Comptes rendus

Actualisation des lignes directrices sur le traitement de l’infection à VIH/SIDA : perspectives d’avenir pour les patients ayant un passé thérapeutique
Hypertrophie bénigne de la prostate et diagnostic et prévention du cancer de la prostate

Optimiser la santé de la prostate en réduisant le risque de morbidité

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 28e Congrès de la Société internationale d’urologie

Le Cap, Afrique du Sud / 12-16 novembre 2006

Il est fort probable que l’incidence, la prévalence et le fardeau de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) et du cancer de la prostate augmenteront au cours des 20 prochaines années, l’une des raisons étant que les hommes de la génération du baby-boom atteindront l’âge où la plupart des troubles prostatiques se manifestent. En 2030, aux États-Unis, il y aura deux fois plus d’hommes âgés de 65 ans et plus qu’en 2000, et on observe des tendances démographiques similaires à l’échelle de la planète. En outre, la sensibilisation grandissante du public à l’importance de la santé de la prostate se traduit par un nombre plus élevé de consultations chez le médecin, d’où une augmentation du nombre de cas diagnostiqués, observe le Dr Claus Roehrborn, directeur, département d’urologie, University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas.

Pertinence de deux isoenzymes

La testostérone est transformée en dihydrotestostérone (DHT) par une enzyme, la 5-alpha réductase (5AR). La DHT est le principal androgène responsable du développement et de l’hypertrophie de la prostate et de l’apparition de maladies comme l’HBP et le cancer. Chez les hommes souffrant d’une HBP non traitée, la prostate continue de grossir même en présence de taux de testostérone considérés comme hypogonadiques, parce que la DHT – qui est 10 fois plus puissante que son précurseur – continue d’être synthétisée. Sous l’effet de l’inhibition de la 5AR, cependant, le complexe DHT-récepteur androgénique s’atrophie et l’équilibre hormonal est rétabli, du moins en partie. La modification du terrain hormonal est aussi considérée comme essentielle au traitement et à la prévention du cancer de la prostate.

On a récemment découvert l’existence de deux isoenzymes de la 5AR : le type 1 (5AR1) et le type 2 (5AR2). L’expression de l’ARN messager de même que l’activité de la 5AR1 et celle de la 5AR2 diffèrent dans le tissu prostatique sain, le tissu d’une prostate hypertrophiée et le tissu d’une tumeur maligne de la prostate. Selon une étude réalisée par Iehle et al. (J Steroid Biochem Molec Biol 1999;68:189-95), l’expression des deux isoenzymes est légèrement – quoique significativement – plus marquée dans l’HBP que dans le tissu sain. Dans le tissu prostatique cancéreux, seule l’activité de la 5AR1 était significativement plus marquée que la normale, tandis que l’activité de 5AR2 était plus faible en présence de cancer que d’HBP. «Dans le cancer de la prostate primitif, on observe une légère différence par rapport à l’HBP et au tissu sain, l’isoenzyme de type 1 étant surexprimée [...] et l’isoenzyme de type 2 étant sous-exprimée», confirme le Dr Roehrborn. Selon une étude récente, on observe aussi une surexpression de la protéine 5AR1 et une sous-expression de la 5AR2 en présence de néoplasie intra-épithéliale prostatique, affection prédictive de l’apparition d’un cancer. La situation change à mesure que progresse la tumeur, mais l’expression des deux isoenzymes est stimulée dans le cancer de la prostate avancé et métastatique (Thomas et al. Prostate 2005;63:231-9).

Des expériences réalisées sur des fragments de prostate animale et humaine ont aussi confirmé que dans le tissu cancéreux, par comparaison au tissu sain, l’activité de la 5AR2 est significativement moins marquée alors que celle de la 5AR1 l’est davantage (Xu et al. Clin Cancer Res 2006;12:4072-9). «L’activité de l’enzyme de type 2 diminue de 90 % lorsque l’on passe du tissu provenant d’une prostate hypertrophiée (HBP) au tissu d’une tumeur prostatique primitive, puis au tissu d’un cancer de la prostate récurrent, contrairement à l’activité de la 5AR1 qui reste pratiquement inchangée», explique le Dr Roehrborn.

Ces observations donnent à penser qu’il pourrait être important d’inhiber les deux types de 5AR pour obtenir de faibles taux de DHT dans la prise en charge de l’HBP et la prévention du cancer de la prostate, indique-t-il.

Inhibition de la 5-alpha réductase et prévention du cancer

L’étude PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial) a été la première à montrer la faisabilité de la chimioprévention du cancer de la prostate, c’est-à-dire l’administration d’un traitement pour retarder l’apparition du cancer de la prostate, chez les hommes à risque. L’administration du finastéride pendant sept ans a été associée à une diminution de 24,8 % de l’incidence des tumeurs par rapport au placebo. À des doses thérapeutiques, le finastéride inhibe uniquement la 5AR2, note le Dr Roehrborn. En revanche, il a été démontré que le dutastéride – qui est un double inhibiteur de la 5AR – permet une suppression plus marquée et plus constante de la DHT. Lors d’une étude comparative, les chercheurs ont obtenu une suppression d’au moins 90 % de la DHT chez plus de 85 % des hommes recevant le dutastéride et 2,2 % des hommes recevant le finastéride (Roehrborn et al. Eur Urol 2003;1[suppl]:161).

Les premières données à l’appui des effets chimiopréventifs du dutastéride provenaient d’études sur le traitement de l’HBP. L’une des analyses a montré que la prévalence du cancer pendant une période donnée avait baissé de 50 % (Andriole et al. Urology 2004;64:537-41). Selon d’autres études, le traitement par le dutastéride diminuait le volume des tumeurs de la prostate. Ces résultats – que le Dr Roehrborn a qualifiés d’intrigants – ont motivé la tenue de l’étude REDUCE (Reduction by Dutasteride of Prostate Cancer Events) qui évaluera l’effet du dutastéride, par rapport à un placebo, quant à la prévention du cancer chez 8256 hommes de 50 à 75 ans dont le taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) se situe entre 2,5 et 10 ng/mL, dont le volume de la prostate est £80 mL, dont le score IPSS (International Prostate Symptom Score) est <25 et dont le débit urinaire maximal est >5 mL/sec. L’absence de cancer de la prostate devra être confirmée par biopsie chez tous les patients au départ, puis après deux ans et quatre ans de traitement. «Nous aspirons à une réduction du risque de plus de 25 % et, le cas échéant, l’objectif de la chimioprévention efficiente du cancer de la prostate sera réalisable», fait remarquer le Dr Roehrborn.

Symptômes et progression de l’HBP

Au début, l’HBP se résume parfois à des symptômes incommodants comme la pollakiurie et une diminution du débit urinaire. Avec le temps, cependant, la maladie peut entraîner des complications graves et coûteuses comme la rétention urinaire aiguë ou nécessiter le recours à la chirurgie. Chez les hommes de 60 ans et plus, le risque à vie de rétention urinaire est de 23 %. Ce risque atteint près de 40 % chez les hommes dont la prostate est volumineuse et qui présentent des symptômes mictionnels, d’ajouter le Dr Roehrborn. Comme l’a montré l’étude MTOPS (Medical Therapy of Prostatic Symptoms), il y a un lien significatif entre, d’une part, un taux de PSA >1,6 ng/mL et, d’autre part, la rétention urinaire aiguë, la chirurgie motivée par l’HBP et la progression des symptômes. Il est donc souvent raisonnable d’instaurer le traitement afin de prévenir une issue défavorable à long terme, fait valoir le Dr Francesco Montorsi, professeur agrégé d’urologie, Università Vita-Salute San Raffaele, Milan, Italie. Malgré la gêne que causent les symptômes de l’HBP, «nos patients s’inquiètent davantage des effets à long terme», dit-il.

Les alpha-bloquants et les inhibiteurs de la 5AR figurent parmi les options de traitement efficaces pour corriger les symptômes de l’HBP. Les premiers permettent un soulagement rapide des symptômes, mais n’agissent pas sur le volume de la prostate ni sur l’issue à long terme de l’HBP. Le finastéride et le dutastéride sont un peu plus lents que les alpha-bloquants pour soulager les symptômes, mais ils suppriment la DHT, d’où une diminution du volume de la prostate et du risque de progression de la maladie. Un schéma qui combine les deux classes pourrait être utile, surtout chez les patients qui sont exposés à un risque assez élevé de progression de l’HBP et qui sont incommodés par les symptômes de l’HBP. Chez les sujets de l’étude MTOPS qui recevaient à la fois le finastéride et la doxazosine plutôt que l’un ou l’autre agent en monothérapie, on a observé une réduction significative du risque de progression clinique de l’HBP. Le traitement d’association et le finastéride en monothérapie ont aussi diminué significativement le risque à long terme de rétention urinaire aiguë et d’une intervention chirurgicale motivée par l’HBP.

L’étude de quatre ans CombAT (Combination of Avodart and Tamsulosin) – qui est en cours – viendra compléter les données recueillies dans l’étude MTOPS, son objectif étant d’évaluer l’effet sur les symptômes et la progression de l’HBP d’un traitement par un double inhibiteur de la 5AR, le dutastéride à 0,5 mg 1 fois par jour (f.p.j.), d’un traitement par un alpha-bloquant, la tamsulosine à 0,4 mg 1 f.p.j. et de l’association de ces deux agents. La population de l’étude diffère de celle de l’étude MTOPS dans la mesure où les participants sont considérés comme exposés à un risque substantiel de progression de l’HBP d’après leur taux de PSA (³1,5 ng/mL) et le volume de leur prostate (³30 cm³). Les chercheurs feront état de la variation de l’IPSS après un suivi de deux ans et de la fréquence des événements dénotant une progression de la maladie (rétention urinaire aiguë ou chirurgie motivée par l’HBP) après quatre ans. «Il s’agit là d’une étude majeure qui nous dira si le traitement d’association est vraiment la façon de faire», estime le Dr Montorsi.

Résumé

Bien que l’HBP et le cancer de la prostate soient deux entités morbides distinctes, ils coexistent souvent chez les hommes âgés. Une démarche unique pour traiter l’HBP et prévenir le cancer de la prostate – qui repose sur l’inhibition de la 5AR – semble maintenant logique et à notre portée, conclut le Dr Roehrborn. Des études comme CombAT et REDUCE contribueront à l’utilisation appropriée et efficiente de ces agents en nous permettant de cerner les groupes de patients qui en ont le plus besoin, ajoute-t-il.

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