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Diabète de type 2 et antihyperglycémiants : point de vue rénal

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITIAIRE - Assemblée générale annuelle de la Société canadienne de néphrologie

Montréal, Québec / 24-28 avril 2013

Montréal - Une nouvelle classe d’antihyperglycémiants, les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose 2 (SGLT2), diminue significativement la tension artérielle et le poids en plus d’abaisser la glycémie par un mécanisme indépendant de l’insuline. Le risque d’hypoglycémie est donc nul ou presque lorsqu’un inhibiteur de SGLT2 est utilisé en monothérapie. En présence d’un diabète de type 2 (DT2) et d’une maladie rénale chronique (MRC), plusieurs agents autres que l’insuline peuvent maintenant servir à abaisser le taux d’HbA1c jusqu’à ce que la cible ait été atteinte. Cela dit, les classes de médicaments ne peuvent pas toutes être utilisées sans contrainte en présence d’une MRC et, au sein d’une classe donnée, même des agents similaires peuvent différer quant à leur aptitude à maîtriser la glycémie. 

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

«Le rein joue un rôle clé dans l’homéostasie du glucose non seulement parce qu’il réabsorbe le glucose, mais aussi parce qu’il participe en fait à la néoglucogenèse», affirme le Dr Jordan Weinstein, professeur adjoint de médecine, University of Toronto, Ontario. Chez un individu en bonne santé, le rein réabsorbe exactement la même quantité de glucose qu’il a filtrée à partir du sang, de sorte qu’il n’y a aucun gain, ajoute-t-il. Le SGLT2 réabsorbe 90 % du glucose dans le rein et le SGLT1, les 10 % restants. «Si tout est fonctionnel, les deux transporteurs suffisent à la tâche et il n’y a pas de glucose excrété dans les urines», fait observer le Dr Weinstein. 

Cela dit, la possibilité d’avoir recours à un inhibiteur du SGLT2 en présence d’un DT2 est très séduisante, car l’inhibiteur du SGLT2 prévient la réabsorption du glucose par le rein et donne lieu à une perte calorique nette. Fait digne de mention, comme le sodium n’est pas réabsorbé non plus, l’inhibiteur du SGLT2 exerce aussi un léger effet diurétique. Ainsi, contrairement à la plupart des antihyperglycémiants actuellement sur le marché, les inhibiteurs du SGLT2 entraînent systématiquement une perte de poids. «De plus, comme ces inhibiteurs ne font que supprimer la réabsorption du glucose et qu’il n’exercent aucun effet sur l’insuline, ils risquent peu de causer des épisodes d’hypoglycémie, ce qui représente un avantage fort intéressant», poursuit le Dr Weinstein.

Glucose, poids et tension artérielle

La Dre Catherine Yu, professeure adjointe de médecine, University of Toronto, a passé en revue des données d’essais cliniques sur les effets hypoglycémiants de la canagliflozine et de la dapagliflozine utilisées seules ou comme adjuvant. Résumant les résultats des essais sur la canagliflozine, elle a dit : «dans chaque étude, nous obtenons généralement une diminution du taux d’HbA1c de 0,6 % à 0,9 %, selon la dose administrée, ce qui est semblable aux résultats que nous obtenons avec la metformine», fait-elle remarquer.

Dans ces mêmes études, «on observe une perte de poids dose-dépendante de 2 à 5 kg, comme sous l’effet des agonistes du récepteur GLP-1 (glucagon-like peptide-1)», ajoute-t-elle. La diminution d’environ 3 à 5 mmHg de la tension artérielle systolique toujours associée aux inhibiteurs du SGLT2 est aussi significative sur le plan clinique. Lorsque la canagliflozine est ajoutée à la metformine, l’incidence des épisodes d’hypoglycémie est faible – 5 % environ –, mais elle est plus élevée lorsqu’elle est ajoutée à une sulfonylurée (SU) parce que les SU entraînent des épisodes d’hypoglycémie, souligne également la Dre Yu.

Inhibition du SGLT2 en présence d’insuffisance rénale modérée

Vu le mode d’action des inhibiteurs du SGLT2, il est logique de s’interroger sur leur efficacité en présence d’une MRC. Dans une étude récente de Yale et al., 269 patients ont été randomisés de façon à recevoir, par jour, 100 mg ou 300 mg de canagliflozine ou un placebo (Diabetes Obes Metab 2013;15[5]:463-73). Tous les patients présentaient une MRC de stade 3 et un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) en mL/min/1,73 m2  entre ≥30 et <50. Après 26 semaines de traitement, par rapport aux valeurs de départ, les doses de 100 mg et de 300 mg avaient diminué le taux d’HbA1c de 0,33 % et de 0,44 %, respectivement, alors que le placebo était associé à une diminution de 0,03 % (p<0,05).

Le taux global d’effets indésirables était similaire dans les deux groupes canagliflozine et le groupe placebo, mais le taux d’infections urinaires était légèrement plus élevé chez les sujets qui recevaient la plus forte dose. Ces résultats indiquent que la canagliflozine demeure raisonnablement efficace en présence d’une atteinte rénale modérée, précise la Dre Yu.

En Europe, la dapagliflozine a été homologuée pour le traitement du DT2, mais elle n’est pas approuvée en présence d’une atteinte rénale modérée, note également la Dre Yu. Aux États-Unis, où la canagliflozine est homologuée, le médecin peut prescrire une dose de 100 mg aux patients ayant un DFGe de 45 à 60 et une dose de 300 mg aux patients dont la fonction rénale est meilleure.

La glycosurie qui résulte de l’inhibition du SGLT2 augmente le risque de mycose génitale, surtout chez la femme. L’expérience montre toutefois que ces infections sont généralement des infections à levures isolées et non récidivantes. «Nous devons informer les patients de ce risque accru», prévient le Dr Sheldon Tobe, professeur titulaire de médecine, University of Toronto. «Cela dit, si les patients sont conscients du risque et que nous dépistons et traitons ces infections sans délai, elles ne devraient pas être une grande source d’inquiétude.»

Maladie rénale terminale et antihyperglycémiants

Moins de 10 % des patients atteints de DT2 finissent par développer une maladie rénale terminale (MRT) et avoir besoin de dialyse. Cela dit, vu le nombre très élevé de patients atteints de DT2 dans le monde, on doit garder à l’esprit que 50 % de tous les patients des unités de dialyse sont en fait des diabétiques de type 2. Il importe de savoir quels agents antihyperglycémiants peuvent être utilisés chez ces patients à chaque étape de la MRC. «Les nouvelles lignes directrices canadiennes nous incitent à personnaliser un peu plus le taux cible d’HbA1c. Par exemple, on visera un objectif aussi ambitieux que 6 % pour les cas généralement peu avancés, car si on maîtrise le diabète tôt, les complications microangiopathiques sont moindres», explique le Dr Jean-Francois Yale, professeur titulaire d’endocrinologie, Université McGill, Montréal, Québec. «Tant que nous pouvons prescrire des agents qui n’entraînent pas d’hypoglycémie, nous pouvons aspirer à la perfection (<7 %)», ajoute-t-il. Par contre, lorsque nous passons à l’étape où nous sommes forcés d’utiliser des médicaments qui entraînent des épisodes d’hypoglycémie, «7 % devient un objectif plus raisonnable, mais 8 % sera aussi un objectif raisonnable dans les cas où l’espérance de vie est limitée ou encore, dans les cas où il n’y aurait que des désavantages à traiter énergiquement».

Figure 1. Antihyperglycémiants et insuffisance rénale

Comme dans ses lignes directrices antérieures, l’Association canadienne du diabète recommande maintenant aux médecins de commencer par la metformine (www.guidelines.diabetes.ca); lorsque la metformine ne permet pas d’atteindre le taux cible d’HbA1c, «nous devons personnaliser le traitement», ajoute le Dr Yale. Le choix de l’agent dépend en partie de la fonction rénale du patient : les diverses classes d’antihyperglycémiants ne conviennent pas toutes aux patients atteints de MRC, et il peut même y avoir des différences entre les médicaments d’une même classe.

En gros, la metformine peut être administrée à la dose complète chez les patients dont le DFG est ≥45 et diminuée de moitié chez ceux dont le DFG est <45. L’utilisation d’une SU varie en présence de MRC. La prudence s’impose lorsqu’on prescrit du glyburide à des patients dont le taux de DFG est <50, et l’on doit mettre fin au traitement lorsqu’il chute sous le seuil de 30. Les autres SU semblent plus sûres en présence de MRC, et le gliclazide peut être utilisé jusqu’à un DFG de 15, alors que le répaglinide peut être utilisé sans égard à l’état de la fonction rénale, y compris chez les patients en dialyse.

Les thiazolidinediones ne sont pas largement utilisées en raison de leur profil d’effets indésirables, souligne le Dr Yale; si elles sont utilisées en présence de MRC, la prudence s’impose chez le patient dont le DFG est <30.

Pour ce qui est des inhibiteurs de la DPP-4, la sitagliptine s’accumule lorsque la fonction rénale se détériore. Pour contrer cet effet, il est recommandé de ramener la dose standard à 50 mg chez les patients dont le taux de DFG se situe entre 30 et 50 et à 25 mg chez les patients dont le taux de DFG chute sous le seuil de 30. La saxagliptine n’est pas indiquée chez les patients dont le DFG est <15, mais elle peut être utilisée à une dose moindre – 2,5 mg – dans les cas où le DFG se situe entre 15 et <60. La linagliptine, pour sa part, est indiquée en présence d’un DFG <15 sans ajustement posologique. Aucune étude ou presque n’a été réalisée sur les agonistes du GLP-1 injectables chez des patients atteints d’insuffisance rénale, de sorte que ni le liraglutide ni l’exénatide ne sont approuvés pour utilisation en présence d’un DFG <50.

Enfin, chaque inhibiteur du SGLT2 est utilisé différemment chez les patients atteints de MRC, comme en témoigne leur monographie respective. «L’insuline peut bien sûr être utilisée sans égard à la sévérité de l’insuffisance rénale, mais nous avons plus de flexibilité qu’avant, ne serait-ce qu’il y a 2 ans, parce qu’il y a maintenant des patients en dialyse chez qui nous ne sommes plus limités à l’insuline», conclut le Dr Yale.

Résumé

Dans les nouvelles recommandations qu’elle a publiées en avril 2013, l’Association canadienne du diabète recommande toujours la metformine dans le traitement de première intention du DT2. Par la suite, le médecin doit personnaliser le traitement d’après l’ancienneté de la maladie, la comorbidité et l’espérance de vie. La MRC est au nombre des maladies concomitantes qui compliquent le traitement du DT2 du fait que les antihyperglycémiants ne sont pas tous indiqués en présence d’une fonction rénale en déclin et que les antidiabétiques d’une même classe ne sont pas tous recommandés de la même façon. Il est donc important de savoir quels agents on peut utiliser selon l’état de la fonction rénale du patient et de suivre les indications approuvées.  







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