Comptes rendus

Au-delà la maîtrise de l’hypertension, pour une diminution optimale du risque d’AVC
Questions contemporaines dans l’insuffisance cardiaque : Recommandations consensuelles de 2006 de la Société canadienne de cardiologie

Nouvelles données sur le traitement de reperfusion dans l’infarctus du myocarde

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 22e Colloque annuel sur la santé cardiovasculaire à Lac Louise

Lac Louise, Alberta / 26-30 mars 2006

Le Dr Allan Ross, professeur titulaire de médecine, George Washington University, Washington, DC, a discuté en long et en large des résultats de l’essai ASSENT-4 PCI (Assessment of the Safety and Efficacy of a New Treatment Strategy with Percutaneous Coronary Intervention). L’intervalle étant parfois assez long, de plusieurs heures même, entre les premiers symptômes d’un infarctus du myocarde (IM) et le début du traitement, l’ICP facilitée a pour objectif d’amoindrir les conséquences du retard. Si l’on opte pour la reperfusion pharmacologique – dans ce cas, le ténectéplase (TNK) et l’héparine non fractionnée – avant le transfert du patient à une salle de cathétérismes, l’émoussement de l’effet bénéfique dû au retard peut être atténué. L’objectif de l’essai ASSENT-4 PCI récent «était de déterminer si l’administration du TNK à la dose complète avant une ICP retardée pouvait amoindrir l’effet négatif du retard» (Lancet 2006;18[367]:569-78). Le paramètre principal de l’étude était le taux de mortalité, l’incidence des chocs et l’apparition d’une insuffisance cardiaque congestive (ICC) à 90 jours. Cependant, on a dû mettre fin à l’essai prématurément en raison des effets indésirables de l’ICP facilitée. Au nombre des raisons de la fin prématurée de l’étude, citons le taux de mortalité intrahospitalière significativement plus élevé dans le groupe ICP facilitée que dans le groupe ICP standard, plus précisément 6 % vs 3 % (43 patients sur 664 vs 22 patients sur 656; p=0,0105). Ces résultats ont amené les chercheurs à conclure que l’ICP facilitée «ne peut pas être recommandée», surtout par comparaison à l’ICP seule.

Le Dr Ross a décrit pour le bénéfice des congressistes quelques aspects du plan de l’étude ASSENT-4 qui pourraient expliquer les résultats. Plus précisément, le Dr Ross a attribué les résultats au fait que les «retards observés dans cette étude n’étaient pas de l’ampleur prévue et n’ont pas eu les effets négatifs escomptés sur les excellents résultats de la reperfusion mécanique». Essentiellement, les intervalles prévus dans le cadre de l’étude ASSENT-4 PCI ne se prêtaient pas bien à la comparaison de l’ICP standard et de l’ICP facilitée.

«Je pensais – probablement comme tout le monde, d’ailleurs – que la majorité des sujets de cette étude proviendraient des hôpitaux communautaires où l’on ne pratique pas d’ICP, ce qui supposait le transfert des patients à un établissement de soins tertiaires une fois le diagnostic établi. Or, seulement 35 % des sujets de l’essai ASSENT-4 faisaient partie de ce groupe», explique le Dr Ross, qui ajoute que «le schéma anticoagulant adjuvant n’était peut-être pas assez agressif en pareilles conditions thrombogènes», ce qui pourrait expliquer les événements inattendus.

Le hasard pourrait aussi y être pour quelque chose. Comme on prévoyait recruter 4000 patients, mais que le recrutement s’est arrêté à 1667 patients, on n’échappe pas au risque d’un effectif statistiquement insuffisant. «Si le protocole prévoit un effectif de 4000 patients, c’est dire que, statistiquement parlant, il faut ce nombre de patients pour parvenir à une conclusion raisonnablement solide. Si vous n’en avez que le tiers, la possibilité de données faussées est très réelle, prévient le Dr Ross. À mon avis, donc, les intervalles, les établissements où les patients ont été recrutés et le taux de reperfusion plus faible que prévu dans le groupe ICP facilitée jettent assurément un certain éclairage sur les résultats de l’essai ASSENT-4 PCI. J’estime personnellement que nous n’avons toujours pas de réponse à la question que nous tentions d’élucider.»

Essai WEST

L’essai WEST (Which Early ST Elevation Myocardial Infarction Therapy) avait pour but de vérifier l’hypothèse voulant que le traitement pharmacologique optimal – c’est-à-dire le TNK et l’énoxaparine – instauré le plus précocement possible donne des résultats comparables à ceux d’une ICP réalisée au moment opportun, expliquait le Dr Paul Armstrong, professeur titulaire de médecine, University of Alberta, Edmonton, à l’auditoire. «Le traitement le plus approprié n’est pas encore défini pour la très grande majorité des patients ayant eu un IM avec sus-décalage du segment ST dans les cas où il est impossible de pratiquer une ICP dans un délai de 60 minutes suivant l’arrivée à l’hôpital.» Le Dr Armstrong et son équipe affirment que l’hypothèse première, à savoir que les résultats du «traitement pharmacologique optimal, c’est-à-dire le TNK et l’énoxaparine, [une héparine de bas poids moléculaire], administré le plus précocement possible ne seront pas inférieurs à ceux de l’ICP pratiquée directement au moment opportun».

Des patients à risque élevé d’IM aigu dans un délai de six heures de l’apparition des symptômes ont été recrutés et randomisés dès leur arrivée. Étaient exclus ceux qui pouvaient bénéficier d’une ICP dans un délai de 60 minutes de la randomisation et ceux qui présentaient une contre-indication à la fibrinolyse. «Nous insistions sur l’importance de reconnaître et de traiter l’IM sans délai», poursuit le Dr Armstrong. Le paramètre principal de l’étude mesuré à 30 jours regroupait le taux de mortalité ainsi que l’incidence des IM récurrents, de l’ischémie réfractaire, de l’ICC, du choc cardiogénique ou d’arythmies ventriculaires majeures. Les 304 patients ont été randomisés dans trois groupes : les patients du groupe A (n=100) recevaient le TNK, l’énoxaparine, l’AAS et «les soins usuels» dans un contexte de soins primaires, incluant une ICP si une telle intervention était indiquée; les patients du groupe B (n=104) recevaient une première dose de TNK, d’énoxaparine et d’AAS, puis étaient transférés dans un délai de 24 heures à un hôpital en mesure de pratiquer une ICP où, au besoin, ils pouvaient subir une ICP; les patients du groupe C (n=100) recevaient l’énoxaparine, le clopidogrel et l’AAS, puis une ICP le plus tôt possible, dans un délai de trois heures suivant la randomisation.

Le Dr Robert Welsh, professeur adjoint de médecine, University of Alberta Hospital, a présenté quelques-unes des données les plus récentes de l’essai WEST. Les résultats à 30 jours ont fait ressortir une efficacité similaire en fonction du paramètre principal : 25 % dans le groupe A, 24 % dans le groupe B et 23 % dans le groupe C. Dans le cadre de l’essai WEST, l’intervalle compris entre l’apparition des symptômes et l’administration du premier médicament a diminué de 47 minutes. En outre, l’intervalle compris entre l’apparition des symptômes et l’ICP a diminué de 57 minutes. Même si nous avons toujours des défis à relever sur le plan des retards précédant l’arrivée à l’hôpital et le traitement, souligne le Dr Welsh, «le transport en ambulance est “le point de frappe idéal” et nous devrions tous nous concentrer à le cibler. La prise en charge du patient et la mise en route du traitement avant l’arrivée à l’hôpital ou la répartition des patients vers les hôpitaux les plus appropriés, ou les deux, sont des possibilités clés que nous devons cibler si nous aspirons à améliorer les résultats davantage.» (Welsh et al. Am Heart J 2003;145(1):1-8).

Le taux de mortalité était de 4 % dans le groupe A, de 1 % dans le groupe B et de 1 % dans le groupe C, précise le Dr Welsh. «À ma connaissance, on n’a jamais vu de taux de mortalité aussi faibles dans un essai portant sur 300 patients. J’estime que cela tient à la très grande rapidité avec laquelle les traitements ont été mis en route», note-t-il. Dans les situations où le temps compte, la responsabilisation des décideurs pourrait aider à «éviter l’inaction face à la reperfusion».

Commentant l’imagerie angiographique dans le cadre de l’essai WEST, le Dr John Mancini, division de cardiologie, département de médecine, Vancouver Hospital and Health Sciences Centre, University of British Columbia, déclarait : «L’essai WEST montre que les effets du débit sanguin et de la perfusion sont conformes aux résultats auxquels on s’attendait.»

Le Dr Armstrong a enchaîné en discutant de plusieurs implications des résultats de l’étude WEST. D’abord et avant tout, le traitement pharmacologique concomitant par cathéter mis en route tôt est sûr et efficace, même dans une population à risque élevé. Deuxièmement, ce type de soins est particulièrement pertinent dans un contexte préhospitalier, par exemple dans l’ambulance, ainsi que dans les hôpitaux communautaires. À la lumière de ces résultats, conclut le Dr Armstrong, «la stratégie explorée dans l’essai WEST justifie la tenue d’une étude à grande échelle».

Résumé

«Bien que la démarche [de l’ICP facilitée] telle qu’explorée dans l’essai ASSENT-4 n’ait pas prouvé la théorie, nous sommes loin de l’avoir évaluée à fond», soutient le Dr Ross. Décrivant l’importance de la recherche sur l’ICP, il ajoute : «en cette ère moderne, les résultats ont été plutôt encourageants; c’est donc dire que, si l’on se sert des dispositifs et des médicaments à notre disposition, l’ICP facilitée donne d’assez bons résultats». Ces données particulières viennent toutes de bases de données, d’analyses rétrospectives et de quelques études à petite échelle. «Aucune étude n’est concluante en soi. Si l’on examine l’ensemble des données, par contre, elles favorisent l’ICP.» Nous devons poursuivre la recherche sur l’ICP, affirme le Dr Ross. «L’ICP facilitée devrait faire l’objet d’au moins un autre essai clinique.» Le Dr Welsh conclut pour sa part qu’une «démarche thérapeutique structurée» permet un «traitement très efficace et rapide».

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