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Ajustement du traitement dans la maladie de Crohn

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 18e Congrès de la Fédération européenne de gastro-entérologie

Barcelone, Espagne / 23-27 octobre 2010

De nombreuses séances du congrès ont été consacrées aux différences entre les inhibiteurs du TNF-alpha (anti-TNFa). Les agents biologiques ont contribué à diminuer les complications dans la maladie de Crohn (MC) avancée. Malgré tout, on incite les utilisateurs à la prudence dans de nombreux guides de pratique nationaux et internationaux en raison du coût de ces médicaments et du risque légèrement plus élevé d’effets indésirables auquel ils sont associés. Si la réponse à l’infliximab est bonne, bien des médecins hésiteront à changer de traitement. Toutefois, l’adalimumab est en train de se tailler une place en première intention, car les escalades posologiques sont moins fréquentes avec cet agent.

«La réponse à l’infliximab s’affaiblit chez, grosso modo, 50 % des patients atteints de la MC, et le problème est généralement imputé à la présence de concentrations faibles ou indécelables du médicament, explique la Dre Séverine Vermeire, Service de gastro-entérologie, Hôpital universitaire, Louvain, Belgique. En pareil cas, on rapproche les perfusions, on augmente la dose ou on change d’anti-TNFa. Malgré tout, le taux médian d’abandon de l’infliximab s’élève à environ 10 % par année.

Les anticorps neutralisants sont-ils la cause ou la conséquence de ces concentrations faibles ou indécelables? On l’ignore. Mais quoi qu’il en soit, il y a un lien indéniable entre la présence d’un taux indécelable du médicament et l’affaiblissement de la réponse à l’infliximab. Or, la présence de concentrations indécelables du médicament et la formation d’anticorps neutralisants sont moins fréquentes chez les patients sous adalimumab. Dans l’étude ADHERE (Additional Long-Term Dosing With Humira/Adalimumab to Evaluate Sustained Remission and Efficacy in CD), prolongation de 3 ans de l’essai de phase III sur l’efficacité, les doses habituelles d’adalimumab ont conservé leur efficacité clinique pendant une période ayant atteint 3 ans. L’efficacité à long terme de l’adalimumab n’a pas été comparée à celle de l’infliximab lors d’essais en aveugle, mais dans ses recommandations, le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) souligne qu’en traitement d’entretien, l’adalimumab offre un rapport coût-efficacité différentiel plus faible que l’infliximab.

La Dre Vermeire a présenté les résultats obtenus chez 90 patients atteints de la MC et traités par l’infliximab toutes les 8 semaines. Chez tous ces sujets, la réponse clinique avait disparu après 52 semaines en moyenne (35-85 semaines). On a donc rapproché les perfusions chez 51 de ces patients et augmenté la posologie de 10 mg/kg de poids corporel chez les 39 autres. On jugeait ces démarches efficaces si l’on parvenait à maîtriser les symptômes et à continuer les perfusions sans autre ajustement posologique.

Les ajustements posologiques ont donné les résultats cliniques souhaités chez 56,7 % des patients, mais la Dre Vermeire fait état d’une forte variabilité interindividuelle des concentrations minimales d’infliximab au fil du temps. À titre d’exemple, chez 13 patients de cette cohorte, la concentration minimale du médicament était indécelable lors de toutes les évaluations, et l’ajustement posologique a fonctionné chez un seul d’entre eux. De plus, précise-t-elle, 88 % des patients dont la concentration minimale était indécelable avaient beaucoup d’anticorps anti-infliximab; pourtant, les anticorps ne sont mesurables qu’en présence d’une concentration minimale indécelable.

Le Dr Edward V. Loftus, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota, a fait des constatations similaires. Il s’est demandé quels étaient les événements pouvant indiquer qu’un ajustement thérapeutique (ce qui comprend un éventuel changement d’agent biologique) s’imposait. Voici sa liste des événements annonciateurs d’un ajustement thérapeutique (EAAT) : escalade posologique, visite au Service des urgences ou hospitalisation motivée par la MC, intervention chirurgicale motivée par la MC, formation d’une fistule ou amorce d’une nouvelle biothérapie.

Dans cette étude d’observation dont l’effectif comptait 388 sujets souffrant de la MC qui avaient initialement répondu au traitement d’entretien par l’infliximab, la probabilité cumulative de survenue d’un EAAT sur 3 ans atteignait 78 %, indique le Dr Loftus. L’EAAT le plus fréquent (43 % des cas) était la visite au Service des urgences ou l’hospitalisation motivée par la MC. Parmi les éléments prédictifs de la survenue d’un EAAT figurait la corticothérapie. Ses données laissent entrevoir un taux très élevé d’ajustements posologiques pendant un traitement à long terme par l’infliximab, ce qui pourrait expliquer le coût excédentaire dont il est question dans le guide de pratique du NICE.

Dans ces conditions de pratique réelles, un ajustement posologique s'est imposé chez la plupart des patients dont la MC avait initialement répondu à l'infliximab, et ces observations pourraient se révéler pertinentes pour le suivi des patients traités au long cours par cet agent, rapporte le Dr Loftus.

Cela dit, sans comparaison directe, on peut difficilement quantifier la différence entre l’adalimumab et l’infliximab en matière d’ajustement posologique. Les auteurs des recommandations du NICE en étaient d’ailleurs conscients, puisqu’ils mentionnent dans leur guide que ces ajustements sont certes moins fréquents sous adalimumab, mais non pas inexistants. Or, cette différence est un élément important des analyses de coût. Bien que le prix des médicaments varie d’une région à l’autre, l’absence relative d’escalade posologique constitue le facteur le plus susceptible de conférer à un des deux agents un rapport coût-efficacité plus avantageux. Dans un rapport récent – qui porte sur l’emploi des agents biologiques dans la polyarthrite rhumatoïde, mais peut tout à fait s’appliquer aux maladies inflammatoires de l’intestin (MII) – l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) a tenu compte de cette différence. L’ACMTS est un organisme national qui a pour but de fournir aux décideurs fédéraux, provinciaux et territoriaux en matière de soins de santé des informations et des conseils crédibles et impartiaux, fondés sur les données probantes, sur l’efficience et l’efficacité des médicaments et d’autres technologies de la santé. L’Agence a mené cette analyse afin de déterminer lequel des agents biologiques ci-après offrait le meilleur rapport coût-efficacité : certolizumab, étanercept, golimumab, adalimumab et infliximab. Lors d’un traitement à long terme, il se peut que les coûts varient notablement d’un traitement à l’autre, et l’ACMTS en a pris acte en soulignant que dans la pratique clinique, l’agent le plus souvent associé aux escalades posologiques était l’infliximab. Les auteurs ont ajouté qu’on ne s’attendait pas à ce qu’une escalade posologique survienne avec les autres agents biologiques.

L’escalade posologique est ennuyeuse à plus d’un titre. Ainsi, le risque d’effets indésirables est à la mesure de la dose prescrite. La corrélation entre l’escalade posologique et les effets indésirables n’est pas encore clairement établie, mais en théorie, le risque n’est pas négligeable. Qui plus est, si on augmente la posologie en rapprochant les perfusions, la qualité de vie du patient peut s’en trouver diminuée. Il faudra évaluer les répercussions de ces deux variables sur le bien-être du patient.

Adalimumab et rémission profonde

On peut également comparer l’efficacité des diverses stratégies thérapeutiques d’après la rémission profonde, qui correspond généralement à un score CDAI (Crohn’s Disease Activity Index) <150 avec cicatrisation de la muqueuse. Ce critère rend sans doute mieux compte de la véritable rémission que d’autres paramètres moins rigoureux. Le Dr Jean-Frédéric Colombel, Centre hospitalier régional universitaire, Lille, France rapporte, au terme d’une analyse des données de l’étude EXTEND, que la rémission profonde a été plus fréquente dans le groupe sous traitement actif (adalimumab) que dans le groupe placebo, qu’on l’a observée plus souvent chez les patients dont la maladie remontait à moins de 5 ans et que ce sont les sujets atteints depuis moins de 2 ans qui ont obtenu les meilleurs résultats.

Serait-ce parce que les patients atteints depuis plus longtemps avaient un passé thérapeutique plus lourd, notamment en ce qui a trait aux agents biologiques? Chose certaine, ces données semblent confirmer la baisse graduelle de l’efficacité des anti-TNFa et témoigner de l’importance d’un enchaînement bien orchestré des agents en début de traitement dans une optique de maximisation de l’efficacité à long terme. Mais surtout, elles permettent de penser que pour tirer pleinement parti des avantages des agents biologiques, on ne devrait pas retarder leur entrée en scène.

Résumé

La grande efficacité de l’infliximab et de l’adalimumab dans les MII avancées a été démontrée lors d’essais multicentriques d’envergure. Cependant, les données à long terme portent à croire que sur le plan du maintien de la réponse sans escalade posologique (laquelle vise à contrer la baisse de l’efficacité), ces agents diffèrent. Les auteurs de plusieurs guides de pratique clinique, cherchant à proposer la stratégie thérapeutique la plus efficiente et rationnelle, ont pris cette différence en considération. Ces auteurs se sont attachés au coût du traitement, mais l’escalade posologique comporte également des risques que l’on devra étudier de plus près afin de prescrire les agents offerts suivant une séquence appropriée.

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