Comptes rendus

Des horizons nouveaux dans la prise en charge de la schizophrénie
Le rôle de la pharmacogénétique dans la prise en charge de l’infection à VIH

Réévaluer le risque relatif d’effets indésirables associé aux antirétroviraux : nouvelles données d’essais cliniques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 13e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes

Denver, Colorado / 5-8 février 2006

Au chapitre de l’innocuité, deux des rapports présentés au congrès qui auront le plus d’influence émanaient de l’étude d’observation D:A:D, qui regroupe plus de 23 400 patients infectés par le VIH participant à 11 études de cohorte européennes. L’une des présentations portait sur le risque cardiovasculaire (CV) associé à l’exposition aux inhibiteurs de la protéase (IP) ou aux inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), tandis que l’autre évaluait le risque de mortalité par maladie hépatique chez les patients exposés à n’importe quelle association d’antirétroviraux.

Résultats de D:A:D

Les données de la première étude ont renforcé des données existantes montrant qu’une exposition accrue aux IP augmente le risque d’infarctus du myocarde (IM). «Nous avons observé un lien linéaire entre l’exposition aux IP et le risque d’IM une fois ajustées les données en fonction de l’âge, des antécédents de maladie CV, des antécédents familiaux, du tabagisme et de l’indice de masse corporelle», affirme la Dre Nina Friis Møller, programme de Copenhague sur le VIH, Hôpital universitaire de Hvidovre, Copenhague, Danemark. Après ajustements, le taux de risque était de 1,16 (IC à 95 %, 1,10-1,23; p=0,0001) par année d’exposition.

Dans cette même étude, en revanche, l’exposition aux INNTI – actuellement de 94 469 années-personnes – n’a pas augmenté le risque d’IM significativement. Bien que, sous INNTI, le taux de risque d’un IM ait été de 1,05 après ajustement, l’intervalle de confiance étendu (IC à 95 %, 0,98-1,13; p=0,017) a rendu les résultats non significatifs. De plus, il n’y avait aucun lien linéaire évident entre la durée de l’exposition aux INNTI et l’augmentation du risque d’IM.

Lors de l’étude qui évaluait le risque de mortalité par maladie hépatique d’après les données de D:A:D, on n’a observé aucun lien marqué avec l’exposition aux associations d’antirétroviraux. Selon la présentation du Dr Rainer Weber, Hôpital universitaire, Zurich, Suisse, l’analyse portait sur 76 893 années-personnes. Les facteurs prédictifs indépendants de la mortalité par maladie hépatique étaient un faible nombre initial de cellules CD4+, un âge avancé, la consommation de drogues injectables et la présence d’une hépatite évolutive. Cependant, l’analyse – qui évaluait les traitements antirétroviraux sur une période d’au plus sept ans – n’a pas fait ressortir d’augmentation du risque sous l’effet des antirétroviraux.

Complications rénales

Dans une étude épidémiologique similaire réalisée à partir des dossiers médicaux de 11 362 patients infectés par le VIH, l’exposition au ténofovir (TDF), un inhibiteur nucléotidique de la transcriptase inverse (INtTI), a été associée à une augmentation significative du risque d’atteinte rénale (AR) légère ou modérée. Le risque relatif approché d’AR chez les patients qui recevaient le schéma à base de TDF a été établi à 1,6 (IC à 95 %, 1,5-1,8), par rapport à ceux qui ne le recevaient pas, après prise en compte d’autres facteurs importants reconnus pour affecter la fonction rénale. Ce risque doit être envisagé chez les patients recevant l’INtTI.

De l’avis du Dr James Heffelfinger, Centers for Disease Control (CDC), Atlanta, Géorgie, «les médecins doivent surveiller les patients qui reçoivent le TDF et se rappeler que l’AR légère ou modérée peut être iatrogène. D’autres recherches s’imposent pour déterminer si, en présence d’une AR légère ou modérée, le passage du TDF à un autre antirétroviral peut freiner la progression vers une insuffisance rénale sévère et prolonger la survie à long terme.» Une autre analyse de données portant sur 10 343 patients exposés au TDF a révélé qu’une insuffisance rénale était survenue chez seulement 0,3 % des patients en quatre ans. Les chercheurs sous la direction du Dr Mark Nelson, Chelsea and Westminster Hospital, Londres, Royaume-Uni, en ont conclu que le TDF est bien toléré et qu’il entraîne des effets indésirables à une fréquence comparable à la fréquence observée lors des premiers essais cliniques. Cependant, deux essais prospectifs ont corroboré les inquiétudes soulevées par les données des CDC. Dans un cas, 17 % des 222 patients ayant une fonction rénale normale qui ont commencé à recevoir le TDF présentaient une AR après un an. Les auteurs de l’étude, sous la direction de la Dre Jodie Guest, Atlanta Veterans Affairs Medical Center, ont rapporté que l’insuffisance rénale «semble être un effet toxique cumulatif, l’insuffisance rénale étant apparue après six mois chez plus de la moitié des patients [ayant présenté une insuffisance rénale sous TDF]». Le taux de néphrotoxicité était plus élevé que les taux rapportés au préalable.

Stratégies d’association

Lors d’une autre analyse, de nouvelles données ont été tirées d’un essai réalisé chez des patients dont le schéma antirétroviral en cours était en échec et qui, après randomisation, ont reçu l’un ou l’autre schéma amprénavir/ritonavir plus l’éfavirenz, l’abacavir (ABC, un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse [INTI]) et un autre INTI s’ils n’avaient jamais reçu d’INNTI ou encore, le même schéma dans lequel l’éfavirenz était remplacé par le TDF s’ils avaient déjà reçu un INNTI. Bien que le débit de filtration glomérulaire (DFG) médian ait été similaire dans les deux groupes au départ, on a observé un déclin plus marqué au fil du temps dans le groupe TDF.

«En 48 semaines, on a observé un déclin significatif du DFG médian dans le groupe TDF, mais pas dans le groupe éfavirenz. L’utilisation du TDF était le seul facteur prédictif du déclin du DFG selon une analyse de régression multiple», souligne la Dre Melanie Thompson, AIDS Research Consortium of Atlanta.

L’innocuité était aussi l’objectif de l’une des premières études randomisées et bien contrôlées à comparer différentes stratégies de traitement antirétroviral hautement actif (HAART) en Afrique. Lors de cette étude multicentrique, 429 patients, dont 72 % de femmes, ont reçu aléatoirement la névirapine, un INNTI, ou l’ABC, un INTI. Les deux agents ont été combinés avec la lamivudine et la zidovudine, lesquelles étaient administrées en un comprimé unique. Les résultats de l’étude sur le plan de l’efficacité ne sont pas encore publiés, mais seront suivis de près. Cela dit, les données d’innocuité à 24 semaines – qui ont été présentées à la séance des nouvelles de dernière heure – ont démontré que l’ABC était sensiblement mieux toléré que l’INNTI.

«Le paramètre principal de l’analyse était les effets indésirables graves. Le taux total d’abandon du traitement se chiffrait à 4,7 % dans le groupe ABC vs 10 % dans le groupe névirapine, différence qui est statistiquement significative [p=0,01]», précise la Dre Paula Munderi, Medical Research Council, Uganda Research Unit on AIDS, Entebbe. Bien que diverses raisons aient motivé les abandons, dont la grossesse et le retrait du consentement, la plus grande différence était les effets indésirables graves, qui ont été signalés chez 2 % des patients randomisés dans le groupe ABC vs 4,7 % des patients randomisés dans le groupe névirapine, ce qui correspond à une forte tendance ayant presque atteint le seuil de signification statistique (p=0,06).

«L’incidence des réactions d’hypersensibilité à l’ABC n’était que de 2 % dans la population de l’étude, ce qui est plus faible que les taux rapportés précédemment. Globalement, on a observé un chevauchement considérable des types de toxicité entre les groupes ABC et névirapine», affirme la Dre Munderi.

L’ABC n’entraîne pas une bonne partie des effets indésirables les plus inquiétants des autres INTI, comme la toxicité mitochondriale. C’est ce qui explique qu’il soit si utilisé en première intention. En outre, les patients qui manifestent une résistance à l’ABC continuent de répondre à un nombre substantiel d’autres INTI.

Traitement épisodique vs continu

L’une des études les plus intrigantes du congrès sur l’innocuité relative des schémas HAART n’était pas une étude d’évaluation de l’innocuité à l’origine. Elle visait plutôt à comparer un traitement épisodique guidé par le nombre de CD4+ avec un schéma HAART traditionnel administré en continu. L’étude SMART – aussi présentée à la séance des nouvelles de dernière heure – a dû être arrêtée prématurément parce que le schéma épisodique était associé à un risque accru de progression à court terme. Cependant, le résultat le plus étonnant a probablement été que le schéma continu a été associé à un risque moindre d’IM, d’AVC et de complications rénales et hépatiques, avantage relatif que l’on s’attendait plutôt de voir dans le groupe de traitement épisodique.

«Le taux d’IM, d’AVC, de maladie coronarienne nécessitant une chirurgie et d’atteinte rénale et hépatique se chiffrait à 2,0 pour 100 années-personnes dans le groupe de traitement guidé par le nombre de CD4+ vs 1,2 pour 100 années-personnes dans le groupe de traitement continu», explique la Dre Wafaa El-Sadr, Columbia University College of Physicians and Surgeons, New York. «Le schéma HAART épisodique évalué dans l’étude SMART est inférieur au schéma HAART continu. Cette stratégie doit être déconseillée.»

Lors de cette étude, 5472 patients de 33 pays recevaient aléatoirement un schéma HAART traditionnel ou un schéma HAART épisodique – lequel était arrêté lorsque le nombre de cellules CD4+ excédait 350 cellules/mm³, puis repris lorsqu’il chutait sous le seuil de 250 cellules/mm³. Même si l’on prévoyait un suivi de huit ans, le comité de surveillance des données et de l’innocuité a recommandé de mettre fin à l’étude après seulement 14 mois lorsqu’il a constaté que le taux de progression de la maladie ou de mortalité était plus du double (3,1 vs 1,4 pour 100 années-personnes; p<0,0001) dans le groupe de traitement épisodique.

Résumé

La suppression du VIH étant l’objectif à long terme, le défi le plus important est peut-être d’améliorer l’innocuité plutôt que la puissance du schéma administré en première intention. Si de nouvelles données épidémiologiques ont associé les IP – mais pas les INNTI – à un risque croissant d’IM avec le temps, les mêmes données n’ont associé aucun schéma antirétroviral à un risque accru d’hépatotoxicité. Inversement, d’autres données épidémiologiques ont indiqué que le TDF pouvait accroître le risque de néphrotoxicité. Selon une autre analyse, l’ABC, un INTI, a été associé à une tendance vers un risque moins élevé d’effets indésirables que la névirapine, alors qu’il est ressorti d’une étude d’envergure qu’un grand nombre de complications attribuées précédemment aux schémas HAART surviennent moins souvent lorsque la virémie est supprimée efficacement.

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