Comptes rendus

Développements dans le diagnostic et le traitement du rhumatisme psoriasique
Forum des PDG 2008 sur le mieux-être en milieu de travail - Investir dans le mieux-être des employés : une stratégie avisée

Comprendre la variabilité interindividuelle de la réponse et du risque hémorragique pour optimiser le traitement antiplaquettaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

ABSTRACTS in PERSPECTIVE fondée sur des communications présentées aux 81es Séances scientifiques de l’American Heart Association (AHA)

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 9-12 novembre 2008

COMMENTAIRE ÉDITORIAL PAR :

Jean-François Tanguay, MD, FRCPC, FACC, FAHA

Cardiologue d’intervention et chercheur principal, Institut de cardiologie de Montréal, Professeur agrégé de médecine, Université de Montréal, Montréal (Québec)

Le groupe d’étude TIMI (Thrombolysis in Myocardial Infarction) et d’autres investigateurs ont établi, lors de multiples essais cliniques, les bénéfices de l’association antithrombotique AAS-thiénopyridine dans la prévention des événements cardiovasculaires (CV) majeurs chez les patients atteints de maladie CV et les patients traités en cardiologie d’intervention. Au congrès de l’AHA de 2008, des investigateurs du monde entier ont présenté des données témoignant des progrès constants de notre compréhension de l’incidence des différences génétiques sur la réponse aux thiénopyridines comme le clopidogrel et le prasugrel, de même que de l’importance de tenir compte de facteurs individuels, telles les caractéristiques du patient et la variabilité de la réactivité plaquettaire intrinsèque, pour mieux personnaliser les traitements.

Différences génétiques de la réponse

Les investigateurs de l’essai TRITON (Trial to Assess Improvement in Therapeutic Outcomes by Optimizing Platelet Inhibition with Prasugrel)-TIMI 38 ont comparé le clopidogrel et le prasugrel dans la prévention des événements thrombotiques chez des patients ayant subi une intervention coronarienne percutanée (ICP) en dehors d’un contexte d’urgence. Comparativement au clopidogrel, le prasugrel a été associé à une réduction significativement plus marquée du risque de survenue du paramètre d’évaluation principal de l’essai qui regroupait la mortalité d’origine CV, les infarctus du myocarde (IM) non mortels et les AVC non mortels. Par ailleurs, même si le risque hémorragique global était plutôt faible, l’analyse des données d’innocuité a mis en évidence une incidence significativement plus élevée des hémorragies — saignements mineurs et majeurs et événements hémorragiques mettant en jeu le pronostic vital et/ou mortels — dans le groupe prasugrel.

Bien qu’analogues sur le plan chimique, ces deux molécules ont un métabolisme distinct et, selon une étude menée par la Dre Jessica Mega, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts, ces particularités seraient influencées par des différences interindividuelles quant aux gènes codant pour les enzymes du cytochrome P450. Le clopidogrel et le prasugrel sont tous deux transformés en métabolites actifs dans le foie — toutefois, ce processus comporte deux étapes dans le cas du clopidogrel et une seule dans le cas du prasugrel. Après repérage par génotypage des polymorphismes fonctionnels des enzymes du CYP450, les auteurs ont constaté que la présence d’un allèle hypofonctionnel de l’enzyme CYP2C19 majorait le risque de mortalité CV, d’IM ou d’AVC (paramètre d’évaluation principal de l’essai TRITON-TIMI 38) chez plus de 25 % des patients sous clopidogrel. En revanche, les porteurs du même allèle traités par le prasugrel n’étaient pas exposés à un risque accru. D’autre part, on n’a observé aucune association entre des variants génétiques donnés et le risque hémorragique.

Réactivité plaquettaire

Les différences interindividuelles de la réponse aux thiénopyridines étaient l’objet de l’essai randomisé PRINCIPLE (Prasugrel in Comparison to Clopidogrel for Inhibition of Platelet Activation and Aggregation)-TIMI 44, mené chez des patients ayant subi un cathétérisme cardiaque dans le cadre d’une ICP prévue. Après randomisation, les patients ont reçu le prasugrel ou le clopidogrel à une dose d’attaque fixée à 600 mg, comparativement à 300 mg dans l’essai TRITON-TIMI 38.

Le Dr Andrew Frelinger III, University of Massachusetts Medical School, Worcester, et ses collègues ont examiné les effets des thiénopyridines sur l’activation plaquettaire à la fois in vitro et in vivo. Ils ont observé que le prasugrel avait inhibé la formation d’agrégats plaquettes-monocytes et plaquettespolynucléaires neutrophiles circulants et l’expression de la forme soluble du ligand du CD40 à un degré plus important que le clopidogrel, ce qui laisse supposer qu’il offrirait un avantage dans la prévention de la formation de thrombus.

Ayant également utilisé les échantillons de l’essai PRINCIPLETIMI 44 en vue de déterminer si la réactivité plaquettaire intrinsèque à l’adénosine diphosphate (ADP) était prédictive de la réactivité après le traitement par une thiénopyridine, les investigateurs ont obtenu confirmation de cette hypothèse. Dans les deux groupes de traitement, la réactivité plaquettaire à l’ADP avant le traitement était prédictive de la réactivité observée durant le traitement à la dose d’attaque et à la dose d’entretien. La réduction persistante du taux des marqueurs de l’activation plaquettaire in vivo observée 24 heures après l’administration de la dose d’attaque chez les sujets sous prasugrel semble indiquer que cet agent est un inhibiteur puissant de l’activation plaquettaire induite par l’ADP, étape clé de la formation de thrombus.

Voie d’abord artérielle et risque hémorragique

Le choix de la voie d’abord est un autre facteur qui contribue au risque hémorragique dans les suites d’une ICP, d’indiquer le Dr Anthony Dalby, Millpark Hospital, Johannesburg, Afrique du Sud, et ses collègues. Dans une autre analyse des données de l’essai TRITON-TIMI 38, ces chercheurs ont constaté que, comparativement à la voie d’abord radiale, la voie fémorale triplait le risque de saignement majeur ou mineur (critères TIMI) non associé à un pontage coronarien et doublait le risque de saignement nécessitant une transfusion. L’utilisation d’un système de fermeture artérielle n’a pas influé sur les taux de saignements. Dans l’ensemble, ces observations fournissent d’importants renseignements aux cliniciens et portent à croire que l’utilisation de la voie radiale plutôt que fémorale pour l’abord artériel de l’ICP pourrait réduire le risque de complications hémorragiques associé au traitement antiplaquettaire intensif.

Dans une analyse des données de l’essai TRITON-TIMI 38, le Dr Stephen D. Wiviott, Brigham and Women’s Hospital, s’est également intéressé aux différences régionales concernant les taux de saignements et la démarche clinique. Malgré l’existence de différences notables aux chapitres des caractéristiques démographiques, des modalités des interventions et de l’emploi de traitements adjuvants, les résultats sur l’efficacité et l’innocuité sont demeurés homogènes d’une région à l’autre. En particulier, chez les quelque 13 000 patients de cette étude, le prasugrel était systématiquement associé à une réduction plus marquée du risque d’événement ischémique que le clopidogrel. De la même manière, le traitement par le prasugrel était invariablement associé à un risque hémorragique plus important que le clopidogrel.

Facteurs de risque hémorragique

Étant donné la constante association retrouvée entre l’utilisation du prasugrel, antiplaquettaire le plus puissant des deux agents évalués, et le risque hémorragique, les chercheurs ont scruté les données en vue de découvrir des caractéristiques communes aux patients les plus vulnérables. L’analyse des données d’innocuité de l’essai TRITON-TIMI 38 a permis de discerner trois facteurs de risque hémorragique chez les patients soumis à un traitement antiplaquettaire intensif, à savoir : un âge supérieur à 75 ans, un poids corporel inférieur à 60 kg et des antécédents d’AVC ou d’accident ischémique transitoire.

Afin de déterminer la prévalence de ces facteurs de risque en milieu communautaire, la Dre Tracy Wang, Duke Clinical Research Institute, Durham, Caroline du Nord, et ses collègues ont mené une étude à partir de données du registre CRUSADE (Can Rapid Risk Stratification of Unstable Angina Patients Suppress Adverse Outcomes with Early Implementation of the American College of Cardiology/American Heart Association Guidelines). Ce registre s’inscrit dans une initiative nationale américaine dont l’objectif est d’améliorer la qualité du traitement des IM sans sus-décalage du segment ST. L’analyse effectuée par ces chercheurs indique qu’environ le quart des patients victimes d’un syndrome coronarien aigu dans la pratique courante présente au moins un des facteurs précités associés à un risque accru de complications hémorragiques lorsqu’un traitement antiplaquettaire est instauré. Comme on pouvait s’y attendre, le taux de saignements observés de même que le taux de mortalité hospitalière étaient plus élevés chez les sujets à risque élevé que chez les sujets exempts de tels facteurs de risque. Fait intéressant, si le taux de mortalité était bas chez les patients à faible risque, le taux de saignements survenus à l’hôpital enregistré dans ce groupe était cependant plus élevé que le taux signalé dans l’essai TRITON-TIMI 38.

Stratification du risque et autres facteurs

Certains investigateurs soutiennent, à juste titre, que le diabète doit être considéré et traité comme une affection CV étant donné les conséquences CV délétères connues que cette maladie entraîne si elle n’est pas maîtrisée. Comme le montre une étude menée par le Dr Jorge Saucedo et ses collègues, University of Oklahoma et Sinai Center for Thrombosis Research, Baltimore, les effets du diabète semblent s’étendre au traitement antiplaquettaire. Après évaluation des plaquettes des patients admis à l’étude Clear Platelets-2 au moyen d’épreuves d’agrégométrie par transmission lumineuse, ces chercheurs ont constaté que la prévalence accrue de la résistance à l’AAS observée chez les patients diabétiques semble également concerner le clopidogrel employé à la dose d’attaque et à la dose d’entretien. Ces résultats font encore une fois ressortir le besoin de traitements individualisés. Dans le cas présent, on peut penser qu’il serait approprié de traiter les patients diabétiques par des doses plus fortes de clopidogrel ou encore par un antiplaquettaire plus puissant de façon à contrebalancer les niveaux plus élevés de résistance rencontrés chez ces patients.

Une autre étude plaide en faveur de l’utilisation combinée des facteurs pronostiques représentés par la troponine T cardiaque et la résolution du sus-décalage du segment ST pour la stratification du risque dans les cas d’IM avec susdécalage du segment ST (ST+). Chez un effectif de plus de 1200 patients présentant un IM ST+ traité par thrombolyse, un taux de troponine T indétectable au départ et la résolution du sus-décalage du segment ST à 90 minutes étaient tous deux prédictifs d’un risque de mortalité CV à 30 jours significativement plus faible.

Agents à venir

Deux autres études présentées au congrès de l’AHA de 2008 nous ont donné un aperçu de l’avenir du traitement antiplaquettaire. La première menée par le Dr Jose A. Barrabes, Hospital Vall D’Hebron, Barcelone, Espagne, afin d’observer les effets du cangrelor — antagoniste du récepteur P2Y12 encore au stade expérimental — associé à un antagoniste des récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa conforte l’hypothèse selon laquelle le traitement antiplaquettaire précoce peut jouer un rôle crucial dans les IM aigus. Ces travaux montrent que les effets directs de l’association des deux agents sur l’activation plaquettaire peuvent contribuer à préserver la microcirculation et le myocarde.

La seconde étude portait sur le composé expérimental SCH 530348, antagoniste du récepteur PAR-1 de la thrombine. Bien que l’AAS et les thiénopyridines constituent la pierre angulaire du traitement antiplaquettaire au cours de l’ICP, le Dr Madhu Chintala, Kenilworth, New Jersey, a exploré cette autre voie d’activation des plaquettes. Des études in vitro et effectuées chez l’animal ont montré que, à titre d’antagoniste des récepteurs de la thrombine, ce composé agit sur la réponse des cytokines à la thrombine. Sous réserve que son innocuité et son efficacité soient confirmées dans les études chez l’humain prévues prochainement, cet agent, éventuellement utilisé en association avec l’AAS et les thiénopyridines ou d’autres antagonistes du récepteur P2Y<sub>12</sub>, pourrait apporter un bénéfice clinique additionnel.

Nota : Au moment de la mise sous presse, le prasugrel n’était pas commercialisée au Canada.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.