Comptes rendus

Survie prolongée, toxicité accrue : un paradoxe dans l’infection à VIH
Optimiser la santé de la prostate en réduisant le risque de morbidité

Actualisation des lignes directrices sur le traitement de l’infection à VIH/SIDA : perspectives d’avenir pour les patients ayant un passé thérapeutique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 8e Congrès international sur le traitement médicamenteux de l’infection à VIH

Glasgow, Royaume-Uni / 12-16 novembre 2006

Il n’y a pas si longtemps, la prise en charge d’un patient au lourd passé thérapeutique était qualifiée de «traitement de sauvetage», syntagme évocateur des attentes peu élevées face au succès à long terme du traitement. Compte tenu de la mise au point de plusieurs nouveaux agents efficaces contre l’infection à VIH résistante au traitement, le nouvel objectif est une suppression complète de la charge virale, dont la faisabilité a été démontrée pour la première fois sous l’effet de l’enfuvirtide, inhibiteur de l’entrée. Si son succès a jadis amené les chercheurs à se demander s’il était nécessaire de mettre au point de nouveaux antirétroviraux pour rétablir une charge virale inférieure au seuil de détection, des études subséquentes ont montré que de nouveaux agents de classes existantes peuvent être à tout le moins aussi efficaces. Cette observation a été confirmée au congrès, de nouvelles données sur un inhibiteur de la protéase (IP), le tipranavir potentialisé par le ritonavir (TPV/r), ayant confirmé que, chez de nombreux patients, une charge virale indécelable peut se maintenir indéfiniment, même dans les cas où l’infection est résistante à plusieurs classes d’agents.

Données de prolongation à 96 semaines

De nouvelles données sur le TPV proviennent des résultats à 96 semaines de la prolongation de l’étude de phase III RESIST qui a servi de plate-forme à l’homologation du TPV. En effet, il est ressorti de l’analyse des données à 96 semaines effectuée chez 1483 patients que le nombre de patients ayant atteint une charge virale <50 copies/mL à 48 semaines s’était peu effrité. Plus précisément, si 23 % des patients qui prenaient le TPV/r avaient atteint une charge virale <50 copies/mL après 48 semaines, par comparaison à 10 % de ceux qui recevaient l’IP de comparaison potentialisé (IPC/r) (p<0,0001), 20,4 % des patients du groupe TPV/r avaient conservé ce degré de suppression virale après 96 semaines, par comparaison à 9,1 % des patients du groupe IPC/r.

Il n’est pas étonnant de constater que les traitements plus efficaces sont associés non seulement à une meilleure maîtrise de l’infection, mais aussi à une meilleure qualité de vie. Dans le cadre d’une étude satellite qui visait expressément à évaluer les retombées du traitement sur la qualité de vie chez 1015 sujets de l’étude RESIST évalués à 48 semaines, les chercheurs ont observé une amélioration significative de la qualité de vie globale (p<0,05) et des sous-catégories suivantes : perception générale de la santé, souffrances liées à la maladie, énergie et santé mentale. Les améliorations ont été attribuées au fait que le TPV/r se caractérisait par une tolérabilité comparable à celle de l’IPC/r tout en offrant une meilleure maîtrise des complications de l’infection à VIH.

Le TPV/r a généralement une tolérabilité comparable à celle d’autres IP potentialisés, souligne le Dr David Cooper, National Centre in HIV, Sydney, Australie. Le risque accru d’anomalie des taux d’enzymes hépatiques fait exception, mais l’augmentation du risque semble avoir des conséquences cliniques peu importantes, voire nulles. Lors d’une étude qui visait à évaluer le TPV/r chez 50 patients présentant ou non une hépatite, les chercheurs ont constaté que le taux d’ALT avait augmenté dans les deux groupes, mais qu’il n’y avait aucune différence entre les deux groupes au chapitre de la toxicité hépatique.

«On observe souvent une élévation bénigne ou modérée du taux d’ALT ainsi que des taux de cholestérol et de triglycérides chez les sujets qui reçoivent le TPV, mais une infection concomitante par le virus de l’hépatite B ou C ne semble pas augmenter le risque de toxicité hépatique du TPV/r», rapporte la Dre Pilar García-Gascó, Servicio de Enfermedades Infecciosas, Hospital Carlos III, Madrid, Espagne. Citant une augmentation de près de 30 % du taux de HDL (en moyenne, de 0,94 mmol/L au départ à 1,25 mmol/L à 12 mois), elle estime qu’une élévation parallèle du taux de HDL et du taux de cholestérol total «pourrait améliorer le profil lipidique négatif du médicament».

Programme d’utilisation humanitaire

L’innocuité à long terme du TPV/r a été confirmée par de nouvelles données tirées du programme d’utilisation humanitaire qui avait été mis sur pied avant l’homologation du produit. Selon les données présentées par le Dr Bruno Hoen, Centre Hospitalier Universitaire, Besançon, France, sur 3920 patients au lourd passé thérapeutique qui avaient reçu au moins une dose de TPV/r dans le cadre de ce programme, la réduction médiane de la charge virale se chiffrait à 1,8 log10 copies/mL et l’augmentation médiane du nombre de cellules CD4, à 98 mm². Là encore, le médicament a été raisonnablement bien toléré.

«Aucun problème d’innocuité inhabituel n’a été signalé», rapporte le Dr Hoen, précisant que ces données sont révélatrices quant à la performance de ce médicament en contexte réel. «Les résultats virologiques et immunologiques étaient conformes à ceux de l’étude RESIST.»

Une autre analyse des données de RESIST – sous la direction de la Dre Sharon Walmsley, directrice, Clinique d’immunodéficience, University of Toronto, Ontario – a permis de déterminer le degré de résistance au lopinavir (LPV) auquel le TPV montrait un avantage significatif. Plus précisément, chez les patients porteurs d’au plus trois mutations, l’avantage du TPV/r par rapport au LPV/r n’était pas significatif. Lorsque le nombre de mutations passait à quatre ou plus, les probabilités de suppression virale par le TPV/r étaient beaucoup plus élevées. Par exemple, une charge virale <50 copies/mL a été atteinte chez 44 % des patients traités par le TPV/r vs 27 % des patients traités par le LPV/r en présence de quatre ou cinq mutations. En présence de six ou sept mutations, 26 % des sujets du groupe TPV/r et 13 % des sujets du groupe LPV/r ont atteint une charge virale <50 copies/mL.

Selon une série d’essais cliniques réalisés chez des patients au lourd passé thérapeutique, d’abord sur l’enfuvirtide et le TPV et, plus récemment, sur le darunavir, autre IP qui s’est révélé efficace dans cette population, on optimise les résultats lorsqu’on inclut au moins deux agents actifs lors d’un changement de traitement. Par conséquent, dans la nouvelle mise à jour des lignes directrices du Department of Health and Human Services aux États-Unis et de l’International AIDS Society-USA Panel, on recommande d’utiliser au moins deux agents pleinement actifs d’après les tests de résistance.

Stratégies novatrices

Plusieurs nouvelles classes de médicaments actuellement en développement clinique pourraient avoir un rôle important à jouer dans la prise en charge des patients déjà traités en raison de leur activité contre les souches résistantes traditionnelles. Par exemple, nous disposons de données probantes sur le MK-0518, inhibiteur de l’intégrase, tant chez les patients jamais traités que chez les patients déjà traités. Lors d’une étude menée chez des patients au lourd passé thérapeutique dont les options de traitement étaient extrêmement limitées, 67 % des sujets qui ont reçu une forte dose de cet agent ont bénéficié d’une suppression virale <50 copies/mL, explique le Dr Schlomo Staszewski, unité de recherche sur le VIH, Hôpital universitaire J.W. Goethe, Francfort, Allemagne.

Au chapitre des agents expérimentaux, outre les anticorps monoclonaux dirigés contre les lymphocytes T infectés et un inhibiteur de la maturation (nouvelle classe), les antagonistes du récepteur CCR5 figurent parmi les classes de médicaments qui se rapprochent très rapidement de l’application clinique. Ces agents font obstacle à la fixation du virus à la membrane des cellules cibles. Chez des patients déjà traités, le vicriviroc, antagoniste du récepteur CCR5, a permis de réduire la charge virale chez des patients porteurs d’un virus à tropisme R5 de 1,83 log10 copies/mL en 24 semaines. Cependant, souligne le Dr Staszewski, l’activité des antagonistes du récepteur CCR5 est significativement moins marquée chez les patients au lourd passé thérapeutique dont l’infection assez avancée est associée à un virus à tropisme X4 ou à tropisme double/mixte, et l’on doit encore clarifier le rôle de ces agents dans le traitement de l’infection à VIH.

Changement d’INNTI

Vu le vaste éventail d’options de traitement, les possibilités de traitement d’entretien efficace et bien toléré ont augmenté de manière substantielle au cours de la dernière décennie chez les patients qui en sont à un traitement de deuxième ou de troisième intention ou qui ont déjà été traités lourdement. Si de nombreux patients reçoivent d’abord un schéma comportant un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) et deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), il est courant qu’on les fasse passer à un IP si l’INNTI est mal toléré. De nouvelles données confirment qu’il est aussi possible de passer d’un INNTI à un autre. Les deux INNTI actuellement sur le marché, l’éfavirenz et la névirapine, se sont révélés d’efficacité et d’innocuité comparables lors de l’essai 2NN, mais leur profil de toxicité diffère. En particulier, si l’éfavirenz risque davantage d’occasionner des effets sur le système nerveux central (SNC), y compris des troubles de l’humeur et des rêves étranges, la névirapine est plus étroitement associée aux éruptions cutanées. Lors d’une étude pilote réalisée en ouvert dont les résultats ont été présentés par le Dr Michael Youle, Royal Free Hospital, Londres, Royaume-Uni, les patients chez qui l’éfavirenz avait eu des effets sur le SNC sont passés à la névirapine, et les troubles du SNC se sont alors résorbés sans que la suppression virologique ne soit compromise.

«Sur une période de 24 semaines, on n’a observé aucune différence au chapitre de la suppression virale, du nombre de cellules CD4 et des effets indésirables», précise le Dr Youle, qui présentait les données recueillies chez 24 patients dans une étude pilote dont l’expansion éventuelle est en cours d’évaluation.

Résumé

La puissance des antirétroviraux est essentielle, mais elle n’est pas synonyme de maîtrise soutenue de l’infection à VIH si le schéma de traitement n’est pas assez bien toléré et assez simple pour permettre une observance indéfinie du traitement. Des progrès substantiels ont été accomplis sur la façon de combiner tous ces attributs dans un seul et même schéma, tant en première intention que lors des traitements subséquents. Il est bien sûr important d’individualiser le traitement puisque la tolérabilité d’un schéma varie d’un patient à l’autre, mais l’objectif du traitement est une charge virale indécelable chez tous les patients, quel que soit leur passé thérapeutique.

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