Comptes rendus

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Cancers de la peau non mélaniques : un traitement adjuvant aux modalités invasives

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 21e Congrès mondial de dermatologie

Buenos Aires, Argentine / 30 septembre-5 octobre 2007

À l’heure actuelle, les cancers de la peau non mélaniques (CPNM) sont plus fréquents que tous les autres cancers dans la majeure partie du monde. L’incidence des cancers basocellulaires (CBC) et spinocellulaires (CSC) – tous deux directement liés à une exposition solaire excessive – est en augmentation depuis plusieurs décennies. Dans la population générale, les antécédents de coups de soleil, surtout pendant l’enfance, constituent l’un des principaux facteurs de risque des CPNM, mais l’exposition à des sources artificielles de rayons ultraviolets dans les salons de bronzage a probablement aussi contribué à l’incidence croissante des CPNM. Le succès des greffes d’organes, qui repose forcément sur une immunodépression à vie, est un important facteur de risque des CPNM, principalement les CSC, surtout chez les transplantés rénaux. Chez ces patients, d’ailleurs, l’incidence des CPNM est élevée au point d’être alarmante.

L’exérèse des CBC et des kératoses actiniques (KA) précancéreuses peut nécessiter des modalités assez invasives, dont la cryothérapie, l’excision chirurgicale, la chirurgie micrographique de Mohs, la thérapie photodynamique, l’électrocoagulation ou l’électrodessication. Selon la localisation des lésions, ces modalités ne sont pas toujours possibles. Les CSC peuvent être plus infiltrants et générer des métastases, d’où la nécessité d’un traitement chirurgical agressif ou d’une radiothérapie, ou les deux.

L’homologation de l’imiquimod topique à 5 % pour les KA et certains types de CBC a révolutionné le traitement de certaines lésions cutanées. Comme l’explique le Dr Anthony Gaspari, professeur titulaire de dermatologie, University of Maryland, Baltimore, l’imiquimod active les cellules présentatrices d’antigènes, ce qui déclenche la production de cytokines et amplifie les réponses immunes médiées par les lymphocytes T. «Les récepteurs cellulaires de l’imiquimod [...] sont les TLR [toll-like receptors] 7 et 8, poursuit-il, et ces deux récepteurs font partie de la plus grande famille des TLR qui sont essentiels à l’immunité innée et qui en sont venus à déceler de dangereuses infections bactériennes, virales, fongiques et parasitaires.» Comme un certain nombre de types de cellules cutanées expriment des TLR ou des récepteurs à cytokines activés par l’imiquimod, «cet agent exerce des effets directs et indirects à large spectre sur la peau et le système immunitaire cutané connexe», ajoute le Dr Gaspari.

Données corroborantes

Un certain nombre d’études présentées au congrès, dont une sous la direction du Dr Donald Tillman, Great Plains Dermatology, Hays, Kansas, ont montré que ces multiples modes d’action ont des propriétés antitumorales. Dans cette série, 90 patients présentant un CBC confirmé par examen histologique ont d’abord subi un curetage visant à exciser toute trace de tissu tumoral, lequel a été suivi d’une électrodessication principalement à visée hémostatique. «Dix jours après le curetage, une crème d’imiquimod à 5 % a été appliquée à la région traitée une fois par jour, cinq jours par semaine, pendant six semaines», notent les chercheurs. La majorité des CBC traités dans cette série étaient nodulaires (61 %) et mesuraient en moyenne 1,01 cm.

Après un suivi d’une durée moyenne de 48 mois, les chercheurs ont fait état d’un taux de guérison de 96 %. Chez tous les patients, on a observé une réaction quelconque – d’intensité légère à sévère – de la région traitée. Les auteurs ont néanmoins conclu de leur expérience clinique de 48 mois que ce traitement est «une méthode sûre et efficace» pour potentialiser l’efficacité du curetage et de l’électrodessication dans le traitement du CBC.

Les mêmes chercheurs ont aussi rapporté leur expérience dans le traitement des CSC. Comme les CSC se manifestent généralement dans les zones de transition chez les patients qui présentent de multiples KA, la marge optimale peut être floue si le médecin a recours à d’autres modalités pour traiter le CSC. Là encore, tous les CSC ont été traités au moyen d’un curetage, suivi d’une électrodessication, puis de l’application d’une crème d’imiquimod à 5 % 10 jours plus tard, une fois par jour, cinq jours par semaine, pendant six semaines.

Après 48 mois, un taux de guérison de 95 % avait été atteint dans cette série de 99 CSC à faible risque confirmés par biopsie, et tous les patients ont bien toléré la crème, les effets indésirables les plus fréquents ayant été une légère sensation de brûlure et un prurit dans la région traitée.

L’auteure principale d’une autre étude, la Dre Elena Campione, département de dermatologie, Université Tor Vergata de Rome, Italie, a rapporté que la rémission clinique – d’abord obtenue à l’aide de la crème d’imiquimod à 5 % appliquée cinq jours par semaine pendant un maximum de 16 semaines chez des patients présentant un CSC primaire (n=2) ou récidivant (n=1) ou souffrant de la maladie de Bowen (n=2) – s’était maintenue pendant une période pouvant atteindre deux ans après le traitement. «Aucun effet indésirable n’a été signalé, notent les auteurs, et l’imiquimod pourrait être considéré comme un traitement utile chez les patients souffrant d’un CSC qui ne sont pas aptes à subir une intervention chirurgicale.»

Effets immunomodulateurs

En raison de ses effets immunomodulateurs, l’imiquimod à 5 % peut être utile pour des lésions autres que les CPNM, par exemple dans le traitement du lentigo malin, une forme de mélanome in situ dont l’élimination nécessite souvent des marges d’exérèse qui empiètent largement sur la peau saine. «En l’absence de traitement, le lentigo malin pourrait se transformer en mélanome invasif», notent les Drs William Gerstein et A. Kevin Watters, division de dermatologie, CUSM-Hôpital général de Montréal, Québec. Ils avaient déjà fait état de leur expérience chez deux patients dont le lentigo malin avait été traité au moyen de l’imiquimod; cette année, ils ont fait une mise à jour de ces deux cas et ont discuté du cas de trois autres patients qui présentaient un lentigo malin géant ou de grande taille sur la face et le cuir chevelu et qui avaient également été traités au moyen de l’imiquimod.

Tous les patients ont appliqué la crème cinq jours par semaine pendant un maximum de trois mois. Après une première réaction inflammatoire marquée à l’imiquimod, «nous avons observé une longue rémission clinique et histologique chez ces patients, et nous n’observions toujours pas de signe de récidive ni d’infiltration après un suivi à long terme atteignant 62 mois dans certains cas, soulignent les auteurs. Nos données nous permettent de jeter un premier coup d’œil sur l’utilisation d’agents immunostimulants topiques comme solution de rechange à la chirurgie chez les patients porteurs de ce type de néoplasie cutanée essentiellement inopérable.»

Le succès du groupe de Montréal a été répété par une équipe de chercheurs sous la direction de la Dre Emma Craythorne, département de dermatologie, Royal Victoria Infirmary, Newcastle-upon-Tyne, Royaume-Uni, qui a décrit son expérience avec l’imiquimod chez huit patients présentant un lentigo malin de la tête et du cou récidivant ou difficile à traiter. «Les patients avaient reçu l’ordre d’appliquer la crème sur la région pigmentée en excédant d’au moins 1 cm le pourtour de la région pigmentée une fois par jour, cinq jours par semaine, pendant six semaines», explique-t-elle. À la surprise des chercheurs, l’application de la crème a donné lieu à une réponse inflammatoire intense chez sept patients, puis à une résolution clinique de la lésion chez six de ces patients. En effet, l’apparition d’une réponse inflammatoire intense au traitement semble nécessaire, car en son absence, les lésions ne disparaissaient pas. Par contre, à l’arrêt de l’application d’une crème barrière concomitante, la reprise du traitement par l’imiquimod a donné lieu à la résolution clinique de la lésion.

Pendant un suivi d’une durée moyenne de 31,5 mois, aucun des répondeurs n’a eu de récidive clinique, précisent les auteurs. «Notre étude montre que l’imiquimod pourrait être un excellent traitement non chirurgical pour le lentigo malin, surtout chez les patients qui présentent des lésions de taille importante ou récidivantes sur la tête et le cou», concluent-ils, ajoutant qu’une réponse inflammatoire semble être une condition de la réussite du traitement par l’imiquimod.

Comme le fait valoir le Dr Claas Ulrich, Centre des cancers cutanés Charité, Berlin, Allemagne, les greffés d’organes sont exposés à un risque extrêmement élevé de KA et de CSC en raison de leur traitement immunosuppresseur. Lorsque des lésions apparaissent, celles-ci sont souvent plus agressives et deviennent plus invasives en moins de temps que des lésions similaires apparaissant chez des patients dont le système immunitaire est intact. L’efficacité de trois agents topiques, dont la crème d’imiquimod à 5 %, a maintenant fait l’objet d’une évaluation pour la prévention et le traitement des KA, des CBC et des CSC chez les greffés. Les deux autres composés évalués dans le cadre d’études distinctes étaient un écran solaire hautement protecteur en préparation liposomale et le diclofénac à 3% dans un gel d’acide hyaluronique à 2,5 %.

Lorsqu’il a présenté les résultats de l’étude sur l’écran solaire en préparation liposomale, le Dr Ulrich a souligné que l’incidence des KA était nettement moins élevée chez les greffés et qu’aucun CSC infiltrant nouvellement formé n’avait été signalé. Lors de l’étude sur l’imiquimod avec placebo, aucun effet indésirable systémique ou local sévère n’a été observé, et les taux de guérison clinique étaient comparables aux taux de guérison rapportés chez les patients non immunodéprimés. Lors de l’étude sur le diclofénac/acide hyaluronique, aucun effet indésirable systémique n’a été signalé, et les taux d’efficacité avoisinaient les taux obtenus chez les non-greffés. «Dans le contexte de la hausse constante du nombre de patients immunodéprimés – que l’immunodépression soit liée à une maladie ou iatrogène – à l’échelle mondiale, ces résultats nous aideront grandement à relever les défis que nous lancent les cancers de la peau», de conclure le Dr Ulrich.

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