Comptes rendus

Syndrome clinique isolé : maximiser les bienfaits du traitement de la SEP
Réévaluer le risque relatif d’effets indésirables associé aux antirétroviraux : nouvelles données d’essais cliniques

Des horizons nouveaux dans la prise en charge de la schizophrénie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 19e Congrès du European College of Neuropsychopharmacology (ECNP)

Paris, France / 16-20 septembre 2006

L’avènement d’antipsychotiques plus efficaces a élargi les critères de réussite dans le traitement de la schizophrénie. Ils englobent désormais l’amélioration des symptômes tant positifs que négatifs, de la tolérabilité et du fonctionnement, la rémission soutenue et l’amélioration subjective du bien-être et de la qualité de vie. «L’évolution la plus importante de la dernière décennie est la prise en compte du point de vue du patient. Il était grand temps qu’on s’intéresse au bien-être subjectif, souvent malmené par les antipsychotiques traditionnels et largement négligé [jusqu’à l’arrivée des agents atypiques]», affirme le Dr Dieter Naber, département de psychiatrie et de psychothérapie, Université de Hambourg, Allemagne.

Nous disposons maintenant de plusieurs instruments pour l’évaluation subjective du bien-être et de la qualité de vie, notamment le questionnaire SF-36, le questionnaire de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la qualité de vie et divers autres outils spécifiques, tels que l’échelle NDS (Neuroleptic Dysphoria Scale), l’échelle d’évaluation de la qualité de vie et l’indice DRI (Drug Response Index). Le Dr Naber souligne avec insistance qu’il faut tenir compte du point de vue du patient, car il est pertinent sur le plan clinique.

Le bien-être et la qualité de vie subjectifs sont en corrélation avec les symptômes dépressifs et, dans une moindre mesure, négatifs, soutient le Dr Naber. Mais surtout, ces deux paramètres sont étroitement liés à l’observance. Le médecin a présenté les conclusions de l’étude SOHO (Schizophrenia Outpatient Health Outcomes), étude d’observation prospective d’une durée de trois ans. Le facteur prédictif le plus sûr d’une rémission complète de deux ans était la prise précoce d’antipsychotiques efficaces, plus précisément la mise en route d’un traitement de premier recours dynamique visant l’obtention d’une rémission au début du processus morbide. Les chercheurs ont montré qu’une rémission complète était 2,6 fois plus susceptible de s’installer si on prescrivait des antipsychotiques atypiques plutôt que traditionnels.

Faute d’amélioration subjective du bien-être, insiste le Dr Naber, il est peu probable qu’on obtienne une réponse. Tous les antipsychotiques provoquent des effets indésirables, les plus incommodants étant, selon les études, les symptômes extrapyramidaux (SEP). Les effets indésirables sexuels, le gain de poids et la somnolence déplaisent également. «Chacun réagit différemment aux effets secondaires; les manifestations désagréables pour l’un ne seront pas du tout incommodantes pour l’autre», de noter le médecin.

Variabilité des facteurs liés au patient

La satisfaction à l’égard du traitement antipsychotique ainsi que la réponse à ce dernier et ses résultats varient suivant le patient. Les particularités pharmacologiques influent également sur la réponse. En effet, les antipsychotiques ne se lient pas tous aux mêmes récepteurs et ne sont pas tous libérés de la même manière, comme l’expose le Dr Luca Pani, Institut des technologies biomédicales, Milan, Italie.

À l’aide du modèle mathématique de l’analyse typologique, on souhaite repérer des facteurs homogènes au sein d’une population hétérogène, par exemple des personnes atteintes de schizophrénie. Dans une tentative d’appariement des caractéristiques cliniques et pharmacologiques, on s’est intéressé aux schémas posologiques, aux facteurs prédictifs des résultats neurologiques et aux altérations morphologiques associées à la progression de la maladie, explique le Dr Pani.

En modifiant les propriétés pharmacocinétiques, on peut agir sur l’interaction avec les récepteurs et sur le profil de liaison des antipsychotiques, ce qui se répercutera sur la réponse au traitement et sur les résultats de celui-ci. Fort de cette constatation, on s’est attaché à concevoir des antipsychotiques à libération prolongée et à longue durée d’action afin de réduire l’écart entre les concentrations maximales et minimales, et de parvenir à une occupation plus constante des récepteurs. Une concentration plasmatique soutenue située dans une marge qui assure le maintien de l’effet thérapeutique moyennant une incidence réduite d’effets indésirables pourrait améliorer les résultats et favoriser l’adhésion au traitement, d’avancer le Dr Pani.

La palipéridone, antipsychotique atypique, est libérée sur une période de 24 heures grâce à la technique de libération prolongée OROS, ce qui assure, dans la marge thérapeutique, une occupation soutenue des récepteurs dopaminergiques de type 2 (D2). Comme l’a noté le Dr Pani, une occupation de >65 % et de <80 % des récepteurs D2 s’impose pour l’obtention d’un effet antipsychotique moyennant une faible incidence de SEP.

Des études précliniques ont révélé que l’écart entre les concentrations maximales et minimales et les concentrations plasmatiques moyennes d’un même composé variaient selon la forme galénique. En effet, en comparant la rispéridone injectable à longue durée d’action à la rispéridone orale, ainsi que la palipéridone à libération immédiate et à libération prolongée, on a observé des différences pharmacocinétiques à l’avantage des nouveaux modes de libération. «On se tourne de plus en plus vers la libération prolongée pour accroître la disponibilité de la substance et favoriser l’observance du traitement», fait remarquer le Dr Pani.

Optimisation de l’efficacité thérapeutique

Selon le Dr Samuel Keith, directeur, département de psychiatrie, University of New Mexico, Albuquerque, le traitement antipsychotique d’entretien s’impose pour optimiser les résultats chez le patient schizophrène, mais l’inobservance est monnaie courante. On a montré, dans cinq essais comparatifs avec randomisation, qu’un traitement intermittent (le patient prend ses médicaments les jours où il ne se sent pas bien) double le risque de rechute. Une interruption de traitement de un à 10 jours au cours d’une année augmente le risque de rechute, d’ajouter le Dr Keith.

Parmi les facteurs liés au patient qui nuisent à l’observance, on compte les troubles cognitifs et la conscience défaillante de son état, les affections concomitantes et les éventuelles interactions médicamenteuses. Quant aux facteurs liés aux médicaments, ce sont le manque d’efficacité, les effets indésirables et la complexité de la posologie. Le risque d’adhésion partielle au traitement est particulièrement élevé lors du premier épisode, prévient le Dr Keith, car, aux prises avec des symptômes sévères, le patient n’est pas pleinement conscient de son état. Particulièrement sensible aux effets indésirables, il cesse de prendre ses médicaments. «Les effets indésirables font obstacle à la discipline thérapeutique», note le médecin.

La vaste étude d’observation CATIE (Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness), menée dans un contexte réel, a montré qu’une forte proportion des patients schizophrènes cessaient de prendre leurs médicaments au cours de la première année de traitement. Les nouvelles formes galéniques des agents atypiques – composés injectables à longue durée d’action et comprimés à libération prolongée – pourraient contrer ce problème. Les formes injectables à longue durée d’action éliminent la prise quotidienne d’un médicament et permettent une surveillance rigoureuse de la discipline thérapeutique. Les formes à libération prolongée offrent pour leur part une prise uniquotidienne, et l’écart entre les concentrations maximales et minimales varie peu sur une période de 24 heures, d’où un risque moindre d’effets indésirables. En outre, précise le Dr Keith, la palipéridone n’est pas l’objet d’un métabolisme hépatique intense et est donc peu susceptible d’entraîner des interactions médicamenteuses.

La Dre Michelle Kramer, Titusville, New Jersey, a présenté les résultats d’un essai avec placebo sur la palipéridone à libération prolongée mené chez 205 patients ayant subi un épisode aigu de schizophrénie stabilisé par un traitement actif en mode ouvert. Commençait ensuite la phase à double insu, pour laquelle les sujets ont été répartis au hasard. Au moment de l’analyse provisoire, soit après 43 jours, on a constaté que le traitement actif était plus efficace que le placebo, tant et si bien qu’on a mis fin à l’étude. Ainsi, le taux de rechute s’est établi à 22 % dans le groupe libération prolongée et à 52 % dans le groupe placebo. On a observé une rechute chez 25 % des sujets du groupe après 23 jours dans le groupe placebo et 68 jours dans le groupe sous traitement actif. L’antipsychotique atypique a généralement été bien toléré, puisqu’on a signalé l’apparition d’effets indésirables pendant le traitement chez 40 % des sujets sous traitement actif et 35 % des sujets du groupe placebo. «L’état du patient inobservant ne s’améliorera pas. Nous devons resserrer la discipline thérapeutique et offrir aux patients l’innocuité et la tolérabilité auxquelles ils sont en droit de s’attendre», de conclure le Dr Keith.

Rémission fonctionnelle

Selon des critères établis en 2005 (Andreasen et al. Am J Psychiatry 2005;162[3]:441-9), une rémission de six mois peut être raisonnablement envisagée chez un patient schizophrène. Le Dr Philip Gorwood, service de psychiatrie, Hôpital Louis-Mourier et INSERM U675, Paris, France, explique que la rémission n’est plus le seul et unique objectif des spécialistes, qui aspirent également au rétablissement des facultés cognitives et fonctionnelles.

Le Dr Gorwood souligne qu’un traitement inefficace est associé à une hypertrophie ventriculaire chez les personnes schizophrènes, ajoutant qu’un traitement antipsychotique précoce peut amener des résultats plus probants et favoriser la rémission ainsi que le recouvrement des facultés. Le rétablissement fonctionnel constitue un paramètre d’évaluation important dans la schizophrénie, et ce, tant du point de vue du patient que sur le plan sociétal. Or, les outils actuels, par exemple les échelles GAF (Global Assessment of Functioning) et SOFAS (Social and Occupational Functional Assessment Scale), présentent des lacunes. C’est pourquoi le Dr Gorwood et ses collègues ont élaboré une autre échelle nommée PSP (Personal and Social Performance), qui devrait combler certaines lacunes des anciens instruments et présenter une utilité clinique. Selon le Dr Gorwood, l’échelle PSP est plus facile à utiliser et plus précise que les autres outils; on prévoit la soumettre à une étude de faisabilité.

Résumé

Les antipsychotiques atypiques ont fait naître des objectifs de traitement plus ambitieux dans la schizophrénie. La rémission est dorénavant une visée réaliste, mais tributaire de l’observance. La réponse au traitement et l’observance sont fonction tant du patient lui-même que de facteurs pharmacologiques. Les nouvelles formes galéniques des agents atypiques, soit les molécules injectables à longue durée d’action et les composés à libération prolongée, pourraient améliorer la libération du principe actif et l’observance.

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