Comptes rendus

London Health Sciences Centre
Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa

De récents développements annoncent de nouvelles recommandations pour la prise en charge des infections à C. difficile

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 23e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie (ECCMID)

Berlin, Allemagne / 27-30 avril 2013

Berlin - D’importantes initiatives sont en cours pour stopper la morbi-mortalité découlant d’une hausse persistante de l’incidence des infections à Clostridium difficile (ICD). Maintenant que l’on comprend mieux les facteurs de risque et que l’arsenal d’options de traitement s’élargit, un comité a été convoqué durant le congrès pour formuler de nouvelles recommandations, dont la publication est attendue avant la fin de 2013. Ces recommandations incorporeront probablement un grand nombre d’initiatives visant à maîtriser les ICD dont il a été question dans une série de symposiums et d’allocutions du congrès, notamment des stratégies de traitement qui permettent non seulement une guérison clinique, mais qui réduisent au minimum le risque de récurrence, de même que des stratégies plus énergiques et plus vastes de lutte contre l’infection.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

De nouvelles données européennes présentées au congrès ont révélé que les taux d’ICD avaient augmenté de 50 % (6,6 vs 4,1 pour 10 000 jours-lits) depuis 2008. Aux États-Unis, le taux d’ICD chez les patients de ≥65 ans hospitalisés a augmenté de 200 % sur une période récente de 10 ans (MMWR 2011;60:1171). Au Canada, les données du Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales ont objectivé une hausse similaire de l’incidence des ICD dans les hôpitaux participants. En raison de ces données et d’autres données, on multiplie maintenant les efforts de lutte contre les ICD.

«Nous analysons maintenant chaque épisode de diarrhée», souligne le Dr Thomas Louie, professeur titulaire de microbiologie, d’immunologie et d’infectiologie, University of Calgary, Alberta. Faisant référence à une pratique standard dans la plupart des hôpitaux du Canada, le Dr Louie a affirmé que la détection et la guérison rapides étaient essentielles à la lutte contre l’infection. De telles pratiques ont déjà cours en Europe, mais les Européens semblent moins avancés que nous. L’étude EUCLID (European multicentre prospective biannual point prevalence study of Clostridium difficile infection in hospitalized patients with diarrhea) publiée récemment a révélé que seulement 10,6 % des hôpitaux analysaient tous les épisodes de diarrhée des patients hospitalisés.

L’analyse des épisodes de diarrhée est particulièrement importante dans les cas d’ICD, parce qu’une détection et un traitement précoces diminuent la production de toxines et de spores, deux facteurs critiques dans le cercle vicieux des ICD récurrentes. Même lorsque le traitement d’une ICD réussit, les spores – qui peuvent survivre des mois durant en l’absence de décontamination adéquate – peuvent accroître le risque de récurrence et donner lieu à des éclosions.

Prévention de la récurrence

On a insisté au congrès sur l’importance de prévenir la récurrence et non seulement de traiter l’infection. Bien que l’on puisse facilement obtenir une guérison clinique des infections légères avec du métronidazole et des infections sévères ou récurrentes avec de la vancomycine, on observe une récurrence chez jusqu’à 25 % des patients dans un délai de 3 mois, et le pourcentage est plus élevé dans les cas les plus graves. Deux options semblent diminuer le taux de récurrence. Dans l’essai qui a mené à son homologation pour le traitement des ICD, la fidaxomicine avait comme principal avantage par rapport à la vancomycine un taux de récurrence significativement plus faible. Plus récemment, une étude sur des transplants fécaux a objectivé une protection similaire contre la récurrence.

Par rapport à la vancomycine, «la fidaxomicine offre plusieurs avantages, y compris une perturbation moindre de la microflore intestinale et une activité prolongée», précise le Dr John Coia, Royal Infirmary, Glasgow, Royaume-Uni. Dans les deux essais multinationaux de plan similaire qui ont mené à son homologation, dont l’essai dirigé par le Dr Louie (N Engl J Med 2011;364:422-31), la fidaxomicine s’est révélée non inférieure à la vancomycine quant au taux de guérison clinique, mais les taux de récidive qui lui étaient associés étaient plus faibles. Dans cet essai, qui regroupait notamment des centres du Canada, le taux de récurrence est passé de 25,3 % à 15,4 % (p=0,005) selon l’analyse en intention de traiter et de 24 % à 13,3 % (p=0,004) selon l’analyse per protocol en faveur de la fidaxomicine.

Des résultats semblables ont été rapportés dans l’essai multinational subséquent de plan similaire qui s’est déroulé principalement en Europe (Cornley et al. Lancet Infect Dis 2012;12:281-9). Le taux de réponse globale, paramètre qui englobe l’absence de récurrence, était significativement plus élevé sous fidaxomicine dans les deux essais.

Le point sur un nouvel antimicrobien

De nouvelles données in vitro présentées au congrès ont permis de faire le point sur l’avantage relatif de la fidaxomicine lors des essais cliniques. Dans un modèle d’intestin humain, des chercheurs ont constaté que la fidaxomicine adhérait aux spores et persistaient dans le biofilm intestinal pendant plus de 2 semaines. Dans une étude dirigée par la Dre Caroline H. Chilton, University of Leeds, Royaume-Uni, l’aptitude de la fidaxomicine à adhérer aux spores – caractéristique qui permet de prévenir la croissance subséquente de C. difficile – a été constante dans tous les ribotypes évalués, y compris le 027 qui est considéré comme l’un des plus virulents.

«Dans une série antérieure d’études reposant sur le même modèle, nous avons observé que l’activité de la fidaxomicine se maintenait beaucoup plus longtemps que celle de la vancomycine. La plupart du temps, les spores de C. difficile étaient indétectables, ce qui n’a pas été le cas pour la vancomycine», précise la Dre Chilton. Cette étude plus récente sur l’adhérence des spores semble expliquer les observations précédentes et «pourraient expliquer en grande partie l’efficacité supérieure de la fidaxomicine par rapport à celle de la vancomycine pour la prévention de la recrudescence d’une ICD.»

Des études menées indépendamment par la University of Nottingham au Royaume-Uni ont objectivé une protection similaire contre la germination, la croissance et la sporulation de C. difficile. Dans une étude menée par la Dre Daniela Heeg, Centre for Biomolecular Sciences, la fidaxomicine a pu inhiber la croissance in vitro de C. difficile à une concentration minimale inhibitrice (CMI) de seulement 0,01 μg. Là encore, la fidaxomicine a inhibé la croissance de toutes les souches, y compris la 027.

«Nous avons observé que même des concentrations inférieures à la CMI nuisaient à la formation de spores, poursuit la Dre Heeg. L’incapacité des spores à retourner à un état de croissance cellulaire en présence de fidaxomicine pourrait expliquer le risque moindre de récurrence chez les sujets recevant ce traitement, comparativement à ceux qui reçoivent de la vancomycine.»

Transplantation fécale

La transplantation fécale est encore en développement. Selon de récentes recommandations, la transplantation fécale est généralement envisagée en cas d’échec de toutes les autres options; l’évaluation de son efficience et l’exploration de son potentiel thérapeutique sont justifiées (http://www.hpa.org.uk/webc/HPAwebFile/HPAweb_C/1317138914904).

Une étude récente a montré que la transplantation fécale était supérieure à la vancomycine pour protéger contre la récurrence (van Nood et al. N Engl J Med 2013;368:407-15). La différence d’efficacité entre les groupes quant à la résolution de l’ICD (83 % vs 31 % pour la vancomycine seule et 23 % pour la vancomycine associée au lavage de l’intestin; p<0,001 pour les deux comparaisons) était tellement marquée qu’on a mis fin à l’étude au moment de l’analyse intermédiaire. Bien que l’avantage de la transplantation fécale dans les ICD ait été objectivé dès 1958, le Dr Coia croit que cet essai avec randomisation attirera davantage l’attention sur cette option.

«La transplantation fécale ne convient pas à une proportion substantielle de patients, notamment les sujets immunodéprimés ou sous antibiothérapie pour une autre raison, mais elle est efficace, note le Dr Coia. Je pense que l’acceptation par les patients sera le principal problème, mais pour ceux qui souffrent de récurrences fréquentes, n’importe quelle option pourrait être acceptable.»

Vecteurs de transmission

L’amélioration du traitement est une façon de diminuer la morbi-mortalité associée aux ICD, mais de meilleures stratégies de lutte contre l’infection s’imposent tout de même et pourraient dépendre d’une meilleure compréhension des vecteurs de transmission. La récurrence d’éclosions survenant dans des établissements où des mesures strictes de lutte contre l’infection sont en vigueur souligne la nécessité d’une meilleure compréhension de la transmission des ICD.

À en juger par de nouvelles données sur la transmission présentées au congrès, les porteurs asymptomatiques pourraient être partiellement en cause. Dans une étude présentée par le Dr Prameet Sheth, Mount Sinai Hospital, Toronto, Ontario, on a effectué aux fins de culture de C. difficile 1549 écouvillonnages rectaux chez 474 patients hospitalisés. Parmi ces écouvillonnages, 50 (10,6 %) se sont révélés positifs pour C. difficile par PCR. Parmi les patients dont un écouvillonnage rectal était positif pour C. difficile, près de la moitié étaient colonisés au moment de leur hospitalisation.

Parmi les 29 échantillons caractérisés à l’aide de l’analyse multilocus du polymorphisme des séquences répétées en tandem (MLVA), 21 (72 %) pouvaient contenir des souches toxigènes de C. difficile. Fait peut-être encore plus important, 15 % des échantillons positifs pour C. difficile appartiennent à des patients qui semblent avoir été colonisés à partir d’un porteur asymptomatique. Ayant démontré qu’au moins une partie des infections transmises en milieu hospitalier proviennent de patients ne présentant aucun symptôme, le Dr Sheth indique que ces résultats – qui doivent encore être vérifiés – auront des retombées sur l’élaboration de nouvelles stratégies visant à renforcer la lutte contre les infections.

L’épidémie d’ICD ne disparaîtra pas de sitôt. Citant des données montrant que le risque d’ICD est plus élevé en présence de maladies du vieillissement, y compris l’insuffisance rénale chronique, le Dr Louie estime que «la génération des babyboomers viendra augmenter le nombre de cas» malgré quelques avancées du traitement et une lutte plus énergique contre les infections. Ces tendances obligent les établissements à élaborer des protocoles leur permettant de déceler les cas sans délai, de prévenir la transmission et d’abaisser les taux de récurrence.

Conclusion

De nouvelles stratégies thérapeutiques visant à réduire le risque de récurrence doivent absolument se greffer aux vastes initiatives visant à enrayer la morbi-mortalité croissante associée aux ICD. La population étant vieillissante, on s’attend à ce que l’incidence des ICD continue d’augmenter même si les efforts visant à détecter et à traiter les ICD sans délai sont couronnés de succès. Il semble probable que les progrès récents influeront sur les recommandations en préparation, mais nous devons repérer des stratégies factuelles efficaces pour atténuer la récurrence si nous aspirons à alléger le fardeau de cette maladie.  

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