Comptes rendus

Le point sur le blocage des récepteurs de l’interleukine-6 dans la polyarthrite rhumatoïde
Amélioration des stratégies de traitement antiplaquettaire en présence d’un syndrome coronarien aigu

Vasculoprotection dans la sclérodermie systémique : nouvelles stratégies pour le traitement du phénomène de Raynaud

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 73e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

Philadelphie, Pennsylvanie / 17-21 octobre 2009

L’angiopathie de la sclérodermie systémique (ScS) intéresse principalement les artères de petit calibre. Elle réduit le débit sanguin et favorise l’ischémie tissulaire, d’où l’apparition du phénomène de Raynaud (PR) et d’ulcères digitaux. Le PR résulte essentiellement d’une vasoconstriction des extrémités déclenchée par l’exposition au froid ou un choc émotionnel. Ce phénomène se rencontre chez environ 10 % des individus exempts de ScS, mais lorsqu’il accompagne cette affection, il est habituellement beaucoup plus sévère et peut conduire à de graves complications telles l’ulcération digitale, la gangrène et l’amputation de doigts. Par ailleurs, sur un terrain de ScS, le PR évoque une atteinte vasculaire diffuse.

«Chez les patients [atteints de ScS] dont le seul symptôme est le PR, un examen attentif révèle la présence d’altérations capillaires au lit de l’ongle qui trahissent une microangiopathie plus profonde», nous apprend le Dr Fredrick Wigley, directeur de la clinique de sclérodermie, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland. L’atteinte vasculaire n’est pas seulement périphérique : elle peut aussi être systémique, causant éventuellement des crises rénales, de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une cardiopathie, des troubles de la motilité digestive et de l’impuissance masculine, problème d’ailleurs très fréquent, indique le Dr Wigley. Comme l’angiopathie est le point de départ du processus menant aux lésions tissulaires dans la ScS, «la vasculoprotection peut véritablement infléchir le cours de la maladie», affirme-t-il.

Traitement de la sclérodermie systémique : bref historique

En présence d’une ScS, on doit d’abord traiter l’angiospasme. Les agents de prédilection sont ici les bloqueurs des canaux calciques (BCC), notamment les dihydropyridines. Les BCC atténuent le PR, mais d’environ 35 % seulement. Cela dit, fait remarquer le Dr Wigley, depuis une dizaine d’années, les personnes atteintes de ScS vivent plus longtemps, et on pense que les BCC pourraient, dans une certaine mesure, protéger les organes internes, même s’ils n’offrent qu’une protection limitée contre le PR. De même, avant l’utilisation courante des inhibiteurs de l’ECA, les crises rénales étaient responsables d’environ 25 % des décès chez les patients atteints de ScS. Aujourd’hui, l’atteinte pulmonaire constitue la principale cause de décès dans cette population. Ici encore, avance le Dr Wigley, il n’est pas impossible que les inhibiteurs de l’ECA procurent une certaine protection contre les crises rénales, même s’ils n’ont diminué ni la fréquence ni la sévérité des poussées dans le PR.

La recherche nous a également appris que la ScS s’accompagnait d’une augmentation du taux d’endothéline, d’une baisse du taux de monoxyde d’azote et d’une anomalie dans le métabolisme des prostaglandines, autant d’éléments créant un terrain favorable à la vasoconstriction. «Notre but est donc d’agir sur chacun de ces éléments, ce qui me semble assez logique comme démarche», affirme le médecin. De fait – plusieurs études l’ont confirmé – les analogues de la prostacycline sont efficaces contre certaines manifestations vasculaires de la ScS : ils atténuent les symptômes et diminuent la sévérité du PR et des ulcères digitaux. Par la suite, on a fait appel aux antagonistes des récepteurs de l’endothéline pour traiter la ScS; ces récepteurs étant plus nombreux en présence d’une atteinte vasculaire, la tentative de blocage tombait sous le sens. Jusqu’à maintenant, les études indiquent que ces agents inhibent principalement la formation d’ulcères, sans toutefois agir, semble-t-il, sur le mécanisme angiospastique à l’origine du PR et de l’ulcération digitale. Le recours aux composés tel le bosentan est également indiqué en cas d’HTAP, car on a montré qu’ils prolongeaient significativement la survie chez les patients aux prises avec des manifestations pulmonaires de la ScS.

Autres stratégies vasculoprotectrices

Divers chercheurs, dont le Pr Christopher Denton, professeur titulaire de rhumatologie expérimentale, University College Medical School, Londres, Royaume-Uni, ont présenté d’autres stratégies vasculoprotectrices à mettre en œuvre dans le PR lié à la ScS. Les vasodilatateurs peuvent se révéler d’efficacité variable, mais ils ont tendance à provoquer des effets indésirables importants. Le sildénafil et les autres inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE-5) destinés à la voie orale sont des options de traitement intéressantes en cas de PR associé à la ScS, car ils augmentent indirectement la synthèse de monoxyde d’azote par leur action en aval sur les médiateurs de cette substance.

Phénomène de Raynaud : diminution du nombre de crises

Le Pr Denton a présenté un essai à double insu avec randomisation et placebo ayant réuni 57 patients aux prises avec un PR lié à une ScS limitée (affiche no 472). En tout, 45 patients ont terminé l’étude (sildénafil, n=20; placebo, n=25). Après randomisation, ils ont reçu soit du sildénafil à libération modifiée à raison de 100 mg par jour, par voie orale, pendant trois jours, puis le même médicament à raison de 200 mg par jour, par voie orale, pendant 25 jours, soit un placebo. Au départ, les patients ont dit subir au moins sept crises par semaine et devoir composer avec des crises au moins cinq jours par semaine. Après un traitement d’une durée médiane de 29 jours, le nombre hebdomadaire de crises était 44 % moins élevé, en moyenne, dans le groupe sous traitement actif que dans le groupe placebo, dont les crises hebdomadaires avaient diminué de 18,1 %, en moyenne (p=0,034 pour la population de l’analyse per protocol).

De plus, la diminution du score RCS (Raynaud’s Condition Score) et de la durée totale des crises par rapport aux valeurs de départ a été plus marquée chez les sujets sous inhibiteur de la PDE-5 que chez les témoins sous placebo; l’écart entre les deux groupes n’a toutefois pas atteint la significativité statistique. La variation, par rapport à la valeur de départ, du score de la douleur causée par le PR était semblable dans les deux groupes.

Les effets indésirables les plus fréquents ont été les céphalées et la dyspepsie, d’intensité légère ou modérée dans la majorité des cas. Cependant, fait observer le Pr Denton, les effets indésirables digestifs, dont la dyspepsie, sont souvent nombreux chez les patients atteints de ScS; ce sont en fait des manifestations de la maladie. D’ailleurs, poursuit-il, on prescrit presque systématiquement des médicaments anti-reflux à ces patients.

«Je pense que ces résultats sont encourageants, dans la mesure où sur un terrain difficile, à savoir un PR secondaire à une sclérodermie avec angiospasme probablement accompagné d’une sténose vasculaire, on a quand même réussi à améliorer les choses», affirme le Pr Denton. Comme le sildénafil est indiqué dans le traitement de l’HTAP au Canada, ajoute-t-il, il pourrait fort bien y avoir un lien entre les bienfaits du traitement observés dans cette population et les bienfaits constatés dans des populations aux prises avec d’autres complications vasculaires résultant du même processus morbide.

Les statines dans la sclérodermie systémique

Nous savons que les bienfaits des statines vont au-delà de leurs effets hypolipidémiants. Le Dr Masataka Kuwana, École de médecine de l’Université Keio, Tokyo, Japon, et ses collaborateurs ont mené un essai ouvert de 24 mois pour évaluer l’effet de l’atorvastatine sur les symptômes vasculaires de la ScS. Les sujets ont reçu de l’atorvastatine à raison de 10 mg par jour pendant 24 mois.

Chez les huit sujets ayant mené l’étude à bonne fin, on a enregistré une baisse significative du score RCS (p=0,01) et de l’autoévaluation du patient à l’aide d’une échelle visuelle analogique (p=0,0003). Trois patients avaient des ulcères digitaux lors de l’admission; dans ce petit groupe, le nombre moyen de nouvelles ulcérations a diminué : de 4,7 ulcères par année au départ, il a été ramené à 3,3 par année à 12 mois, puis à 2,7 par année à deux ans. «Les vasodilatateurs non sélectifs ne s’étant pas révélés à la hauteur pour le traitement des manifestations vasculaires de la ScS, on doit définir de nouvelles stratégies thérapeutiques», déclarent les auteurs, ajoutant que comme les statines améliorent la fonction endothéliale, elles peuvent atténuer les symptômes vasculaires de cette maladie complexe.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.