Comptes rendus

Combler le fossé entre les lignes directrices sur le traitement et la pratique
Pharmacogénétique : individualiser le traitement du patient atteint du SIDA

Colite ulcéreuse : stratégies pour assurer l’observance du traitement d’entretien et ainsi réduire le risque de colectomie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 72e Assemblée scientifique annuelle de l’American College of Gastroenterology

Philadelphie, Pennsylvanie / 14-17 octobre 2007

Chez la plupart des patients, la colite ulcéreuse (CU) est légère à modérée au moment de la première consultation, et on envisage alors l’acide 5-aminosalicylique (5-ASA) comme traitement d’induction et d’entretien de première intention. L’objectif du traitement est de faire en sorte que la CU demeure quiescente et de prévenir les poussées ou les rechutes prolongées, qui sont associées à une atteinte progressive du côlon, à un risque accru de complications et à l’obligation de recourir à un traitement plus énergique et généralement moins bien toléré. L’inobservance du traitement pendant les périodes de quiescence de la maladie est considérée comme l’un des principaux facteurs de risque de la rechute et de la progression. Lors d’une discussion sur les stratégies à adopter face aux maladies inflammatoires de l’intestin (MII), des experts ont conclu que la préparation de mésalamine à libération prolongée est un outil important pour vaincre les obstacles à l’observance du traitement.

Favoriser l’observance du traitement

De l’avis du Dr Gary R. Lichtenstein, directeur, Center for Inflammatory Bowel Diseases, Philadelphie, Pennsylvanie, «la mésalamine à une prise par jour vient changer la donne pour les patients souffrant de CU. Nous devons faire notre possible pour nous assurer que le patient demeure fidèle à son traitement. Cette préparation – dont la teneur en 5-ASA est la plus élevée qui soit à ce jour – autorise une posologie monoquotidienne et augmente ainsi les chances de maîtrise soutenue de la maladie.»

Le Dr Lichtenstein – qui participait à une discussion d’experts au congrès et qui est l’auteur principal d’une étude venue à échéance récemment sur l’efficacité à long terme de la mésalamine à libération retardée comme traitement d’entretien – fait valoir que si le 5-ASA est le traitement de première intention standard dans la CU légère à modérée, une méta-analyse de Cochrane réalisée en 2006 donne à penser que les nouvelles préparations de 5-ASA comme la mésalamine sont mieux tolérées que la sulfasalazine. Il estime toutefois que la différence clinique la plus importante entre les préparations orales de 5-ASA pourrait être leur contribution relative à l’observance du traitement. La possibilité d’un traitement à une prise par jour avait jusque-là été exclue à cause de la difficulté à acheminer une quantité suffisante de médicament au côlon. La plus récente préparation utilise un système de libération breveté à matrices multiples appelé MMX qui retarde la libération du traitement administré per os jusqu’à ce qu’il atteigne le côlon. Une fois dans le côlon, la libération du principe actif est graduelle, ce qui facilite son adhésion aux parois du côlon sur toute sa longueur.

«La pellicule résistante qui recouvre le noyau du comprimé retarde la libération initiale de 5-ASA jusqu’à ce que le comprimé soit exposé à un pH de 7 ou plus, ce qui s’observe normalement dans l’iléon terminal, explique le Dr Lichtenstein. Lorsque le noyau et la masse gélatineuse qui l’entoure transitent dans le côlon, on croit que des fragments de masse gélatineuse se détachent peu à peu, libérant ainsi l’ingrédient actif.»

Résultats de nouvelles études de prolongation

En tout, 450 patients ont participé à l’étude de prolongation randomisée sur le traitement d’entretien qui vient de se terminer. Les patients recrutés étaient tous parvenus à une rémission clinique et endoscopique dans le cadre de deux essais de phase III où ils avaient reçu la mésalamine en préparation MMX comme traitement d’induction (Sandborn et al. Aliment Pharmacol Ther 2007;26:205-25). Le but était de déterminer si l’administration une fois par jour d’un comprimé à 2,4 g de 5-ASA était aussi efficace pour assurer le maintien de la rémission sur une période de 12 mois que l’administration deux fois par jour d’un comprimé à 1,2 g. Parmi les patients randomisés, 348 souffraient d’une CU gauche (inflammation du côlon sous l’angle splénique) alors que les 102 autres présentaient une CU étendue (inflammation du côlon transverse et/ou pancolite).

Au terme des 12 mois, chez les patients atteints d’une CU gauche, le taux de rémission se chiffrait à 65,5 % dans le groupe une prise par jour et à 68,4 % dans le groupe deux prises par jour, ce qui représente une différence non significative (p=0,6). Les deux schémas ont été aussi efficaces l’un que l’autre pour maintenir la rémission de la CU étendue (60,4 % vs 68,5 %, respectivement; p=0,4). Ces données viennent confirmer les données colligées des essais sur le traitement d’induction lors desquels on a observé une cicatrisation complète de la muqueuse après huit semaines chez 32 % des patients sous agent actif vs 16 % des patients sous placebo. Les taux de rémission étaient de 37,2 % dans le groupe 2,4 g/jour, de 35,1 % dans le groupe 4,8 g/jour et de 17,5 % dans le groupe placebo (p<0,001 vs l’un ou l’autre schéma actif).

«Le traitement une fois par jour est efficace pour maintenir la rémission de la CU, qu’il s’agisse d’une CU gauche ou étendue», précise le Dr Lichtenstein.

La tolérabilité est l’un des avantages les plus importants du 5-ASA par rapport aux autres traitements de la CU. Le Dr Lichtenstein et d’autres experts qui participaient à un symposium sur les MII recommandent des stratégies qui favorisent l’utilisation de ces médicaments comme traitement d’entretien, même lorsque les premiers symptômes ne permettent pas de les utiliser comme traitement d’induction. Bien qu’il y ait eu consensus sur le fait que l’administration d’immunosuppresseurs comme l’azathioprine et d’agents biologiques comme les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa) ne devrait pas être différée, même en traitement d’induction de première intention dans la CU sévère, on s’accorde à dire qu’une corticothérapie orale pourrait induire une maîtrise suffisante de la CU modérée et ainsi permettre le passage à une préparation orale de 5-ASA en traitement d’entretien.

Cette hypothèse s’est vérifiée dans une deuxième étude de prolongation faisant suite aux essais de phase III sur la mésalamine MMX comme traitement d’induction. Lors de cette étude, 304 patients qui n’étaient pas parvenus à une rémission au cours des huit premières semaines ont reçu pendant huit semaines supplémentaires 4,8 g/jour (2,4 g deux fois par jour). Cette étude regroupait des patients d’abord randomisés dans le groupe placebo et des patients n’ayant pas atteint la rémission sous traitement actif. Au terme des huit semaines supplémentaires, on a observé dans les deux groupes une diminution marquée de l’indice d’activité de la maladie (UC-DAI, pour Ulcerative Colitis Disease Activity Index). Certes, l’étude ne comportait pas de groupe de comparaison, d’enchaîner le Dr Lichtenstein, mais les rémissions ont néanmoins été qualifiées de complètes selon des critères stricts, même chez les patients qui avaient reçu le traitement actif pendant l’essai initial. Ces critères stricts étaient un indice modifié UC-DAI £1, c’est-à-dire un score de 0 pour les rectorragies et la fréquence des selles, un score combiné Physician’s Global Assessment/sigmoïdoscopie £1 et, fait peut-être encore plus important, l’absence de tout signe de friabilité de la muqueuse.

«Chez certains patients, il est possible d’éviter la transition vers un stéroïde ou un immunosuppresseur en poursuivant le traitement par le 5-ASA au-delà de huit semaines», ajoute le Dr Lichtenstein.

Cependant, dans les cas où l’on a besoin d’un immunosuppresseur ou d’un agent biologique pour induire une rémission, il y a consensus sur le fait que le même agent devrait être administré pour maintenir la rémission. Auparavant, si l’on passait du 5-ASA à un immunosuppresseur ou à un anti-TNFa, la conduite usuelle était de mettre fin à l’administration du 5-ASA. Cela dit, de nouvelles données–provenant notamment d’une étude présentée au congrès–indiquent que la mésalamine pourrait protéger contre le cancer colorectal et incitent certains cliniciens à réévaluer cette stratégie.

«Compte tenu de la diminution très marquée de l’incidence du cancer colorectal que l’on a observée chez les patients sous mésalamine, je poursuis le traitement chez un grand nombre de patients à moins qu’une dysplasie soit déjà présente», indique le Dr David T. Rubin, codirecteur, Inflammatory Bowel Disease Center, University of Chicago Medical Center, Illinois. Bien que d’autres données s’imposent pour confirmer la chimioprévention du cancer colorectal, concède-t-il, le bénéfice pourrait être substantiel en l’absence de risque mesurable.

Chimioprévention

Dans le cadre de l’étude la plus récente où l’on a associé mésalamine et chimioprévention, des chercheurs du Henry Ford Hospital, Détroit, Michigan, ont comparé des cas et des témoins. Sous la direction du Dr Jeffrey Tang, l’étude a mis en évidence une réduction absolue de 23,1 % (p=0,23) de l’incidence du cancer colorectal chez les patients sous mésalamine par rapport aux patients qui n’en recevaient pas. Lorsqu’ils ont effectué une analyse de régression logistique conditionnelle, ils ont constaté que l’exposition totale à la mésalamine (³5068 g) était associée à une réduction relative de 89 % du risque de cancer colorectal (OR 0,11; IC à 95 % : 0,01-0,91). Cette protection – qui a été objectivée systématiquement par plusieurs études rétrospectives – est aussi confirmée par des modèles in vitro et expérimentaux, souligne le Dr Rubin. Selon une autre analyse de résultats colligés, l’exposition au 5-ASA a été associée à une réduction de 49 % de l’incidence du cancer colorectal (OR 0,51; IC à 95 % : 0,38-0,69).

Résumé

Chez la majorité des patients, la CU est légère à modérée au moment de la première consultation. De nombreux patients répondent à un schéma initial de 5-ASA, mais l’observance à long terme d’un traitement d’entretien est essentielle pour prévenir les poussées et la progression de la maladie. Un schéma simple est absolument nécessaire chez les patients en rémission qui se sentent bien et qui perdent leur motivation à poursuivre un traitement compliqué ou à continuer de composer avec les effets indésirables du traitement. La mise au point d’une préparation de mésalamine à une prise par jour a d’importantes retombées, non seulement parce que la vie du patient s’en trouve facilitée, mais aussi parce que l’issue à long terme s’en trouve améliorée.

Nota : Au moment où le présent compte rendu a été mis sous presse, la mésalamine en préparation à matrices multiples n’était pas commercialisée au Canada.

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