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Vascularites à ANCA : le nombre croissant d’options thérapeutiques favorise la personnalisation du traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La Semaine du rein – American Society of Nephrology (ASN)

Atlanta, Géorgie / 5-10 novembre 2013

Atlanta - Peu à peu, un algorithme de traitement voit le jour pour les vascularites à autoanticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) en fonction de la sévérité de la maladie. Les options de traitement demeurent limitées, mais leur nombre a augmenté, ouvrant ainsi la porte à l’intensification du traitement dans les cas où les corticostéroïdes et le cyclophosphamide administrés en première intention semblent peu susceptibles de maîtriser la maladie. Durant la Semaine du rein 2013, les experts qui ont passé en revue les meilleurs traitements actuels pour les vascularites à ANCA ont rappelé que les cas de mortalité et de morbidité grave – l’insuffisance rénale, par exemple – étaient concentrés dans l’année suivant le diagnostic, d’où l’intérêt d’intensifier le traitement rapidement lorsque la maladie est sévère. Cela dit, les vascularites à ANCA sont plus sévères en présence de comorbidité; il est donc essentiel de bien évaluer le ratio bénéfice:risque d’un schéma énergique lorsque l’on adapte le traitement à la probabilité de progression de la maladie.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’arsenal grandissant d’options de traitement pour les vascularites à autoanticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) se traduit par un nombre croissant de cibles permettant d’inhiber la cascade physiopathologique qui alimente la maladie. Le traitement de référence en première intention – corticostéroïdes et cyclophosphamide – suffit peut-être à titre de traitement d’induction dans les cas de vascularite à ANCA légère à modérée, mais le risque de détérioration rapide et d’atteinte rénale permanente justifie la décision d’intensifier le traitement lorsque la maladie est sévère d’emblée. La personnalisation judicieuse du traitement par de multiples agents pourrait être appropriée.

«Le taux de mortalité précoce se situe entre 10 et 15 %, de sorte que toute décision concernant le traitement d’induction est critique», souligne le Dr John Niles, Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School, Boston. «Nous devrions aspirer à couper court simultanément à toutes les étapes», a-t-il affirmé après avoir expliqué une à une les étapes qui mènent de la régulation positive des lymphocytes B circulants spécifiques des ANCA à l’inflammation vasculaire. Mais il faut bien sûr soupeser le risque d’un traitement excessif chez les patients immunodéprimés.

Large éventail d’options de traitement

Dans la liste des traitements possibles pour les vascularites à ANCA, on trouve – outre l’administration orale ou pulsée de corticostéroïdes et de cyclophosphamide (et d’autres agents immunosuppresseurs comme l’azathioprine et le méthotrexate), les échanges plasmatiques, les immunoglobulines administrées par voie intraveineuse et, depuis peu, le rituximab, un traitement antilymphocytaire B. Un algorithme raisonnable a ainsi vu le jour à partir de précédents passés et d’études cliniques achevées récemment.

De l’avis de tous les experts qui assistaient à la Semaine du rein, les corticostéroïdes et le cyclophosphamide demeurent les  traitements à privilégier en première intention, leur efficacité et leur faible risque d’effets indésirables graves étant largement étayés. D’autres options peuvent s’ajouter à ces agents ou les remplacer selon l’évaluation du risque d’atteinte tissulaire imminente. Le Dr Niles estime que le rituximab convient au traitement d’induction dans certains cas, quoiqu’on le réserve plus souvent aux cas de vascularite à ANCA réfractaires ou récidivantes. Le Dr David Jayne, Clinique de traitement des vascularites et des lupus, Addenbrooke’s Hospital, Cambridge, Royaume-Uni, abondait dans ce sens.

«L’essai RAVE [Rituximab in ANCA-Associated Vasculitis] a révélé que le rituximab était aussi efficace que le cyclophosphamide en tant que traitement d’induction chez les nouveaux patients, mais en général, on y a recours lorsqu’il y a une raison d’éviter le cyclophosphamide», affirme le Dr Jayne, ce qui fut le cas dans l’essai RAVE (Stone et al. N Engl J Med 2010;363;221-32). Pour le traitement d’induction de première intention, le rituximab pourrait être tout aussi efficace, mais le cyclophosphamide est le traitement de référence pour les vascularites à ANCA modérées, et aucune raison valable ne justifie le recours à un substitut, affirme le Dr Jayne.

Le rituximab privilégié dans un essai avec randomisation

Dans les cas sévères, les récidives en particulier, les résultats favorisent le rituximab, si l’on en juge par les données mises à jour de l’essai RAVE (Specks et al. N Engl J Med 2013;369:417-27). Le traitement doit bien sûr être personnalisé en fonction des risques individuels, mais la mise à jour des résultats de l’essai RAVE montre que le rituximab a été au moins aussi efficace que le traitement de référence chez les patients jamais traités et plus efficace chez les patients en récidive.

Lors de l’essai RAVE, 197 patients atteints de vascularite à ANCA sévère – cette dernière étant définie par le dysfonctionnement d’un organe vital qui représentait un risque immédiat pour la survie de l’organe ou du patient – ont été randomisés de façon à recevoir du rituximab (administré 1 fois/semaine pendant 4 semaines) ou du cyclophosphamide (administré 1 fois/jour pendant 3 à 6 mois), puis un traitement par l’azathioprine pendant 12 à 15 mois de plus. Selon les premiers résultats, le taux de rémission complète à 6 mois était de 64 % sous rituximab vs 53 % sous cyclophosphamide, ce qui, selon le plan de l’étude, confirme la non-infériorité du rituximab.

Selon les résultats mis à jour récemment, la rémission se maintenait à 12 mois chez 48 % des patients du groupe rituximab vs 39 % des patients du groupe cyclophosphamide et à 18 mois, chez 39 % vs 33 % des sujets, respectivement. Ces résultats répondent aussi aux critères de non-infériorité, mais le rituximab a été considéré comme supérieur dans un sous-groupe de 101 patients dont la maladie était récidivante au départ. Chez ces patients, les taux de rémission complète à 6 mois (67 % vs 42 %; p=0,01) et à 12 mois (49 % vs 24 %; p=0,009) étaient en faveur du rituximab. À 18 mois, après reconstitution lymphocytaire B chez la plupart des patients sous rituximab, l’avantage du rituximab (37 % vs 20 %; p=0,06) n’atteignait pas le seuil de significativité.

Cela dit, comme l’ont souligné les Drs Niles et Jayne, le traitement des formes sévères doit faire l’objet d’une évaluation cas par cas. La corticothérapie demeure la pierre angulaire du traitement initial, précise le Dr Niles, mais la décision de prescrire de fortes doses, même avant que le diagnostic ne soit confirmé, et de prescrire en concomitance du cyclophosphamide, du rituximab et/ou des échanges plasmatiques doit être prise en fonction du profil du patient et principalement de la tolérabilité escomptée. L’utilisation de plusieurs agents se justifie par la possibilité de bloquer simultanément plusieurs points de la cascade physiopathologique, d’où une maîtrise plus complète et rapide de la maladie. Le cyclophosphamide, tout comme les corticostéroïdes, agit rapidement, mais l’élimination des lymphocytes B par le rituximab pourrait avoir un effet plus fondamental sur le processus morbide, ajoute le Dr Niles.

La maîtrise de la phase aiguë de la maladie est essentielle

«Souvent, on perd la bataille très tôt dans l’évolution du processus morbide», poursuit le Dr Niles, qui – pour maximiser les chances –  envisage d’emblée un échange plasmatique dans les cas où la vascularite à ANCA menace le pronostic vital, que le patient ait déjà reçu ou non du cyclophosphamide ou du rituximab, ou les deux.  L’association rituximab + cyclophosphamide n’a pas été bien étudiée, mais il estime qu’un bref traitement par le cyclophosphamide est théoriquement logique chez les patients qui reçoivent un traitement d’induction à base de rituximab et de corticostéroïdes.

«Le rituximab est très efficace dans les vascularites à ANCA, mais il permet d’éliminer uniquement les lymphocytes B. Il ne permet pas d’éliminer les plasmocytes et les ANCA, ni de modifier immédiatement d’autres étapes de la cascade», affirme le Dr Niles, qui indique que ses avantages relatifs pourraient mieux convenir à la maîtrise à long terme de la maladie. Son efficacité dans les vascularites à ANCA récidivantes étaye cette observation, du moins en partie.

Bien que les causes et les voies moléculaires des vascularites à ANCA soient maintenant mieux connues, de nombreuses caractéristiques demeurent des sources de préoccupation, notamment l’utilité clinique d’une prise en compte du sous-type de vascularite à ANCA – les principaux étant la granulomatose avec polyangéite (GPA) et la polyangéite microscopique (PAM) – au moment de la sélection de la démarche thérapeutique. Certes, précise le Dr Jayne, les mutations génétiques associées à la GPA et à la PAM diffèrent, tout comme certains aspects de l’expression de la maladie, dont les caractéristiques histologiques dominantes, mais nous avons relativement peu de données étayant le recours à des stratégies thérapeutiques différentes. De plus, enchaîne-t-il, de nombreux traitements pour les vascularites à ANCA, y compris les échanges plasmatiques, «dont le rôle n’est pas tout à fait défini», continuent d’être utilisés de façon empirique.

Analyse rétrospective des échanges plasmatiques

Chez les patients qui développent une vascularite à ANCA, la présence fréquente d’autres problèmes de santé graves, une infection par exemple, fait obstacle à la conception d’études cliniques et vient compliquer la réalisation et l’interprétation des essais avec randomisation. La majeure partie des données sur le traitement proviennent donc d’analyses rétrospectives. L’une de ces analyses, présentée durant la Semaine du rein, portait sur l’expérience du Massachusetts General Hospital (MGH) et ciblait plus précisément tous les patients atteints de vascularite à ANCA qui avaient reçu des échanges plasmatiques sur une période de près de 10 ans. La plupart des patients avaient aussi reçu un traitement d’induction par le cyclophosphamide, des corticostéroïdes et le rituximab. Dans l’ensemble, les résultats étaient favorables.

«Parmi les 70 patients, 41 ont développé une atteinte rénale aiguë, mais ont échappé à la dialyse. Parmi les 29 qui ont eu besoin d’une dialyse lors de leur première hospitalisation, 13 ont recouvré leur fonction rénale», affirme le Dr Charles T. Owens, qui présentait une communication au nom du Joint Nephrology Fellowship Program au MGH et qui a qualifié cette étude de «l’une des plus vastes études monocentriques du genre». Les analyses futures auront pour objectif de déterminer quels patients bénéficient le plus des échanges plasmatiques.

Conclusion

La vascularite à ANCA demeure une maladie difficile et complexe dont le traitement devrait être personnalisé, mais il ne suffit pas de prendre en compte la sévérité de la maladie en phase aiguë. Il est essentiel d’inhiber tôt dans le processus morbide la cascade inflammatoire que les lymphocytes B mettent en branle afin d’atténuer l’atteinte des reins et d’autres organes vulnérables, mais la fenêtre thérapeutique est étroite chez les patients immunodéprimés à risque d’infection grave. Le traitement de référence à base de corticostéroïdes et de cyclophosphamide dans les cas de vascularite à ANCA légère à modérée n’a pas changé, mais de plus en plus de données montrent que des agents inhibant plusieurs étapes de la cascade inflammatoire peuvent s’ajouter au traitement de référence ou le remplacer aux fins d’amélioration du traitement d’induction et, en définitive, de prévention du risque de mortalité et d’atteinte tissulaire d’évolution rapide et irréversible, phénomène fréquent aux premiers stades du processus morbide.

 

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