Comptes rendus

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Infections à méningocoque : nous approchons du but

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 48e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America

Vancouver, Colombie-Britannique / 21-24 octobre 2010

Au Canada, même si l’incidence annuelle des infections invasives à méningocoque (IIM) n’atteint que 0,42 pour 100 000 habitants, les épidémies – pendant lesquelles cette incidence monte en flèche – ne sont pas rares. Aux États-Unis, le taux de létalité globale avoisine 12 %. De surcroît, les IIM peuvent avoir des séquelles graves et permanentes. «L’IIM est la plus redoutable des infections auxquelles nous avons affaire», affirme le Dr Scott Halperin, professeur titulaire de pédiatrie, de microbiologie et d’immunologie, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse. «Si nous pouvions l’éliminer, ce serait merveilleux, non seulement pour tous les patients qui la contractent, mais aussi pour les médecins qui doivent la soigner.»

La Dre Julie Bettinger, professeure adjointe de pédiatrie, University of British Columbia, Vancouver, explique que cinq sérotypes de Neisseria meningitidis, diplocoque à Gram négatif, sont responsables de la plupart des IIM. De ces cinq sérotypes, le B est le plus répandu (54 %); viennent ensuite C (20 %) et Y (13 %). Les IIM imputables au sérotype A (responsable de nombreuses infections en Afrique) et au sérotype W-135 frappent généralement les voyageurs. Au Canada, la distribution des sérotypes varie énormément d’une région à l’autre. Par exemple, la proportion de cas dus au méningocoque de sérotype B pourrait atteindre 100 % au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest, alors qu’elle ne serait que de 33 % en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse. La distribution des IIM selon l’âge de survenue est bimodale, les pics s’observant généralement avant l’âge de 1 an, puis à l’adolescence. La mortalité augmente avec l’âge, si bien que les adolescents sont particulièrement à risque. L’expérience du Royaume-Uni, présentée par le Dr Edward Kaczmarski, directeur de la Health Protection Agency, Unité de référence sur les méningocoques, Manchester, a confirmé l’augmentation de l’incidence des IIM et de la mortalité chez les nourrissons et les adolescents dans les années 1990.

Épidémie d’IIM imputables au sérogroupe C

Au Canada, les épidémies sont principalement causées par le sérogroupe C, et leur survenue est cyclique. Le type C est associé à un taux élevé de séquelles, notamment des amputations, la surdité et la dysfonction rénale. «Les infections causées par le sérogroupe C sont les plus graves, note la Dre Bettinger. Environ 71 % des victimes d’une IIM causée par le sérogroupe C doivent être hospitalisées au Service des soins intensifs». La campagne de vaccination universelle contre le sérotype C que l’on a mise en branle au Canada en 2001 semble avoir eu beaucoup de succès et généré une immunité collective, l’incidence de la maladie chez les adultes – qui n’ont pas été vaccinés – ayant aussi diminué. Cependant, prévient la Dre Bettinger, l’émergence du sérotype C étant cyclique, il est difficile de distinguer l’effet de la vaccination de l’évolution naturelle du micro-organisme.

Portage du méningocoque

Le portage de N. meningitidis est répandu et joue un rôle clé dans la transmission de la maladie. Le taux de prévalence du portage rhinopharyngé se situe entre 10 et 20 %. On ne sait pas vraiment pourquoi le portage du micro-organisme évolue parfois vers l’infection. «Si le méningocoque part du rhinopharynx pour se rendre dans la circulation sanguine, c’est de mauvais augure pour le patient comme pour le méningocoque, souligne le Dr Kaczmarski. Essentiellement, c’est une impasse pour l’un comme pour l’autre, car l’objectif ultime du méningocoque est de se propager d’un individu à l’autre.» Le Dr Kaczmarski a montré des données selon lesquelles le portage du méningocoque de sérogroupe C avait chuté pour atteindre le tiers de son taux initial au cours de l’année qui a suivi la campagne de vaccination antiméningococcique C (vaccin conjugué) au Royaume-Uni en 1999. L’incidence du portage est en effet passée de 0,45 à 0,15 % (n=14 064 en 1999, n=16 583 en 2000). La chute des IIM de sérogroupe C chez les adolescents – parallèlement à une augmentation continue des IIM de sérogroupe B en 2000-2001 – tient probablement à la campagne de vaccination plutôt qu’à l’évolution cyclique de la distribution du micro-organisme. Si les IIM de sérogroupe B persistent au Royaume-Uni, «les IIM de sérogroupe C ont presque disparu» depuis le lancement du programme, note le Dr Kaczmarski. Une immunité collective a été observée immédiatement après le début de la campagne de vaccination, l’incidence de la maladie ayant chuté de 65 % chez les 15 à 17 ans non vaccinés. Cet effet persiste toujours.

Les titres d’anticorps antiméningococciques ont tendance à diminuer avec le temps. Le Dr Kaczmarski a cité à cet égard des données provenant de la Grèce (Sakou et al. Vaccine 2009;27:4408-11) selon lesquelles l’immunité pourrait être conservée plus longtemps chez les individus vaccinés à l’adolescence que chez ceux qui le sont pendant l’enfance. La vaccination de rappel à l’adolescence pourrait même conférer une immunité à vie.

Vaccins

Nous avons à notre disposition un vaccin polysaccharidique quadrivalent combiné qui est efficace contre les sérogroupes A, C, Y et W-135. Cependant, il ne génère pas une réponse immunitaire robuste avant l’âge d’environ 5 ans ni ne stimule la mémoire immunitaire, sans compter qu’il pourrait induire une tolérance pour l’agent pathogène ciblé, explique le Dr Halperin. Ce vaccin peut être utilisé au Canada après l’âge de 5 ans lorsque le vaccin conjugué n’est pas offert.

MenACWY-D (Menactra) est un vaccin quadrivalent dans lequel le polysaccharide est conjugué à la toxine diphtérique afin de stimuler la réponse dépendante des lymphocytes T, laquelle induit la mémoire immunitaire et, partant, une protection prolongée. Les vaccins conjugués génèrent aussi une bonne réponse chez les nourrissons et réduisent le portage, d’où la possibilité d’une immunité collective. Le vaccin MenACWY-D a été homologué sur la foi d’études de non-infériorité par rapport au vaccin polysaccharidique quadrivalent combiné. Et le vaccin quadrivalent MenACWY-CRM (Menveo) – qui est conjugué avec la protéine CRM (cross-reactive material) – s’et à son tour révélé non inférieur au vaccin MenACWY-D.

Le Dr Halperin a passé en revue les résultats d’une étude de phase III de non-infériorité réalisée chez des adolescents. Les données ont non seulement confirmé que le vaccin MenACWY-CRM était non inférieur au vaccin MenACWY-D pour les quatre sérogroupes, mais aussi que la réponse était significativement supérieure dans le cas des sérogroupes A, W-135 et Y. À 2 ans, cette supériorité persistait, les titres d’anticorps déterminés par le dosage de l’activité bactéricide du sérum avec le complément humain (hSBA) étant restés égaux ou supérieurs à 8 pour ces sérogroupes. Le profil d’innocuité des deux vaccins étaient similaires. Le Dr Halperin a également commenté des données comparatives sur les vaccins MenACWY-CRM et MenACWY-D chez des patients de 2 à 10 ans. Des enfants de 2 à 5 ans admissibles recevaient 1 ou 2 doses du vaccin MenACWY-CRM ou 1 dose du vaccin MenACWY-D alors que des enfants de 6 à 10 ans recevaient 1 dose de l’un ou l’autre vaccin. Au sein de la cohorte combinée (2 à 10 ans), les critères de non-infériorité du vaccin MenACWY-CRM ont été atteints pour les quatre sérogroupes, et la supériorité statistique a été démontrée dans le cas des sérogroupes C, W-135 et Y par rapport au MenACWY-D.

Dans le cadre d’une vaste étude pivot de phase III (n=4545) réalisée aux États-Unis et en Amérique latine, l’efficacité du vaccin MenACWY-CRM a été évaluée chez des nourrissons, certains de seulement 2 mois. La Dre Nicola Klein, Kaiser Permanente Vaccine Study Center, Oakland, Californie, a présenté les résultats de la cohorte américaine de cet essai, dont l’objectif était d’évaluer la réponse immunitaire et la tolérabilité d’une série de 4 doses, administrées à 2, 4, 6 et 12 mois. Le paramètre principal d’évaluation de l’efficacité a été atteint, 94 %, 98 %, 100 % et 100 % des patients ayant obtenu des titres de 8 ou plus (hSBA) après la dose du 12e mois pour les sérogroupes A, C, W-135 et Y, respectivement. L’analyse des résultats en fonction d’un deuxième paramètre principal a révélé que les titres d’anticorps étaient au-delà de 2 fois plus élevés chez les nourrissons ayant reçu les 4 doses comparativement à ceux ayant reçu une dose unique à 12 mois. Lors de cet essai, la tolérabilité du vaccin MenACWY-CRM a été identique, que les nourrissons aient reçu les vaccins de routine seuls ou associés aux MenACWY-CRM. «La série de 4 doses du vaccin MenACWY-CRM a été fortement immunogène chez les nourrissons», conclut la Dre Klein, qui précise par ailleurs que «la série de 3 doses s’est également révélée fortement immunogène chez les nourrissons. Les titres d’anticorps étaient supérieurs à 8 chez plus de 90 % des nourrissons pour les sérotypes C, Y et W-135 et chez 67 % pour le sérotype A.»

Sérogroupe B

Il n’existe actuellement aucun vaccin contre le méningocoque de sérotype B. La fabrication d’un vaccin antiméningococcique B présente des difficultés considérables, rappelle le Dr Rino Rappuoli, Sienne, Italie. La capsule polysaccharidique de ce sérogroupe se compose d’éléments qui s’apparentent grandement aux éléments de nos propres glycoprotéines, explique-t-il; par conséquent, un vaccin conjugué qui serait fabriqué à partir de ces polysaccharides ne générerait aucune réponse ou pourrait générer une réponse auto-immune. Cependant, grâce à la technique de séquençage des gènes, il est maintenant possible d’identifier et de synthétiser des protéines à la surface de la bactérie que l’on pourrait utiliser comme cibles du vaccin. Quatre de ces protéines ont été incorporées dans un vaccin connu sous le nom de 4CMenB. Des essais de phase III sur ce vaccin réalisés chez des nourrissons et des adolescents ont donné des résultats très encourageants. Plus de 1800 souches du méningocoque de sérotype B ont été testées, et on estime que la protection varie entre 70 et 90 %, selon l’âge des patients et la zone géographique. Le vaccin est également doté d’un bon profil d’innocuité. «Nous avons un vaccin dont la sûreté d’emploi a été démontrée chez les enfants», affirme le Dr Rappuoli. Il s’attend à ce que le vaccin soit homologué en Europe au cours de la prochaine année.

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