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Évaluation du déclin cognitif associé à la démence mixte

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

MEDI-NEWS - D’après l’article suivant : Nadeau Y, Black SE. Le Clinicien, avril 2010.

Avril 2010

Texte revu par :

Yannick Nadeau, MD, FRCPC

Département de médecine, Neurologie, Centre de recherche en neurologie cognitive L.C. Campbell, Le Centre de réadaptation post-AVC de la Fondation des maladies du cœur, Sunnybrook Health Sciences Centre, University of Toronto

Chez le sujet âgé, les deux causes principales de démence sont la maladie d’Alzheimer (MA) et la déficience cognitive vasculaire (DCV), mais leur présence n’est pas mutuellement exclusive. À en juger par des études autopsiques, la MA pure ne représenterait pas plus de 57 % et peut-être seulement 21 % des cas de démence. Certains auteurs concluent en fait que la démence mixte (DM) – terme utilisé pour décrire la coexistence de la MA et de la démence vasculaire (DVa) – est la forme de démence la plus courante. Malgré le nombre assez restreint d’études sur la DM en particulier, l’efficacité des agents contre la MA dans la MA et la DCV plaide en faveur du rôle clé des inhibiteurs de la cholinestérase (IChE) dans la DM, estiment les auteurs d’une revue récente. Les données n’étayent pas de grandes différences entre les agents actuellement commercialisés.

«Il existe davantage de preuves à l’appui du donépézil et de la galantamine dans le traitement de la DCV et de la MA associée à [une maladie vasculaire cérébrale (MCV)]», mais il semble aussi que la rivastigmine soit bénéfique, concluent les Drs Yannick Nadeau et Sandra E. Black au terme de leur revue. Les deux chercheurs du Service de recherche en neurologie du Centre de réadaptation post-AVC, Sunnybrook Health Sciences Centre, University of Toronto, Ontario, affirment que «comme c’est le cas dans la MA, ces effets bénéfiques pourraient être davantage un effet de classe des [IChE] que l’effet d’une molécule en particulier. En l’absence de données comparatives, il n’existe pas de preuves démontrant qu’un [IChE] soit préférable à un autre agent de cette même classe».

Bien qu’ils n’aient pas réussi à différencier les agents contre la MA actuels dans le traitement de la DM sur le plan de l’efficacité, les chercheurs ont accumulé un faisceau assez large de données à l’appui de leur efficacité individuelle. Des bénéfices significatifs dans la DVa ou la DM se dégagent d’un tour d’horizon des résultats des études d’envergure sur ces agents dans la DM ou la MA compliquée d’une DCV, à savoir les quatre études sur le donépézil, trois études sur la galantamine, deux études sur la rivastigmine et deux études sur la mémantine. Même si aucun de ces agents n’a d’indication autre que la MA, ils semblent tous aussi efficaces en présence qu’en l’absence d’une maladie vasculaire.

Les données issues des études sur le donépézil, dont plusieurs étaient comparatives et menées avec randomisation, sont représentatives. Lors d’une étude, 16 % des 565 patients Alzheimer évalués présentaient aussi une DVa. Dans ce sous-groupe, la réponse cognitive était encore plus marquée chez les sujets qui avaient des antécédents de MVC (p=0,002) que chez ceux qui n’en avaient pas. Dans une autre étude, regroupant cette fois 913 patients dont 29,6 % avaient des antécédents de MVC, la réponse n’était pas significativement plus marquée au sein du sous-groupe atteint de MVC, mais la proportion de répondeurs était plus grande dans le sous-groupe MVC après seulement trois mois de suivi. Lors d’une troisième étude, qui regroupait 603 patients atteints de DVa sans indice clinique de MA ou de DM, les auteurs ont observé une amélioration significative de la fonction cognitive et de la capacité fonctionnelle globale. Un résultat similaire s’est dégagé d’une quatrième étude regroupant 616 patients atteints de DVa.

L’une des trois études sur la galantamine – qui se limitait à des patients atteints de DVa probable à en juger par des clichés d’imagerie par résonance magnétique (IRM) ayant montré une MVC – a également mis en évidence une amélioration significative de la fonction cognitive. Même si cette étude – qui ne fournissait aucune donnée sur la coexistence possible d’une MA – n’a pas objectivé d’amélioration significative de la capacité fonctionnelle au quotidien, elle a montré que cet agent était actif lorsque la maladie vasculaire était considérée comme la principale caractéristique pathologique. Les deux autres études étaient reliées. L’une était l’analyse post-hoc d’un sous-groupe de l’étude dont presque tous les sujets (n=592) souffraient de DVa (43 %) ou de MA avec MVC (48 %), mais elle a tout de même mis en lumière une amélioration de la fonction cognitive et de la capacité fonctionnelle globale. La troisième étude – qui était la prolongation ouverte de la deuxième et qui regroupait 459 des 592 patients initialement admis à l’étude – a fait ressortir des bénéfices durables d’ampleur similaire après 12 mois, quel qu’ait été le diagnostic.

L’une des études sur la rivastigmine était une analyse post-hoc regroupant 697 patients atteints de MA dont 54 % présentaient au moins un facteur de risque vasculaire. En général, l’effet du traitement semblait plus substantiel en présence qu’en l’absence de facteurs de risque vasculaire. L’autre étude était une étude pilote plutôt petite (n=50 patients atteints de DVa) dont le paramètre était la variation des fonctions exécutives. L’étude a associé l’IChE à une amélioration significative des résultats du test de fluence verbale.

Les deux études sur la mémantine portaient sur des patients atteints de DVa probable. L’une d’elles (n=321) était conçue de façon à exclure les patients Alzheimer. L’autre était décrite comme une étude portant sur des patients atteints de DVa probable, et il n’y avait aucune mention de la MA ou de la DM dans la description de l’effectif. Dans les deux études, le traitement a été associé à une amélioration statistiquement significative de la fonction cognitive.

Démence et hypertension

Il est particulièrement difficile de différencier les causes de la démence du fait qu’elles semblent être interreliées. Par exemple, une vasculopathie des petits vaisseaux pourrait contribuer à ralentir l’élimination de la bêta-amyloïde dont l’accumulation est à l’origine des plaques amyloïdes caractéristiques de la MA. Si la dysfonction vasculaire exacerbe la MA, le traitement de la composante vasculaire pourrait jouer un rôle de premier plan dans la prévention de la DM et de la démence d’origine vasculaire. Certaines études, mais pas la totalité, ont associé une baisse de la tension artérielle à une protection contre la démence. L’une des théories veut que la diminution du risque de démence ne soit pas attribuable à une baisse de la tension artérielle, mais plutôt aux propriétés neuroprotectrices de certains antihypertenseurs s’étant révélés bénéfiques, en particulier les bloqueurs des canaux calciques.

L’absence de bénéfices associés à d’autres stratégies qui devraient normalement améliorer la fonction vasculaire, comme l’AAS ou les hypolipidémiants, fait cependant douter de l’utilité du traitement de la composante vasculaire pour prévenir la démence. Comme le soulignent les auteurs de la revue, des études d’envergure portant sur des antiplaquettaires ou des statines n’ont pas encore clairement objectivé d’effet protecteur contre la démence, même lorsque des patients exposés à un risque élevé de démence étaient suivis longtemps.

Résumé

Bien que le diagnostic d’une maladie vasculaire coexistante ait son importance chez un patient Alzheimer, les données accumulées par les Drs Nadeau et Black sur la DM semblent indiquer que les agents de première intention contre la MA, comme le donépézil et la galantamine, sont appropriés dans le traitement de la MA compliquée ou non d’une maladie vasculaire. Des études d’envergure ont montré que l’administration de ces agents améliorait significativement la fonction cognitive. Ces agents n’ayant pas fait l’objet d’une comparaison dans la DM, il est impossible de tirer des conclusions sur leurs bénéfices relatifs, mais l’ampleur similaire de l’effet du traitement lors d’études indépendantes milite en faveur de leur utilité clinique.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec le Dr Yannick Nadeau, Service de recherche en neurologie, Centre de réadaptation post-AVC, Sunnybrook Health Sciences Centre, University of Toronto, Ontario.

Q : Est-il important ou utile de différencier la MA de la DVa ou de la DM avant d’amorcer le traitement? Dans quelle mesure les méthodes actuelles de différenciation des types de démence sont-elles fiables?

Dr Nadeau : Il est utile d’essayer de différencier ces formes de démence. L’ennui, c’est que nous n’avons pas des outils très sensibles. Ces démences se distinguent surtout d’après leurs symptômes. Le type de déclin cognitif, par exemple, diffère dans la MA et la DVa. Chez les patients atteints de DM, on observe les deux bien sûr. En présence d’une démence d’origine vasculaire, la probabilité d’une maladie vasculaire siégeant ailleurs dans l’organisme justifie le traitement de l’hypertension, de l’hypercholestérolémie ou du diabète. Nous n’avons pas encore de données prouvant que le traitement de ces troubles améliorerait la fonction cognitive, mais cela pourrait être le cas.

Q : Y a-t-il des restrictions à l’administration d’un IChE chez un patient atteint de DM?

Dr Nadeau : Au Canada, les IChE sont indiqués uniquement dans le traitement de la MA. Le traitement est donc indiqué pour les symptômes de la MA, même chez les patients atteints de DM, mais nous croyons également que ces agents sont actifs contre la DVa. Nous avons des données à l’appui d’un bénéfice chez ces patients, mais, là encore, ce n’est pas une indication des IChE à l’heure actuelle.

Q : Au chapitre des médicaments contre la démence, certains concluent à la supériorité d’un mode d’action particulier. Or, vos données semblent indiquer que ces médicaments sont d’efficacité comparable. Est-ce un juste résumé de la situation?

Dr Nadeau : Les données à l’appui de l’activité de ces agents dans la DM proviennent en grande partie d’études sur le donépézil et la galantamine. Il y a eu moins d’études sur la rivastigmine, mais nous soupçonnons un effet de classe. Comme les IChE n’ont pas été comparés entre eux ni avec la mémantine, c’est par extrapolation que nous affirmons que tous ces agents sont similairement actifs dans la DM, mais c’est une conclusion qui semble prudente.

Nota Bene : Au moment où le présent article a été mis sous presse, les inhibiteurs de la cholinestérase ne sont pas indiqués pour la démence mixte.

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