Comptes rendus

Diabète de type 2 et antihyperglycémiants : point de vue rénal
De nouvelles données sur les inhibiteurs de la protéase étayent un grand bond en avant dans la maîtrise de l’hépatite C

Aspergillose invasive : la guérison dépend de concentrations sériques suffisantes de l’antifongique administré

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 23e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie (ECCMID)

Berlin, Allemagne / 27-30 avril 2013

Berlin - À en juger par une série d’études présentées au congrès, l’absence de stratégies visant à assurer des concentrations sériques suffisantes de l’antifongique administré expliquerait en partie les piètres résultats parfois obtenus dans le traitement de l’aspergillose invasive (AI) et d’autres mycoses graves. De nombreux établissements ont amélioré la réponse aux infections fongiques en ayant recours à des cheminements cliniques qui raccourcissent le délai d’administration du traitement le plus efficace, mais peu d’établissements prévoient un mécanisme pour s’assurer que le médicament est présent en concentrations suffisantes. Il va de soi qu’il est toujours important d’obtenir des concentrations suffisantes, quelle que soit l’infection traitée et quel que soit le traitement administré, mais il a été question au congrès de l’AI en particulier, les antifongiques utilisés étant connus pour leur marge thérapeutique étroite. Selon les nombreuses séries de données présentées au congrès, il est fréquent que les concentrations sériques de l’antifongique ne se maintiennent pas à l’intérieur de la marge thérapeutique et que les résultats subséquents soient médiocres. Les données montrent avec éloquence que l’on doit opter pour le monitoring thérapeutique si l’on souhaite éliminer une cause facilement réversible d’échec du traitement.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Cheminements cliniques et monitoring thérapeutique

Le comportement des infections fongiques et l’efficacité des antifongiques étant de mieux en mieux définis, il devient plus facile d’élaborer des cheminements cliniques qui orientent les décisions thérapeutiques. Ces cheminements cliniques, qui font l’objet de publications et que de nombreux établissements adaptent à leurs propres besoins, sont particulièrement fiables quand l’agent pathogène en cause est connu, et ils augmentent la probabilité d’opter pour le bon agent lorsque le traitement prophylactique, préemptif ou empirique est considéré comme approprié. À en juger par de nouvelles données sur le traitement optimal de l’aspergillose invasive (AI), le risque d’échec du traitement tient davantage à l’absence de monitoring thérapeutique (MT) qu’au choix d’un premier agent inapproprié.

«Nous avons maintenant à notre disposition toute une gamme d’antifongiques que nous pouvons utiliser dans des situations bien précises afin de maximiser les chances de guérison tout en réduisant au minimum le risque de toxicité. Par contre, nous n’irons pas très loin si les concentrations sériques ne se situent pas dans la fenêtre thérapeutique», fait remarquer la Dre Monica Slavin, chef du Service d’infectiologie, Peter MacCallum Cancer Centre, Melbourne, Australie.

Cette remarque concernait l’ensemble des antifongiques, mais on a présenté au congrès plusieurs études de MT au cours de l’AI et d’autres infections fongiques habituellement traitées au moyen d’antifongiques azolés qui ont fait écho à la crainte exprimée par la Dre Slavin. Ces agents sont associés à des taux élevés de guérison clinique, mais à une marge thérapeutique étroite. Des concentrations supérieures à la marge thérapeutique exposent le patient à un risque de neurotoxicité et d’autres effets indésirables, mais ce sont les concentrations subthérapeutiques auxquelles on se heurte le plus souvent, et elles exposent le patient à un risque de progression de la maladie. Cette allégation est étayée par une très vaste base de données.

«Les données montrent que, dans la pratique clinique, les concentrations sériques des azolés sont plus faibles que les concentrations rapportées par le passé», affirme le Dr Nathan P. Wiederhold, directeur du laboratoire de détection des agents pathogènes fongiques, University of Texas Health Science Center, San Antonio. «Tous les triazolés ont des concentrations sériques variables et ces dernières sont bien plus souvent sub- que suprathérapeutiques, ce qui plaide fortement en faveur du MT.»

                                                                Concentrations subthérapeutiques rapportées                          

Dans le but d’explorer les concentrations sériques des antifongiques azolés, on a interrogé la vaste base de données créée à partir d’échantillons de sang et de liquide céphalorachidien (LCR) soumis pour analyse au laboratoire du Dr Wiederhold. L’analyse portait sur des échantillons recueillis chez des 14 536 patients sous voriconazole, 1386 patients sous posaconazole et 3105 patients sous itraconazole. Quel qu’ait été l’antifongique considéré, les concentrations sériques étaient le plus souvent à l’extérieur de la marge thérapeutique recommandée.

Dans les échantillons de patients sous voriconazole, le médicament était indétectable chez près de 15 % des patients; les concentrations sériques étaient <1 µg/mL (1 µg/mL étant le minimum recommandé) chez >40 % des patients et >5 µg/mL
(5 µg/mL étant le maximum recommandé) chez >10 % des patients. C’est donc dire que les concentrations se situaient à l’intérieur de la marge thérapeutique chez moins du tiers des patients. Parmi les échantillons des patients sous posaconazole, 43 % témoignaient de concentrations sanguines <0,7 µg/mL. Enfin, parmi les échantillons des patients sous itraconazole, 18 % dénotaient des concentrations indétectables selon un test sensible.

Dans cette série d’échantillons consécutifs, «les concentrations faibles ou indétectables des antifongiques azolés étaient plus fréquentes que les concentrations rapportées antérieurement, mais d’autres chercheurs avaient déjà fait état de la variabilité des concentrations d’azolés», souligne le Dr Wiederhold, ajoutant que les concentrations subthérapeutiques semblaient particulièrement fréquentes en présence d’hémopathies malignes.

Au vu d’éclosions récentes d’infections fongiques touchant le système nerveux central, «nous nous sommes aussi penchés sur les concentrations dans le LCR et nous avons constaté que les pourcentages étaient similaires et que seule une minorité de patients avaient des concentrations thérapeutiques», poursuit le Dr Wiederhold. Si le voriconazole était indétectable dans 11,4 % des échantillons de LCR, la proportion s’élevait à 84,2 % dans le groupe posaconazole.

Cette étude n’est pas une exception. Une étude distincte réalisée par des chercheurs de l’Université de Graz en Autriche a généré des résultats semblables. Ces chercheurs ont analysé 221 creux plasmatiques de voriconazole provenant de 61 patients, dont 40 étaient traités pour une hémopathie maligne et 21 avaient été admis à l’unité des soins intensifs pour une autre raison. Parmi ces patients, 20 recevaient du voriconazole en prophylaxie. Les autres patients étaient traités, principalement pour une AI.

«Les concentrations de voriconazole étaient inférieures à la limite inférieure de l’intervalle cible, soit 1,5 mg/L, dans 124 ou 56 % des 221 échantillons», explique le Dr Martin Hoenigl, chercheur clinicien de la section d’infectiologie. Dans cette étude, les faibles concentrations de voriconazole ont eu des implications cliniques, «l’analyse multivariée ayant révélé que des concentrations à l’intérieur de la fenêtre thérapeutique étaient associées à une probabilité significativement plus forte de réponse clinique [p<0,015].» Inversement, le risque relatif approché (OR) d’échec était environ trois fois plus élevé dans les cas où les concentrations étaient faibles.

Témoignant de la variabilité des concentrations sanguines, des concentrations suprathérapeutiques – >5,5 mg/L – ont été repérées dans 18 (8 %) échantillons. Parmi les six cas d’effets indésirables neurologiques signalés chez les patients évalués, tous – à une exception près – sont survenus en présence de concentrations suprathérapeutiques ou avoisinant la limite supérieure de la marge thérapeutique.

À l’appui du MT

«Il s’agissait d’une étude d’observation monocentrique, mais ses résultats concordent avec ceux d’autres études et elle étaye une étude publiée ayant montré que le MT améliore la réponse au traitement et diminue les abandons de traitement motivés par des effets indésirables», précise le Dr Hoenigl, qui faisait référence à une étude avec randomisation où le taux de réponse a atteint 81 % chez les patients sous voriconazole faisant l’objet d’un MT, comparativement à 57 % chez les patients ne faisant pas l’objet d’un MT (Park et al. Clin Infect Dis 2012;55:1080-7).

Les craintes que soulèvent les concentrations subthérapeutiques sont particulièrement fondées dans le traitement de l’AI, les azolés en général et le voriconazole en particulier ayant été associés à des taux élevés d’efficacité lorsque les concentrations étaient à l’intérieur de la marge thérapeutique. Dans plusieurs guides de pratique, dont celui de l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) et celui de l’ECIL-4 (4th European Congress of Infections in Leukemia), on recommande le voriconazole dans le traitement de première intention de l’AI sur la foi d’une étude avec randomisation ayant montré que le voriconazole était associé à un gain de survie par rapport à l’amphotéricine B (Herbrecht et al. N Engl J Med 2002;347:408-15).

«Le voriconazole est l’agent de référence dans le traitement de l’AI, mais son profil pharmacocinétique n’est pas linéaire, ce qui explique que le MT soit une stratégie séduisante pour l’obtention de meilleurs résultats», souligne le Dr Hoenigl, dont l’analyse indiquait que le problème pourrait être plus prononcé chez ceux qui reçoivent cet agent à titre prophylactique plutôt qu’à titre thérapeutique ainsi que chez les patients en proie à une hémopathie maligne. Dans l’établissement où il exerce et où le pantoprazole est le principal inhibiteur de la pompe à protons (IPP) prescrit, l’utilisation d’un IPP était aussi un facteur de risque de concentrations subthérapeutiques.

Un groupe multicentrique de chercheurs – qui a présenté ses résultats au congrès – a suggéré une stratégie axée sur le diagnostic (SAD) en vertu de laquelle les patients auraient plus de chances de recevoir un traitement efficace contre l’AI, ce qui augmenterait le taux de guérison, atténuerait la toxicité et diminuerait les coûts. À l’aide d’un modèle d’aide à la décision fondé sur des études publiées – qui était conçu pour tester la stratégie –, le modèle a mis en évidence une augmentation de 41 % de la survie à des coûts plus faibles. Cette SAD – qui repose sur le dosage sérique du galactomannane (GM) et la réaction en chaîne par polymérase (PCR) aspergillaire – permet d’instaurer un traitement ciblé plutôt qu’un traitement empirique.

«Bien que le dosage sérique du GM et la PCR aspergillaire fassent augmenter le coût du diagnostic, la SAD coûte globalement moins cher que le traitement empirique», souligne la Dre Rosemary A. Barnes, Département de microbiologie médicale, College of Medicine, University of Cardiff, Royaume-Uni. Outre le fait que son coût était moindre (2773 $ vs 3254 $), les infections diagnostiquées avec certitude étaient plus nombreuses, ajoute la Dre Barnes. Le modèle n’a pas montré que la SAD pourrait réduire la mortalité, mais les auteurs préconisent tout de même cette approche en raison de ses avantages éventuels, dont un coût moindre, une toxicité moindre et de meilleurs résultats.

Résumé

Vu l’importance de l’instauration rapide d’un traitement antifongique de première intention, le choix du traitement repose de plus en plus souvent sur des cheminements cliniques, mais de nouvelles données laissent entendre que l’obtention de concentrations sériques suffisantes serait une étape clé supplémentaire. Cela est particulièrement vrai pour les agents utilisés dans le traitement de l’AI en raison de leur profil pharmacocinétique variable.

Les comptes rendus du Réseau d'éducation médicale (Mednet), qui sont accrédités par l'université McGill dans le cadre de la série de comptes rendus de congrès accrédités MedPoint, donnent droit à des crédits Mainpro-M1 et à des crédits du programme MDC.

© 2013 Réseau d’éducation médicale Canada inc. Tous droits réservés. Presse prioritairemc est un service indépendant de journalisme médical qui fait le point, à des fins éducatives, sur les opinions professionnelles exprimées lors de congrès médicaux et scientifiques du monde entier donnant droit à des crédits de formation et/ou publiées dans des revues médicales dotées d’un comité de lecture. Les vues exprimées sont celles des participants et ne reflètent pas nécessairement celles de l’éditeur, l’université McGill ou du commanditaire. La distribution de la présente publication éducative est possible grâce au financement de l’industrie en vertu d’un accord écrit qui garantit l’indépendance. Tout traitement mentionné dans la présente publication doit être utilisé conformément aux renseignements posologiques en vigueur au Canada. Aucune allégation ou recommandation n’y est faite quant aux produits, aux utilisations ou aux doses à l’étude. Aucune partie de la présente publication ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit ni être distribuée sans le consentement écrit de l’éditeur. L’information contenue dans la présente publication n’est pas destinée à justifier à elle seule les soins à prodiguer à quiconque. Notre objectif est d’aider les médecins et les autres professionnels de la santé à mieux comprendre les tendances actuelles de la médecine. Nous aimerions avoir vos commentaires.

Réseau d’éducation médicale Canada inc. 132, chemin de l’Anse, Vaudreuil (Québec) J7V 8P3 www.mednet.ca

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.