Comptes rendus

Hémorragie intracérébrale : progrès thérapeutiques réels en perspective
Nouvelles données sur le traitement de reperfusion dans l’infarctus du myocarde

Au-delà la maîtrise de l’hypertension, pour une diminution optimale du risque d’AVC

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Première Conférence internationale sur l’hypertension, les lipides, le diabète et la prévention des AVC

Paris, France / 30 mars-1er avril 2006

«Il existe une relation linéaire très étroite entre la tension artérielle systolique [TAS] et l’incidence des AVC, et cette relation s’observe déjà pour une TAS de 115 mmHg», indique le Dr Jan Staessen, Université de Louvain, Belgique, qui était invité à la Première Conférence internationale sur l’hypertension, les lipides, le diabète et la prévention des AVC. Les experts sont unanimes à dire que la réduction de la TAS à un niveau cible optimal est cruciale pour prévenir les AVC. De l’avis des investigateurs, la preuve qu’une réduction même modeste de la TA diminue significativement l’incidence des AVC est solidement étayée.

Dans le contexte de la prévention primaire, les études cliniques randomisées ont systématiquement démontré que le traitement actif réduisait le risque d’AVC de 30 à 40 %, même lorsque la différence de réduction tensionnelle entre le traitement actif et le placebo était seulement d’environ 10 mmHg; «or, les nouveaux agents qui sont maintenant à notre disposition nous permettent d’aller bien au-delà d’une réduction de 10 mmHg, de sorte que cette baisse de 30 % du risque d’AVC pourrait être beaucoup plus importante», estime le Dr Staessen. (En effet, d’aucuns ont ultérieurement indiqué qu’une réduction de 20 mmHg de la TA abaisserait le risque d’AVC d’environ 50 %, ce qui est vrai pour tous les individus, hypertendus ou non.) Qui plus est, chez les patients à haut risque, même une réduction de la TA de seulement 3 mmHg peut diminuer l’incidence des AVC mortels et non mortels de quelque 25 à 30 %. Chez les patients qui ont déjà subi un événement vasculaire cérébral, le traitement antihypertensif réduit le risque d’AVC d’environ 40 %.

Idéalement, le traitement doit être amorcé immédiatement ou aussitôt que possible après le diagnostic d’hypertension, «car tout retard sous-entend une augmentation considérable du nombre d’AVC évitables, et il nous incombe de tenter d’atteindre les chiffres tensionnels cibles», prévient le Dr Staessen. Selon lui, le fait de passer d’une TA optimale à une TA normale haute «équivaut exactement au même risque que de passer de la catégorie TA optimale à l’hypertension, ce qui signifie que nous devons maintenir la TA de nos patients à un niveau optimal, soit 120 mmHg».

Explorer la preuve

Parmi les différentes classes pharmacologiques d’antihypertenseurs, y en a-t-il une qui protège mieux contre les AVC que les autres? C’est la question qu’a abordée le Dr Xavier Girerd, division de médecine interne, Hôpital Broussais, Paris, France.

La littérature sur le sujet donne à penser que les diurétiques thiazidiques confèrent effectivement une protection particulière contre les AVC, du moins en comparaison des inhibiteurs de l’ECA et des bêta-bloquants. Selon les chercheurs, les bêta-bloquants ne semblent pas fournir une aussi bonne protection contre les AVC que les autres classes, et il en est de même pour les inhibiteurs de l’ECA. Les conférenciers étaient partagés sur la question de savoir si les inhibiteurs calciques réduisent plus efficacement le risque d’AVC que les autres classes; toutefois, si tel est le cas, le modeste avantage additionnel qui leur est prêté pourrait tenir à un effet hypotensif plus marqué de cette classe, du moins si on les compare aux inhibiteurs de l’ECA.

L’étude LIFE (Losartan Intervention for End Point Reduction) a apporté la preuve probablement la plus solide de l’existence d’un effet protecteur additionnel dans la prévention primaire des AVC, outre la maîtrise de l’hypertension. Les résultats de l’étude LIFE ont révélé que l’antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (AAII), en l’occurrence le losartan, avait réduit le risque d’AVC de 25 % par rapport à l’aténolol, bêta-bloquant auquel il était comparé, les deux agents ayant par ailleurs fait jeu égal sur le plan tensionnel. Comme le souligne le Dr Faiez Zannad, Université Henri Poincaré, Nancy, France, non seulement le losartan a-t-il, lors de l’étude LIFE, bonifié la réduction de l’incidence des AVC de 25 % par rapport à l’aténolol, mais il a également autorisé une réduction supplémentaire de 13 % du paramètre regroupant la mortalité cardiovasculaire (CV), les AVC et les infarctus du myocarde (IM), «ce qui constitue une diminution très impressionnante du taux d’événements», fait-il remarquer.

De plus, l’AAII a réduit le taux d’apparition de fibrillation auriculaire de 33 % (risque relatif de 0,67) comparativement au bêta-bloquant, et on a noté que l’apparition d’une fibrillation auriculaire était différée d’un peu plus d’un an dans la cohorte de l’AAII. Il se pourrait que ce résultat soit attribuable à l’effet de l’AAII sur la taille des oreillettes. En effet, au cours de l’étude, «on a observé un remodelage auriculaire très important et l’atténuation de ce remodelage était beaucoup plus prononcée dans le groupe losartan que dans le groupe aténolol», rapporte le Dr Zannad.

La régression de l’hypertrophie ventriculaire gauche – un critère d’admissibilité dans l’étude LIFE – était en outre significativement plus marquée dans le groupe losartan que dans le groupe aténolol. À l’issue d’une étude échocardiographique satellite de LIFE – la plus vaste jamais réalisée dans le cadre d’une étude chez des hypertendus – les investigateurs ont démontré que, pour chaque réduction de 25 g/m2 de la masse ventriculaire gauche (MVG), on relevait une diminution de 20 % du paramètre d’évaluation combiné, de 34 % de la mortalité CV et de 22 % de l’incidence des AVC. Tout au long de l’étude, le losartan a systématiquement été associé à des variations plus marquées de la MVG en grammes que l’aténolol, là encore indépendamment de la réduction de la TA, qui était similaire.

L’AAII a également eu un effet plus prononcé que l’aténolol sur la diminution de l’épaisseur intima-média; «on observe donc invariablement un effet supérieur de l’AAII – en l’occurrence, le losartan – par rapport à l’aténolol sur le plan du remodelage, que celui-ci intéresse les oreillettes ou la paroi vasculaire», souligne le Dr Zannad.

Commentaire

Invité à commenter davantage l’effet protecteur conféré par l’AAII contre les AVC, le Dr Björn Dahlöf, directeur, unité des essais cliniques, service de médecine, Hôpital universitaire Sahlgrenska/Östra, Göteborg, Suède, et investigateur principal de l’étude LIFE, a expliqué dans une interview que «l’effet sur les AVC est un avantage de plus, qui s’ajoute à ses nombreuses autres propriétés».

«Il existe de nombreuses raisons de prescrire un AAII», a-t-il indiqué. La tolérabilité est bien sûr primordiale, a-t-il dit, et le losartan a fait preuve d’une «excellente tolérabilité» au cours de l’étude LIFE. Faisant toujours référence à l’étude LIFE, il a émis l’opinion suivante : «si l’on prend tous les paramètres de substitution – l’effet du losartan sur la fibrillation auriculaire, son effet sur l’épaisseur intima-média, sur l’HVG, sur le diabète [soit une réduction de plus de 20 % du risque d’apparition d’un diabète comparativement à l’aténolol] – on voit que l’AAII a constamment été associé à de meilleurs résultats que le bêta-bloquant, ce qui, selon moi, fournit de très solides arguments en faveur du losartan, et pas seulement au chapitre des AVC.»

Le Dr Dahlöf a aussi fait valoir que, de son point de vue, les médecins devraient rechercher le meilleur traitement disponible pour chaque patient et que les considérations de coût devraient être secondaires. Il semblerait que les experts canadiens abondent dans le sens du Dr Dahlöf si l’on en juge par les nouvelles lignes directrices canadiennes pour le traitement de l’hypertension, selon lesquelles les AAII en tant que classe sont indiqués en première intention et ne sont pas restreints aux patients ne pouvant tolérer un inhibiteur de l’ECA.

«LIFE est la seule étude de confirmation que nous ayons et restera probablement la seule, étant donné qu’il s’agit d’une étude extrêmement probante et que nous ne voulons pas soumettre des patients aux mêmes évaluations une autre fois, a affirmé le Dr Dahlöf. Cependant, mon expérience [à titre d’investigateur] m’amène à constater que les inhibiteurs de l’ECA protègent moins bien contre les AVC que les AAII pour une même réduction de la TA. Tout porte donc à croire que l’effet sur les AVC documenté par l’étude LIFE est bien réel.»

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