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20 ans d’inhibition du complément dans l’HPN : leçons à tirer du passé, espoir pour l’avenir

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - EHA2022 hybride – Association européenne d’hématologie (EHA)

En présentiel/virtuel, Vienne, Autriche / 9-12 juin 2022

En présentiel/virtuel – Quoique rare et souvent sous-estimée, l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) a fait l’objet d’un vaste éventail de communications au congrès hybride de l’EHA de 2022. Deux symposiums satellites ont couvert les sujets suivants : physiopathologie, diagnostic, fardeau de la maladie et expérience avec les traitements établis et novateurs. En outre, 25 affiches, communications et séances thématiques virtuelles ont mis en lumière de nouvelles données sur la biologie de l’HPN, des données tirées de la pratique et d’essais cliniques sur les deux agents de référence – l’éculizumab et le ravulizumab – ainsi que des analyses d’essais cliniques sur des options thérapeutiques à venir.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

« C’est un réel privilège d’avoir 20 ans d’expérience avec l’inhibition du complément dans l’HPN! Le premier patient de l’essai pivot a reçu de l’éculizumab en mai 2002 », affirme le Dr Austin Kulasekararaj, directeur, PNH Centre, King’s College Hospital, Londres, R.-U.1. L’HPN est une maladie rare, chronique et souvent évolutive qui se caractérise par une hémolyse intravasculaire, des thromboses et une atteinte organique résultant de l’activation incontrôlée de la voie terminale du complément. Pendant le congrès, des experts ont pris appui sur cette vingtaine d’années d’expérience et de connaissances pour jeter un nouvel éclairage sur le fardeau de l’HPN et le rôle de l’inhibition du complément dans la prise en charge de la maladie et le mieux-être des patients.

 

Besoins non comblés dans l’HPN :
diagnostics tardifs, fardeau de la maladie et traitement 

« L’HPN se présente différemment chez chaque patient, mais est toujours difficile à diagnostiquer », a affirmé le DAlexander Röth, professeur titulaire, Hôpital universitaire, Essen, Allemagne, lors d’un symposium satellite sur les leçons à tirer des inhibiteurs du complément depuis 20 ans1. Au dire du Dr Christopher Patriquin, professeur adjoint, University Health Network, Toronto, et président, Réseau HPN Canada, « la triade clinique classique de l’HPN que l’on trouve dans tout article de synthèse sur l’HPN est une hémolyse à test direct à l’antiglobuline (Coombs direct) négatif, une thrombophilie et une insuffisance médullaire ». Mais le plus souvent, les patients présentent les symptômes suivants sans explication apparente : fatigue, douleurs thoraciques, dyspnée, douleurs abdominales, atteinte rénale et dystonie des muscles lisses. C’est la diversité des tableaux cliniques qui conduit souvent à un diagnostic tardif chez ces patients1. »  Pour accélérer le diagnostic de l'HPN, le Dr Patriquin a présenté l’acronyme mnémonique CATCH créé par le Réseau HPN Canada, lequel décrit cinq scénarios cliniques qui devraient faire suspecter l’HPN et commander un bilan approprié avec examen physique et cytométrie en flux (Figure 1)1.

 

Figure 1. 

                                                                                                                    

Les difficultés du diagnostic de l’HPN et les retards qui s’ensuivent ont aussi été explorés dans un symposium sur les besoins non comblés dans l’HPN, notamment du point de vue du patient2. Lorsqu’on lui a demandé de parler de son expérience, Alex Naylor, patiente du R.-U., a dit : « C’était une période très stressante et angoissante. J’ai somme toute appris que ce que je vivais – qui était normal pour moi – correspondait en fait aux symptômes d’une maladie2. »

Évolution des normes de soins

« Le traitement efficace de l’HPN doit viser l’inhibition complète de la voie terminale du complément, quelle que soit la cible moléculaire », explique le Dr Patriquin1. Compte tenu de son inhibition efficace de la protéine C5 de la voie terminale du complément et de son solide profil d’innocuité et d’efficacité, l’éculizumab est devenu le traitement de référence de l’HPN depuis 20 ans; son dérivé à action prolongée, le ravulizumab, commence à se hisser en première position dans les pays où il a été homologué.

Résumant les essais cliniques et la pratique avec le ravulizumab, le Dr Kulasekararaj a dit : « C’est fantastique pour les patients, car il s’administre toutes les 8 semaines, ce qui supprime assurément les poussées d’hémolyse d’origine pharmacocinétique, et il est non inférieur à l’éculizumab1. » Le ravulizumab étant homologué depuis environ 2 ans dans certains pays, des études sur son utilisation clinique en conditions réelles nous permettent maintenant d’évaluer le passage de l’éculizumab au ravulizumab. La Dre Alicia Rovó et al. – qui contribuent à un registre suisse sur l’HPN – ont présenté les résultats de 56 patients qui étaient passés au ravulizumab en 2020. Après un suivi d’une durée médiane de 27 mois, le taux moyen d’hémoglobine avait augmenté, passant de 63 ± 47 g/L au départ à 105 ± 25 g/L à la dernière visite. Après 1 an de traitement par le ravulizumab, le taux moyen de lactate déshydrogénase (LDH), marqueur clé de l’hémolyse, avait diminué, passant de 1457 ± 706 U/L à 403 ± 212 U/L, et 91 % des patients n’avaient plus besoin de transfusions, comparativement à 50 % au départ. Les auteurs précisent que le ravulizumab est adopté rapidement depuis son homologation et qu’il « deviendra probablement le nouveau traitement de référence de l’HPN3 ».

Le Dr Kulasekararaj et son équipe ont présenté l’analyse groupée des données de survie du programme de développement clinique du ravulizumab. Chez 475 patients représentant 1479,0 années-patients d’exposition, seulement 12 décès ont été enregistrés, ce qui revient à un taux de 0,8 pour 100 années-patients. La moitié des décès ont été attribués à une infection ou à un sepsis et les autres, à des tumeurs ou encore, à des troubles cardiaques ou respiratoires. Les auteurs ont conclu que les faibles taux d’infection et de mortalité étayent l’utilisation à long terme du ravulizumab pour l’HPN4.

Bien que la posologie du ravulizumab ait grandement amélioré la commodité du traitement par un inhibiteur de C5 (toutes les 8 semaines, vs 2 semaines pour l’éculizumab), de nombreux patients trouvent encore lourde l’obligation de se rendre à une clinique pour recevoir leur dose par voie intraveineuse (i.v.). L’administration par voie sous-cutanée (s.-c.) pourrait réduire le nombre de visites à la clinique et permettre aux patients de gérer leur traitement à domicile. Une préparation s.-c. de ravulizumab administrée 1 fois/semaine au moyen d’un dispositif fixé au corps est en cours de développement clinique (pas encore commercialisé au Canada). Dans leur communication par affiche, le Dr Mustafa Yenerel et al. ont expliqué que l’efficacité de la préparation s.-c. se maintenait et que les patients préféraient la préparation s.-c. à la préparation i.v.5

Compréhension grandissante des nouvelles options de traitement

Le pegcétacoplan est un inhibiteur de la protéine C3 du complément maintenant homologué dans plusieurs pays (mais pas encore au Canada) dans les cas où l’HPN ne répond pas adéquatement à l’éculizumab ou au ravulizumab. Plusieurs analyses complémentaires d’essais de phase II et III ont été présentées au congrès.

Dans une communication orale, le Dr David Gómez-Almaguer, professeur titulaire, Universidad Autónoma de Nuevo León, Mexique, a affirmé que le pegcétacoplan améliorait significativement la qualité de vie autoévaluée par les patients (échelles QLQ-C30 de l’EORTC, LASA, et FACIT-Fatigue) ainsi que la fatigue et la dyspnée chez les patients jamais traités6. Dans une affiche sur l’essai de phase III PRINCE, le Dr Raymond Wong et al. ont montré que le pegcétacoplan permettait de traiter efficacement les témoins jamais traités dont le taux d’hémoglobine avait chuté brutalement7, alors qu’une analyse de trois essais pivots a montré que le pegcétacoplan pouvait normaliser le bilan hématologique (hémoglobine, LDH) et la qualité de vie chez des patients dont l’anémie était moins profonde au départ (≥10 g/dL)8.

À en juger par les données sur le pegcétacoplan et les résultats d’essais de phase II sur le danicopan et l’iptacopan, deux autres inhibiteurs novateurs de composants précoces du complément (pas encore commercialisés au Canada), les conférenciers du symposium sur les besoins non comblés étaient enthousiastes à l’idée d’une autre cible thérapeutique potentielle en cas de réponse inadéquate à l’inhibition de C5. Cela dit, le Dr Régis Peffault de Latour, professeur titulaire, Hôpital Saint-Louis, Paris, France, a recommandé aux cliniciens d’être à l’affût des complications infectieuses, le blocage à long terme des voies proximales du complément pouvant théoriquement affaiblir les défenses de l’organisme contre des agents pathogènes comme Streptococcus pneumoniae. « C’est l’une des raisons pour lesquelles nous devons suivre nos patients très étroitement, non seulement sur le plan clinique, mais aussi sur le plan des paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques à long terme2 »,conclut-il.

Conclusions

L’HPN est une maladie rare et sous-estimée qui peut imposer un lourd fardeau aux patients. Le ravulizumab commence à remplacer l’éculizumab à titre de traitement de référence et, peu à peu, les données collectées en conditions réelles étayent le solide profil d’innocuité et d’efficacité qui s’est dégagé d’essais cliniques. Une préparation sous-cutanée de ravulizumab en cours de développement pourrait améliorer la satisfaction des patients tout en étant aussi efficace que la version i.v. L’inhibition des voies proximales du complément est une nouvelle stratégie thérapeutique prometteuse dans les cas où l’HPN ne répond pas bien aux inhibiteurs de C5, mais le risque accru d’infection assombrit le tableau.

 

Références :

1) Kulasekararaj A et al. What we have learned from the last 20 years of complement inhibition in PNH. Symposium satellite du congrès hybride EHA2022, 9 juin 2022. 
2) Peffault de Latour R et al. Unmet needs and future possibilities for PNH: Hear the patient perspective and expert opinions. Symposium satellite du congrès hybride EHA2022, 9 juin 2022.
3) Rovó A et al. Real-world evidence of safety and effectiveness of eculizumab and switch to ravulizumab in a Swiss patient population with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. Congrès hybride EHA2022, 9-17 juin 2022. Affiche P834.
4) Kulasekararaj A et al. Long-term complement inhibition and survival outcomes in patients with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria: an interim analysis of the ravulizumab clinical trials. Congrès hybride EHA2022, 9-17 juin 2022. Affiche P812.
5) Yenerel M et al. Efficacy, treatment administration satisfaction and safety of subcutaneous ravulizumab through 1 year in patients with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria who received prior intravenous eculizumab. Congrès hybride EHA2022, 9-17 juin 2022. Affiche P813.
6) Gómez-Almaguer D et al. Effect of pegcetacoplan on quality of life in complement-inhibitor naïve patients with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria: results from the phase 3 PRINCE study. Congrès hybride EHA2022, 9-17 juin 2022. Communication orale S303.
7) Wong R et al. Pegcetacoplan rapidly stabilizes complement inhibitor naïve patients with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria experiencing hemolysis with acute hemoglobin decreases; prince trial post hoc analysis. Congrès hybride EHA2022, 9-17 juin 2022. Affiche P838.  
8) Panse J et al. Normalization of hematologic and health-related quality of life markers in patients with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria treated with pegcetacoplan and baseline hemoglobin at or above 10 g/dL. Congrès hybride EHA2022, 9-17 juin 2022. Affiche P828.

 

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