Comptes rendus

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Améliorer la survie globale dans le myélome multiple : stratégies et schémas de traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESS PRIORITAIRE - 54e Assemblée annuelle de l’American Society of Hematology (ASH)

Atlanta, Géorgie / 11-18 décembre 2012

Atlanta - De nouvelles données présentées au congrès 2012 de l’ASH corroborent l’association entre les nouveaux schémas de traitement et des gains de survie dans le myélome multiple (MM) à différents stades. Étant donné la nature rémittente du MM, l’effet favorable sur la survie globale de l’administration séquentielle de multiples schémas laisse escompter un bénéfice cumulatif substantiel. Ce résultat est d’autant plus encourageant que de nombreux agents utilisés dans les nouveaux schémas de référence sont bien tolérés et permettent une qualité de vie tout à fait acceptable. Selon d’autres données récentes, certains traitements actifs aux premiers stades de la maladie pourraient rester actifs même administrés après une récidive. Il ressort des communications entendues au congrès que l’amélioration du traitement du MM a des retombées significatives sur l’évolution naturelle de la maladie même chez les sujets âgés non candidats à la greffe de cellules souches.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Optimiser les traitements actuels

De tous les progrès observés dans le traitement du myélome multiple (MM), le plus important est peut-être le gain de survie associé à un nouveau schéma de traitement chez le sujet âgé. Ce nouveau schéma – l’association bortézomib + melphalan + prednisone + thalidomide (VMPT) – suivi d’un traitement d’entretien par le bortézomib et la thalidomide (VT) a été comparé à l’ancien schéma de référence bortézomib + melphalan + prednisone (VMP) sans traitement additionnel, dans le cadre d’un essai multicentrique de phase III. On avait démontré la supériorité du nouveau schéma sur le plan de la survie sans progression (SSP) il y a 2 ans, mais un suivi plus long a fait ressortir un effet sur la survie globale (SG), ce qui vient redéfinir les normes du traitement optimal.

«Chez les patients de 67 à 75 ans, le schéma VMPT-VT a réduit le risque de mortalité de 37 % et s’impose comme nouvelle norme de traitement», fait valoir le Dr Antonio Palumbo, unité sur le myélome, Université de Turin, Italie. Cette nouvelle analyse après un suivi de 4 ans montre que le schéma VMPT-VT est «supérieur au schéma VMP pour le taux de réponse, la SSP, l’intervalle précédant le traitement suivant et, maintenant, la survie».

Après randomisation, 511 patients non candidats à la greffe de cellules souches ont reçu 9 cycles de VMPT ou de VMP. Pour les deux schémas, la durée des cycles était initialement de 6 semaines, mais, peu après le début de l’étude, on a modifié le protocole de façon à la réduire à 5 semaines. Après les 9 cycles, le groupe VMPT est passé à la phase d’entretien et a reçu du bortézomib à raison de 1,3 mg/m2 tous les 14 jours et de la thalidomide à raison de 50 mg/jour. Le groupe VMP n’a pas reçu d’autre traitement.

Après un suivi médian de 54 mois, la médiane de SG se chiffrait à 60,6 mois dans le groupe VMP, mais n’avait pas encore été atteinte dans le groupe VMPT-VT (p<0,01). Bien que le gain de SG n’ait pas varié en fonction de l’âge, le bénéfice au chapitre du taux de survie à 5 ans était plus marqué chez les moins de 75 ans (67,8 % vs 49,9 %, p=0,01) et les patients ayant eu une réponse complète au traitement d’induction (81,4 % vs 48,2 %, p=0,006). La durée médiane du traitement d’entretien s’est établie à 23,8 mois.

Fait important, par rapport au gain de SG, ce schéma plus ambitieux à quatre agents suivi d’un traitement d’entretien était bien toléré. L’ajout de thalidomide n’a que modestement grevé le fardeau d’effets indésirables symptomatiques. Plus exactement, la manifestation de toxicité de grade ≥3 ayant augmenté le plus significativement était la neutropénie (38 % vs 28 %; p=0,02). L’incidence des événements cardiaques a augmenté de manière significative (10 % vs 5 %; p=0,04) mais pas celle des événements thromboemboliques (5 % vs 2 %; p=0,08). On a enregistré un faible taux d’effets indésirables d’importance, et aucun effet indésirable de grade ≥3 n’est survenu chez >10 % des patients. Globalement, 12 % des patients ont abandonné le traitement d’entretien pour cause d’effet indésirable.

Dans le traitement du MM, en particulier chez les non-candidats à la greffe, l’objectif est de prolonger l’intervalle sans récidive. La norme du schéma VMP constituait un pas important dans cette direction. L’essai VMPT-VT montre que l’ajout de thalidomide et d’un traitement d’entretien nous fait encore avancer d’un cran, avec la possibilité de prolonger la survie dans le groupe des patients âgés.

Explorer la reprise du traitement dans les récidives

En raison de son activité antimyélomateuse exceptionnelle, le bortézomib fait partie des traitements de première intention utilisés chez les patients jeunes aptes à recevoir une greffe comme chez les patients non candidats à la greffe. Il n’avait pas encore été déterminé si la réutilisation de cet agent était utile chez les patients l’ayant déjà reçu en première ligne. Une nouvelle méta-analyse de 23 études sur la reprise du traitement plaide en ce sens.

«La reprise du traitement par le bortézomib seul ou en association est efficace et bien tolérée en cas de récidive, comme en témoignent un taux de réponse objective de 57 %, un intervalle sans progression de 8,5 mois (médiane) et une SG de 19,7 mois», rapporte le Dr Kevin B. Knopf, California Pacific Medical Center, San Francisco. Dans les populations mixtes de candidats et de non-candidats à la greffe, l’inhibiteur du protéasome a montré une activité «généralement constante sans égard à cette variable, même si le taux de réponse objective était plus élevé chez les patients qui avaient reçu un moins grand nombre de traitements antérieurs (≤4) et ceux dont le cancer avait récidivé mais n’était pas réfractaire».

La méta-analyse regroupait 1051 patients. Dans 18 des 23 études, le bortézomib a été retenté avec un schéma de chimiothérapie. Dans les 5 autres, on l’a administré seul ou avec de la dexaméthasone seulement.

Une analyse de méta-régression selon un modèle à effets aléatoires qui tenait compte du nombre de traitements antérieurs a montré que les patients dont le MM est devenu réfractaire au schéma de première intention comportant du bortézomib ont moins bien répondu à la nouvelle exposition à cet agent que ceux dont le cancer a récidivé après une réponse initiale; cela dit, signale le Dr Knopf, on a observé des réponses dans les deux groupes de même qu’un taux d’activité élevé chez les sujets âgés pour une réexposition au bortézomib.

«Chez les patients dont l’âge médian était >65 ans, moins nombreux à avoir déjà reçu une autogreffe de cellules souches, le traitement retenté est demeuré actif, le taux moyen de réponse globale étant de 51 % poursuit-il.

La réutilisation de l’inhibiteur du protéasome n’a pas été associée à une majoration des effets indésirables par rapport aux taux signalés à la première exposition. Une neuropathie périphérique de grade ≥3 est survenue chez seulement 3 % des patients. Les taux de thrombopénie (35 %), de neutropénie (15 %) et d’anémie (14 %) étaient comparables à ceux observés en première intention.

Innocuité et survie en présence d’insuffisance rénale

Lors d’une autre étude, les nouveaux traitements ont amélioré la SG chez les insuffisants rénaux. L’insuffisance rénale, souvent décelée au moment du diagnostic de MM, est un facteur de risque bien établi de mauvais pronostic. Selon les études, elle augmenterait par un facteur de 2 à 4 le risque de mort prématurée chez les patients atteints d’un MM. La commercialisation d’agents novateurs pour le traitement du MM, qui ont amélioré la SG, a eu une incidence particulière dans cette population, ce que les chercheurs de cette étude ont mis au jour en comparant la SG avant et après la commercialisation de la thalidomide et du bortézomib.

«Après prise en compte du degré d’insuffisance rénale dans  le modèle, on a calculé un risque relatif (hazard ratio [HR]) de mortalité de 0,485 pendant la période suivant la commercialisation de la thalidomide par rapport à celle qui la précédait, chez les patients ayant une insuffisance rénale sévère», rapporte le Dr Meletios A. Dimopoulos, département de thérapeutique clinique, Université d’Athènes, Grèce. Cela représente un gain de survie de >50 %. Après la commercialisation du bortézomib, le risque de mortalité dans ce groupe a chuté de >60 % (HR 0,387) par rapport à ce qu’il était avant que la thalidomide ou le bortézomib ne soient commercialisés.

Les données provenaient de 1773 patients inclus dans les essais du Greek Myeloma Study Group. En Grèce, la thalidomide a été commercialisée en janvier 2000, et le bortézomib, en janvier 2005. L’insuffisance rénale sévère était définie par un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) <30 mL/min. Fait à noter, l’incidence de l’insuffisance rénale est restée inchangée pendant les quelque 20 ans qu’a duré la collecte des données.

Un gain de survie, bien que moins marqué, a également été enregistré chez les patients ayant une insuffisance rénale modérée, définie par un DFGe compris entre 30 mL/min et <59 mL/min. Dans ce groupe, le risque de mortalité a diminué de 35 % (HR 0,65) après la commercialisation de la thalidomide et de 43 % (HR 0,57) après celle du bortézomib, par comparaison avec la période où ni l’un ni l’autre n’étaient sur le marché.

Résumé

Avec l’utilisation optimale des nouveaux agents chez les patients, jeunes ou âgés, atteints d’un MM, les résultats liés à la SG s’améliorent. Si un traitement curatif demeure hors de portée, surtout chez les patients inaptes à recevoir une greffe, la capacité de prolonger l’intervalle sans progression grâce à des traitements relativement bien tolérés a significativement amélioré le pronostic. Les gains de survie obtenus avec les traitements novateurs de première intention pourraient nous aider à découvrir de meilleures stratégies de deuxième intention pour une maîtrise durable de la maladie.

 

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