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Besoins nutritionnels du nourrisson et du sujet âgé : regard sur les acides gras oméga-3 et les caroténoïdes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

INFO-RESSOURCES - 89e Congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie

London, Ontario / 6-9 juin 2012

London, Ontario - Une nutrition appropriée et l'apport de certains nutriments sont essentiels au développement cérébral et visuel optimal du nourrisson. L'acide docosahexaénoïque (DHA) et la lutéine, un caroténoïde, sont présents en fortes concentrations dans le cerveau et la rétine, et contribuent tous deux au développement et à la protection de ces deux organes. Si l'apport de ces nutriments est insuffisant chez la mère, le bébé aura lui aussi un apport insuffisant, même s'il est allaité. Des études montrent que les préparations enrichies en caroténoïdes améliorent les paramètres de la santé rétinienne du prématuré et pourraient atténuer le risque de rétinopathie du prématuré, principale cause de cécité chez les jeunes enfants. La supplémentation en DHA et en caroténoïdes est également associée à l'amélioration de la fonction cognitive chez le sujet âgé.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Comme l’expliquait le Dr Lewis Rubin, chef de la néonatologie et professeur titulaire de pédiatrie, University of South Florida, Tampa et St. Petersburg, près de 75 % de l’apport énergétique du nouveau-né sert au métabolisme cérébral, par comparaison à seulement 25 % environ chez l’adulte. «Ce phénomène tient au fait que, chez le nourrisson, le cerveau représente une masse beaucoup plus importante par rapport au reste du corps, et témoigne en outre du développement cérébral remarquable qui se produit au cours des derniers mois de grossesse et de la première année de vie.»

La nutrition du nourrisson durant cette période revêt une importance critique, car elle doit soutenir cette croissance accélérée. Certains nutriments alimentaires – outre le fait qu’ils assurent les besoins énergétiques de base – s’accumulent sélectivement et en grande quantité dans le cerveau et la rétine. L’un des plus importants est l’acide docosahexaénoïque (DHA), l’un des acides gras polyinsaturés oméga-3 à longue chaîne. Par des mécanismes qui n’ont pas été totalement élucidés, le DHA  s’accumule dans la rétine et le cerveau en concentrations beaucoup plus fortes qu’ailleurs dans l’organisme, et l’on sait que de fortes concentrations de DHA sont associées à une amélioration visuelle et cognitive, tant chez l’adulte que chez le nourrisson, affirme le Dr Rubin.

On a récemment établi l’importance de la lutéine dans l’alimentation de la mère pour le développement visuel et cérébral du nourrisson. Comme l’explique le Dr Rubin, ce caroténoïde est un anti-inflammatoire et un puissant antioxydant. Dans l’œil, la lutéine protégerait les cellules en servant de filtre optique qui absorbe la lumière bleue potentiellement nocive. Elle pourrait également protéger les yeux et le cerveau contre les lésions oxydatives causées par les radicaux libres. On ne doit pas oublier que le nouveau-né passe d’un milieu à faible tension en oxygène à un milieu à haute tension en oxygène et qu’il doit s’adapter à ce changement à un moment où ses réserves d’antioxydants sont faibles. La lutéine est présente en concentrations jusqu’à 1000 fois plus élevées dans la rétine que dans le reste de l’organisme. Elle est aussi présente en fortes concentrations dans le tissu cérébral des jeunes enfants et des adultes.

«Non seulement la lutéine et le DHA sont-ils présents en fortes concentrations aux mêmes endroits, mais ils semblent aussi interagir de façon non négligeable», poursuit le Dr Rubin. En tant qu’acide gras fortement insaturé, le DHA est capable de générer des espèces réactives de l’oxygène (ROS) qui peuvent porter atteinte aux cellules et aux tissus. La lutéine, en revanche, est capable de contrer les lésions éventuellement causées par les radicaux libres dans la cellule. Il s’agit en quelque sorte d’une interaction en symbiose.

La lutéine et la zéaxanthine, un caroténoïde très similaire, participent étroitement à la capacité filtrante de l’œil. Comme la lutéine et la zéaxanthine sont des composants essentiels des pigments maculaires, ces caroténoïdes xanthophylles sont souvent décrits comme étant les pigments maculaires. Il est maintenant établi que la perte de pigments maculaires est associée à divers troubles oculaires, notamment la dégénérescence maculaire aiguë et la rétinopathie diabétique.

Dans les sociétés occidentales, la plupart des individus ont un apport nettement insuffisant en acides gras oméga-3 et en lutéine,  caroténoïde que l’on trouve dans les légumes feuillus vert foncé comme les épinards et le chou frisé ainsi que dans les œufs et le maïs. À l’image de cet apport insuffisant chez la mère, «les nourrissons ont de très faibles taux et réserves tissulaires de lutéine». Le lait maternel est la seule source de lutéine pour le nourrisson avant son sevrage, à moins qu’il ne reçoive une préparation enrichie en lutéine, fait remarquer le Dr Rubin. L’alimentation de la mère influe aussi sur le degré d’exposition du fœtus aux caroténoïdes in utero et dans le lait maternel. De plus, les concentrations plasmatiques de caroténoïdes diminuent fortement chez les bébés nourris de préparations – et non allaités – tout de suite après la naissance.

Fait important à souligner, les données montrent maintenant que de faibles taux sériques de lutéine et de zéaxanthine chez les prématurés augmentent le risque de rétinopathie progressive. Dans une étude qui ciblait des prématurés, Rubin et ses collaborateurs (J Perinatol 2012;32:418-24) ont comparé des nourrissons qui avaient reçu une préparation enrichie de lutéine, de lycopène et de bêta-carotène (tous des caroténoïdes), des témoins qui recevaient une préparation non enrichie et des témoins allaités.

Au total, 203 bébés nés avant la fin de la 33e semaine de gestation ont reçu une préparation, enrichie ou non de caroténoïdes, depuis la naissance jusqu’à 40 semaines d’aménorrhée. Lors de chacune des évaluations, les concentrations plasmatiques de caroténoïdes étaient significativement plus élevées chez les nourrissons recevant la préparation enrichie et comparables à celles du groupe témoin allaité. Toutefois, et c’est là un point encore plus important, les chercheurs ont constaté que les concentrations plasmatiques de lutéine étaient corrélées avec l’amplitude de la réponse des bâtonnets et que la sensibilité des bâtonnets était plus grande chez les nourrissons recevant la préparation enrichie de lutéine que chez les témoins.

«Cette étude a été la première à montrer que la supplémentation en lutéine dès la naissance pouvait atténuer la sévérité de la rétinopathie du prématuré, principale cause de cécité acquise chez les enfants, et améliorer les paramètres fonctionnels de la rétine», affirme le Dr Rubin. Les conclusions de cet essai et d’autres essais chez les prématurés ont révélé que les concentrations plasmatiques de caroténoïdes étaient systématiquement plus fortes chez les nouveau-nés recevant la préparation enrichie que chez les témoins et que les concentrations s’apparentaient davantage à celles de bébés nés à terme allaités, ajoute-t-il. La plupart des essais ont aussi objectivé une tendance à la baisse des cas de progression de la rétinopathie du prématuré de légère à sévère.

Lors d’une étude (Neonatology 2010;97:36-40) qui avait pour objectif d’évaluer la supplémentation en lutéine chez les nourrissons nés à terme, Perrone et ses collaborateurs ont constaté un potentiel antioxydant biologique plus élevé et un taux moindre de stress oxydatif chez les nourrissons qui recevaient la préparation enrichie. Ces résultats confirment que la lutéine renforce le potentiel antioxydant plasmatique des nouveau-nés, concluent les auteurs.

Fonction cognitive chez le sujet âgé

Selon certaines données, les mêmes nutriments alimentaires pourraient aussi stimuler la fonction cognitive chez le sujet âgé. Dans une étude (FASEB J 2008;22:877.5), Renzi et al. ont objectivé un lien significatif entre les concentrations rétiniennes de lutéine et de zéaxanthine – en d’autres mots, la densité des pigments maculaires – et la performance mesurée par divers paramètres tels que la vitesse de traitement, l’exactitude et l’aptitude à achever une tâche chez des sujets de 76 à 85 ans.

Comme la lutéine et la zéaxanthine font partie intégrante du tissu cortical, ces résultats semblent indiquer que les caroténoïdes xanthophylles peuvent influer sur la fonction corticale. Comme l’ont rapporté Johnson et al. (FASEB J 2011;25:975.21), l’autopsie de 49 centenaires a révélé l’existence d’un lien significatif entre la concentration de zéaxanthine dans le tissu cérébral, d’une part, et de meilleurs résultats, avant la mort, sur le plan de la fonction cognitive globale, de la mémoire, de la rétention, de la fluidité verbale et de la sévérité de la démence. Les concentrations de lutéine ont pour leur part été reliées à la mémorisation et à la fluidité verbale.

Ces résultats donnent eux aussi tout lieu de croire que ces caroténoïdes xanthophylles pourraient contribuer étroitement à la cognition, à tout le moins chez les sujets d’un grand âge. En fait, un essai sur la supplémentation en DHA et en lutéine chez des femmes âgées a révélé qu’après 4 mois de supplémentation en DHA seul, de supplémentation en lutéine seule ou de double supplémentation DHA + lutéine, le score de fluidité verbale s’était amélioré de manière significative dans les trois groupes; de plus, les scores de mémoire et la vitesse d’apprentissage s’étaient améliorés de manière significative dans le groupe recevant la double supplémentation (Johnson et al. Nutr Neurosci 2008;11(2):75-83).

Résumé

«Les pédiatres savent que le lait maternel est la meilleure solution qui soit pour tous les bébés», souligne le Dr Rubin, lui-même pédiatre. Dans un monde idéal, la meilleure façon d’améliorer la nutrition du nourrisson serait d’améliorer l’alimentation de la mère, au besoin par la vitaminisation et supplémentation en nutriments clés. Cela dit, dans les cas où l’allaitement maternel est impossible ou insuffisant, «il nous faut trouver une solution de rechange, et cette solution de rechange devrait idéalement être enrichie de DHA, de lutéine et d’autres nutriments importants», conclut le Dr Rubin.

Le présent article découle d’une communication présentée durant le dîner-symposium éducatif (S3) intitulé « Le développement du cerveau et des yeux du nourrisson : le rôle de la nutrition dans la vision et la santé oculaire » qui a eu lieu le mercredi 6 juin de 11 h 45 à 13 h 15, dans le cadre du 89e Congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie, du 6 au 9 juin 2012, à London, en Ontario. auf indication contraire, les opinions exprimées dans le présent article sont celles des présentateurs; elles ne représentent pas les opinions de la Société canadienne de pédiatrie ni ne constituent des recommandations de cette dernière.

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