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Changements climatiques et propagation des maladies infectieuses : sensibilisation et information

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 8e Conférence de l’Europe du Nord sur la médecine des voyages (NECTM8)

Rotterdam, Pays-Bas / 8-10 juin 2022

Rotterdam – Les changements climatiques sont l’une des principales causes de l’émergence, de la réémergence et de la propagation des maladies infectieuses. Les maladies dites vectorielles sont surtout transmises par des moustiques, lesquels sont particulièrement sensibles au réchauffement de la planète, mais il ne faut pas sous-estimer la contribution des changements environnementaux dus au comportement humain et des voyages internationaux à la propagation de ces maladies, dont l’encéphalite japonaise (EJ), la dengue et le chikungunya. Il existe des programmes complets de vaccination contre l’EJ dans de nombreux pays, mais les personnes visitant des régions d’endémie risquent d’être infectées. Les personnes visitant des régions où le chikungunya est endémique risquent aussi d’être infectées et, qui pis est, de rapporter la maladie et d’infecter leur entourage. Le chikungunya, conséquence des changements climatiques et de l’urbanisation, apparaît dans des pays où il n’a jamais été vu. Les piqûres de moustique étant difficiles à éviter, la vaccination est l’une des meilleures armes qui soient. Plusieurs candidats vaccins contre les maladies transportées par les moustiques sont à l’étude.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

 

Virus de l’EJ 

L’encéphalite japonaise (EJ) est un important problème de santé publique partout en Asie depuis longtemps : elle est la principale cause des encéphalites virales et des incapacités neurologiques. On estime qu’une EJ symptomatique frappe 68 000 personnes par année. Si des symptômes apparaissent, cette infection – bien que rare – tue environ le tiers de ses victimes; parmi les survivants, environ la moitié seront aux prises avec une incapacité à vie. Les porcs et les oiseaux sont les réservoirs de l’agent infectieux. « Les moustiques piquent les animaux infectés, puis infectent d’autres moustiques et ainsi va le cycle », explique Mme Johanna Lindahl, Ph.D., Université suédoise des sciences agricoles, Uppsala, Suède.

La vaccination est fréquente dans la plupart des pays où l’EJ est endémique, précise Mme Lindahl. Les programmes mis sur pied sont très efficaces. En Chine, par exemple, l’incidence de l’EJ a diminué de 98 % après le lancement du programme. Cela dit, même si chaque enfant d’une région d’endémie était vacciné contre l’EJ, les personnes jamais exposées au virus ne seraient pas protégées contre l’infection, et il pourrait suffire d’une piqûre pour contracter la maladie, poursuit-elle. 

Comme il existe un vaccin pour protéger les voyageurs contre l’EJ, Mme Lindahl suggère aux personnes qui prévoient un voyage – même bref – en Asie, en Inde et, depuis peu, en Australie (où l’EJ est apparue dans certaines régions) d’évaluer leur risque d’infection.  (Elle se ferait elle-même vacciner si elle se rendait dans un pays où l’EJ est endémique). Si un voyageur estime que son risque ne justifie pas la vaccination, il doit tout de même se protéger contre les piqûres de moustique, prendre soin d’utiliser du répulsif, porter des vêtements à manches longues, dormir sous un filet et prendre toute autre mesure qui repousse les moustiques.

« En fait, ce sont les seules mesures à prendre pour se protéger [contre les piqûres de moustique] en l’absence d’un programme de vaccination local, souligne-t-elle. Souvenez-vous que ce sont surtout les changements apportés à l’environnement qui ont permis aux moustiques de se répandre – c’est pour cette raison que ces maladies se propagent », conclut-elle.  

Virus de la dengue 

La dengue – l’infection virale transmise par des moustiques qui se répand le plus vite – menace la santé mondiale. Endémique dans les régions tropicales et subtropicales, elle est principalement transmise par plusieurs souches d’un moustique du genre Aedes et peut être causée par l’un des quatre sérotypes du virus. Chez la personne qui se rétablit, l’infection par l’un des sérotypes confère une immunité à vie contre ce sérotype, mais le risque de maladie sévère persiste en cas d’exposition aux autres sérotypes.

Un candidat vaccin contre la dengue pourrait bientôt changer la donne, estime M. Vianney Tricou, professionnel en développement clinique spécialisé en maladies infectieuses chez Takeda International. Le candidat vaccin tétravalent TAK-003 repose sur un virus vivant atténué de sérotype 2 qui fournit la « structure » génétique des quatre virus vaccinaux. Il s’est révélé capable de prévenir les hospitalisations dues à la dengue et la maladie dans son ensemble, comparativement à un placebo.

L’étude TIDES (Tetravalent Immunization against Dengue Efficacy Study) regroupait plus de 20 000 enfants et adolescents de 4 à 16 ans en bonne santé qui vivaient en région d’endémie. Les participants ont reçu leur première dose de TAK-003 le jour 1 et la 2e le jour 90. « Le taux de rétention a été excellent : 91 % des participants sont restés dans l’étude pendant la totalité du suivi de 4,5 ans », ajoute M. Tricou.

Pendant ces 4,5 ans, l’efficacité vaccinale (EV) contre l’hospitalisation due à la dengue est restée élevée – environ 90 % –  et l’EV contre toute forme de maladie se chiffrait à environ 61 %. Ce constat était vrai pour tous les patients – séronégatifs ou séropositifs au départ – et l’écart entre le placebo et le vaccin a continué de se creuser, ce qui montre l’efficacité continue du vaccin, explique M. Tricou.

Selon des études de modélisation, pour chaque tranche de 100 000 vaccinés, le vaccin préviendrait entre 4400 et 5000 cas de dengue,  selon qu’ils sont séronégatifs ou séropositifs au départ, et 1800 hospitalisations dues à la dengue. « Les effets indésirables n’étaient pas plus fréquents chez les vaccinés que chez les témoins, et il n’y a eu aucun nouveau problème d’innocuité », conclut M. Tricou, ajoutant que « dans l’étude complète, plus de 20 000 sujets ont reçu près de 40 000 doses du vaccin ». 

Virus du chikungunya 

Comme le virus de la dengue, le virus du chikungunya se transmet par un moustique du genre Aedes infecté. Initialement présent en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Est, il se trouve maintenant dans une centaine de pays. La première éclosion en Europe a eu lieu en Italie en 2007, avant le début réel des changements climatiques, souligne le Dr Tomas Jelinek, Centre de médecine des voyages et d’infectiologie de Berlin, Allemagne. La menace du chikungunya pourrait être accentuée par les changements climatiques, car les températures croissantes favorisent la distribution du vecteur et, donc, la maladie, ce qui acccroît la distribution géographique et la population à risque. « Le vecteur se propage parce que nous lui offrons l’habitat requis, des dépotoirs, des bidonvilles et d’autres endroits propices à la reproduction des moustiques. Une fois le vecteur présent, il suffit d’un humain virémique pour qu’il y ait une éclosion ».

En cas d’éclosion, entre le tiers et les trois quarts de la population des régions concernées sont aussi infectés. « Le taux d’attaque est élevé et la plupart des gens ont des symptômes »,  dit le Dr Jelinek. Les principaux symptômes sont la fièvre, les douleurs articulaires et les arthralgies, du moins à court terme, mais les douleurs articulaires évoluent souvent vers des douleurs articulaires chroniques comme dans la polyarthrite rhumatoïde, des raideurs musculaires persistantes et des signes d’inflammation chronique.

Comme il n’existe aucun traitement pour le stade aigu ou chronique, enchaîne le Dr Jelinek, la seule chose à faire est de conseiller aux voyageurs de ne pas se faire piquer par un moustique. Pas si facile! » Cela pourrait changer bientôt, car plusieurs candidats vaccins sont à l’étude (Tableau 1). Les résultats d’une étude de phase I publiés et les résultats d’une étude de phase III pas encore publiés sur l’un des candidats vaccins contre le chikungunya ont été présentés au congrès et confirment son immunogénicité.

Dans l’étude de phase I (Lancet Infectious Diseases. 2020;10:1193-1203), le taux de séroconversion à 14 jours après une dose unique du candidat vaccin était de 100 %. Les titres élevés et durables d’anticorps neutralisants se sont maintenus jusqu’à 12 mois, et le vaccin a été bien toléré.

Un essai pivot de phase III s’est terminé récemment; là encore, une seule dose du candidat vaccin contre le chikungunya a été évaluée. À 28 jours, le taux de séroprotection s’élevait à 98,9 %, conformément au paramètre principal de l’étude. À 6 mois, le taux de séroprotection demeurait élevé à 96,3 %. Les moyennes géométriques des titres étaient élevées chez les patients, sans égard à leur âge, note le Dr Jelinek. Les résultats – comparables à ceux de l’essai antérieur – devraient être publiés prochainement. 

Résumé 

Pendant deux longues années, on a demandé aux gens de ne pas voyager pour éviter une infection par la COVID-19. La pandémie étant en déclin, les voyages reprennent, et la probabilité d’infection par des maladies « exotiques », surtout en région tropicale ou subtropicale, est relativement élevée. Selon des chercheurs, en particulier dans le cas du chikungunya, il suffit de 1 ou 2 voyageurs virémiques pour ramener le virus dans une région encore jamais exposée et ainsi favoriser sa propagation rapide. Heureusement, les experts en vaccination relèvent le défi de protéger la population contre ces menaces infectieuses. La recherche doit se poursuivre. Il incombe à ceux qui conseillent les voyageurs de les prévenir des risques réels d’une infection dévastatrice et du possible accès à de nouvelles mesures de protection, alors que de nouveaux vaccins prometteurs se profilent à l’horizon.

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