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Atténuer les effets de l'inflammation secondaire à l'infection à VIH au sein d'une population vieillissante

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

NOUVELLES FRONTIÈRES - Le 1er Atelier international sur l'infection à VIH et le vieillissement

Baltimore, Maryland / 4-5 octobre 2010

On prévoit que d'ici 5 à 7 ans, la proportion de patients infectés par le VIH de plus de 50 ans surpassera celle des patients plus jeunes dans plusieurs pays industrialisés, dont le Canada et les États-Unis. Cette évolution du profil démographique de l'infection à VIH influe grandement sur les stratégies thérapeutiques étant donné les effets négatifs de cette infection chronique sur divers systèmes organiques. Selon des estimations très approximatives, le degré d'accélération du vieillissement serait corrélé avec l'ancienneté de l'infection. À en juger par de nombreux paramètres, le vieillissement est nettement plus rapide en présence de l'infection à VIH qu'en son absence.

Risque de fragilité

La probabilité relative de présenter un phénotype de fragilité reposant sur des paramètres normalisés, tels une perte de poids non volontaire, l'épuisement, la lenteur de la marche et un faible niveau d'activité physique, a été multipliée par un facteur de 3,4 chez les patients infectés par le VIH, par comparaison à des témoins appariés pour l'âge qui n'étaient pas infectés par le VIH. C'est ce que les données de l'essai MACS (Multicenter AIDS Cohort Study) ont objectivé chez des sujets dont l'infection à VIH était présente depuis moins de 4 ans. La probabilité relative atteignait 13 lorsque l'ancienneté de l'infection à VIH était supérieure à 4 ans et près de 15 lorsqu'elle était supérieure à 8 ans.

«Le risque de fragilité d'un homme de 55 ans infecté par le VIH depuis moins de 4 ans était équivalent à celui d'un homme de 65 ans non infecté par le VIH», rapporte le Dr Joseph Margolick, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Baltimore, Maryland, et investigateur principal de MACS, l'un des essais les plus anciens sur l'infection à VIH. De plus, le risque de fragilité augmentait d'autant plus rapidement que les patients n'étaient pas traités ou que leur nombre de cellules CD4+ était faible, souligne le Dr Margolick. La corrélation entre une fragilité croissante et un faible nombre de cellules CD4+ a effectivement été qualifiée de non linéaire, si bien que le taux de fragilité augmentait plus abruptement lorsque le nombre de cellules CD4+ chutait.

Accélération du vieillissement secondaire à l'infection à VIH, même maîtrisée

Les patients non traités sont les plus vulnérables au vieillissement accéléré, mais il ne faut pas en conclure pour autant que l'infection à VIH, même maîtrisée, n'accélère pas le vieillissement. Comme le souligne le Dr Margolick, on observe des changements systémiques dénotant un vieillissement accéléré, depuis le ralentissement du débit sanguin cérébral jusqu'à la diminution de la force musculaire, dans la quasi-totalité des systèmes organiques. Il a cité une étude ayant montré que la dépense d'énergie au repos était plus grande chez les patients infectés par le VIH sous schéma antirétroviral hautement actif que chez des témoins appariés, même après prise en compte de multiples variables (Fitch et al. Metabolism 2009;58:608-15). De l'avis du Dr Margolick, l'infection à VIH – probablement parce qu'elle est associée à une inflammation persistante – est très préjudiciable pour tous les systèmes organiques.

En l'absence d'infection à VIH, on sait déjà que des marqueurs de l'inflammation sont prédictifs des conséquences majeures du vieillissement, dont l'incapacité et la mort, explique le Dr Luigi Ferrucci, directeur des études longitudinales, National Institute on Aging, Baltimore. Il a cité en particulier l'interleukine-6 comme l'un des meilleurs facteurs prédictifs des maladies du vieillissement. Des études menées en parallèle chez des patients infectés par le VIH semblent indiquer que les mêmes processus de vieillissement secondaires à l'inflammation sont à l'œuvre, mais si l'on en juge par les données que nous avons en main, ces processus commencent beaucoup plus tôt et progressent plus rapidement.

«De toute évidence, les changements qui surviennent dans le système immunitaire des patients infectés par le VIH correspondent à ceux que l'on observe chez des patients beaucoup plus âgés en l'absence d'infection», affirme le Dr Alan Landay, directeur de l'immunologie et de la microbiologie, Rush University Medical Center, Chicago, Illinois. «Immunovieillissement» est le terme que l'on a créé pour qualifier ce processus, indique le Dr Landay. Le faible taux de réplication du VIH qui persiste en cas de traitement optimal semble alimenter une réponse inflammatoire pathogène pour divers systèmes organiques, poursuit-il.

Les systèmes organiques ne sont pas tous touchés de la même façon chez tous les patients

L'exacerbation de l'inflammation est toujours le facteur principal à l'origine des conséquences les plus inquiétantes du vieillissement, comme les maladies cardiovasculaires (CV), le déclin neurocognitif, l'ostéoporose, la dysfonction rénale et la fragilité généralisée. Dans un grand nombre, voire la totalité de ces cas, la présence du VIH semble précipiter les pathologies auxquelles le patient est déjà vulnérable. Il pourrait s'agir là d'un principe fondamental dans l'évaluation du pour et du contre d'un traitement. Bien que les maladies touchant chacun des systèmes organiques soient globalement exacerbées chez l'ensemble des patients infectés, elles ne sont pas distribuées également chez chaque individu. Par exemple, un traitement connu pour accélérer le risque de maladie CV pourrait demeurer le meilleur choix chez un patient dont le risque CV initial est faible. L'administration sans délai d'un traitement efficace demeure essentielle, mais le profil de risque du patient pourrait déterminer la séquence des traitements.

«La contradiction entre la nécessité d'un traitement précoce de l'infection à VIH et le risque de toxicité associé à certains antirétroviraux pour les systèmes organiques demeure», fait remarquer le Dr Giovanni Guaraldi, Département d'infectiologie clinique, Università degli studi di Modena e Reggio Emilia, Italie. En sa qualité d'auteur principal, il a présenté les résultats d'une étude cas-témoin transversale et rétrospective dans laquelle la prévalence des affections non infectieuses concomitantes était comparée chez 2854 patients infectés par le VIH sous traitement antirétroviral et 8562 témoins non infectés. La plupart des principales maladies du vieillissement, comme le diabète, les fractures, les événements CV et la dysfonction rénale, sont survenues une dizaine d'années plus tôt chez les patients infectés, explique le Dr Guaraldi, mais les facteurs de risque présents au départ influaient grandement sur le risque d'apparition de ces maladies. La distribution des facteurs de risque n'était pas uniforme.

Cette dernière observation pourrait orienter largement les efforts que l'on déploie pour optimiser la suppression de la charge virale, objectif primordial du traitement, tout en réduisant le risque de conséquences du vieillissement accéléré découlant de l'infection ou de ses traitements. En pareil contexte, l'individualisation du traitement est impérative.

Le Dr Todd Brown, Division d'endocrinologie et de métabolisme, Johns Hopkins University, Baltimore, a discuté en détail de ce compromis dans le contexte de l'ostéoporose. À l'instar d'autres experts, il était d'accord pour dire que l'inflammation semble contribuer étroitement aux altérations du métabolisme osseux. Cela dit, le risque de fracture chez un patient infecté par le VIH, comme chez le patient non infecté, est aussi fortement déterminé par des facteurs individuels, tels un faible poids corporel et l'usage du tabac. En termes de choix de traitement, le profil de risque initial semble critique. Par exemple, bien que cinq essais avec randomisation aient objectivé un lien entre le ténofovir et un risque accru de fracture ostéoporotique, note le Dr Brown, un tel antirétroviral, par ailleurs efficace, pourrait très bien avoir sa place chez un patient dont le risque initial n'est pas élevé. «Nous recommandons de mesurer [la densité minérale osseuse] chez tous les patients infectés par le VIH de 50 ans ou plus afin de repérer ceux qui sont à risque», enchaîne le Dr Brown.

D'autres experts discutant d'autres systèmes organiques ont préconisé des stratégies similaires de dépistage précoce aux fins d'individualisation du traitement. À la lumière des tests de dépistage, il est possible d'éviter les antirétroviraux qui exercent divers effets indésirables sur certains systèmes mais qui sont par ailleurs connus pour leur efficacité générale. Par contre, comme aucun antirétroviral n'est totalement exempt d'effets indésirables, on ne doit pas s'attendre à ce qu'un seul schéma puisse éviter systématiquement l'exacerbation des effets du vieillissement chez la totalité des patients.

«Nous devons avoir une compréhension beaucoup plus fine de ces compromis pour nos patients vieillissants», affirme la Dre Judith S. Currier, directrice associée, UCLA Center for Clinical AIDS Research and Education, Los Angeles, Californie. Au chapitre des soins cliniques, les risques relatifs de n'importe quel antirétroviral pour une population donnée ne pèsent pas aussi lourd dans la balance que les risques et bénéfices particuliers de l'antirétroviral pour le patient à qui on souhaite prescrire un schéma optimal.

Résumé

L'infection à VIH accélère le vieillissement. Selon des estimations très approximatives, le vieillissement de la plupart des systèmes organiques est devancé de 10 ans en présence de l'infection à VIH. Cependant, une longue liste de variables, en particulier l'ancienneté de l'infection, le nombre le plus faible de cellules CD4+ jamais observé et des facteurs de risque non liés au VIH, peut influer sur le degré d'accélération du vieillissement d'un système organique donné chez un patient donné. Sur le plan clinique, le risque de vieillissement accéléré, vraisemblablement devenu la plus grande menace pour une espérance de vie normale en présence de l'infection à VIH, semble commander une évaluation rigoureuse et continue. Le traitement peut alors être ajusté en fonction du profil de risque du patient. Certes, la suppression continue de la charge virale demeure un objectif incontournable du traitement, mais il y a maintenant des données très concluantes montrant que les antirétroviraux ne sont pas interchangeables quant au risque de vieillissement accéléré de certains systèmes organiques.

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