Comptes rendus

Aspergillose invasive : la guérison dépend de concentrations sériques suffisantes de l’antifongique administré
William Osler Health System

De nouvelles données sur les inhibiteurs de la protéase étayent un grand bond en avant dans la maîtrise de l’hépatite C

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 48e Assemblée annuelle de la European Association for the Study of the Liver

Amsterdam, Pays-Bas / 24-28 avril 2013

Amsterdam - Dans le domaine en plein essor du traitement de l’hépatite C, les inhibiteurs de la protéase (IP) viendront assurément amplifier l’augmentation des taux de rémission virologique soutenue (RVS) dans les cas difficiles. Depuis leur introduction, les IP ont augmenté considérablement la probabilité de RVS chez les porteurs d’un génotype résistant et, selon de nouvelles données présentées au congrès, divers schémas simplifiés administrés sur une période plus courte seraient très prometteurs. Non seulement ces schémas permettent-ils de corriger le problème de l’observance du traitement, mais ils pourraient réduire l’exposition aux effets indésirables. À en juger par les données cliniques préliminaires sur des médicaments novateurs dans le traitement de l’hépatite C, les premières associations sans interféron pégylé ni ribavirine à procurer une RVS pourraient poindre à l’horizon. Du fait qu’ils augmentent la probabilité de RVS, les IP diminuent substantiellement le risque de complications catastrophiques de l’hépatite C comme une décompensation hépatique ou un cancer du foie. 

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Obtention d’une RVS en 12 semaines

Dans les essais pivots sur le virus de l’hépatite C (VHC) de génotype 1 (G1) où l’on comparait la trithérapie inhibiteur de la protéase + interféron pégylé/ribavirine (IP+IFNpeg/R) au schéma IFNpeg/R seul, la trithérapie a été associée à une augmentation remarquable des taux de RVS, tant chez les patients jamais traités que chez ceux pour qui le schéma IFNpeg/R avait échoué. Deux inhibiteurs de la protéase (IP), le télaprévir et le bocéprévir, sont maintenant approuvés au Canada pour le traitement des infections à VHC de G1, et les avantages relatifs du traitement par un IP devraient s’amplifier si l’on en juge par les nouvelles données émanant d’études sur les schémas simplifiés.

L’analyse intermédiaire de CONCISE – étude de phase IIIb sur le télaprévir administré en 12 semaines à des patients porteurs du génotype CC de l’IL28B que l’on a présentée au congrès – donne à penser que les taux de RVS ne diminuent pas, même chez les patients recevant le traitement 2 fois/jour. «Nous pouvons améliorer le traitement par un IP en diminuant le nombre de prises, en raccourcissant la durée du traitement et en le rendant accessible à des populations particulières», affirme la Dre Maria Buti, unité d’hépatologie, Hospital Universitari Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne. «Les excellents résultats que nous avons obtenus à 12 semaines avec le télaprévir donnent tout lieu de croire que nous nous dirigeons vers des résultats encore meilleurs.»

L’analyse intermédiaire de l’essai CONCISE a objectivé une réponse virologique rapide étendue (RVRe) – c’est-à-dire une virémie indétectable à 4 et à 12 semaines – chez 99 % des patients randomisés de façon à recevoir la trithérapie télaprévir+IFNpeg/R pendant 12 semaines et chez 98 % des patients randomisés de façon à recevoir du télaprévir pendant 12 semaines et le schéma IFNpeg/R pendant 24 semaines. Dans les études antérieures, l’obtention d’une RVRe était fortement prédictive d’une RVS globale. Des taux élevés de RVRe ont été observés chez des patients dont l’infection à VHC avait déjà récidivé après un traitement et des patients qui n’avaient jamais été traités.

Il importe ici de souligner que dans le cadre du schéma de durée moindre, le télaprévir était administré 2 fois/jour, posologie dont l’efficacité s’était révélée comparable à celle du schéma à 3 prises/jour (q8h) lors de l’essai OPTIMIZE présenté antérieurement. «Ces résultats partiels évoquent la possibilité d’une trithérapie de seulement 12 semaines chez certains patients», souligne l’auteur principal, le Dr David R. Nelson, doyen de la recherche clinique, University of Florida, Gainesville. Les résultats obtenus au sein de cette population de patients porteurs du génotype CC de l’IL28B ont de vastes répercussions non seulement sur le coût et la commodité du traitement, mais aussi sur les résultats cliniques en conditions réelles dans les cas où l’observance du traitement est un problème.

Dans cette étude, on a observé une réponse virologique rapide (RVR), c’est-à-dire un taux d’ARN du VHC <25 UI/Ml à 4 semaines, chez 159 des 239 patients qui ont reçu le traitement pendant 12 semaines. Ces patients avaient été randomisés selon un ratio 2:1 de façon à recevoir le traitement pendant 12 semaines ou à le poursuivre pendant 12 semaines de plus. L’analyse intermédiaire portait sur les données de 115 patients. Sur le plan du profil d’innocuité, le schéma de 12 semaines à base de télaprévir s’apparentait à d’autres schémas évalués lors d’études multicentriques antérieures.

Données de l’étude OPTIMIZE

On a présenté au congrès de nouvelles données émanant de l’une de ces études multicentriques, OPTIMIZE, lors de laquelle on comparait un schéma à 2 prises/jour avec un schéma à 3 prises/jour sur le plan de l’efficacité et de l’innocuité au sein de populations particulières. OPTIMIZE a été la première étude de phase III sur le télaprévir à 2 prises/jour. Les résultats principaux – à savoir que le télaprévir à 1125 mg 2 fois/jour était non inférieur au télaprévir à 750 mg 3 fois/jour lorsqu’administré en association avec le schéma IFNpeg/R chez des patients porteurs du VHC de G1 – avaient d’abord été présentés en séance de dernière heure lors du congrès de l’American Association for the Study of Liver Diseases.

Lors d’une analyse de sous-groupes dont les résultats ont été présentés au congrès par la Dre Buti, l’efficacité du schéma à 2 prises/jour était comparable à celle du schéma à 3 prises/jour, quel que soit le génotype de l’IL28B (Figure 1). «Lorsque nous avons évalué les résultats en tenant compte du génotype de l’IL28B et de la présence de fibrose, nous avons constaté que les taux de RVR et de RVS subséquente étaient plus élevés chez les porteurs du génotype CC de l’IL28B que chez les non-porteurs et plus élevés chez les patients dont la fibrose était moins avancée, mais l’efficacité des schémas à 2 prises/jour était semblable à celle du schéma à 3 prises/jour selon ces stratifications», poursuit la Dre Buti.

Le Dr Stefan Zeuzem, Centre médical de l’Université Goethe, Francfort-sur-le-Main, Allemagne, a présenté la conclusion d’une analyse de l’impact de l’anémie à partir des données de l’étude OPTIMIZE : l’anémie était plus fréquente chez les patients âgés, les patients cirrhotiques et les patients dont le taux d’hémoglobine était plus bas au moment de l’instauration du traitement, mais on n’a pas pu établir de lien avec le nombre de prises (2 ou 3 prises/jour). Bien que la diminution de la dose de ribavirine ait permis d’atténuer l’anémie liée au traitement, elle n’a pas eu d’effet négatif sur le taux de RVS obtenu avec l’un ou l’autre des schémas de télaprévir.

Enfin, une sous-étude d’OPTIMIZE a permis d’établir un lien entre l’adhésion au traitement et le taux de succès. Selon les données présentées par le Dr William Sievert, Monash Medical Centre, Melbourne, Australie, les taux moyens d’adhésion au traitement par le télaprévir déterminés à la lumière du journal électronique des patients étaient significativement plus élevés chez ceux qui recevaient le schéma à 2 prises/jour que chez ceux qui recevaient le schéma à 3 prises/jour, tant selon les données imputées que selon les données observées (p<0,05 dans chaque cas). Une analyse multivariée a révélé qu’un taux élevé d’adhésion au traitement par le télaprevir doublait presque la probabilité relative (OR) d’obtention d’une RVS 12 semaines après l’arrêt du traitement (OR 1,86; IC à 95 %, 1,29-2,69; p=0,0008).

Figure 1. OPTIMIZE : taux de RVS à 12 semaines selon le génotype de l’IL28B et le stade de la fibrose

 

 

Co-infection à VIH

Nous n’avons pas encore de données de phase III sur le bocéprévir à 2 prises/jour dans le traitement de l’hépatite C,
mais de petites études réalisées chez des patients co-infectés par le VHC et le VIH donnent tout lieu de croire que le bocéprevir à 2 prises/jour est actif. Cela dit, les IP ne sont peut-être pas interchangeables à en juger par l’analyse groupée des données de quatre cliniques ayant recruté des patients consécutifs.

Dans un rapport portant sur un groupe de patients infectés par le VHC, dont les patients co-infectés par le VIH, le taux de RVR était plus faible sous bocéprévir + IFNpeg/R que sous télaprévir + IFNpeg/R (60 % vs 84 %; p<0,0001) (Figure 2). Il est ressorti d’une analyse de régression logistique multivariée qu’un faible taux initial d’ARN du VHC (p=0,002) et l’absence de fibrose hépatique avancée (p=0,006) étaient des facteurs prédictifs indépendants de RVR, mais l’utilisation du télaprévir était le prédicteur le plus solide.

«Nous n’avons pas constaté qu’une co-infection à VIH influençait l’obtention d’une RVR, mais ces données recueillies en conditions réelles semblent indiquer que le télaprevir pourrait être la meilleure option chez les patients plus difficiles à traiter, par exemple ceux qui présentent un taux initial élevé d’ARN du VHC ou une fibrose hépatique avancée», précise le Dr Vicente Soriano, Hospital Carlos III, Madrid, Espagne. Les IP n’ont pas encore fait l’objet d’une comparaison directe dans le traitement de l’infection à VHC, mais ces données ont été recueillies à un moment où les deux étaient offerts en schémas à 3 prises/jour.

Figure 2. Réponse virologique rapide à 4 semaines : tous les patients

 

 

Regard sur l’avenir : schémas sans IFNpeg/R

D’autres IP pourraient aussi arriver bientôt sur le marché, notamment le siméprévir – pour lequel des données de phase III
ont été présentées au congrès – et l’asunaprévir, pour lequel on vient d’amorcer des études de phase IIb. Les études de phase III
sur le siméprévir, intitulées QUEST1 et QUEST2, étaient prometteuses, mais les deux se limitaient à des patients jamais traités. Une étude de phase III ciblant des patients déjà traités est en cours, mais toutes les études visent à évaluer des schémas d’une durée d’au moins 24 semaines. L’asunaprévir, en cours de développement, est l’un des médicaments que l’on évalue dans le cadre d’un schéma administré exclusivement par voie orale duquel on a soustrait le duo IFNpeg/R pour le remplacer par des agents expérimentaux, tel le daclatasvir, inhibiteur non nucléosidique de la polymérase NS5B. De telles associations pourraient être une avancée importante pour les patients intolérants à l’IFNpeg/R.

On a aussi présenté au congrès des données cliniques sur plusieurs autres agents qui pourraient convenir à un schéma sans IFNpeg/R administré exclusivement par voie orale, dont deux études de phase III sur le sofosbuvir, inhibiteur nucléotidique de la polymérase NS5B administré par voie orale. Présentées par le Dr Ira M. Jacobson, chef de la Division de gastroentérologie et d’hépatologie, Weill Medical School, Cornell University, New York, New York, et publiées en ligne simultanément dans le New England Journal of Medicine, ces deux études regroupaient des patients infectés par le VHC de G2 ou G3. Dans l’une d’elles, les sujets pour qui l’IFNpeg n’était pas une option ont été randomisés de façon à recevoir du sofosbuvir ou un placebo. Le taux de RVS s’élevait à 78 % dans le groupe recevant l’association active vs 0 % dans le groupe placebo (p<0,001) (Figure 3). Dans l’autre étude, les patients qui n’avaient pas répondu antérieurement à l’IFNpeg ont été randomisés de façon à recevoir soit l’association sofosbuvir + ribavirine pendant 12 semaines, puis un placebo pendant 4 semaines, soit la même association pendant 16 semaines. Le taux de RVS à 16 semaines était de 50 % vs 73 %, respectivement (p<0,001), Faisant référence à la première étude, le Dr Jacobson a qualifié les résultats de «très encourageants». «À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement pour les patients infectés par le VHC qui présentent une contre-indication à l’IFN», conclut-il

Le développement d’autres agents progresse en parallèle. Par exemple, on a présenté au congrès les résultats d’une étude de phase I sur l’ALS-2200, qui – comme le sofosbuvir – est un inhibiteur nucléotidique de la polymérase NS5B à 1 prise/jour. Lors de l’essai mené à double insu avec randomisation, le taux d’ARN du VHC à 7 jours chez les patients porteurs du VHC de GI dont la cirrhose était compensée avait baissé de 4,19 log10 par rapport à la virémie initiale (médiane). Aucun effet indésirable grave n’a été signalé.

Figure 3. POSITRON : RVS à 12 semaines

 

«Nous avons besoin, pour les patients infectés par le VHC, de médicaments dotés d’un nouveau mode d’action qui soient sûrs et bien tolérés, et qui nous permettent d’éviter l’IFN et la ribavirine», explique l’auteur principal, le Dr Patrick Marcellin, chef de l’unité de recherche sur les hépatites virales, Hôpital Beaujon, Clichy, France. «L’ALS-2200 administré à raison de 200 mg/jour pendant 7 jours a été bien toléré et a exercé une forte activité antivirale chez des patients porteurs d’une cirrhose compensée qui n’avaient encore jamais été traités.»

Dans le contexte actuel de l’essor rapide du traitement de l’infection à VHC, on envisage d’associer des agents comme l’ALS-2200 et le daclatasvir dans un schéma sans IFN ni ribavirine afin d’augmenter les taux de RVS dans des groupes plus vastes de patients. De l’avis du Dr Graham R. Foster, Queen Mary University, Londres, Royaume-Uni, les progrès récents ont déjà permis d’établir de nouvelles normes pour la vaste proportion de patients qui ne répondent pas suffisamment bien aux schémas standard à base d’IFNpeg/R. Compte tenu de l’évolution à laquelle nous assistons présentement, de nombreux médecins se heurtent à un dilemme devant les cas les plus difficiles : aller de l’avant avec les options dont ils disposent déjà ou attendre une solution encore meilleure? Il propose néanmoins d’opter pour la trithérapie dans les cas les plus difficiles en raison des avantages qu’elle procure, notamment une amélioration de la qualité de vie, un risque moindre de transmission du VHC et une protection contre la progression parfois imprévisible de la fibrose.

«Les agents de nouvelle génération auront vraisemblablement certains avantages, comme une plus grande commodité et un traitement de durée moindre, mais je ne pense pas que ces agents seront significativement plus efficaces que les IP déjà sur le marché», estime le Dr Foster. Certes, les schémas sans IFN ni ribavirine pourraient représenter un progrès important pour un grand nombre de patients atteints d’hépatite C, mais, à son avis, la meilleure approche «est d’agir sans délai en optant pour la trithérapie standard» afin d’éviter le risque accru de complications et le risque de diminution d’une RVS à mesure que progresse l’infection à VHC.

Résumé

L’introduction des IP dans le traitement de l’infection à VHC s’avère un pas de géant dans la maîtrise de la maladie. Dans les cas les plus difficiles, le taux de RVS peut être beaucoup plus élevé que le taux obtenu avec l’association l’IFNpeg/R seule. Le domaine est toutefois en plein essor. Les nouvelles données présentées au congrès laissent entrevoir plusieurs avancées potentielles, y compris une simplification des régimes à base d’IP existants et l’introduction de médicaments qui, en association avec un IP ou d’autres agents, permettraient d’éliminer l’IFN ou la ribavirine. Dans l’ensemble, les données laissent entrevoir des modifications majeures dans le traitement usuel de l’infection à VHC.  

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