Comptes rendus

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Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Point de vue sur les articles suivants : Arthritis Rheum 2006;54:2665-73. Ann Rheum Dis 2008; publication en ligne avant impression, 24 octobre 2008.

Novembre 2008

Commentaire éditorial :

Dafna D. Gladman, MD, FRCPC

Chercheure principale, Toronto Western Research Institute, Centre for Prognosis Studies in The Rheumatic Diseases, UHN-Toronto Western Hospital

Professeure titulaire de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

PROGRÈS nosologiques : les critÈres CASPAR

Malgré l’expression clinique polymorphe du RP, on en donne souvent la description suivante : «arthropathie inflammatoire associée au psoriasis et habituellement caractérisée par une sérologie rhumatoïde négative» (Semin Arthritis Rheum 1973;3:55-78). Les manifestations caractéristiques sont notamment l’érythème, l’hyperthermie cutanée et la tuméfaction de l’articulation touchée. L’atteinte peut commencer par être asymétrique, puis s’étendre avec le temps à un nombre croissant d’articulations; elle peut intéresser pratiquement toutes les articulations (Skin Therapy Lett 2008; 13:4-8).

Plusieurs systèmes de classification du RP ont été définis et publiés, mais aucun ne s’est imposé. Récemment, le groupe d’étude CASPAR (Classification Criteria for Psoriatic Arthritis) a publié ses travaux sur un nouveau système de critères diagnostiques fondé sur des données prospectives provenant d’une vaste cohorte de patients atteints de RP et d’autres formes d’arthropathie inflammatoire (Arthritis Rheum 2006;54:2665-73).

Pour satisfaire aux critères diagnostiques CASPAR pour le RP, le patient doit présenter une arthropathie inflammatoire (articulations périphériques, rachis ou enthèses) associée à au moins trois des éléments suivants : psoriasis actuel ou antécédents personnels ou familiaux de psoriasis; dystrophie unguéale psoriasique typique avec onycholyse, érosions ponctuées et hyperkératose; négativité des réactions de détection du facteur rhumatoïde, recherché par toute autre méthode que le test au latex; dactylite actuelle, définie comme une tuméfaction globale du doigt («en saucisse»), ou antécédents de dactylite; apposition osseuse juxta-articulaire, présentant sur les radiographies standard des mains ou des pieds l’aspect d’une ossification mal définie à proximité des bords articulaires.

Lorsque les chercheurs du groupe CASPAR ont appliqué leurs critères à la population à l’étude, ils ont constaté une sensibilité de 91,4 % et une spécificité de 98,7 % pour le diagnostic de RP. Ces critères sont simples à utiliser et peuvent s’intégrer aisément à l’évaluation des patients dans la pratique clinique.

Recommandations de traitement

Plus récemment, le GRAPPA (Group for Research and Assessment of Psoriasis and Psoriatic Arthritis) a publié les toutes premières recommandations pour le traitement du RP fondées sur des données probantes (Ann Rheum Dis 2008; publication en ligne avant impression, 24 octobre 2008). Ces recommandations tiennent compte des différentes composantes du RP, à savoir l’arthrite périphérique, l’atteinte axiale, le psoriasis, les onychopathies, les dactylites et les enthésites. Au total, 19 recommandations ont été rédigées, dont 16 recueillaient l’accord de plus de 80 % des membres du GRAPPA.

Les recommandations du GRAPPA s’articulent autour du principe du besoin d’un traitement précoce et énergique. Des données toujours plus nombreuses montrent que les arthropathies inflammatoires, comme le RP et la polyarthrite rhumatoïde (PR), peuvent être destructrices dès les premiers stades de la maladie. Pour prévenir les lésions articulaires et l’incapacité qui en découle, le clinicien doit être vigilant afin de reconnaître et de diagnostiquer la maladie au plus tôt et d’instaurer rapidement un traitement, la tendance étant de privilégier l’utilisation précoce d’une association d’agents de rémission traditionnels et d’agents biologiques, tels les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNFa).

Le GRAPPA a notamment défini des critères de sévérité pour la maladie légère, modérée ou sévère. Des critères de sévérité distincts ont été déterminés pour les composantes arthrite périphérique, manifestations cutanées, manifestations unguéales, atteinte axiale (rachis), enthésites et dactylites. Il est essentiel de déterminer correctement la sévérité de la maladie pour choisir le traitement le plus efficace dans chaque cas particulier. La sévérité de la maladie chez un patient donné est déterminée d’après la composante la plus sévère.

La présence de multiples manifestations du RP chez un même patient peut avoir un retentissement aggravé par un effet de synergie sur l’état de santé physique et la qualité de vie (QdV). On peut mesurer cet impact au moyen de l’évaluation globale du patient, de l’échelle HAQ (Health Assessment Questionnaire) et de certaines échelles spécifiques de la maladie.

Arthrite périphérique et dactylites

Le GRAPPA recommande l’utilisation des critères CASPAR pour le diagnostic de RP. Il suggère en outre la confirmation d’un diagnostic de psoriasis par un dermatologue et celle d’un diagnostic de rhumatisme inflammatoire par un rhumatologue. Cela dit, le groupe fait également observer que «tout professionnel de la santé ayant les compétences pertinentes» peut diagnostiquer l’une ou l’autre affection.

Selon le GRAPPA, les AINS ne sont appropriés que dans les formes légères. Le traitement des formes modérées ou sévères doit faire appel aux agents de rémission traditionnels ou aux anti-TNFa. Les auteurs des recommandations notent l’absence de données probantes à l’appui de l’utilisation d’anti-TNFa avant celle d’agents de rémission traditionnels, en dépit d’un effet thérapeutique beaucoup plus marqué des premiers.

Si, après au moins un essai, la maladie ne répond pas à un agent de rémission traditionnel, on doit passer à un anti-TNFa. Toutefois, en présence de caractéristiques pronostiques défavorables, on peut envisager d’utiliser directement un anti-TNFa sans échec préalable d’un agent de rémission traditionnel.

Les études présentées aux congrès de la Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR) et de l’American College of Rheumatology (ACR) de 2008 reflètent l’intérêt que suscitent actuellement les anti-TNF dans le traitement des arthrites débutantes. Chez les patients atteints de PR, plusieurs études ont montré qu’un traitement initial associant un anti-TNFa et le méthotrexate maîtrisait mieux la maladie que le méthotrexale seul. Par exemple, les données de l’étude hollandaise BeSt (Behandel Strategieën) révèlent que, comparativement aux autres stratégies de traitement, le schéma méthotrexate plus infliximab en traitement initial a été associé à des taux plus élevés de rémission sans traitement et de rémission sans traitement durable (moyenne de 22 mois), et a mieux préservé la capacité fonctionnelle, mesurée par le score HAQ. Cela dit, il n’existe pas de telles données pour le RP.

La dactylite est définie par la tuméfaction uniforme d’un doigt. La tuméfaction est causée par une synovite, une ténosynovite et une enthésite associées à un œdème des tissus mous. Sa prévalence varie, les estimations oscillant entre 16 et 48 % des patients atteints de RP. Toutefois, la présence d’une dactylite aiguë peut être prédictive d’une forme sévère. À l’inverse, une tuméfaction diffuse, non sensible, chronique peut dénoter une moins grande importance clinique. Il arrive qu’une dactylite isolée récurrente soit la seule manifestation clinique du RP. Selon le GRAPPA, le traitement de la dactylite est essentiellement empirique. L’infliximab, dont l’utilisation est étayée par des preuves de niveau A, constitue cependant une exception notable. Les AINS sont recommandés en première intention dans les formes légères, mais il est fréquent qu’on doive rapidement passer aux stéroïdes injectables.

Atteinte axiale et enthésites

Un diagnostic positif requiert la présence d’au moins deux des éléments suivants : dorsalgies inflammatoires; limitation des mouvements du rachis cervical, thoracique ou lombaire dans les plans sagittal et frontal; ou critères radiologiques (syndesmophytes à la radiographie standard; modifications de l’œdème de la moelle osseuse des articulations sacro-iliaques, érosions et pincement de l’interligne articulaire à l’IRM).

Les recommandations de traitement sont dérivées de celles qui s’appliquent à la spondylarthrite ankylosante (SA). Les agents de rémission traditionnels (non biologiques) ne se sont pas avérés efficaces dans les manifestations axiales de la SA. Par extrapolation, ces agents sont considérés comme inappropriés dans les atteintes axiales du RP. Chez les patients atteints d’une forme légère ou modérée, le GRAPPA recommande les AINS, la physiothérapie, les analgésiques et les infiltrations intra-articulaires sacro-iliaques. Étant donné que l’infliximab, l’adalimumab et l’étanercept se sont montrés efficaces dans la SA, les membres du groupe s’accordaient à supposer à ces agents une efficacité similaire dans le RP axial. En fait, les données d’une étude présentée au congrès de l’ACR sont venues étayer cet avis consensuel : l’anti-TNFa expérimental appelé golimumab s’y est révélé actif chez des sujets atteints de RP.

Le diagnostic des enthésites est difficile, et le GRAPPA cite trois méthodes : l’examen clinique, l’échographie Doppler énergie et l’IRM. Plusieurs instruments d’évaluation ont été proposés, mais aucun ne s’est véritablement imposé. L’échelle visuelle analogique pour l’évaluation de la douleur constitue une autre option. Les atteintes d’intensité légère peuvent être traitées par les AINS, la physiothérapie et les corticostéroïdes. Cependant, le groupe recommande les agents de rémission traditionnels dans les enthésites modérément sévères et les anti-TNFa dans les enthésites sévères. Seule la recommandation concernant l’emploi des anti-TNFa est fondée sur des preuves de niveau A.

Manifestations cutanées et unguéales

Le psoriasis d’intensité légère répond habituellement bien au traitement topique. Le GRAPPA définit les formes légères selon les critères suivants : généralement asymptomatique; retentissement minime sur la QdV; traitable localement et sensible aux agents topiques; dans le cas du psoriasis en plaques, atteinte <5 % de la surface corporelle; et absence de déficit fonctionnel et/ou d’invalidité. Les formes modérées ou sévères justifient un traitement adjuvant ou le passage à des agents systémiques.

Le GRAPPA cite des preuves solides à l’appui de ses recommandations pour l’utilisation de multiples agents qui se prêtent au traitement du psoriasis cutané modéré ou sévère. Ces agents sont notamment le méthotrexate, la cyclosporine, les esters de l’acide fumarique, l’éfalizumab et l’infliximab ainsi que les autres anti-TNFa homologués. En deuxième et troisième intention, les traitements étayés par des preuves de niveau A comprennent l’acitrétine, l’alefacept, la sulfasalazine et le léflunomide. Les recommandations à l’égard de l’hydroxyurée et du mycophénolate mofétil ne s’appuient que sur des preuves de niveau C (extrapolation à partir de données d’autres sources).

Pour l’évaluation des manifestations unguéales, on peut utiliser les mêmes critères diagnostiques que pour l’atteinte cutanée. En ce qui concerne le traitement, plusieurs classes d’agents ont une assise factuelle comparable. Parmi les options possibles, mentionnons les rétinoïdes, la PUVA thérapie orale, la cyclosporine et les anti-TNFa. Les preuves de l’efficacité des anti-TNFa dans le traitement des onychopathies se limitent à l’infliximab et à l’alefacept.

Résumé

En raison de son expression clinique, de sa sévérité et de son cours évolutif extrêmement variables, le RP représente un formidable défi pour les cliniciens. La prise de décisions thérapeutiques doit s’appuyer sur une évaluation minutieuse de tous les systèmes ou organes cibles de la maladie, y compris la peau et les ongles. Une inflammation étendue peut avoir de graves répercussions sur la capacité fonctionnelle et la QdV. Les stratégies de traitement décrites dans les recommandations du GRAPPA représentent le premier guide clinique jamais conçu pour le RP. Ces recommandations ont été élaborées avec le concours de rhumatologues et de dermatologues, les deux spécialités contribuant à une prise en charge globale de la maladie et de ses multiples manifestations cliniques. Elles sont l’aboutissement d’un examen attentif de la littérature et d’un processus d’établissement du plus large consensus possible. L’intérêt pour le RP s’est accru ces dernières années, depuis que l’on comprend mieux les mécanismes sous-jacents, que les essais cliniques sont mieux conçus et que des agents biologiques efficaces, dont les anti-TNFa, ont vu le jour. À mesure que l’état des connaissances sur ce processus morbide complexe évolue et que de nouvelles données sont recueillies, les recommandations de traitement pourront être affinées et actualisées.

Tableau 1. Récapitulatif des recommandations thérapeutiques de base


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