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Consensus et débat sur le traitement de la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 1er Congrès mondial des controverses en neurologie

Berlin, Allemagne / 6-9 septembre 2007

La sclérose en plaques (SEP) est un trouble neurologique grave, 80 % des patients passant à la phase progressive de 20 à 25 ans après l’apparition de la maladie. Le traitement précoce sert donc l’intérêt du patient, affirme le Pr Giancarlo Comi, directeur, Centre de SEP, Université Vita-Salute San Raffaele, Milan, Italie, qui lançait ainsi le débat sur le moment optimal pour amorcer le traitement chez les patients souffrant de SEP précoce. «C’est une opinion que de nombreux experts rejetaient au départ, mais qui gagne de plus en plus de terrain à la lumière des nouvelles données publiées», poursuit le Pr Comi. Sur le plan pathologique, il a cité des études montrant que l’atteinte axonale survient très tôt dans l’évolution de la maladie et qu’elle est corrélée avec l’inflammation. Ces lésions sont irréversibles, même si elles demeurent silencieuses pendant des années, c’est-à-dire jusqu’à ce que le système nerveux devienne absolument incapable de compenser la perte.

Dans la SEP rémittente, l’activité inflammatoire ne se limite pas à quelques poussées cliniques; en fait, elle commence généralement avant la survenue de la première poussée, explique le Pr Comi. L’étude clinique AFFIRM (Natalizumab Safety and Efficacy in Relapsing Remitting Multiple Sclerosis) a montré que la diminution de l’inflammation peut ralentir la progression vers l’incapacité, rappelle-t-il. «Les processus qui relèvent du système immunitaire et qui sous-tendent la SEP deviennent plus difficiles à maîtriser lorsque la maladie progresse, prévient le Pr Comi. Les médicaments qui fonctionnent peut-être très tôt dans l’évolution de la maladie pourraient devenir inefficaces aux stades ultérieurs, lorsque la substance grise est déjà gravement compromise.»

Il a cité des données de l’étude BENEFIT (Betaferon in Newly Emerging Multiple Sclerosis For Initial Treatment), celles-ci ayant montré que la SEP était apparue chez 85 % des patients sous placebo (selon les critères de McDonald) en l’espace de deux ans.

Le Pr Comi a aussi attiré l’attention de l’auditoire sur un résultat commun aux trois études cliniques sur les interférons (IFN) dans la SEP, notamment BENEFIT, CHAMPS (Controlled High Risk Avonex Multiple Sclerosis Study) et ETOMS (Early Treatment of MS). Dans ces trois études, souligne-t-il, il est ressorti des résultats obtenus chez les patients qui avaient eu un premier épisode évocateur de la SEP – c’est-à-dire un syndrome clinique isolé – que le traitement par l’IFN bêta pouvait ralentir la progression de la maladie, prolongeant ainsi le délai de progression vers la SEP cliniquement certaine, et réduire l’activité de la maladie à l’IRM.

Syndrome clinique isolé

Par contre, affirme le Dr Aksel Siva, clinique de SEP, département de neurologie, Faculté de médecine Cerrahpasa de l’Université d’Istanbul, Turquie, ce principe ne s’applique pas nécessairement à tous les patients ayant un premier épisode évocateur de la SEP, et ce ne sont pas tous les patients atteints de SEP qui devraient commencer à être traités dès le diagnostic. Pour étayer sa théorie, il a rapporté le cas de l’un de ses patients dont la maladie était peut-être demeurée subclinique pendant des décennies et dont le diagnostic de SEP était finalement tombé à l’âge de 72 ans, après un épisode aigu objectivé à l’IRM. «En pareil cas, si le patient avait commencé à recevoir un traitement médicamenteux 20 ou 30 ans plus tôt, on aurait conclu à l’efficacité du traitement», estime le Dr Siva. L’utilisation croissante de l’examen IRM pourrait aussi mettre en évidence de nombreux cas de SEP subclinique où le traitement pourrait être reporté sans conséquences néfastes, ajoute-t-il.

Le Dr Siva – qui a cité plusieurs études à l’appui de ses dires – estime que pour chaque patient recevant un diagnostic de SEP, il y en a peut-être un ou deux dont la maladie continue de passer inaperçue. Même s’il admet que des études comme BENEFIT, ETOMS et CHAMPS ont montré «avec éloquence» que l’administration d’un agent de fond qui modifie le cours de la maladie retarde de façon notable la progression vers la SEP cliniquement certaine, le Dr Siva affirme qu’il est aussi clair que ce ne sont pas tous les patients dont la maladie progressera et qu’il est important de reconnaître ce sous-groupe. D’ici là, à son avis, il vaut mieux repousser le traitement des patients dont la SEP est précoce jusqu’à ce que l’examen clinique ou les clichés d’imagerie mettent en évidence l’activité de la maladie.

Le Pr Comi reste néanmoins sur ses positions. «Nous avons les outils voulus pour modifier l’évolution de la maladie et nous devons nous en servir, dit-il. Il est nécessaire et urgent de traiter les patients sans délai plutôt que d’attendre l’apparition d’autres signes de la SEP.»

D’autres données à l’appui de ce point de vue ont été présentées par le Dr Xavier Montalban, directeur, Unité de neuro-immunologie clinique, Hôpital universitaire Vall d’Hebron, et professeur titulaire de neurologie, Universidad Autónoma de Barcelona, Espagne, qui a fait état des résultats d’une autre analyse de l’étude BENEFIT réalisée trois ans après le premier épisode clinique. La progression confirmée de l’incapacité mesurée sur l’échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale) est un paramètre que seulement 16 % des patients traités tôt ont atteint, par comparaison à 24 % des patients dont le traitement a été retardé (p=0,0218); 37 % des patients traités immédiatement vs 51 % des patients traités plus tard ont développé une SEP cliniquement certaine, ce qui représente une différence hautement significative (p=0,0011), précise le Dr Montalban.

Débat sur le rôle des anticorps neutralisants

Les controverses discutées au congrès de Berlin ne se limitaient pas au moment idéal pour amorcer le traitement. Un autre débat a porté sur les anticorps neutralisants (AcN) qui peuvent apparaître en présence d’un traitement par IFN, le traitement de choix dans la SEP rémittente.

Le Dr Joel Oger, professeur titulaire de médecine, division de neurologie, University of British Columbia (UBC), Vancouver, estime que la simple présence d’AcN n’est pas une raison suffisante pour mettre fin à un traitement par un IFN.

Il a d’ailleurs cité en exemple sa propre expérience au UBC Hospital. L’amélioration des patients sous IFN était généralement plus marquée lorsque leurs titres d’AcN étaient élevés en début de traitement. Le spécialiste qui traite la SEP sera peut-être déchiré entre les principes de la médecine factuelle et les problèmes que soulèvera le patient assis devant lui, mais au dire du Dr Oger, le médecin ne doit pas modifier le traitement tant que le patient se porte bien. «Si un patient ne semble pas bien aller, il s’impose alors de faire un examen IRM avec gadolinium et de mesurer les AcN avant de décider des mesures à prendre», prévient-il.

Le Dr Per Soelberg Sorensen, Centre de recherche danois sur la SEP, département de neurologie, Hôpitaux universitaires de Copenhague, Danemark, est d’avis contraire. Les AcN peuvent apparaître chez jusqu’à 40 % des patients qui reçoivent un IFN bêta. La fréquence et les titres des AcN dépendent de la dose de la préparation administrée, de la fréquence d’administration et de la voie d’administration de l’IFN bêta, explique-t-il. «Les patients dont les titres d’AcN demeurent toujours élevés doivent changer de classe thérapeutique afin d’être mieux protégés contre l’activité délétère de la SEP», comme on le recommande dans les lignes directrices adoptées par la plupart des pays européens, souligne le Dr Sorensen. Étant donné l’évolution imprévisible de la SEP, il estime que le traitement devrait aussi être modifié chez les patients dont la maladie semble stable.

Le point de vue du Dr Oger coïncidait avec les résultats présentés dans la communication par affiche du Dr Hans-Peter Hartung, professeur titulaire et directeur, département de neurologie, Hôpital universitaire de Düsseldorf, Allemagne, et de ses collaborateurs. Ces chercheurs ont rapporté les résultats de l’analyse à trois ans prévue au protocole quant à la fréquence et aux effets des AcN chez les sujets de l’étude BENEFIT qui avaient été randomisés dans le groupe IFN bêta-1b dès le départ. Dans cette étude, la séropositivité (c.-à-d., au moins 1:20 NU/mL selon le dosage MxA [myxovirus protein A]) n’a pas nui à l’efficacité du traitement, en ce sens qu’elle n’a pas empêché le traitement de retarder la progression vers une SEP cliniquement certaine. Si 31,8 % des patients à qui on avait offert un traitement précoce présentaient des AcN, la séronégativité a été établie avant la troisième année chez près de la moitié de ces patients. Les chercheurs ont donc conclu que «la présence d’AcN n’est pas un facteur déterminant dans la décision thérapeutique que l’on doit prendre chez le patient qui a eu un premier épisode neurologique évocateur de la SEP».

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