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Anti-CCR5 oraux : analyses récentes de cette nouvelle classe d’antirétroviraux

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE Point de vue sur des allocutions présentées au congrès HIV DART 2008 - Frontiers in Drug Development for Antiretroviral Therapies

Rio Grande, Puerto Rico / 9-12 décembre 2008

Comme la plupart des nouveaux antirétroviraux (ART), le premier antagoniste du corécepteur CCR5, le maraviroc, a été homologué à la suite d’un examen prioritaire sur la foi d’essais cliniques réalisés dans un contexte de traitement de sauvetage de l’infection à VIH. Deux essais multinationaux ont montré que le maraviroc emboîtait le pas à d’autres nouveaux agents, notamment l’enfuvirtide (T-20), inhibiteur de l’entrée injectable. Ainsi, administré en association avec divers ART constituant un traitement de fond optimisé (TFO), le maraviroc a plus que doublé la probabilité d’atteinte d’une virémie indécelable, que le seuil de détection ait été de <400 ou <50 copies de l’ARN du VIH/mL, par rapport à un placebo. En outre, des études menées à bien chez des patients jamais traités auparavant ont montré que le maraviroc était bien toléré, qu’il était compatible avec d’autres ART et qu’il était efficace lorsque administré une fois par jour.

Jusqu’à tout récemment, nombreux étaient ceux qui craignaient que les nouveaux ART ne soient pas commercialisés assez rapidement pour suppléer au besoin de nouveaux agents chez une forte proportion de patients infectés par le VIH. Cela ne s’est pas produit dans la majorité des cas. Au cours des dernières années, le marché s’est doté de quelques nouveaux médicaments qui se sont révélés efficaces dans un contexte de sauvetage, souvent au point de permettre aux patients d’atteindre une virémie indécelable lorsqu’ils changeaient de traitement à un moment où leur rétrovirus était encore sensible à au moins un autre agent. De toutes nouvelles classes d’ART devraient constituer le meilleur moyen de défense contre les souches résistantes du VIH, mais les agents dotés d’un mode d’action tout à fait nouveau sont rares.

Le maraviroc est le premier représentant d’une nouvelle classe d’ART appelés antagonistes du corécepteur CCR5 ou anti-CCR5. Ces agents se fixent au «CCR5», l’une des deux protéines humaines que le VIH utilise comme corécepteurs pour pénétrer dans les cellules CD4+. La liaison de cet ART à la protéine peut bloquer l’entrée du VIH lié au CCR5 dans ces cellules. Cependant, comme les anti-CCR5 n’inhibent pas le VIH lié à l’autre corécepteur (CXCR4), on doit faire subir un test de tropisme (détermination du récepteur utilisé par le virus) au patient afin de s’assurer que son virus utilise bel et bien le corécepteur CCR5.

Essais MOTIVATE 1 et 2

L’activité du maraviroc observée lors des premiers essais sur le traitement de sauvetage, intitulés MOTIVATE (Maraviroc vs. Optimized Therapy In Viremic Antiretroviral Treatment-Experienced patients), a confirmé la suppression virale soutenue rapportée lors des essais pilotes. Tant lors de l’essai MOTIVATE 1, qui a eu lieu au Canada et aux États-Unis, que de l’essai MOTIVATE 2, qui a eu lieu aux États-Unis, en Europe et en Australie, les patients recevaient aléatoirement 150 mg de maraviroc une fois par jour, 150 mg de maraviroc deux fois par jour ou un placebo, en plus d’un TFO1 . Les réductions marquées de la charge virale se sont maintenues au fil du suivi, qui avoisine maintenant deux ans, et aucun effet indésirable spécifique n’a encore été signalé.

Après 48 semaines, la proportion de patients dont la charge virale avait atteint <50 copies/mL, critère essentiel d’une suppression soutenue du VIH, s’élevait à 45 % dans les deux groupes de traitement actif vs 18 % dans le groupe placebo de l’un des essais MOTIVATE, et à 42 % et 47 % dans les groupes maraviroc à une et deux prises par jour, respectivement, vs 16 % dans le groupe placebo de l’autre essai (p<0,001 pour l’une et l’autre dose dans les deux essais vs placebo). L’augmentation du nombre de cellules CD4+ par mm³ se situait entre 113 et 128 chez les sujets sous maraviroc vs entre 54 et 69 cellules/mm3 chez les témoins sous placebo (p<0,001 pour le maraviroc vs placebo dans l’une et l’autre étude). Après 96 semaines, on observe très peu d’attrition, 38,9 % des patients sous maraviroc à une prise par jour et 41,3 % des patients sous maraviroc à deux prises par jour, vs seulement 7,2 % des témoins sous placebo, ayant une charge virale encore <50 copies/mL (p<0,001 pour l’un et l’autre schéma de maraviroc vs placebo) (Figure 1).

Figure 1. Essais MOTIVATE 1 et 2 : Issue clinique après 96 semaines chez les patients dont la charge virale était <50 copies/mL de l’ARN du VIH-1 après 48 semaines


Ces taux relatifs de suppression virale et de reconstitution immunitaire sont plus élevés que les taux rapportés lors d’études antérieures sur le traitement de sauvetage, mais l’écart pourrait tenir, du moins en partie, à la façon dont se déroulent maintenant les études sur le traitement de sauvetage. Contrairement aux sujets de nombreux essais antérieurs sur le traitement de sauvetage, comme TORO (T-20 vs. Optimized Regimen Only) sur l’enfuvirtide2 ou RESIST (Randomized Evaluation of Strategic Intervention in Multi-Drug ReSistant Patients with Tipranavir)3, les sujets des essais MOTIVATE étaient plus susceptibles d’être recrutés avant d’avoir épuisé toutes leurs options d’ART. Compte tenu de l’enseignement important que nous avons tiré des premiers essais sur le traitement de sauvetage, à savoir que les taux de réponse sont beaucoup plus élevés chez les patients dont le virus répond encore à au moins un autre agent actif, il nous apparaît important d’introduire un nouvel agent avant que toutes les options soient épuisées.

Le nombre croissant d’agents efficaces contre le VIH devenu résistant, surtout d’agents comme le maraviroc qui sont bien tolérés et commodes, facilite grandement la mise en application de cette stratégie. L’enfuvirtide, premier inhibiteur de l’entrée, s’oppose très efficacement à l’entrée du VIH dans la cellule cible en bloquant la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane de la cellule cible, mais la nécessité d’injections quotidiennes et la survenue presque universelle de réactions légères ou modérées au point d’injection ont rendu cet agent plutôt impopulaire. Plusieurs nouveaux ART de la classe des inhibiteurs de la protéase (IP) sont très efficaces pour combattre l’infection par un VIH résistant, mais sont connus pour entraîner certains problèmes comme des anomalies du métabolisme lipidique ou se caractérisent par une posologie peu pratique.

Le maraviroc semble bien toléré. Dans les faits, la comparaison du maraviroc et du placebo lors des essais MOTIVATE n’a mis en évidence aucune différence cliniquement pertinente au chapitre de l’innocuité. Le taux total d’effets indésirables était légèrement plus faible chez les patients sous placebo que sous maraviroc (85 % vs 91/92 %; p=0,01), mais le taux d’abandons était plus élevé sous placebo. L’évaluation d’effets indésirables particuliers n’a soulevé aucun problème flagrant. Par exemple, l’écart entre les taux de fièvre a atteint le seuil de signification statistique, mais ces taux se chiffraient à 2 % dans le groupe maraviroc à une prise par jour, à 4 % dans le groupe placebo et à 6 % dans le groupe maraviroc à deux prises par jour. Des céphalées ont été signalées chez 6 % des patients sous placebo, 5 % des patients sous maraviroc à une prise par jour et 2 % des patients sous maraviroc à deux prises par jour (p=0,03 pour le schéma à deux prises par jour). La diarrhée est le seul effet indésirable à avoir été rapporté chez plus de 6 % des patients sous maraviroc, les taux ayant atteint 10 % dans le groupe maraviroc à une prise par jour et 8 % dans le groupe maraviroc à deux prises par jour, vs 10 % dans le groupe placebo.

La tolérabilité à court terme du maraviroc sera un atout encore plus important si l’innocuité durable qui se dégage des données actuelles se maintient. Les effets indésirables de nombreux IP de première et de deuxième génération sur les lipides étant passés inaperçus en partie pendant plusieurs années, on doit faire preuve de prudence en ne sautant pas aux conclusions. Le maraviroc n’exerce pas d’effet significatif sur le métabolisme lipidique ou glucidique, la fonction hépatique ou rénale, ni n’exerce d’autres effets systémiques dont le risque cumulatif pourrait être inquiétant. De même, rien ne permet de croire que cet agent modifie de façon appréciable l’activité d’autres ART, autre attribut non négligeable pour un agent administré en association sur de longues périodes.

Études MERIT et TROPISME CCR5

Si un grand nombre de nouveaux ART restent utilisés exclusivement ou presque comme traitement de sauvetage, le maraviroc se caractérise par plusieurs attributs qui en font un choix attrayant pour le traitement de première intention. Dans le cadre d’un essai multinational intitulé MERIT (Maraviroc vs. Efavirenz Regimens as Initial Therapy), 721 patients n’ayant jamais été traités ont reçu aléatoirement 300 mg de maraviroc deux fois par jour ou 600 mg d’éfavirenz une fois par jour. Les deux agents étaient administrés avec une préparation combinée de zidovudine et de lamivudine. Comme ce fut le cas lors des essais MOTIVATE, on a soumis tous les candidats à un test de tropisme afin d’inclure les patients infectés par un VIH à tropisme CCR5 et d’exclure tous les patients infectés par un VIH à tropisme CXCR4 ou à tropisme mixte. Pour ce faire, on a eu recours au test TrofileMC original mis au point par Monogram Biosciences.

Selon les premiers résultats de l’essai MERIT, présentés à la 4e Conférence de la Société internationale du SIDA, à Sydney, en Australie4, le maraviroc était légèrement moins efficace pour ramener la charge virale <50 copies/mL (65,3 % vs 69,3 %), surtout chez les patients dont la charge virale initiale était >100 000 copies/mL (60 % vs 66 %). Cependant, l’écart entre le maraviroc et l’éfavirenz quant à l’atteinte d’une charge virale <50 copies/mL a été observé uniquement dans les pays de l’hémisphère Sud (62,1 % vs 71,0 %), aucun écart n’ayant été observé dans les pays de l’hémisphère Nord (68,0 % vs 67,8 %). Dans l’ensemble des pays, cependant, le maraviroc était associé à une plus forte augmentation médiane du nombre de cellules CD4+ (170 vs 144 cellules/mm3 pour l’éfavirenz).

Il est ressorti de nouvelles données que la petite différence observée entre le maraviroc et l’éfavirenz quant à la suppression virologique était peut-être imputable au test de dépistage utilisé lors des essais, le test «Trofile» original. Ce test servait à exclure de l’essai les patients dont le VIH utilisait le corécepteur CXCR4 (plutôt que le corécepteur CCR5). L’utilisation d’une version modifiée de ce test a montré que le test Trofile initial n’était pas suffisamment sensible pour déceler le virus à tropisme CXCR4.

Une analyse subséquente des données de l’essai MERIT, intitulée MERIT ES, a révélé que le léger désavantage associé au maraviroc sur le plan du contrôle de la virémie avait disparu chez les patients dont le VIH à tropisme CCR5 avait été confirmé à l’aide du nouveau test, lequel est 30 fois plus sensible pour la détection des souches du virus à tropisme CXCR45. Lorsque les porteurs d’un virus à tropisme CXCR4 étaient exclus de cette analyse réalisée a posteriori, la proportion de patients atteignant une charge virale <50 copies/mL était exactement la même (68 %) pour les deux agents. Chez les patients dont la charge virale initiale était >100 000 copies/mL, la proportion de patients atteignant une charge virale <50 copies/mL se chiffrait respectivement à 64 % et à 63 % pour le maraviroc et l’éfavirenz. Au seuil de <400 copies/mL, les proportions correspondantes étaient de 73 % et de 72 %, respectivement (Figure 2).

Figure 2. Pourcentage de patients ayant atteint une charge virale <50 copies/mL de l’ARN du VIH-1 après 48 semaines, e
rge virale initiale

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L’inefficacité du maraviroc chez les patients porteurs d’un virus qui utilise le corécepteur CXCR4 pour entrer dans la cellule était reconnue et attendue. Cette population représente toutefois un pourcentage assez faible des patients en Amérique du Nord, où l’on estime qu’au moins 80 % des infections à VIH sont causées par un virus à tropisme CCR5 exclusif. Certes, tout le monde se réjouit de la plus grande sensibilité du test perfectionné, mais de nouvelles méthodes de détermination du tropisme CXCR-4 sont tout de même en développement. Les tests génotypiques, qui recherchent la signature génétique du virus associée à l’utilisation du corécepteur, pourraient être plus rapides et moins coûteux que les tests phénotypiques tout en offrant une sensibilité et une spécificité comparables, voire supérieures, à celles des meilleurs tests phénotypiques. Il est fort probable que des solutions de rechange au test de dépistage actuel seront d’usage généralisé dans un avenir prochain.

La maraviroc est le premier représentant de sa classe, mais ce n’est pas le seul inhibiteur de l’entrée du virus à tropisme CCR5 à s’être révélé efficace dans un contexte clinique. Les premières études cliniques sur le vicriviroc, autre inhibiteur de l’entrée du virus à tropisme CCR5, ont suscité des craintes quant à un lien éventuel avec des tumeurs malignes, mais cette possibilité n’a pas été confirmée lors des essais cliniques subséquents. En prévision de l’homologation de cet agent, une étude de phase III est en cours, et le recrutement est maintenant terminé. Lors de l’étude de phase II VICTOR-E1 (Vicriviroc In Combination Treatment with Optimized antiretroviral therapy Regimen in Experienced subjects), le vicriviroc était associé à un avantage significatif par rapport au placebo (56 % vs 16 %) selon le critère d’une charge virale <50 copies/mL après 48 semaines. Comme le maraviroc, le vicriviroc a donné lieu à une augmentation plus forte que prévu du nombre de cellules CD4+6. L’importance clinique éventuelle de cet effet associé aux deux anti-CCR5 est surveillée de près.

Le test de TROPISME, un préalable

Le dépistage du tropisme CCR5 est un préalable à l’utilisation d’un anti-CCR5, mais l’utilité des tests génotypiques de pharmacorésistance du VIH donne à penser que ces tests pourraient devenir une étape usuelle de l’évaluation du patient. Un jour, l’objectif des tests génotypiques ira peut-être bien au-delà de la simple détection des mutations de résistance initiales ou de l’identification du récepteur d’entrée que privilégie le virus. Il pourrait être utile, chez chaque patient, de séquencer le génome complet du virus dès la primo-infection afin de suivre l’évolution du virus et de déterminer les traitements à prescrire au fil de l’évolution de la maladie.

À l’heure actuelle, les anti-CCR5 peuvent être utiles dès le début d’une infection à VIH ou plus tard, selon divers facteurs cliniques. Bien que le pourcentage d’infections par un virus à tropisme CXCR4 semble plus élevé aux stades avancés de la maladie qu’aux premiers stades, les mutations conférant une résistance à d’autres ART ne semblent pas exercer de pression sélective sur la génétique de l’enveloppe virale ni sur le risque d’une sensibilité moindre du virus aux anti-CCR5. À ce jour, leur efficacité semble principalement déterminée par l’absence de variants à tropisme CXCR4.

Résumé

Il a été démontré que le maraviroc, premier représentant d’une nouvelle classe d’inhibiteurs de l’entrée administrés par voie orale, peut supprimer le VIH de façon durable quand il est associé à d’autres agents actifs, que le patient ait déjà été traité ou non. On doit bien sûr confirmer le tropisme CCR5 exclusif du virus avant de déterminer si le maraviroc ou un autre anti-CCR5 convient au patient, mais il reste qu’environ 80 % des patients devraient répondre à cet agent si l’on en juge par le type de virus dont ils sont porteurs. De nouveaux tests plus sensibles augmentent la probabilité de détection des virus à tropisme CXCR4 et, par conséquent, d’exclusion des patients qui en sont porteurs. L’importance clinique de l’augmentation plus marquée du nombre de cellules CD4+ sous l’effet d’un traitement par un anti-CCR5 par rapport aux autres agents est encore à l’étude; leur bonne tolérabilité et leur innocuité durable à ce jour rendent possible l’utilisation courante de ces agents dans la pratique clinique.

Références

1. Gulick et al. Maraviroc for previously treated patients with R5 HIV-1 infection. N Engl J Med 2008;359:1429-41.

2. Lalezari et al. Enfuvirtide, an HIV-1 fusion inhibitor, for drug-resistant HIV infection in North and South America. N Engl J Med 2003;348:2175-85.

3. Walmsley et al. Treatment response to ritonavir-boosted lopinavir in HIV-1 patients with higher lopinavir mutation scores. AIDS 2007;21:2245-8.

4. Saag et al. A multicenter, randomized, double-blind, comparative trial of a novel CCR5 antagonist, maraviroc versus efavirenz, both in combination with Combivir (zidovudine [ZDV] / lamivudine [3TC]), for the treatment of antiretroviral naïve patients infected with R5 HIV-1: week 48 results of the MERIT study. 4e Conférence de la Société internationale du SIDA sur la pathogenèse, le traitement et la prévention de l’infection à VIH. Sydney, Australie, 22-25 juillet 2007. Résumé WESS104.

5. Saag et al. Reanalysis of the MERIT study with the enhanced Trofile assay. ICAAC 2008. Washington, DC. 25-28 octobre 2008. Résumé H-1232a.

6. Zingman et al. Vicriviroc, a next generation CCR5 antagonist, exhibits potent, sustained suppression of viral replication in treatment-experienced adults: VICTOR-E1 48-week results. CROI 2008. Boston, MA. 3-6 février 2008. Résumé 39LB.

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