Comptes rendus

Rémission sans traitement dans la polyarthrite rhumatoïde : la stratégie BeSt
Réévaluation de l’étude MERIT : répercussions d’un test de tropisme plus sensible

Anti-TNF dans la polyarthrite rhumatoïde : viser la rémission

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 72e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

San Francisco, Californie / 24-29 octobre 2008

Trois questions sous-tendaient l’étude BeSt (Behandel Strategieen) sur les stratégies de traitement dans la PR : Le traitement d’association est-il supérieur à la monothérapie? Quelle place les anti-TNFa doivent-ils avoir dans l’algorithme de traitement? La maîtrise serrée de l’activité de la maladie change-t-elle l’issue?

Les 508 sujets de l’étude présentaient des symptômes de PR depuis au plus deux ans, au moins six articulations tuméfiées et douloureuses ainsi qu’une vitesse de sédimentation <u>></u>28 mm/h, et n’avaient jamais reçu d’agent de rémission. Quatre stratégies de traitement, attribuées par randomisation, ont été comparées : monothérapies séquentielles, d’abord par le méthotrexate (MTX); monothérapie par le MTX avec passage subséquent aux associations; polythérapie initiale MTX-sulfasalazine-prednisone; et polythérapie initiale MTX-infliximab.

Le passage d’un palier à l’autre à l’intérieur de chaque stratégie était déterminé par le score DAS (Disease Activity Scale), précise la Dre Naomi Klarenbeek, Centre médical de l’Université de Leyde, Pays-Bas. Durant les deux premières années de l’étude, un score DAS >2,4 à un palier donné du traitement commandait le passage au palier suivant. Les patients dont le score DAS demeurait <u><</u>2,4 pendant plus de six mois pouvaient progressivement passer à la dose d’entretien.

Rémission sans traitement

La rémission était définie par un score DAS <1,6. À partir de la troisième année, l’obtention d’un score DAS <1,6 pendant au moins six mois autorisait la réduction progressive de la posologie jusqu’à l’arrêt complet du traitement. Si le score DAS remontait à <u>></u>1,6, le traitement était repris.

Après cinq ans de suivi, les patients soumis dès le départ au schéma avec infliximab présentaient une meilleure capacité fonctionnelle que les sujets des trois autres groupes, ce qu’a corroboré un score HAQ (Health Assessment Questionnnaire) moyen significativement moins élevé (0,54 vs 0,62 à 0,70; p<0,01 à p<0,001). Près de la moitié (48 %) de l’ensemble des sujets ont obtenu une rémission. Le taux de rémission était de 51 % dans les groupes infliximab initial et monothérapies séquentielles vs 45 % et 42 % dans les deux autres groupes.

Ce sont les polythérapies initiales avec infliximab ou prednisone qui ont le plus freiné le taux de progression radiologique annuelle (1,0 point du score de Sharp-van der Heijde [SHS]), avantage qui était significatif par rapport aux taux de 3,5 et de 2,5 points enregistrés dans les groupes monothérapies séquentielles et monothérapie avant associations (p=0,04). Comparativement à ces deux derniers groupes, le groupe infliximab initial comptait significativement moins de patients ayant subi une progression de <u>></u>5 points du SHS (p<0,02).

Les rémissions sans traitement (score DAS <1,6) à cinq ans étaient également plus nombreuses dans le groupe infliximab (19 %) que dans les trois autres groupes (10 à 16 %). Les taux d’effets indésirables et d’effets indésirables graves étaient similaires dans tous les groupes. Cela dit, c’est dans le groupe infliximab que le taux d’abandon pour cause de toxicité était le plus bas (9 % vs 12 à 22 %).

«La polythérapie initiale a mieux prévenu les lésions articulaires que la monothérapie initiale, résume la Dre Klarenbeek. Au fil du temps, le schéma MTX-infliximab instauré dès le départ a autorisé un meilleur score HAQ.» «Cinq ans de traitement en fonction du score DAS ont efficacement entravé la progression radiologique, et l’amélioration fonctionnelle initiale s’est maintenue», souligne-t-elle.

Maîtrise rigoureuse de l’activité de la maladie

Une deuxième étude sur les résultats de BeSt a exploré l’efficacité de la stratégie guidée par le score DAS pour obtenir une rémission soutenue sans traitement. Le paramètre d’évaluation était défini comme un score DAS <1,6 maintenu pendant plus de un an, l’absence de synovite et la cessation de tout agent de rémission, indique la Dre Diane van der Woude, Centre médical de l’Université de Leyde.

On a comparé les 508 patients de la cohorte BeSt à 410 patients atteints de PR traités selon une stratégie standard à la clinique de Leyde. Les deux groupes étaient comparables sur les plans de l’atteinte radiologique (SHS médian : 4-5), du taux de protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP) (~20 mg/dL ou 190,48 nmol/L) et de la présence d’anticorps anti-peptides cycliques citrullinés (CCP2) (~60 %). Cela dit, la cohorte BeSt présentait un score HAQ moyen plus élevé (1,4 vs 1,1), un nombre médian plus élevé d’articulations tuméfiées (14 vs 8) et une plus forte proportion de sujets porteurs du facteur rhumatoïde (FR) (65 % vs 58 %).

Les deux stratégies ont conduit à des taux similaires de rémission sans traitement durable (9 %, BeSt vs 11 %, traitement standard). Les prédicteurs d’une rémission sans traitement durable ont été examinés dans une analyse multivariée des données combinées des deux cohortes. La présence d’anticorps anti-CCP2, associée à une probabilité de moins de 10 % de rémission sans traitement durable, s’est révélée le facteur prédictif négatif le plus puissant (OR : 0,08, p<0,001). Le sexe féminin (OR : 0,50, p=0,01) et un taux élevé d’hsCRP (OR : 0,99, p=0,04) étaient également des prédicteurs négatifs.

En revanche, l’adhésion au traitement guidé par le score DAS a plus que doublé la probabilité de rémission soutenue sans médicament (OR : 2,44, p=0,10). Qui plus est, cette stratégie a triplé les chances de rémission soutenue en présence d’anticorps anti-CCP2 (OR : 2,96, p=0,07).

«Ces résultats montrent que le traitement en fonction du score DAS peut donner lieu à une rémission sans traitement durable même en présence de caractéristiques pronostiques défavorables», confirme la Dre van der Woude.

Efficience du traitement par les anti-TNF

Le coût du traitement par les anti-TNF est un enjeu depuis que ces agents existent. Presque tous les agents de rémission classiques plus anciens sont offerts sous forme générique et sont par conséquent moins chers que les nouvelles biothérapies.

Le Dr Michael Ganz, Abt Bio-Pharma Solutions, Lexington, Massachusetts, a comparé les scores HAQ à deux ans des patients traités d’emblée par l’infliximab à ceux des patients traités de façon séquentielle et intégré ces données dans un modèle sur cinq ans, complété par d’autres données publiées sur ces paramètres.

L’utilisation des ressources et le coût des médicaments ont été estimés à partir du British National Formulary et de deux revues systématiques sur l’utilisation des anti-TNFa dans la PR. Les paramètres considérés étaient notamment le coût pour chaque amélioration de 1 point du score HAQ ainsi que le coût par année de vie sans invalidité (QALY). Les scores HAQ ont été traduits en QALY à l’aide de formules tirées des revues systématiques.

Au cours des cinq ans de suivi de l’étude BeSt, le coût cumulatif des monothérapies séquentielles est passé de 1155 £ (2250 $) à 15 875 £ (31 150 $), et celui du schéma infliximab initial, de 8131 £ (15 140 $) à 22 155 £ (43 420 $).

L’indicateur QALY s’est davantage amélioré lorsqu’on avait utilisé l’infliximab d’emblée (de 0,70 à 3,30) que les monothérapies séquentielles (de 0,62 à 2,91). Le coût par QALY associé au schéma infliximab initial a diminué avec le temps comparativement aux monothérapies séquentielles. Ce coût est passé de 92 764 £ (181 785 $) la première année à 15 965 £ (31 285 $) la cinquième année, baisse dont environ la moitié s’est produite de la première à la deuxième année. Les résultats étaient indépendants des variations du coût des médicaments, du score HAQ ou de l’algorithme de conversion.

«Le coût plus élevé associé au recours précoce à l’infliximab est compensé par le bénéfice clinique apporté par ce schéma de traitement au fil du temps, concluent le Dr Ganz et ses collègues. En outre, l’utilisation tardive de l’infliximab conduit probablement à une détérioration structurale coûteuse.»

Repérer les patients à risque élevé

La capacité de reconnaître les patients menacés d’une progression rapide faciliterait grandement la prise de décisions cliniques, et notamment le choix du schéma de traitement. Telle est la question que le Dr Nathan Vastesaeger, Université de Vienne, Autriche, et ses collègues ont examinée à l’aide d’un modèle matriciel d’évaluation du risque comparant le MTX seul à l’association MTX-infliximab utilisés d’emblée.

Les données publiées d’un vaste essai clinique sur la PR précoce ont servi de base. Le risque relatif de progression (RRP) était défini par une variation seuil du score SHS modifié de <u>></u>5 points par année. À l’aide du coefficient de corrélation des rangs de Spearman, les investigateurs ont identifié les prédicteurs initiaux du RRP et calculé sa probabilité par une méthode de régression logistique.

S’appuyant sur les données de patients n’ayant jamais reçu d’agent de rémission, ils ont élaboré un modèle qui tenait compte du nombre d’articulations tuméfiées (sur 28), du taux de FR et du taux de CRP, puis l’ont testé en utilisant les données d’une étude menée chez des patients atteints d’une PR de longue date réfractaire au MTX. L’algorithme obtenu a généré un modèle prédictif dans une matrice visuelle comprenant les facteurs prédictifs de départ et les stratégies de traitement initiales, ordonnés selon une probabilité croissante. Chaque cellule de la matrice indiquait le pourcentage prévu de patients qui connaîtraient une progression rapide, compte tenu de leurs caractéristiques de départ et du traitement appliqué.

Le Dr Vastesaeger a donné des exemples de valeurs prédictives comprises dans une matrice. Ainsi, pour un patient jamais traité par un agent de rémission ayant 18 articulations tuméfiées, un taux d’hsCRP de 7 mg/dL (66,67 nmol/L) et un taux de FR de 380 U/dL, la probabilité de progression rapide serait de 47 % s’il recevait le MTX seul et de 14 % s’il recevait l’association. Pour un patient similaire qui serait réfractaire au MTX, les probabilités correspondantes seraient de 58 % et de 22 %.

Les chercheurs ont également estimé le nombre de sujets à traiter (NST) par l’association pour éviter une progression rapide chez un patient de plus, comparativement au MTX seul. Le NST obtenu varie de 3 chez les patients se classant dans la catégorie la plus élevée pour le taux d’hsCRP, le nombre d’articulations tuméfiées et le taux de FR, à 33 chez les patients se classant dans la catégorie la moins élevée pour ces variables cliniques.

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