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Axe rein-cœur-cerveau : le point sur l’inhibition du SRA Tour d’horizon de la littérature

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

MÉDICALES OPTIONS Facteurs de risque cardiovasculaire

2008 février

L’essence de l’inhibition du SRA dans l’hypertension

Dr Lyall Higginson, Royal Jubilee Hospital

Le système rénine-angiotensine dans le diabète

Dr Sheldon Tobe, University of Toronto

Maximiser la néphroprotection : rôle de l’inhibition du SRA

Dr Paul René de Cotret, Université Laval

Revue de l’inhibition du SRA dans l’insuffisance cardiaque

Dr Haissam Haddad, Université d’Ottawa

Prévention des AVC en présence d’hypertension

Dr Victor Huckell, University of British Columbia

Commentaire éditorial

Lyall A. J. Higginson, MD, FRCPC, Chef de la cardiologie, Royal Jubilee Hospital, Victoria (Colombie-Britannique)

Les inhibiteurs du système rénineangiotensine (SRA) sont de puissants antihypertenseurs éprouvés. L’activité antihypertensive des inhibiteurs de l’ECA et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) est attribuée à leur capacité de bloquer les effets de l’angiotensine II, un puissant vasoconstricteur. L’inhibition de l’angiotensine II a été associée à des effets indépendants de la tension artérielle (TA) chez des sujets atteints de dysfonction ventriculaire gauche et d’insuffisance rénale; toutefois, la preuve n’a pas encore été faite qu’il est avantageux de recourir à l’inhibition du SRA comme traitement initial de l’hypertension pour prévenir les événements associés aux stades avancés de la maladie. Cela n’a pas empêché de tenir cette hypothèse pour hautement probable. Dans les essais effectués sur les stades avancés, les inhibiteurs du SRA ont eu un effet protecteur contre l’apparition du diabète, l’hypertrophie cardiaque et vasculaire et la protéinurie. L’hypothèse selon laquelle ces agents protègent contre des processus physiopathologiques fondamentaux de la maladie vasculaire a d’ailleurs été confortée par l’observation d’un effet protecteur contre l’hypertension lorsqu’on a administré un ARA à des sujets présentant une préhypertension. Ces résultats plaident en faveur de l’utilisation d’un inhibiteur du SRA en première intention dans le traitement d’association pour maîtriser l’hypertension.

Il y a relativement peu de temps que les diurétiques et les bêta-bloquants ne sont plus les seuls agents recommandés dans les lignes directrices pour le traitement de l’hypertension essentielle en première intention. Les diurétiques ou les bêta-bloquants étaient privilégiés principalement en raison de leur efficacité antihypertensive et de leur faible coût. Même si on soupçonnait que le mécanisme de réduction de la TA pouvait influencer l’effet protecteur indépendamment de la maîtrise tensionnelle, on n’en avait pas la preuve. Les lignes directrices les plus récentes continuent pour la plupart de favoriser les diurétiques et les bêta-bloquants comme traitement de première intention, en particulier chez les sujets de moins de 60 ans. Cela dit, la plupart précisent également que la majorité des patients auront besoin d’un traitement d’association et que l’emploi d’agents autres que les diurétiques et les bêta-bloquants apparaît raisonnable en présence de facteurs de comorbidité tels que l’insuffisance rénale.

À propos des inhibiteurs de l’ECA et des ARA

Les inhibiteurs de l’ECA ont été les premiers antihypertenseurs axés sur l’inhibition du SRA à être commercialisés. Bien qu’ils préviennent également la dégradation de la bradykinine, un vasodilatateur, leur mode d’action premier consiste à bloquer l’une des principales voies de synthèse de l’angiotensine II. Puis sont apparus les ARA. Ces agents semblent inhiber l’angiotensine II par un mécanisme plus spécifique en bloquant ses effets au niveau du récepteur AT1, qui représente la voie commune finale des effets délétères de l’angiotensine II. C’est probablement en raison de cette spécificité qu’ils comportent un risque moindre d’effets indésirables, en particulier la toux. Dans les essais comparatifs, les ARA affichent ordinairement un profil d’effets indésirables semblable à celui du placebo.

Cependant, l’inhibition des effets de l’angiotensine II n’explique peut-être pas la totalité des effets cliniques des inhibiteurs de l’ECA ou des ARA. Comme on l’a déjà mentionné, les inhibiteurs de l’ECA ont la capacité de préserver la bradykinine, ce que les ARA ne font pas; quant à ces derniers, en bloquant le récepteur AT1 plutôt qu’en réduisant le taux circulant d’angiotensine II, ils peuvent accroître la stimulation du récepteur AT2, auquel sont associés des effets antiprolifératifs. L’une ou l’autre classe est susceptible d’influencer la signalisation en aval d’une manière qui pourrait expliquer certains avantages relatifs indépendants de la TA à présent documentés dans de nombreux essais comparatifs.

Par exemple, lors de l’étude HOPE (Heart Outcomes Protection Evaluation), le ramipril (inhibiteur de l’ECA) n’a pas seulement réduit notablement le risque d’événement clinique bien qu’il n’ait produit qu’une réduction modeste de la TA, mais il a également été associé à une réduction de 34 % du risque d’apparition du diabète comparativement au placebo. Selon les résultats globaux des essais du programme CHARM (Candesartan in Heart failure Assessment of Reduction in Mortality and Morbidity), le candésartan a autorisé une réduction de 22 % des nouveaux cas de diabète, même si une partie des patients prenaient déjà un inhibiteur de l’ECA.

Théorie du processus pathologique continu

La pertinence, pour les patients atteints d’hypertension essentielle, des bienfaits indépendants de la TA observés sous inhibiteurs du SRA chez les patients atteints de maladie vasculaire y compris les néphropathies repose sur la prémisse que l’élévation de la TA est la première manifestation d’un processus pathologique continu. Cette théorie, proposée par les Drs Eugene Braunwald et Victor Dzau voilà


presque 20 ans, décrit une progression physiopathologique dont le point de départ est la dysfonction endothéliale provoquée par un déséquilibre entre les vasoconstricteurs (dont l’angiotensine II) et les vasodilatateurs. L’endothélium étant incapable de maintenir une homéostasie adéquate, il se forme des stries lipidiques sur la paroi vasculaire, premier stade de l’athérosclérose. En outre, l’angiotensine II entraîne une hypertrophie vasculaire et ventriculaire gauche, qui progresse lentement mais inexorablement jusqu’aux stades avancés associés au risque d’événement clinique, tels l’infarctus du myocarde, l’AVC et les arythmies cardiaques.

La démonstration que l’utilisation précoce d’un inhibiteur du SRA pour traiter l’hypertension réduit le risque d’événement tardif ne pourra peut-être jamais être faite dans des études prospectives en raison du coût du suivi d’un nombre suffisant de patients pendant une longue période. Dans les analyses rétrospectives, comme celle qu’ont réalisée Kjeldsen et Julius (Am Heart J 2004;148:747-54), on a tenté de mettre en évidence des bienfaits indépendants de la TA associés aux inhibiteurs du SRA par des méta-analyses ou par l’évaluation de cohortes, mais celles-ci ne peuvent que générer des hypothèses. Néanmoins, l’inclusion d’un inhibiteur du SRA dans un traitement d’association de première intention est attrayante parce que ces agents réduisent efficacement la TA, qu’ils sont généralement bien tolérés et que leur capacité à prévenir la progression vers les stades avancés de l’insuffisance rénale et de l’angiopathie par des mécanismes indépendants de leur effet tensionnel pourrait avoir une portée dès le début de la maladie.

Modifier le cours de la maladie

L’étude TROPHY (Trial for Preventing Hypertension) (Julius et al. N Engl J Med 2006;354:1685-97) a fait entrevoir la capacité des inhibiteurs du SRA à modifier la trajectoire de la maladie. Lors de cette étude, 409 patients présentant une préhypertension, définie comme une TA systolique de 130 à 139 mmHg et une TA diastolique de 89 mmHg ou moins, ont été randomisés en vue de recevoir le candésartan ou un placebo pendant deux ans. Après deux ans, le groupe ARA comptait 66,3 % (p<0,001) moins de sujets ayant progressé vers une hypertension de stade I que le groupe placebo, bien que tous aient été conseillés pour modifier leurs habitudes de vie. Après un suivi de quatre ans, malgré l’arrêt du traitement au bout de deux ans, on notait encore une réduction de 15,6 % (p<0,007) du risque d’hypertension de stade I chez les sujets ayant initialement reçu le traitement actif par rap
lement sous placebo.

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Même si l’étude TROPHY ne comportait pas de groupe témoin sous traitement actif par un antihypertenseur autre qu’un inhibiteur du SRA, les auteurs indiquent que l’hypertension non traitée est «un processus pathologique auto-accéléré» qui met en cause une dysfonction endothéliale. Ils font également observer que, lors d’études animales, le traitement de brève durée par un inhibiteur du SRA a été associé à une protection durant la vie entière contre l’hypertension, qui, au fil de sa progression, obéit à la stimulation neuro-hormonale et aux changements structuraux. Selon les auteurs, l’étude TROPHY conforte l’hypothèse sous-jacente selon laquelle le traitement par un inhibiteur du SRA au stade de préhypertension est capable de modifier l’évolution naturelle de l’hypertension.

On doit à l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoint Reduction) l’une des premières et des plus convaincantes démonstrations que le mécanisme antihypertensif importe dans la réduction du risque d’événement. Lors de cette étude, le losartan (ARA) a autorisé, par rapport à l’aténolol (bêta-bloquant), une réduction de 13 % (p=0,021) du risque d’événement cardiovasculaire (CV) majeur. À l’époque de l’étude, les bêta-bloquants étaient recommandés en première intention dans la plupart des lignes directrices cliniques. Bien que cette étude ait été menée chez des patients à risque élevé, des différences quant à l’effet protecteur ont été observées chez les patients qui étaient initialement moins vulnérables. L’étude SCOPE (Study on Cognition and Prognosis in the Elderly) fournit un exemple de cela. Même si la réduction de 11 % du paramètre principal regroupant les événements CV majeurs associée au candésartan par comparaison à d’autres stratégies antihypertensives n’a pas atteint le seuil de signification statistique, l’ARA a réduit le risque d’AVC non mortel de 28 % (p=0,041). La TA moyenne était 3,2/1,6 mmHg plus faible dans le groupe candésartan, mais cette population de sujets âgés présentait une hypertension légère et n’avait initialement aucun antécédent de maladie CV.

Résumé

Une proportion substantielle de patients qui doivent recourir à un traitement pharmacologique pour abaisser leur TA auront besoin de plus d’un antihypertenseur pour atteindre leurs cibles tensionnelles. Si l’atteinte des cibles tensionnelles est à juste titre perçue comme une priorité, de plus en plus de données portent à croire que le mécanisme des agents utilisés fait une différence même chez les patients atteints d’hypertension non compliquée. Des schémas de traitement associant par exemple un inhibiteur du SRA et un diurétique sont attrayants en raison de leur efficacité antihypertensive couplée à la possibilité de bienfaits indépendants de la TA. Il n’est pas démontré que les différences relatives au mode d’action ont une portée clinique dans l’hypertension non compliquée, mais il existe d’autre part peu de données pour contester l’effet favorable potentiel des bienfaits indépendants de la TA sur l’issue de la maladie.

Commentaire éditorial

Sheldon Tobe, MD, FRCPC, Néphrologue, Sunnybrook Health Sciences Centre, Professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Le diabète est un trouble systémique à l’origine de lésions des organes cibles dont les différentes expressions comprennent la maladie cardiaque, l’AVC, la cécité et les neuropathies, et est la première cause d’insuffisance rénale terminale (IRT). Sa prévalence dans notre population augmente à un rythme effarant : depuis 10 ans, elle a presque doublé et atteint maintenant plus de 9 % (Lipscombe LL, Hux JE. Lancet 2007;369[9563]:750-6).

Le système rénine-angiotensine (SRA) joue un rôle dans la progression des lésions des organes cibles liées au diabète, et sa neutralisation améliore le pronostic rénal, même indépendamment de la baisse tensionnelle (Brenner et al. N Engl J Med 2001;345[12]:861-9). De plus, les inhibiteurs de l’ECA et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) pourraient prévenir le diabète dans certains groupes.

L’angiotensine II est un promoteur des lésions des organes cibles à la fois sur le plan moléculaire et de par les modifications hémodynamiques résultant de l’hypertension. Le recours précoce aux inhibiteurs du SRA pourrait offrir un moyen d’atténuer les effets des maladies vasculaires sur les organes cibles des sujets diabétiques. La capacité potentielle de ces agents de réduire le risque d’apparition du diabète sous-tend qu’ils pourraient inhiber des processus pathogènes fondamentaux aboutissant à l’atteinte des organes cibles. Dans la plupart des lignes directrices de pratique clinique, les inhibiteurs de l’ECA et les ARA font partie du traitement initial préconisé chez tous les patients diabétiques et hypertendus, et sont tout spécialement recommandés en présence de lésions rénales révélées par une albuminurie. En prévenant l’apparition du diabète, on peut esquiver tous les risques subséquents, y compris les complications tardives comme la néphropathie progressive et la maladie cardiovasculaire (CV), cause première de mortalité chez les patients diabétiques.

Prévenir l’apparition du diabète

La capacité des inhibiteurs du SRA à prévenir l’apparition du diabète a été documentée dans de nombreux essais. La première étude d’envergure à le faire a été HOPE (Heart Outcomes Protection Evaluation). Dans cette étude, le ramipril (inhibiteur de l’ECA) a réduit de 34 % le risque d’apparition du diabète comparativement au placebo (Yusuf et al. JAMA 2001;286:1882-5). Par la suite, plusieurs études sur des ARA ont démontré une protection similaire. L’étude CHARM-Overall (Candesartan in Heart Failure Assessment Reduction of Mortality and Morbidity) a fait ressortir une réduction relative de 22 %, même si une partie des patients prenaient déjà un inhibiteur de l’ECA (Yusuf et al. Lancet 2003;362:777-81). Selon une méta-analyse incluant 10 essais (cinq sur des ARA et cinq sur des inhibiteurs de l’ECA), la réduction relative moyenne du risque d’apparition d’un diabète se chiffrait à 22 % (p<0,00001) (Scheen AJ. Diabetes Metab 2004;30:487-96). À la suite de ces observations, les investigateurs de l’étude DREAM (Diabetes Reduction Assessment with Ramipril and Rosiglitazone Medication) ont cherché à vérifier cette hypothèse chez des sujets jeunes et relativement bien portants qui présentaient une anomalie de la glycémie à jeun ou une intolérance au glucose. Ils n’ont pas observé de réduction significative de l’incidence du diabète ou de la mortalité après l’utilisation du ramipril pendant trois ans (N Engl J Med 2006;355[15]:1551-62); toutefois, la normalisation de la glycémie était significativement plus fréquente.

Bloquer la régulation à la hausse de la rénine

On ne sait pas exactement comment les inhibiteurs du SRA pourraient prévenir le diabète, mais un corpus important de données laisse en tout cas supposer que la protection des organes cibles apportée par ces agents dépasse le bienfait conféré par la maîtrise de la tension artérielle (TA). En fait, certaines des premières observations d’un bénéfice indépendant de l’effet tensionnel ont été faites lors de l’emploi d’inhibiteurs de l’ECA chez des patients atteints du diabète de type 1. Ainsi, une première étude clé a montré que, comparé au placebo, le captopril était associé à une réduction de 50 % du paramètre d’évaluation regroupant la mortalité, la mise en dialyse ou la transplantation (Lewis et al. N Engl J Med 1993;329:1456-62). Chez les diabétiques de type 2, les ARA ont ultérieurement été associés au même effet protecteur. Lors de l’essai IDNT (Irbesartan Diabetic Nephropathy Trial), par exemple, on a observé une réduction de 24 % du risque combiné de mortalité, d’IRT ou de doublement de la créatininémie chez les sujets qui recevaient l’irbesartan plutôt que l’amlodipine, un bloqueur des canaux calciques (BCC), en dépit d’une maîtrise tensionnelle comparable (Lewis et al. N Engl J Med 2001;345:851-60).

Les inhibiteurs du SRA sont efficaces pour abaisser la TA parce qu’ils préviennent les conséquences de la régulation à la hausse de la rénine. Cela dit, les inhibiteurs de l’ECA et les ARA ne s’y prennent pas de la même manière. Malgré l’utilisation d’un inhibiteur de l’ECA, le taux d’angiotensine II remonte à la valeur initiale au fil du temps, ce qui pourrait résulter de la mise en jeu d’autres voies de conversion que l’ECA comme les chymases. Alors que les inhibiteurs de l’ECA empêchent la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II en inhibant l’une des enzymes de conversion, les ARA bloquent le récepteur AT1, soit la voie commune finale du SRA. Initialement, on attribuait les bienfaits des inhibiteurs du SRA à la prévention de la vasoconstriction médiée par l’angiotensine II, mais on sait maintenant que ces agents sont aussi associés à d’autres effets systémiques importants, notamment la prévention de la prolifération du muscle lisse vasculaire, de l’activation neurohormonale et de la progression de l’hypertrophie cardiaque.

Assises des lignes directrices

Il n’est pas encore clair si les ARA et les inhibiteurs de l’ECA offrent une protection des organes cibles comparable ou différente. En théorie, plusieurs raisons laissent supposer que les ARA pourraient s’opposer plus efficacement à la régulation à la hausse du SRA, la plus importante étant que, comparativement, les inhibiteurs de l’ECA agissent essentiellement en réduisant la production systémique d’angiotensine II. En bloquant plutôt l’angiotensine II au niveau des récepteurs des organes cibles, les ARA pourraient offrir une meilleure protection contre des processus pathogènes locaux, comme la protéinurie et le remodelage cardiaque. On a cherché à comparer les inhibiteurs de l’ECA et les ARA dans un grand nombre d’études cliniques sur la prévention de la progression de la néphropathie diabétique. Cependant, presque toutes ces études sont de petite taille et leurs résultats sont brouillés par une baisse concomitante de la TA lorsque les agents sont employés en association plutôt qu’en monothérapie. Cela laisse supposer que la dose maximale recommandée pour chacun de ces agents est inférieure à la dose maximale procurant une protection des organes cibles.

Si un blocage plus complet du SRA est la clé pour prévenir la néphropathie diabétique, les ARA pourraient offrir un autre avantage potentiel, à savoir une relation dose-réponse plus prévisible et plus constante; de plus, étant donné qu’ils ne comportent pas de risque de toux lié à la dose, ils sont susceptibles d’être mieux tolérés. Par conséquent, chez les patients qui présentent une atteinte sévère des organes cibles liée à un diabète et une protéinurie demeurant >1 g/jour même s’ils reçoivent un ARA à la dose maximale recommandée, un ARA à forte dose pourrait offrir une protection rénale supérieure, indépendante de l’effet sur la TA. L’étude SMART (Supra Maximal Atacand Renal Trial), présentée récemment, a mis en évidence un accroissement progressif de la maîtrise de la protéinurie selon que la dose monoquotidienne de candésartan était de 16 mg, de 64 mg ou de 128 mg. Selon une analyse en intention de traiter, les doses les plus élevées ont été associées à une réduction moyenne de 33 % (p<0,0001) de la protéinurie vs la dose de 16 mg/jour. Sur le plan de la TA, seules de légères différences ont été observées d’un groupe à l’autre. Fait important, la dose de 128 mg a été bien tolérée et n’a pas entraîné d’augmentation relative de la kaliémie.

Stratégies d’amélioration des résultats

En définitive, il importe peut-être moins de déterminer quelle classe ARA ou inhibiteurs de l’ECA est la meilleure pour traiter la néphropathie liée au diabète de type 1 ou de type 2 que de déterminer si on peut améliorer les résultats cliniques en associant ces agents ou en les utilisant à des doses plus élevées. Plusieurs études ont déjà été menées à cette fin. Selon l’une d’elles, le double blocage réalisé par le schéma irbesartan plus énalapril était supérieur au schéma énalapril plus placebo pour réduire la TA et la protéinurie (Jacobson et al. Kidney Int 2003;63:1874-80). Lors du premier volet de l’étude CALM (Candesartan and Lisinopril Microalbuminuria), on a là aussi constaté une baisse tensionnelle plus marquée dans le groupe traité par deux inhibiteurs du SRA (candésartan plus lisinopril) que dans le groupe traité par l’un ou l’autre agent seul. Toutefois, lors du deuxième volet, qui était de plus longue durée, le schéma candésartan à 16 mg plus lisinopril à 20 mg n’a pas accentué la réduction de la TA vs le lisinopril à 40 mg seul. Les deux traitements ont stabilisé le taux d’excrétion urinaire d’albumine.

D’autres études sur le traitement d’association sont en cours. Dans l’étude ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and in Combination with Ramipril Global Endpoint Trial), les patients ont été randomisés de façon à recevoir un ARA, un inhibiteur de l’ECA, ou les deux, à la dose maximale recommandée. Bien que le paramètre principal de l’étude regroupe la mortalité d’origine CV, les infarctus du myocarde (IM), les AVC et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, la fonction rénale sera aussi évaluée dans le cadre d’analyses de sous-groupes. Forte d’un effectif de plus de 25 000 patients randomisés, cette étude nous éclairera non seulement sur la double inhibition du SRA, mais pourrait également mettre au jour les éventuelles différences entre les inhibiteurs de l’ECA et les ARA à l’égard d’événements particuliers, tels les AVC, les IM ou l’IRT.

La combinaison ARA et inhibiteur de l’ECA vise à renforcer l’inhibition du SRA, mais chaque classe peut procurer des avantages supplémentaires propres. Ainsi, les inhibiteurs de l’ECA inhibent la dégradation de la bradykinine, un puissant vasodilatateur, tandis que les ARA peuvent accroître la quantité d’angiotensine II disponible pour stimuler le récepteur AT2, par lequel s’exercent des effets antiprolifératifs. Cela dit, en monothérapie, les ARA possèdent un avantage sur les inhibiteurs de l’ECA lié à leur profil d’effets indésirables relativement bénin. Dans un grand nombre d’études comparatives, le profil d’effets indésirables de l’ARA ne se distinguait pas de celui du placebo.

Si la maîtrise de la néphropathie diabétique est un objectif important, on doit aussi évaluer les effets du traitement en fonction des autres risques associés au diabète, comme les microangiopathies. L’étude RASS (Renin-Angiotensin System Study) explore le rôle du blocage du SRA dans le diabète de type 1 sans microangiopathies; selon un résumé présenté récemment au congrès de l’American Society of Nephrology, les chercheurs n’ont pas observé de différence entre les inhibiteurs de l’ECA, les ARA et le placebo au chapitre de la progression de la néphropathie, mais ont constaté un avantage en faveur du blocage du SRA quant à la progression de la rétinopathie. L’excellente maîtrise de la glycémie observée dans tous les groupes qui rendait improbable la progression de la néphropathie diabétique a probablement brouillé les résultats. Cette question est examinée dans le cadre d’un programme d’envergure en cours, intitulé DIRECT (Diabetic Retinopathy Candesartan Trials). L’objectif principal est d’évaluer l’effet préventif du blocage du SRA au moyen d’un ARA à l’égard de la rétinopathie diabétique chez des sujets atteints d’un diabète de type 1 ou de type 2 et ayant une albuminurie et une TA normales; on espère également que ces essais permettront d’établir une corrélation entre la survenue d’événements tels que la rétinopathie et les variations du taux d’excrétion urinaire d’albumine, ce qui n’a pas encore été démontré hors de tout doute. De telles études sont importantes pour montrer l’interdépendance des risques.

Résumé

Outre que les inhibiteurs de l’ECA et les ARA améliorent le pronostic du diabète, ils pourraient en réduire le risque d’apparition. Si la preuve de ce bénéfice reste à consolider, il est en revanche bien établi dans des études d’envergure que les ARA peuvent prévenir les complications du diabète, notamment la progression de la néphropathie vers une IRT. L’évaluation des avantages protecteurs relatifs des ARA et des inhibiteurs de l’ECA doit être approfondie, et l’étude ONTARGET contribuera à accroître l’intérêt pour l’association des inhibiteurs du SRA comme stratégie d’optimisation de la protection des organes cibles. Chez les patients présentant une atteinte sévère des organes cibles révélée par une néphropathie résistante au traitement par un ARA à la dose maximale habituelle, les données récentes de l’étude SMART semblent indiquer que les ARA administrés à forte dose pourraient constituer une nouvelle option de traitement importante axée sur la physiopathologie sous-jacente de la néphropathie diabétique, indépendamment de l’effet sur la maîtrise tensionnelle.

Commentaire éditorial

Paul René de Cotret, MD, FRCPC, Professeur agrégé de médecine, Université Laval, Québec (Québec)

L’insuffisance rénale – toujours plus fréquente en raison de la prévalence croissante du diabète et du vieillissement de la population – est un prédicteur indépendant de la mortalité, de la maladie cardiovasculaire (CV) et de l’hospitalisation. Ces risques sont étroitement corrélés avec l’aggravation de l’insuffisance rénale chronique (IRC), définie par un débit de filtration glomérulaire estimatif (DFGe) <60 mL/min/1,73 m2. Selon une étude, la mortalité toutes causes était 17 % plus élevée chez les patients qui avaient un DFGe compris entre 45 et 59 mL/min/1,73 m2 que chez les sujets dont le DFGe était supérieur à ces valeurs, et augmentait de presque 600 % lorsque le DFGe était <15 mL/min/1,73 m2 (Go et al. N Engl J Med 2004;351;1296-306).

La protéinurie, autre signe clinique d’une atteinte rénale, est également un prédicteur important de la survenue d’événements CV et d’une insuffisance rénale terminale (IRT), qu’il existe un diabète ou non. Dans la même cohorte, la protéinurie était un facteur prédictif indépendant de la mortalité, des événements CV et des hospitalisations, le taux de risque (hazard ratio) ajusté se situant entre 1,3 et 1,4. Comme il s’agit d’un facteur de risque majeur de la progression de la néphropathie, l’un des principaux objectifs du traitement de l’IRC est de réduire l’excrétion urinaire de protéines à un taux cible <1 g/jour.

Point de vue actuel sur l’inhibition du SRA

Au vu d’une série d’études déterminantes, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) et les inhibiteurs de l’ECA sont considérés comme les agents de première intention du traitement de l’IRC. Si les premières études ont révélé que les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) pouvaient offrir une protection contre l’IRT, il est maintenant clair que ces agents peuvent aussi réduire le risque CV. Bien que les ARA et les inhibiteurs de l’ECA confèrent une protection efficace, leurs mécanismes propres peuvent différer. On doit colliger d’autres données afin de comparer l’une et l’autre classe ainsi que leur utilisation concomitante en tant que stratégies de réduction optimale du risque.

Selon les lignes directrices actuelles, l’inhibition du SRA est la stratégie néphroprotectrice la plus efficace chez les patients atteints d’une insuffisance rénale associée au diabète ou à d’autres causes. Les inhibiteurs de l’ECA et les ARA autorisent des réductions plus importantes de la protéinurie que les autres antihypertenseurs, pour une même baisse tensionnelle. La plupart des lignes directrices actuelles recommandent un inhibiteur de l’ECA ou un ARA pour le traitement de l’IRC; cependant, il est fréquent que la protéinurie persiste chez les patients qui reçoivent l’un ou l’autre type d’agent à des doses standard. Il apparaît donc de plus en plus important de déterminer, entre autres questions, s’il est possible et pertinent d’augmenter la dose de ces agents pour obtenir une protection rénale sans égard à la maîtrise tensionnelle, d’associer un inhibiteur de l’ECA et un ARA pour réaliser une inhibition plus complète du SRA ou d’allier ces deux stratégies.

Exploration de l’effet néphroprotecteur des ARA administrés à forte dose

Les premiers indices laissant supposer que des doses élevées d’un inhibiteur du SRA pourraient améliorer la protection rénale sont venus d’une étude qui regroupait seulement 10 patients et qui a mis en évidence une relation inverse entre le taux moyen d’excrétion urinaire de protéines et la dose de l’ARA, en l’occurrence le candésartan (Weinberg et al. JRAAS 2001;2[suppl1]:S196-S198). Plus précisément, le taux moyen d’excrétion urinaire de protéines, qui se chiffrait au départ à 4,4 g/jour, a baissé à 2,8 g/jour dans le groupe recevant 16 mg de candésartan, à 2,7 g/jour dans le groupe 32 mg et à 1,1 g/jour dans le groupe 96 mg. La réduction de l’excrétion urinaire de protéines obtenue en corrélation avec l’augmentation de la dose ne s’est accompagnée d’aucune variation majeure de la tension artérielle (TA). La kaliémie n’a pas augmenté et la créatininémie n’a présenté qu’une légère hausse une fois que la dose a atteint 96 mg/jour. Ces observations ont préparé le terrain pour la réalisation de plusieurs études de plus grande envergure sur cette stratégie, telles que DROP (Diovan Reduction of Proteinuria) et SMART (Supra Maximal Atacand Renal Trial), achevée récemment.

Dans le cadre de l’étude DROP, 391 patients atteints d’un diabète de type 2 et présentant une protéinurie élevée (taux d’excrétion urinaire d’albumine compris entre 20 et 700 mg/min) ont amorcé un traitement par le valsartan à 160 mg qu’ils ont reçu pendant quatre semaines (Hollenberg et al. J Hypertens 2007;25:1921-6). Les sujets ont ensuite été randomisés de façon à poursuivre le traitement pendant 26 autres semaines à la même dose, à 320 mg ou à 640 mg. Après quatre semaines, on a observé une réduction très significative de l’albuminurie (p<0,001). Au cours des 26 semaines subséquentes, ce paramètre e encore baissé de façon modeste chez les sujets recevant toujours 160 mg (p=0,03), mais de façon très significative chez ceux qui recevaient 320 mg ou 640 mg (p<0,001). Après 30 semaines, l’albuminurie était revenue à la normale chez deux fois plus de patients recevant le valsartan à 640 mg que de patients recevant 160 mg (24 % vs 12 %; p<0,01). Les doses élevées ont été bien tolérées seule une légère augmentation de la fréquence des étourdissements et des céphalées a été notée et n’ont pas été associées à un risque accru d’hypotension ou d’hyperkaliémie.

L’étude SMART, présentée au congrès Renal Week 2007 (Burgess et al.), regroupait 269 patients ayant une protéinurie persistante. Après une phase préliminaire de huit semaines pendant laquelle ils ont reçu du candésartan à raison de 16 mg par jour, les participants ont été randomisés de façon à poursuivre le traitement à la même dose (16 mg), à une dose de 64 mg ou à une dose de 128 mg. Au départ, le taux médian d’excrétion urinaire de protéines était de 2,66 g par 24 heures, tandis que le DFGe médian était de 49,9 mL/min/1,73 m2. Après 30 semaines de traitement, selon l’analyse en intention de traiter, la réduction moyenne de l’excrétion urinaire de protéines était 33 % plus marquée dans le groupe recevant des doses supramaximales de candésartan que dans le groupe
mage.php?id=1335" />;0,0001), en dépit d’une baisse tensionnelle similaire. L’analyse

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englobant tous les sujets ayant terminé l’étude a mis en évidence une réduction moyenne de la protéinurie 44,3 % plus importante chez les patients qui avaient reçu 128 mg que chez ceux qui avaient reçu la dose standard (p<0,0001). La dose de 64 mg a également été associée à une réduction non significative de l’excrétion urinaire de protéines 16,9 % plus marquée que la dose de 16 mg. L’incidence des effets indésirables n’a pas différé de manière significative d’un groupe à l’autre.

Deuxième regard sur l’étude RENAAL

Il s’impose de trouver de nouvelles stratégies pour améliorer les bienfaits de l’inhibition du SRA, étant donné qu’une protéinurie persistante s’avère clairement un facteur de risque majeur d’IRT. Une nouvelle analyse des données de l’étude RENAAL (Reduction in Endpoints in Non-Insulin-Dependent Diabetes Mellitus with the Angiotensin II Antagonist Losartan) a montré que la réponse antiprotéinurique initiale au losartan et le degré de protéinurie résiduelle à six mois étaient des prédicteurs importants d’un mauvais pronostic rénal (De Zeeuw et al. Kidney Int 2004;65:2309-20). Plus précisément, le degré d’albuminurie avant la mise en route du traitement était le facteur prédictif le plus puissant de tous les paramètres de risque initiaux quant au pronostic rénal. Ainsi, un rapport albumine/créatinine urinaire initial de 3,0 g/g multipliait par 5,2 le risque d’atteindre un paramètre rénal et par 8,1 le risque de progresser vers une IRT, comparativement à un rapport albumine/créatinine urinaire initial <1,5 g/g.

En fait, chaque réduction de 50 % de l’albuminurie observée au cours des six premiers mois de traitement était associée à une réduction de 36 % du risque de réalisation d’un paramètre rénal et de 45 % du risque d’apparition d’une IRT plus tard au cours du suivi. L’étude RENAAL a confirmé que l’effet néphroprotecteur du losartan tenait en grande partie à son effet sur l’albuminurie, et non sur la TA, et que la réduction de l’albuminurie résiduelle au niveau le plus bas possible devrait faire partie des stratégies de néphroprotection à venir. Des données très similaires ont été générées par l’étude IRMA (Irbesartan in Patients with Type 2 Diabetes and Microalbuminuria), dans laquelle 590 patients diabétiques ont été randomisés en vue de recevoir l’irbesartan à une dose de 150 mg ou de 300 mg, ou un placebo (Parving et al. N Engl J Med 2001;345:870-8). Malgré l’absence de différence entre les trois groupes sur le plan des résultats tensionnels, les doses de 150 mg et de 300 mg ont diminué le risque de néphropathie diabétique de 44 % (p=0,05) et de 68 % (p<0,001), respectivement.

Association des inhibiteurs du SRA

Au même titre que l’utilisation des ARA à forte dose, l’association d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA semble une stratégie efficace pour améliorer la maîtrise de la protéinurie. Lors d’une étude randomisée regroupant 90 sujets non diabétiques atteints de néphropathie, l’ajout d’un ARA à savoir le candésartan, administré à raison de 2 à 12 mg/jour à l’inhibiteur de l’ECA que recevaient déjà les patients a donné lieu aux résultats suivants : le taux d’excrétion urinaire de protéines, qui se chiffrait initialement à 1,78 g/jour, a chuté à 0,62 g/jour après 1 an, à 0,56 g/jour après 2 ans et à 0,55 g/jour après 3 ans (Kanno et al. Clin J Am Soc Nephrol 2006;1:730-7). Dans le groupe sous inhibiteur de l’ECA seul, le taux d’excrétion urinaire des protéines est passé de 1,61 g/jour à 1,21 g/jour en 3 ans. Après 3 ans, on notait une différence significative entre l’ARA et l’inhibiteur de l’ECA sur le plan de l’élévation de la créatininémie, laquelle est passée de 3,02 mg/dL, au départ, à 3,38 mg/dL dans le groupe candésartan, et de 3 mg/dL, au départ, à 4,48 mg/dL dans le groupe inhibiteur de l’ECA (p<0,01). Des études d’envergure sont en cours afin d’évaluer les bienfaits de l’association d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA du point de vue de différents paramètres, y compris la néphroprotection.

Résumé

Même un schéma de traitement optimal reposant sur un inhibiteur de l’ECA, un ARA ou ces deux types d’agent ne permet pas toujours d’atteindre la protéinurie cible. On explore plusieurs stratégies afin de tirer parti des bienfaits déjà associés aux inhibiteurs de l’ECA. Parmi ces stratégies figurent notamment l’utilisation d’un ARA à de très fortes doses ainsi que l’association d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA. Les données recueillies à ce jour indiquent que les deux stratégies pourraient conférer une protection rénale sensiblement supérieure par rapport à l’utilisation de ces agents à des doses antihypertensives. En réduisant la protéinurie et en préservant la fonction rénale plus efficacement, on peut logiquement escompter une meilleure protection contre la progression de la néphropathie. Davantage de données doivent être réunies afin de confirmer que ces stratégies préviennent la progression vers le stade ultime d’IRT ou atténuent le risque d’événement CV, une cause fréquente de mortalité chez les patients atteints d’insuffisance rénale.

Commentaire éditorial

Hassaim A. Haddad, MD, FRCPC, FACC, Directeur, Programme d’insuffisance cardiaque, Directeur médical, Programme de transplantation cardiaque, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, Professeur agrégé de médecine, Université d’Ottawa, Ottawa (Ontario)

Les inhibiteurs du système rénineangiotensine (SRA) font partie intégrante du traitement optimal de l’insuffisance cardiaque (IC) depuis que les études SOLVD (Studies of Left Ventricular Dysfunction) ont confirmé, voilà maintenant 15 ans, que les inhibiteurs de l’ECA réduisent la mortalité. Des études ultérieures sur les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA), comme l’essai Val-HeFT (Valsartan Heart Failure Trial) et le programme CHARM (Candesartan in Heart Failure Assessment and Reduction in Mortality and Morbidity), ont elles aussi objectivé une réduction du risque d’événement chez les insuffisants cardiaques recevant ces agents. Lors du programme CHARM, l’ARA a autorisé une réduction de 12 % de la mortalité d’origine cardiovasculaire (CV) et une réduction de 9 % à la limite de la signification statistique de la mortalité générale. Bien que la protection conférée par les inhibiteurs du SRA dérive sans doute en grande partie de leur capacité à bloquer les effets de l’angiotensine II, les ARA et les inhibiteurs de l’ECA agissent selon des mécanismes distincts. De plus, même si on s’est intéressé au traitement d’association dans les essais CHARM et Val-HeFT, les avantages éventuels de cette stratégie demeurent imparfaitement évalués. D’autre part, les différences entre les inhibiteurs de l’ECA et les ARA quant au profil d’effets indésirables doivent peser dans la décision de traitement.

Freiner la progression de l’IC : bienfaits résultant de l’inhibition du SRA

Les bienfaits des inhibiteurs du SRA et des bêta-bloquants qui peuvent les uns comme les autres entraver l’activation neurohormonale dans l’IC sont bien établis dans une série d’études multicentriques d’envergure et rigoureusement conduites. Dans les lignes directrices cliniques émises conjointement par l’American College of Cardiology et l’American Heart Association, les inhibiteurs du SRA et les bêtabloquants sont recommandés chez tous les patients ayant déjà subi un infarctus du myocarde sans égard à la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), ainsi que chez tous les patients ayant une FEVG réduite. Selon ces lignes directrices, la recommandation qui préconise de passer d’un inhibiteur de l’ECA à un ARA lorsque l’inhibiteur de l’ECA n’est pas toléré, le plus souvent en raison d’une toux ou d’un angio-œdème, est assortie d’une cote A (preuves à l’appui). La majeure partie des preuves qui étayent cette recommandation proviennent des essais du programme CHARM. L’un des volets de ce programme, intitulé CHARM-Added, fournit également des preuves du bénéfice supplémentaire conféré par l’adjonction d’un ARA à un inhibiteur de l’ECA, stratégie que les auteurs des lignes directrices ont assortie d’une cote B.

L’inhibition du SRA en présence d’IC protège contre l’hypertrophie ventriculaire et l’aggravation de l’IC conditionnées par la ré gu lation à la hausse de l’angiotensine II. Lors de l’étude CONSENSUS (Cooperative North Scandinavian Enalapril Survival Study) menée chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque congestive (ICC) sévère, l’énalapril a réduit la progression de l’IC de 50 % par rapport au placebo, et la mortalité, de 27 % (p=0,003). Chez les patients des études SOLVD qui ne devaient pas obligatoirement présenter une IC sévère pour être admissibles, mais devaient avoir une FEVG initiale =35 % l’inhibiteur de l’ECA a été associé à une réduction de 16 % de la mortalité générale (p=0,004) et de 18 % de la mortalité d’origine CV (p<0,002), comparativement au placebo. Toutes ces études
vé une réduction du nombre d’hospitalisations pour IC, renforçant ainsi la preuve de la pertinence de l’inhibition du SRA pour freiner la progression de l’IC.

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Arguments en faveur des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine

Premier essai à explorer l’utilisation d’un ARA dans le traitement de l’IC, VAL-HeFT (Valsartan Heart Failure Trial) portait également sur des patients atteints d’IC modérée à sévère (classes II à IV de la New York Heart Association). Les résultats ont fait ressortir une réduction de 13 % (p=0,009) du paramètre d’évaluation principal de l’essai regroupant la mortalité, les arrêts cardiaques ayant répondu à la réanimation, les hospitalisations pour IC et l’administration par voie intraveineuse d’un agent inotrope ou vasodilatateur pendant au moins quatre heures. Aucun avantage significatif n’a par ailleurs été relevé au chapitre de la mortalité; il faut cependant noter que, dans cette étude, le valsartan était ajouté à un traitement optimal, qui comprenait un inhibiteur de l’ECA pour 93 % des patients et un bêta-bloquant pour 35 % d’entre eux. Lorsqu’on a évalué séparément les sujets qui n’avaient pas reçu d’inhibiteur de l’ECA, on a constaté une réduction de 44 % du paramètre principal (p=0,003) et de 33 % de la mortalité (p=0,012).

Plaçant la barre plus haut, les investigateurs du programme CHARM ont examiné l’effet d’un ARA sur l’IC à la fois lorsqu’il était utilisé avec ou sans inhibiteur de l’ECA. Leur évaluation du candésartan comptait trois volets : l’essai CHARM-Alternative qui regroupait des sujets en IC intolérants aux inhibiteurs de l’ECA; l’essai CHARM-Added qui regroupait des sujets en IC ayant une FEVG =40 % et recevant déjà un inhibiteur de l’ECA; et l’essai CHARM-Preserved qui regroupait des sujets ayant une FEVG >40 % et recevant ou non un inhibiteur de l’ECA. Plus de 7500 patients ont été recrutés. Les bénéfices marqués observés lors des essais CHARM-Alternative et CHARM-Added sont à l’origine du recul de la morbidité et de la mortalité mis en lumière dans une analyse des données regroupées de CHARM (Solomon et al. Circulation 2004;110:2180-83); cette analyse a confirmé que les reculs enregistrés résultaient de la capacité du candésartan à empêcher la progression de l’IC. Plus particulièrement, une évaluation des données de mortalité réalisée à l’insu par un comité indépendant a montré que l’ARA avait a
de 15 % des cas de mort cardiaque subite (p=0,036) et de 22 % de la mortalité due à une aggravation de l’IC (p=0,008). Les réductions étaient plus marquées chez les sujets qui avaient une FEVG =40 %.

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Une méta-analyse incluant 24 essais et regroupant plus de 38 000 patients a par ailleurs montré que, comparés au placebo, les ARA étaient associés à une baisse de 17 % de la mortalité toutes causes (baisse qui tendait vers la signification statistique [IC à 95 %, 0,69-1,00]), et à une réduction de 36 % du nombre d’hospitalisations pour IC (p<0,001) (Lee et al. Ann Intern Med 2004;141:693-704). Lorsqu’un ARA était ajouté à un inhibiteur de l’ECA, on observait une baisse minime et non significative de 3 % du risque de mortalité, mais une réduction de 23 % (IC à 95 %, 0,69-0,87) du nombre d’hospitalisations pour IC. Quant à l’analyse des données comparant directement un ARA et un inhibiteur de l’ECA, elle ne faisait ressortir aucune différence sur les plans de la mortalité toutes causes et du nombre d’hospitalisations pour IC.

Mécanismes distincts, hypothèses différentes

Le ralentissement de la progression de l’IC reflète une baisse de l’activation neurohormonale qui engendre des effets favorables sur le tonus sympathique, la dilatation ventriculaire et le remodelage cardiaque. Tous ces effets devraient prévenir l’hypertrophie ventriculaire qui perturbe l’hémodynamique et instaure un cercle vicieux de progression de la maladie. Bien que le mécanisme par lequel les inhibiteurs du SRA préviennent la mort subite soit moins bien compris, on présume que leur action protectrice contre la progression de l’IC prévient l’instabilité électrique qui favorise les arythmies. En outre, les ARA et les inhibiteurs de l’ECA épargnent le potassium, ce qui pourrait aussi diminuer le risque d’arythmie. Une réduction de l’incidence de la mort subite a d’ailleurs été observée sous l’effet de la spironolactone et de l’éplérénone, deux antagonistes de l’aldostérone, une autre hormone régulée à la hausse par le SRA.

Du fait de la capacité des ARA à bloquer l’angiotensine II au niveau de ses récepteurs, ultime voie commune des effets médiés par cette hormone, on a émis l’hypothèse voulant que les ARA soient plus efficaces que les inhibiteurs de l’ECA dans le traitement de l’IC. Les inhibiteurs de l’ECA bloquent la principale mais non la seule enzyme qui entre en jeu dans la synthèse de l’angiotensine II et pourraient, de ce fait, offrir une moins bonne protection contre l’activation du SRA. Cela dit, les inhibiteurs de l’ECA préviennent aussi la dégradation de la bradykinine, un puissant vasodilatateur, et pourraient également posséder d’autres propriétés protectrices contre la progression de l’IC. De même, les ARA exercent d’autres actions, notamment la stimulation du récepteur AT2 dont on a démontré les effets antiprolifératifs dans des études expérimentales. Quelles que soient les hypothèses avancées, les essais cliniques sont la seule démarche valable pour comparer les bénéfices relatifs des diverses stratégies. À ce jour, aucun ARA ne s’est montré supérieur à un inhibiteur de l’ECA sur le plan de la protection clinique, mais plusieurs études démontrent un effet protecteur similaire.

Le traitement d’association peut-il offrir une protection supérieure?

L’une des questions les plus pressantes dans le traitement de l’IC est de déterminer si l’association d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA peut offrir une meilleure protection clinique que l’un ou l’autre type d’agent utilisé seul. Lors de l’essai CHARM-Added, la réduction relative de 15 % du paramètre d’évaluation principal qui regroupait la mortalité d’origine CV et les hospitalisations dictées par l’aggravation d’une IC chronique plaide en faveur d’un effet additif; toutefois, il convient de mener d’autres études pour corroborer ce bienfait et, également, évaluer l’influence de la dose utilisée pour chaque agent sur l’obtention d’un bénéfice optimal. Dans le cadre de l’essai CHARM-Added, les patients pouvaient prendre n’importe quel inhibiteur de l’ECA à la dose prescrite par leur médecin en concomitance avec du candésartan à 32 mg. Des doses supérieures se sont révélées sûres et pourraient offrir une protection supérieure, en particulier en concomitance avec un inhibiteur de l’ECA prescrit à la dose complète. Cela dit, des essais cliniques s’imposent afin d’élucider ces questions.

Résumé

Les inhibiteurs du SRA font désormais partie intégrante du traitement de l’IC, mais il est sans doute possible d’exploiter de manière plus optimale les avantages établis de ces agents. Bien que les ARA soient acceptés dans un grand nombre de lignes directrices comme solution de rechange raisonnable lorsque les inhibiteurs de l’ECA ne sont pas tolérés, plusieurs études d’envergure indiquent que les ARA pourraient être tout aussi efficaces que ces derniers tout en étant mieux tolérés. L’association d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA pourrait également s’avérer une meilleure stratégie que la monothérapie par l’un ou l’autre type d’agent pour prévenir la progression de l’IC. Enfin, l’augmentation de la dose relative de l’ARA en vue de réaliser un blocage plus complet du SRA pourrait aussi conférer une meilleure protection contre la progression de la maladie et les événements associés à l’IC, y compris la mort subite, l’une des principales causes de mortalité chez ces patients.

Commentaire éditorial

Victor F. Huckell, MD, FRCPC, FASH, Professeur de clinique en médecine, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

L’étroite corrélation entre l’élévation de la tension artérielle (TA) et la hausse du risque d’AVC place la maîtrise tensionnelle au-dessus de tous les autres objectifs dans la prévention tant primaire que secondaire des AVC. Cependant, de plus en plus de données indiquent que, à efficacité tensionnelle égale, les antihypertenseurs ne sont pas interchangeables de ce point de vue.

Les meilleurs exemples sont les études LIFE (Losartan Intervention For Endpoint Reduction) et MOSES (Morbidity and Mortality After Stroke, Eprosartan Compared with Nitrendipine in Secondary Prevention) qui ont toutes deux documenté la supériorité d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) par rapport à un agent actif de référence pour prévenir les AVC. Cet avantage relatif des ARA pourrait en partie être expliqué par les effets neuroprotecteurs qui sont prêtés au blocage du récepteur AT1 de l’angiotensine sur la foi de données expérimentales. Lors de l’étude ACCESS (Acute Candesartan Cilexetil Therapy in Stroke Survivors), dont l’objet était d’évaluer l’innocuité du traitement précoce de l’AVC par un ARA, la réduction du risque d’événement chez les sujets recevant l’ARA plutôt que le placebo a conduit à l’arrêt prématuré du recrutement.

Différences quant à la réduction du risque

Parmi les données cliniques substantielles qui tendent à indiquer que tous les antihypertenseurs n’auraient pas même utilité pour prévenir les AVC, seulement deux études multicentriques à double insu d’envergure ont démontré une différence de réduction du risque entre les groupes de traitement lorsque les traitements étaient égaux sur le plan tensionnel. Lors de l’étude de prévention primaire LIFE, le losartan (ARA) a autorisé une réduction de 24,9 % (p=0,001) du risque d’AVC par rapport à l’aténolol (bêta-bloquant) (Dahlof et al. Lancet 2002;359:995-1003). Dans le cas de l’étude MOSES, axée sur la prévention secondaire, l’ARA en l’occurrence l’éprosartan a réduit de 25 % (p=0,03) le risque d’événement vasculaire cérébral récidivant comparativement à la nitrendipine, un bloqueur des canaux calciques (BCC) (Scharder et al. Stroke 2005;35:1218-24). L’avantage relatif mis en lumière par l’étude MOSES mérite peut-être particulièrement d’être noté du fait que des études antérieures comme ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial) et NORDIL (Nordic Diltiazem Study) laissaient entrevoir une possible supériorité des BCC en tant que classe par rapport aux antihypertenseurs plus anciens, tels que les diurétiques, en matière de prévention des AVC (bien qu’aucune des deux n’ait démontré de supériorité à maîtrise tensionnelle égale).

Tous les antihypertenseurs actuellement commercialisés sont efficaces pour réduire la TA, mais leur mode d’action diffère. Voilà déjà plusieurs décennies que l’on a postulé que ces mécanismes distincts pourraient moduler la protection relative offerte contre les événements vasculaires indépendamment de la composante tensionnelle. Au chapitre des AVC, cette hypothèse est confortée par les analyses rétrospectives des données de plusieurs grandes études, dont ALLHAT (Antihypertensive and Lipid Lowering for Prevention of Heart Attack Trial), qui laissent supposer que l’administration d’un BCC en première intention protège mieux contre les AVC qu’un traitement par un diurétique.

Neuroprotection : argument en faveur des ARA

Actuellement, les données les plus solides à l’appui de différences entre les stratégies antihypertensives pour la prévention des AVC ont été générées par les études sur les ARA. On ne pense pas seulement à LIFE et à MOSES, mais également à des études comme SCOPE (Study on Cognition and Prognosis in the Elderly) dont les résultats corroborent les données expérimentales témoignant d’un possible effet neuroprotecteur des ARA.

L’objectif principal de l’étude SCOPE était de valider l’hypothèse selon laquelle le candésartan (ARA) peut réduire le risque d’AVC chez des sujets âgés atteints d’hypertension systolique isolée. Contrairement aux patients des études LIFE ou MOSES qui ont été randomisés de façon à recevoir l’un de deux antihypertenseurs, ceux de SCOPE (N=4964; >70 ans) ont été randomisés dans un groupe candésartan et un groupe placebo devant en outre recevoir, en mode ouvert, un antihypertenseur autre qu’un ARA (diurétique thiazidique le plus souvent). Après un suivi médian de 3,7 ans, on a constaté une réduction relative des AVC mortels et non mortels de 42 % (p=0,05) dans le groupe ARA (Papademetriou et al. J Am Coll Cardiol 2004;44:1175-80). Chez les sujets qui recevaient du candésartan, la TA systolique a baissé de 2 mmHg de plus (22 mmHg vs 20 mmHg), mais les auteurs soutiennent que cette différence ne peut pas expliquer le supplément de protection contre les AVC. Selon eux, celui-ci devrait plutôt découler, au moins en partie, des effets vasoprotecteurs du blocage du récepteur AT1.

Par ailleurs, la fonction cognitive n’a pas varié d’un groupe à l’autre, résultat décevant compte tenu de l’effet neuroprotecteur associé aux ARA dans le contexte expérimental. Cela dit, une analyse rétrospective a pu démonter que l’ARA offrait un avantage sur le plan de la prévention des AVC et de la progression de la démence chez les patients qui présentaient initialement une diminution de la foncti
urs ont avancé l’hypothèse selon laquelle le suivi d’une durée médiane de 3,7 ans ne donnerait pas le recul voulu pour faire ressortir une protection contre le déclin cognitif chez les patients dont la fonction cérébrale était initialement normale.

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Bien que les effets protecteurs contre les AVC et contre les événements vasculaires soient les paramètres les plus courants des études de prévention secondaire, la protection contre les conséquences de l’AVC, telles l’incapacité et la démence, est également un point de comparaison important.

Dans l’appareil cardiovasculaire (CV), la régulation positive du système rénine-angiotensine (SRA) est associée non seulement à une vasoconstriction, mais également à une stimulation des processus d’inflammation, de prolifération et de thrombose. Dans le système vasculaire cérébral, l’angiotensine II, peptide central du SRA activé, a été associée à certains de ces mêmes effets indépendants de la TA, y compris du moins dans un modèle animal des changements structuraux des artérioles cérébrales (Baumbach et al. Hypertension2001;41:50-5). Fait important, le SRA cérébral peut être régulé indépendamment du SRA systémique, ce qui explique pourquoi les ARA pourraient avoir un rôle neuroprotecteur dont sont dépourvus les inhibiteurs de l’ECA (Culman et al. J Human Hypertens2002;16:S63-S71). Il appert de données que, dans le cerveau, le récepteur AT2 dont les actions s’opposent à un grand nombre de celles du récepteur AT1, telle la vasoconstriction participerait à la régénération neuronale. Contrairement aux inhibiteurs de l’ECA, qui diminuent la production d’angiotensine II, les ARA entravent la liaison de l’angiotensine II au récepteur AT1, se trouvant ainsi à accroître la stimulation du récepteur AT2.

Que les ARA aient ou non un effet neuroprotecteur, des données démontrent que les agents de cette classe apportent un bénéfice même à la phase aiguë de l’AVC. Malgré le fait qu’elle visait à évaluer l’innocuité du candésartan dans l’AVC aigu, l’étude ACCESS a été interrompue prématurément en raison d’une disparité des résultats en faveur de l’ARA (Schrader et al. Stroke 2003;34:1699-703). Il était prévu de recruter 500 patients présentant un AVC aigu et devant être randomisés de façon à recevoir l’ARA ou le placebo immédiatement après confirmation de la conformité aux critères d’inclusion pour un AVC ischémique aigu (les AVC hémorragiques étaient exclus). On a mis fin au recrutement après avoir inclus 342 patients en raison d’une disparité dans l’incidence des événements favorisant le groupe candésartan. Après 12 mois de suivi, le traitement par l’ARA était associé à une réduction de 52,5 % de l’incidence des événements vasculaires (p=0,0261), y compris une réduction de 32 % des événements vasculaires cérébraux. Aucun problème d’innocuité significatif n’a été associé à l’administration précoce du candésartan. Selon les auteurs, l’inhibition neurohormonale aurait vraisemblablement contribué à l’avantage offert par l’ARA dans cette étude.

Maîtrise tensionnelle avant tout

De vastes études en cours ont pour objet d’approfondir l’effet protecteur des ARA par rapport à d’autres stratégies antihypertensives de prévention des AVC. Parmi celles-ci se trouve l’étude PRoFESS (Prevention Regimen for Effectively Avoiding Secondary Strokes) au cours de laquelle plus de 20 000 patients ayant survécu à un AVC ont été randomisés selon un plan factoriel 2 x 2, de façon à recevoir du telmisartan (ARA) ou un placebo en concomitance avec du clopidogrel ou une association de dipyridamole à libération prolongée et d’AAS. Outre le fait que cette étude contribuera à préciser laquelle des stratégies antiplaquettaires actuellement proposées est la plus efficace pour réduire le risque clinique, le volet comparatif ARA vs placebo devrait nous éclairer sur la question de la neuroprotection. L’étude est conçue de façon à évaluer les effets de l’ARA indépendamment de la baisse tensionnelle. Une étude de sous-groupe comprendra également une évaluation des paramètres cognitifs.

S’il s’avère que la protection relative contre l’AVC et ses conséquences varie d’un traitement antihypertensif à l’autre, cela ne diminuera en rien l’importance de la réduction de la TA à titre d’objectif prioritaire dans la prise en charge clinique. Le risque d’événement vasculaire cérébral et le risque CV sont si étroitement intriqués que toute tentative infructueuse d’agir sur l’un est susceptible de mitiger le succès obtenu à l’égard de l’autre. Par exemple, les auteurs de l’étude VALUE (Valsartan Antihypertensive Long-term Use Evaluation) – qui n’est pas parvenue à démontrer un avantage du valsartan (ARA) par rapport à l’amlodipine (BCC) au chapitre du paramètre principal regroupant les événements CV ou des AVC – ont jugé les résultats impossibles à évaluer en raison de la maîtrise tensionnelle supérieure obtenue dans le groupe BCC. De ces données et d’autres observations on peut inférer qu’il est essentiel de réaliser en premier lieu une réduction efficace de la TA avant de considérer le bénéfice éventuel relatif des diverses stratégies dans la prévention des AVC.

Résumé

Seules des études randomisées à double insu et multicentriques sur des ARA ont pu démontrer, à efficacité tensionnelle égale, la supériorité d’une stratégie antihypertensive par rapport à une autre dans la prévention des AVC. Le bénéfice relatif des ARA a été observé tant en prévention primaire que secondaire. L’un des enjeux clés à l’horizon sera de déterminer si les données expérimentales selon lesquelles les ARA offrent une neuroprotection ont une portée clinique. Si elle se confirme, la capacité de réduire à la fois les déficits causés par l’AVC, telle la démence, et le risque d’événement lui-même représentera un progrès clinique majeur.

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