Comptes rendus

Augmentation du nombre de sérotypes vaccinaux pour combattre l’émergence de souches résistantes aux antibiotiques
Évaluation du déclin cognitif associé à la démence mixte

Nouvelles stratégies de traitement pour les patients pontés ayant subi un syndrome coronarien aigu

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 59e Séance scientifique annuelle de l’American College of Cardiology

Atlanta, Géorgie / 14-16 mars 2010

Les résultats d’essais multinationaux de phase III récents qui comparaient directement deux nouveaux antiplaquettaires, le ticagrelor et le prasugrel, avec le clopidogrel – l’agent de référence depuis longtemps déjà – ont montré qu’un effet antiplaquettaire plus prononcé conférait une meilleure protection contre les événements vasculaires. La diminution importante du risque d’atteinte du paramètre principal mixte – décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde non mortel et AVC non mortel – associée aux deux agents, par rapport au clopidogrel, témoigne de la pertinence d’une activité antiplaquettaire plus forte. Il faudra toutefois rester vigilant au vu de l’augmentation potentielle du risque hémorragique chez certains patients.

Lors de l’essai PLATO (Study of Platelet Inhibition and Patient Outcomes), le ticagrelor a été associé à une baisse de 16 % du risque relatif d’atteinte du paramètre mixte (HR de 0,84; IC à 95 % : 0,77 à 0,92; p<0,001) par rapport au clopidogrel chez des patients hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu (SCA), avec ou sans sus-décalage du segment ST. Lors de l’essai TRITON-TIMI 38 (Trial to Assess Improvement in Therapeutic Outcomes by Optimizing Platelet Inhibition with Prasugrel–Thrombolysis in Myocardial Infarction 38), le prasugrel a pour sa part été associé à une baisse de 19 % du risque relatif d’atteinte de ce même paramètre mixte (HR de 0,81; IC à 95 % : 0,73 à 0,90; p<0,001) par rapport au clopidogrel chez des patients hospitalisés pour un SCA et devant subir une intervention coronarienne percutanée. Dans un cas comme dans l’autre, la plus grande efficacité concorde avec de nombreuses données expérimentales montrant que ces nouveaux antiplaquettaires agissent plus rapidement et plus efficacement.

«Selon toutes probabilités, le clopidogrel a encore un rôle à jouer chez certains patients, alors je ne crois pas que nous cesserons de l’utiliser, mais ces études d’envergure montrent que ce n’est pas le plus efficace des antiplaquettaires pour réduire l’incidence des événements vasculaires chez les victimes d’un SCA, même lorsqu’il est administré à forte dose», affirme le Dr Jeffrey Anderson, University of Utah School of Medicine, Salt Lake City.

Le Dr Deepak Bhatt, directeur du programme de cardiologie interventionnelle intégrée, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, abonde dans le même sens. Lors de l’essai TRITON-TIMI 38, en termes absolus, la réduction de 2,2 % (p<0,001) du risque d’atteinte du paramètre principal mixte (événements vasculaires majeurs) associée au prasugrel par rapport au clopidogrel excédait l’augmentation de 0,3 % (p=0,002) des hémorragies mortelles, fait-il remarquer. Lors de l’essai PLATO, on n’a observé aucune différence significative entre le ticagrelor et le clopidogrel quant au taux d’hémorragies majeures.

Comme l’ont révélé les résultats de l’essai PLATO publiés l’année dernière (Wallentin et al. N Engl J Med 2009;361:1045-57), on a aussi obtenu une diminution significative de 22 % du risque relatif de décès toutes causes confondues (HR de 0,78; IC à 95 % : 0,69-0,89; p<0,001). Lors d’une analyse de sous-groupe réalisée récemment chez les 1899 sujets de l’essai PLATO ayant reçu un pontage aortocoronarien (PAC) après la randomisation, la réduction relative enregistrée sous ticagrelor était encore plus marquée, celle-ci ayant atteint 51 % (HR de 0,49; IC à 95 % : 0,32 à 0,77; p<0,01). Ces résultats, tirés d’une analyse dirigée par le Dr Claes Held, Centre de recherche clinique d’Uppsala, Université d’Uppsala, Suède, permettent non seulement de valider un avantage du ticagrelor sur le plan de l’efficacité, mais également l’une de ses caractéristiques, à savoir que, contrairement au clopidogrel et au prasugrel, il est réversible.

Si ces trois agents exercent un effet antiplaquettaire en inhibant le récepteur P2Y<sub>12</sub>, le ticagrelor et le prasugrel se caractérisent par une action plus rapide et plus forte, si bien que l’effet maximal est obtenu plus rapidement. Cependant, contrairement au clopidogrel ou au prasugrel, dont la liaison au récepteur est irréversible, le ticagrelor quitte son récepteur après avoir exercé son activité pharmacologique, permettant ainsi le rétablissement de la fonction plaquettaire. Les victimes d’un SCA susceptibles d’être pontés comptent parmi les patients pour qui la réversibilité est un avantage, car elle permet de mieux prédire le retour de l’activité plaquettaire. Lors de l’essai PLATO, dont le protocole prévoyait l’arrêt de l’administration du clopidogrel cinq jours avant le PAC et celle du ticagrelor, de 24 à 72 heures avant le PAC, on n’a observé aucune différence significative entre les deux groupes quant aux saignements majeurs liés au PAC.

Lors de l’essai TRITON-TIMI 38, dont les résultats ont été publiés il y a plus de deux ans (Wiviott et al. N Engl J Med 2007;357:2001-15), on n’a noté aucun avantage relatif dans certains sous-groupes ou, qui pis est, on a noté un risque de préjudice étant donné que l’augmentation du risque hémorragique excédait la diminution du risque relatif d’événement vasculaire. Ces sous-groupes étaient les patients de plus de 75 ans, les patients dont le poids était inférieur à 60 kg et les patients ayant des antécédents d’AVC ou d’ischémie cérébrale transitoire. C’est la variabilité du ratio bénéfice:risque chez les sujets de l’essai TRITON-TIMI 38 qui incite les chercheurs à recommander l’individualisation du traitement une fois que ces nouveaux antiplaquettaires plus actifs seront commercialisés.

«Il ne fait aucun doute que certains patients peuvent bénéficier d’un effet antiplaquettaire plus marqué et que, chez ces patients, les nouveaux agents nous donnent la possibilité de réduire substantiellement le risque d’événement vasculaire», souligne le Dr Marc Sabatine, Brigham and Women’s Hospital.

Dyspnée et pauses ventriculaires

Bien que le ticagrelor ait été bien toléré dans le cadre de l’essai PLATO, il a été associé à deux effets indésirables préoccupants, notamment la dyspnée (13,8 % vs 7,8 %; p<0,001) et les pauses ventriculaires d’au moins trois secondes mises en évidence par l’enregistrement Holter (5,8 % vs 3,6 %; p=0,01). Ces deux effets indésirables font actuellement l’objet de nouvelles analyses ayant pour but de définir leur pertinence clinique. L’une des analyses vise à évaluer la fonction pulmonaire chez 199 sujets de PLATO, notamment par une oxymétrie pulsée et une spirométrie de même que par une évaluation des volumes pulmonaires et de la capacité de diffusion. Les tests étaient réalisés sous traitement médicamenteux, puis de 20 à 30 jours après l’arrêt du traitement antiplaquettaire. L’étude n’a pas réussi à faire ressortir de différence entre les deux groupes quant à la fonction pulmonaire, quel qu’ait été le moment où les tests étaient réalisés.

«Ces données laissent entendre que la dyspnée est un effet transitoire quelconque du ticagrelor et non le résultat d’un changement de la fonction pulmonaire sous ticagrelor», explique le Dr Robert F. Storey, University of Sheffield, Royaume-Uni. Selon les résultats de la population globale de l’essai PLATO, moins de 1 % (0,9 %) des sujets ont mis fin à leur traitement par le ticagrelor pour une dyspnée même si plus de 10 % (13,8 %) ont eu au moins un épisode. Lorsqu’on lui a demandé à quoi ce phénomène pouvait tenir, le Dr Storey a répondu : «Nous pensons qu’il tient à l’effet sur l’adénosine. En effet, le ticagrelor inhibe le captage de l’adénosine, laquelle joue un rôle dans la réactivité pulmonaire. Cela dit, il n’a pas encore été démontré que ce phénomène était responsable de la dyspnée observée.»

On soupçonne que le même mécanisme est à l’origine de la fréquence accrue de pauses ventriculaires chez les sujets de l’essai PLATO. Dans le cadre d’une autre analyse de PLATO qui portait sur 2908 patients soumis à une surveillance électrocardiographique continue durant sept jours, on a noté un nombre plus élevé de pauses ventriculaires d’au moins trois secondes chez les sujets sous ticagrelor, mais l’écart entre les deux groupes était maximal au moment de la randomisation et n’a été statistiquement significatif qu’à ce moment-là. Après 30 jours, la légère augmentation sous ticagrelor n’était plus significative. Ces pauses ventriculaires étaient toutefois significativement plus courantes chez les patients présentant plus de quatre pauses par période de huit heures durant la nuit (mais pas durant le jour ni en soirée).

«La plupart des pauses [66 %] survenaient dans le nœud sino-auriculaire et n’entraînaient aucun symptôme», souligne le Dr Benjamin M. Scirica, Brigham and Women’s Hospital. Insistant sur le fait que la cause la plus probable était un blocage transitoire du captage de l’adénosine, le Dr Scirica ajoute : «Nous n’avons observé aucune conséquence clinique liée à l’excédent de ces pauses, si bien qu’on ignore l’importance de ce phénomène même chez les patients dont l’arythmie est connue.»

Résumé

Il a été démontré que deux nouveaux antiplaquettaires protégeaient mieux les victimes d’un SCA contre les événements vasculaires majeurs. Lors des essais multinationaux comparatifs et menés à l’insu, leur plus grande efficacité a été attribuée à une action plus rapide et à un effet antiplaquettaire plus marqué. De plus, aucun de ces agents n’a été associé à un effet variable ni à une résistance faisant obstacle à un effet antiplaquettaire optimal, comme c’est le cas pour le clopidogrel. Si l’effet antithrombotique plus prononcé du prasugrel s’accompagne d’un risque hémorragique plus élevé, le ticagrelor, dont l’activité est réversible, n’a pas été associé à un risque accru d’hémorragie majeure comparativement au clopidogrel. En outre, la diminution de la mortalité toutes causes confondues est un avantage de l’utilisation du ticagrelor chez les victimes d’un SCA. Les données annoncent une avancée importante dans le traitement antiplaquettaire de première intention.

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