % et à 50 %, respectivement, des patients qui ont cessé de prendre de l’AG à la dernière visite prévue dans l’étude.

Bien que la conduite d’essais comparatifs sur une si longue période relève de l’impossibilité logistique, on peut tirer des données comparatives de l’observation de cohortes historiques. Les résultats d’une étude sur l’évolution naturelle de la maladie nous apprennent que dans le scénario d’évolution le moins défavorable observé à ce jour, 21 % des patients non traités ont atteint un score EDSS de 6 après 15 ans, comparativement à 8 % des sujets du suivi prospectif à long terme sous traitement ininterrompu par l’AG. Conscient du biais pouvant entacher pareille comparaison, le Dr Rieckmann a admis les limites de cette démarche, mais, a-t-il ajouté, «je pense que c’est la meilleure comparaison que nous ayons».

Vu les difficultés liées aux études prospectives à long terme avec randomisation, on se tourne habituellement vers les études d’observation pour obtenir des données comparatives sur les traitements de fond. Malgré la présence éventuelle de biais qui viennent restreindre la portée de ce type d’études – à titre d’exemple, on croit généralement que les patients sous IFNß-1a par voie intramusculaire souffrent d’une SEP légère – ces comparaisons ne sont pas dénuées d’intérêt. Dans une étude présentée ici, la Dre Adriana Carrá, Hospital Británico, Buenos Aires, Argentine, et ses collègues ont évalué les résultats du traitement par l’AG et les IFN en comparant les scores à l’échelle de sévérité de la sclérose en plaques (MSSS, pour Multiple Sclerosis Severity Scale) et les intervalles écoulés avant l’atteinte de divers jalons sur l’EDSS. Dans ce cas-ci, le traitement a été plus bref, soit à peu près cinq ans, tant pour l’AG que pour les IFN. À la lumière de leur analyse des données du suivi à long terme, les auteurs ont conclu que le risque de parvenir à un score EDSS <u>></u>6 était de 31 % chez les patients sous IFNß et de 24 % chez les patients sous AG.

Un regard nouveau sur les traitements actuels

On a analysé au moyen de l’échelle MSSS les données tirées du suivi à long terme des patients sous AG décrit précédemment. Selon cette échelle, qui s’appuie sur l’évolution naturelle de la maladie et rend compte de l’effet du traitement, la sévérité de l’affection a diminué chez 56 % des patients traités par l’AG, contre 28 % des patients qui ont participé au suivi à long terme, mais avaient abandonné le traitement (p<0,0001). «La question qu’il faut se poser ici, commente le Dr Joseph Herbert, New York Hospital for Joint Disease, c’est : quels patients se sont retirés de l’étude? Et on constate que les sujets qui présentaient un score MSSS élevé en début de traitement étaient plus portés à cesser de prendre le médicament.» On peut dès lors penser que les patients présentant un score MSSS élevé sont plus susceptibles de couper court à leur traitement et qu’il y aurait peut-être lieu d’envisager d’autres démarches thérapeutiques pour certains d’entre eux.

Figure 1. Éléments influant sur les décisions de traitement compte tenu de l’arrivée de nouveaux agents contre la SEP


Innocuité des nouveaux agents

Les anticorps monoclonaux ont révolutionné le traitement de nombreuses maladies autoimmunes et de plusieurs types de cancers. Grâce à une liaison cellulaire hautement spécifique, ils agissent sur les voies de signalisation avec une précision jusque-là inégalée. Cependant, leur puissance est à l’origine de divers effets indésirables graves, déplore le Dr Alan Tyndall, hôpital Felix-Platter, Bâle, Suisse.

En outre, souligne le médecin, dans la plupart des études sur les nouveaux agents, on exclut explicitement les personnes immunodéprimées ou éventuellement plus vulnérables, pour quelque raison que ce soit, aux effets indésirables. Dans la mesure où les effectifs des études ne sont pas forcément représentatifs des patients en pratique clinique et où certains effets indésirables graves sont rares, il n’est pas impossible que des problèmes ne soient décelés qu’à un stade avancé de la recherche clinique, voire après la commercialisation.

Au cours des essais cliniques, le natalizumab, anticorps monoclonal, s’est montré très efficace. Sur deux ans, il a réduit de 42 à 54 % le risque de progression soutenue de l’invalidité et de 68 % la fréquence annualisée des poussées par rapport au placebo (Polman et al. N Engl J Med 2006; 354[9]:899-910). Pourtant, on a volontairement interrompu le développement du médicament en 2005 après un diagnostic de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LMP), infection opportuniste causée par le virus JC, chez deux patients atteints de SEP et traités par le natalizumab.

Les autorités n’ont avalisé la remise en marché du natalizumab (en traitement de deuxième intention) qu’après la mise en place d’un vaste programme de surveillance. «La détection précoce de cette maladie souvent mortelle est capitale», insiste le Dr Igor J. Koralnik, Beth Israel Deaconess Medical Center, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. On demande instamment aux patients, à leurs proches et à leurs aidants de demeurer à l’affût de la moindre anomalie, et en cas de doute, on doit procéder sans tarder à un examen par IRM.

Actuellement, l’incidence de la LMP est inférieure à 1:1000 patients dans les études post-commercialisation, mais on ignore si elle changera à mesure que s’allongera la durée d’exposition au médicament. Après le retrait du natalizumab, l’épuration par échange plasmatique ou immunoadsorption, ou les deux, a accéléré l’élimination du médicament de la circulation et a semblé améliorer l’issue de la maladie : la majorité des patients ayant souffert d’une LMP sont encore en vie, bien qu’ils conservent des séquelles neurologiques de sévérité variable.

Nouveaux traitements contre la SEP

Des données à long terme étayent l’efficacité et l’innocuité des traitements actuels opposés à la SEP. Malgré cela, ils ne donnent pas les résultats escomptés chez certains patients. Dans TRANSFORMS (Trial Assessing Injectable Interferon vs. FTY720 Oral in RRMS), un essai de phase III, on a comparé le fingolimod – agent pour la voie orale qui s’est montré actif en début de développement clinique – à 0,5 et 1,25 mg à l’IFNß-1a chez des patients atteints de SEP rémittente. Après randomisation, 435 patients ont reçu, pendant 12 mois, l’IFNß, 431, le fingolimod à 0,5 mg et 426, le fingolimod à 1,25 mg.

Le profil d’effets indésirables était comparable dans les trois groupes, bien qu’on ait signalé cinq cas de carcinome basocellulaire et trois de mélanome malin dans les groupes fingolimod, comparativement à un seul cas de chacun dans le groupe IFNß. De plus, on a observé un œdème maculaire chez six sujets du groupe fingolimod et aucun du groupe IFNß; dans tous les cas, le problème s’est résolu après l’arrêt du traitement.

On a enregistré une fréquence annualisée des poussées de 0,33 chez les sujets sous IFNß, contre 0,16 chez les sujets sous fingolimod à 0,5 mg (différence relative vs l’IFNß : -52 %; p<0,001) et 0,20 chez les sujets sous fingolimod à 1,25 mg (différence relative vs l’IFNß : -38 %; p<0,001). «Dans ce premier essai de phase III, mené à double insu avec double placebo et agent de comparaison actif, le critère principal a été atteint. On a, en effet, démontré que le fingolimod pour la voie orale à 0,5 et 1,25 mg prévenait plus efficacement les poussées que l’IFNß-1a par voie intramusculaire», constate le Dr Jeffrey Cohen, Cleveland Clinic Foundation, Ohio.

Il existe une autre lueur d’espoir pour les patients qui répondent mal aux traitements actuels; il s’agit du laquinimod, molécule novatrice parvenue à un stade avancé de son développement clinique. Comme l’a montré le Pr Wolfgang Brück, hôpital universitaire, université Georg-August, Göttingen, Allemagne, en diminuant l’infiltration des leucocytes dans le système nerveux central, cet agent pour la voie orale bonifie le profil des lymphocytes Th (les lymphocytes Th2 et Th3 joueraient un rôle neuroprotecteur, tandis que les lymphocytes Th1 favoriseraient l’apparition de lésions). Le modèle du Pr Brück a également révélé une démyélinisation moins étendue (3,8±1,9 % vs 9,3±4,3 %; p=0,001) de même qu’une détérioration axonale moins marquée dans les lésions de la moelle épinière (697±185/mm2; p=0,014) chez les souris traitées par rapport aux souris témoins, et l’écart était significatif dans les deux cas. «Nos observations indiquent que le laquinimod pourrait exercer, outre son effet anti-inflammatoire, un effet protecteur sur les axones», conclut le professeur. Enfin, le laquinimod réalise également une régulation positive à l’égard d’un agent neuroprotecteur, le facteur neurotrophique dérivé du cerveau, ce qui atteste une fois de plus ses propriétés neuroprotectrices.

Dans une étude de phase II de 36 semaines appelée «Laq5062» (Comi et al. Lancet 2008;371[9630]:2085-92), des doses de 0,3 et de 0,6 mg de laquinimod avaient diminué la fréquence des poussées par rapport au placebo. S’ils le souhaitaient, les sujets parvenus au terme de cette étude pouvaient poursuivre leur traitement au cours d’une prolongation ouverte (n=209). Les témoins sous placebo ont alors été randomisés pour recevoir le laquinimod à 0,3 mg ou à 0,6 mg, tandis que les sujets déjà sous traitement actif ont continué de recevoir la même dose. Tous les traitements se sont poursuivis pendant 36 autres semaines. La fréquence des poussées a continué de diminuer chez les patients qui recevaient déjà le traitement actif et a subi une baisse marquée chez les patients sous placebo pendant l’essai initial.

Les effets indésirables les plus fréquents ont été la rhinopharyngite (25,8 %), les maux de dos (12,4 %) et les céphalées (8,1 %). On n’a pas noté de hausse du taux de quelque type de cancer que ce soit, et aucun événement cardiaque évocateur d’une ischémie myocardique n’a été signalé chez les patients traités par le laquinimod. On n’a pas rapporté non plus d’infections opportunistes ou menaçant le pronostic vital chez ces sujets. Dans l’ensemble, cet agent oral s’est montré sûr et bien toléré à toutes les phases de l’étude, et cinq patients se sont retirés pour cause d’effets indésirables.

Autre substance à l’étude : la cladribine, analogue des purines. Destinée à l’origine au traitement de la leucémie, la cladribine produit une immunomodulation en ciblant certaines populations lymphocytaires. Elle s’est révélée efficace dans des essais cliniques menés à double insu avec randomisation et placebo, tels que CLARITY (Cladribine Tablets Treating MS Orally), mais son innocuité à long terme demeure incertaine.

On administre la cladribine en cures de courte durée (une fois par jour pendant quatre ou cinq jours) lors de deux ou quatre mois consécutifs (périodes de 28 jours). Une analyse d’innocuité s’inscrivant dans l’étude CLARITY a révélé un taux global d’effets indésirables comparable entre les groupes traités. Le zona et les fibromes utérins ont été plus fréquents dans les groupes cladribine, tout comme d’ailleurs la lymphocytopénie (26,7 % chez les sujets sous cladribine contre 1,8 % chez les témoins sous placebo); dans ce dernier cas, l’effet était à prévoir eu égard au mode d’action du médicament. Quant à la fréquence des autres effets indésirables, elle était similaire d’un groupe à l’autre, tout comme la proportion de sujets ayant mis fin à leur traitement pour cause d’effets indésirables (5,8 % vs 2,1 %).

«À en juger par le profil d’innocuité qui ressort de cette étude, je crois qu’on peut considérer la cladribine comme une nouvelle option thérapeutique dans la SEP», estime le Dr Stuart Cook, University of Medicine and Dentistry of New Jersey, Newark.

Qualité de vie

Un traitement efficace qui prévient les poussées ou ralentit la progression de la maladie contribue sans conteste à l’amélioration de la qualité de vie (QDV). Le Dr Thibault Moreau, Département de neurologie, CHU de Dijon, France, et ses collaborateurs se sont demandé si un outil d’évaluation de l’invalidité telle l’échelle EDSS pouvait rendre compte fidèlement de la QDV telle que la percevait le patient. Les outils actuels d’évaluation de la QDV n’étant pas conçus expressément pour la SEP, l’équipe a décidé d’évaluer, aux fins de validation, le questionnaire Profil de la qualité de vie subjective (PQVS) chez des patients traités par l’AG.

Les chercheurs ont recruté 310 patients atteints de SEP rémittente (âge moyen : 42 ans; proportion de femmes : 72 %). Le score EDSS était de 0-3 chez 69 % des sujets, de 3-4 chez 15 % des sujets et >4 chez 16 % des sujets. Les patients ont été évalués deux fois, lors de deux visites qui ont eu lieu à 10 mois d’intervalle. Dans les quatre domaines les plus importants – santé physique, relations interpersonnelles, performances intellectuelles et activité – il y avait corrélation significative entre le score EDSS de départ et le score PQVS (p<0,05 pour toutes les comparaisons). En outre, les chercheurs ont observé une amélioration appréciable de la QDV entre les deux visites chez les patients qui en étaient à leur premier traitement. «En plus d’établir un lien entre l’échelle EDSS et le questionnaire PQVS, cette étude témoigne d’une QDV stable, voire croissante, chez les patients atteints de SEP et traités par l’AG», affirment les auteurs.

Résumé

Les médecins et les patients ont toujours considéré la SEP comme une maladie invalidante de sombre pronostic. Toutefois, au fil du suivi de plus en plus long des patients soumis à des traitements de fond tels les IFN et l’AG se dessine une maladie plus accessible au traitement, ponctuée de poussées moins nombreuses et connaissant une progression plus lente. Ces traitements ont rehaussé concrètement la QDV de nombreux patients, souvent des personnes jeunes et en âge de travailler.

Aux possibilités de traitement déjà offertes s’ajouteront d’autres molécules, telles que le natalizumab (homologué en traitement de deuxième intention de la SEP rémittente). Il faut toutefois rappeler que l’efficacité de ces agents aux puissants effets immunomodulateurs a un prix. Du coup, une surveillance étroite des infections opportunistes et d’autres effets indésirables graves, notamment les cancers, est incontournable.

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