Comptes rendus

De nouvelles données sur les antiplaquettaires dans le SCA annoncent une évolution rapide de la pratique clinique
Deuxième Conférence de l’Est de l’Ontario sur la prise en charge des GIST

Vers de meilleurs résultats dans le traitement de l'aspergillose invasive

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 4e Conférence sur les progrès contre l'aspergillose

Rome, Italie / 4-6 février 2010

Les espèces du genre Aspergillus sont extrêmement répandues dans l'environnement, mais nombreux sont les individus fortement exposés aux spores d'Aspergillus qui, au pire, sont colonisés et ne développent aucune infection. Il y a toutefois certaines situations cliniques où les patients sont plus vulnérables aux infections invasives. Les patients immunodéprimés – par exemple, les patients transplantés sous immunosuppresseur et les patients cancéreux ayant reçu une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) ou sous chimiothérapie – sont évidemment plus à risque. D'autres maladies comme l'infection à VIH, le SIDA ou la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), et l'utilisation de stéroïdes ou d'un inhibiteur du facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNFa) augmentent aussi le risque d'aspergillose invasive (AI) (Maschmeyer et al. Drugs 2007; 67[11]:1567-601). Les signes et les symptômes évocateurs du diagnostic peuvent varier considérablement selon la pathologie sous-jacente.

Difficultés du diagnostic

Une aspergillose se confirme par la culture positive d'un échantillon prélevé dans le foyer infectieux suspecté. Les cultures prennent toutefois beaucoup de temps, et nombreux sont les cliniciens qui estiment important de traiter sans délai et énergiquement. En présence d'une réponse inflammatoire anormale, les signes radiologiques comme le «signe du halo» caractéristique sont souvent absents. De même, le piètre état du patient camoufle parfois les signes révélateurs d'une infection dans les épreuves de laboratoire standards. Les chercheurs s'intéressent donc de plus en plus aux méthodes moléculaires spécifiques pour la détection précoce des infections.

L'une de ces méthodes est le dosage du galactomannane, composante de la paroi cellulaire des Aspergillus, mais son interprétation appelle à la prudence, car de nombreux facteurs peuvent influer sur les résultats (Mennink-Kersten et al. Lancet Infect Dis 2004;4[6]:349-57). Certains experts estiment que l'on pourrait aussi avoir recours aux dosages sériés du galactomannane pour surveiller l'efficacité du traitement, mais d'autres craignent que le traitement puisse être un facteur de confusion et avoir des effets paradoxaux. Par exemple, les échinocandines, qui inhibent la synthèse du glucane dans la paroi cellulaire du champignon, pourraient faire augmenter le taux de galactomannane en flèche en raison d'une fixation moindre du galactomannane à la paroi cellulaire, même si elles inhibent la prolifération des champignons. Un certain nombre d'études – dont une étude regroupant 56 transplantés de CSH neutropéniques ou non – ont toutefois démontré une corrélation entre le taux de galactomannane et les résultats (Woods et al. Cancer 2007;110[4]:830-4). La survie a été significativement plus longue chez les patients dont le taux de galactomannane s'était normalisé (Figure 1). «Les dosages sériés du galactomannane peuvent être utiles», conclut le Dr Thomas Patterson, University of Texas, San Antonio, «mais on doit les interpréter en tenant compte d'autres indicateurs connus de gravité».

Figure 1. Survie de patients en hématologie atteints d'une AI d'après le taux de galactomannane


On étudie actuellement le radiomarquage d'antifongiques pour déceler la présence d'une mycose. Les antifongiques se prêtent bien au radiomarquage en raison de leur forte affinité pour les cellules fongiques et leur faible affinité pour les cellules mammaliennes. Le fluconazole marqué semble utile pour le dépistage des candidoses, et les peptides antifongiques naturels servent à dépister les aspergilloses dans les modèles animaux. Le radiomarquage d'antifongiques comme le voriconazole, qui est actif contre le genre Aspergillus, n'a toutefois pas été essayé.

Une nouvelle méthode de détection ciblant des marqueurs volatils d'Aspergillus dans l'air expiré est aussi à l'étude. Une fois prélevés, les échantillons sont soumis à la spectrométrie de masse et on recherche alors la signature distinctive du 2-pentylfurane, précisément parce qu'il est assez spécifique du genre Aspergillus. La contamination par le 2-pentylfurane présent dans l'environnement est toutefois un problème auquel il faut remédier. «La présence du 2-pentylfurane ne permet pas de déterminer s'il s'agit d'une mycose invasive ou d'une simple colonisation», explique le Dr Stephen Chambers, Christchurch School of Medicine and Health Sciences, Nouvelle-Zélande. De toute évidence, cette technique serait un complément à d'autres tests cliniques ou radiologiques.

Problèmes rencontrés dans les études épidémiologiques sur l'AI

Au cours des dernières années, plusieurs études ont tenté d'élucider divers aspects de l'épidémiologie de l'AI. Ces études appartiennent grosso modo à trois catégories : études monocentriques, études multicentriques ou registres de santé. Il va sans dire que chaque type d'étude a ses avantages et ses désavantages. Dans le cadre d'une étude monocentrique, par exemple, on peut suivre chaque patient et avoir ses résultats à l'oeil. «Malheureusement, l'effectif de telles études est forcément petit, et bien que les critères diagnostiques soient uniformes et que les données soient homogènes, il est impossible d'extrapoler les résultats à d'autres hôpitaux dont les pratiques thérapeutiques diffèrent», explique le Dr Dionissios Neofytos, Thomas Jefferson University, Philadelphie, Pennsylvanie. Les registres de santé permettent quant à eux de suivre une population très vaste, mais la codification utilisée (9e édition de la Classification internationale des maladies [CIM-9]) manque de sensibilité.

Les études multicentriques prospectives constituent un compromis récent. TRANSNET est un consortium de 23 centres de transplantation qui ont recueilli des données issues de receveurs d'organes solides entre 2001 et 2006. L'Alliance PATH (Prospective Antifungal Therapy) a pour sa part recueilli des données sur tous les types de patients suivis dans des centres médicaux américains entre 2004 et 2008. En général, les résultats concordaient raisonnablement bien avec ceux des études épidémiologiques antérieures. A. fumigatus est demeuré en tête de liste des espèces isolées, mais il importe ici de souligner que d'autres espèces d'Aspergillus ont été isolées et que, dans certains cas, l'espèce n'a pu être déterminée. Ces observations pourraient avoir des répercussions sur la pratique clinique dans les années à venir.

Options de traitement et recommandations actuelles

L'Infectious Diseases Society of America (IDSA) privilégie le voriconazole en première intention dans le traitement des aspergilloses prouvées sur la foi d'essais comparatifs plaidant en faveur du voriconazole lorsque l'agent pathogène en cause est connu (soulignons au passage que c'est le désoxycholate d'amphotéricine B qui a servi de comparateur, car la préparation liposomique n'était pas encore commercialisée) (Herbrecht et al. N Engl J Med 2002;347[6]:408-15). Des études subséquentes, sans randomisation, ont étayé l'utilisation du voriconazole, entre autres le registre italien du voriconazole, de l'amphotéricine B liposomique et de la caspofongine chez 140 patients atteints de leucémie myéloblastique aiguë (LMA) (Pagano et al. Haematologica 22 octobre 2009 [publication en ligne avant impression]). Le taux d'échec le plus faible a été enregistré chez les patients sous voriconazole (Tableau 1).

Tableau 1. Résultats obtenus chez des patients italiens
ont développé une AI

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En revanche, l'amphotéricine B liposomique est indiquée comme traitement empirique dans les cas de neutropénie fébrile persistante, car il y a un risque que l'agent pathogène en cause fasse partie des zygomycètes, contre lesquels le voriconazole n'est pas actif. «Chez les patients que nous traitons empiriquement, la mucormycose, encore appelée zygomycose, représente environ une mycose sur 22, et c'est pourquoi nous respectons les recommandations officielles», affirme le Dr Livio Pagano, Université catholique du Sacré- Coeur, Rome, Italie. «Pour ces patients, la correction de la neutropénie est encore plus importante que le choix de l'antifongique», poursuit le Dr Pagano, car la neutropénie persistante était le facteur prédictif le plus important de la mortalité dans le registre italien.

Pharmacorésistance des espèces aspergillaires

Le métabolisme hépatique reposant sur l'isoenzyme CYP3A4 est un inconvénient de tous les dérivés azolés. Chez les transplantés, il y a donc un risque d'interactions médicamenteuses avec des agents concomitants comme les inhibiteurs de la calcineurine qui sont aussi métabolisés par cette voie. En outre, compte tenu de la variabilité du profil pharmacocinétique inhérente aux dérivés azolés, surtout lorsqu'ils sont administrés par voie orale, les concentrations sériques risquent d'être soit trop élevées, soit trop faibles chez ces patients.

Si la dose du dérivé azolé est trop faible (concentration sérique <0,5 mg/L dans le cas du voriconazole), l'agent pathogène pourrait devenir résistant. En effet, la résistance aux azolés est un problème grandissant, et certains centres rapportent une augmentation de la résistance depuis une dizaine d'années. Il est toutefois difficile de recueillir et d'interpréter les données épidémiologiques sur la résistance du fait que les tests de sensibilité ne sont pas réalisés systématiquement dans un grand nombre de centres. Comme le souligne la Dre Susan Howard, University of Manchester, Royaume-Uni, «certains patients pourraient être infectés par des souches déjà résistantes aux azolés, et n'oublions pas qu'il y a aussi un risque de résistance croisée parmi les azolés». Certaines données semblent indiquer que même une très brève exposition aux azolés pourrait être suffisante pour faire apparaître des souches résistantes. En outre, les schémas de résistance peuvent changer avec le temps. Toutes ces raisons expliquent que la Dre Howard insiste sur l'importance de tester régulièrement la sensibilité des agents pathogènes aux antifongiques afin de déceler la moindre résistance chez les patients traités de façon chronique.

Le voriconazole est considéré comme un médicament assez sûr et bien toléré, mais si ses concentrations sériques sont excessives, il expose le patient à un risque de toxicité hépatique et de neuropathie. En raison du risque d'interactions médicamenteuses, les concentrations des immunosuppresseurs peuvent augmenter chez les transplantés, ce qui, dans les faits, exacerbe le risque d'infection opportuniste.

Monitoring thérapeutique

Compte tenu de la marge thérapeutique étroite du voriconazole et de la difficulté à atteindre des concentrations thérapeutiques stables à l'intérieur de la marge thérapeutique ciblée, le monitoring thérapeutique (MT) a sa raison d'être. Et le MT sera d'autant plus justifié que le patient recevra d'autres médicaments agissant sur l'isoenzyme CYP3A4, comme les inhibiteurs de la calcineurine. Les antifongiques azolés ont l'avantage de s'administrer par voie orale, mais l'administration orale ajoute à la variabilité pharmacocinétique de ces médicaments. Fort heureusement, les techniques de dosage sérique des antifongiques azolés sont assez simples. Comme Éliane Billaud, PhD, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris, France, le faisait remarquer, «le coût du MT n'est pas élevé si on le compare au coût du traitement, et il est encore moins élevé si on le compare au coût pour le patient de l'échec d'un traitement inapproprié».

Association d'antifongiques chez les patients gravement malades

Dans toutes les sphères de la médecine, l'association d'au moins deux agents dotés de modes d'action différents est monnaie courante. Dans le cas de l'infection à VIH, par exemple, les associations d'antirétroviraux sont la norme. Les cliniciens ont tenté de déterminer si une telle stratégie pouvait s'appliquer à l'AI, surtout chez les patients hospitalisés au Service des soins intensifs. Comme le précise le Dr Raoul Herbrecht, Service d'hémato-oncologie, Hôpital Hautepierre, Strasbourg, France, «ces patients sont très malades; peut-être souffrent-ils aussi d'insuffisance rénale et ont-ils besoin d'hémodialyse, ou peut-être souffrent-ils aussi d'insuffisance respiratoire et ont-ils besoin d'intubation ou de ventilation mécanique». Dans les cas d'aspergillose prouvée, les taux de mortalité rapportés dans différentes études oscillent entre 77 et 100 %. «L'association d'antifongiques est donc séduisante en théorie, mais elle peut être dangereuse. Nous pourrions observer une synergie des antimicrobiens, des profils pharmacocinétiques complémentaires, moins de résistance acquise, de meilleurs taux de réponse et de survie et une réponse accélérée au traitement, mais ces avantages auraient comme corollaires une toxicité accrue et une forte augmentation du coût», dit-il. Le Dr Herbrecht ajoute qu'à son avis, les schémas de monothérapie actuels ne sont pas souvent optimisés. Il a d'ailleurs cité à l'appui de ses dires des études qui montrent une corrélation entre les concentrations d'antifongiques azolés et les résultats (Walsh et al. Clin Infect Dis 2007;44[1]:2-12) et qui, par conséquent, militent en faveur du MT.

Bien que les associations ne soient pas recommandées pour l'instant par l'IDSA, elles sont utilisées dans la pratique clinique, surtout chez les patients gravement malades ou en dernier recours, comme on l'a vu lors d'une enquête menée chez des transplantés hépatiques (Tableau 2). L'utilisation d'associations dans la pratique clinique a donné lieu à la tenue de quelques études, mais souvent, le nombre de patients est peu élevé et le groupe de comparaison est formé de témoins historiques (Marr et al. Clin Infect Dis 2004;39[6]:797-802).

Pour l'instant, on manque de données cliniques probantes à l'appui des associations. À cette fin, une étude avec randomisation est en cours pour comparer le voriconazole en monothérapie et le voriconazole en association avec l'anidulafungine, de la famille des échinocandines. On prévoit recruter 405 patients en hématologie atteints d'une AI prouvée, probable ou possible, et le paramètre principal est la survie après six semaines de traitement. «Cette étude devrait nous apporter des données d'actualité sur la meilleure façon d'optimiser le traitement avec les agents à notre disposition d'ici à ce que les nouvelles méthodes moléculaires soient au point (ciblant la signalisation cellulaire ou la réaction de stress)», conclut le Dr William Steinbach, professeur agrégé, Département de génétique moléculaire et de microbiologie, Duke University, Durham, Caroline du Nord.
ements antifongiques administrés chez les transplantés hépatiques

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Résumé

L'AI est difficile à traiter, et la mortalité demeure élevée. La pierre angulaire du traitement d'une aspergillose prouvée est le voriconazole, généralement considéré comme la meilleure option. Même lorsque le patient reçoit un inhibiteur de la calcineurine et que l'on s'attend alors à des interactions médicamenteuses, un monitoring thérapeutique rigoureux peut contribuer à contourner les paramètres pharmacocinétiques imprévisibles de l'antifongique. Chez un patient gravement malade, l'association d'antifongiques pourrait être bénéfique en théorie, mais nous ne disposons pas encore de données cliniques concrètes à l'appui d'une telle stratégie.

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