Comptes rendus

Lipoatrophie et efficacité du traitement chez les patients déjà traités
Des horizons nouveaux dans la prise en charge de la schizophrénie

Syndrome clinique isolé : maximiser les bienfaits du traitement de la SEP

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 22e Congrès du European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis (ECTRIMS)

Madrid, Espagne / 27-30 septembre 2006

«Le risque d’apparition de la SEP est élevé chez les patients qui présentent un SCI», affirme le Dr Giancarlo Comi, professeur titulaire de neurologie, Università Vita-Salute San Raffaele, Milan, Italie. Il a cité à cet égard les résultats d’une étude sur l’évolution naturelle de la maladie par le Dr Christian Confavreux, Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, Lyon, France, selon laquelle une SEPCC avait été confirmée dans les cinq ans suivant le diagnostic de SCI chez environ 75 % des patients. Un diagnostic de SEPCC a été confirmé deux ans après l’apparition d’un SCI chez 38 % des sujets de l’étude CHAMPS (Controlled High-Risk Subjects Avonex Multiple Sclerosis Prevention Study) et 45 % des sujets des études ETOMS (Early Treatment of MS) et BENEFIT (Betaferon in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment).

BENEFIT – étude multicentrique, randomisée, à double insu et comparative avec placebo – est la première que l’on réalise chez des patients ayant subi un SCI pour évaluer les effets d’un traitement par un interféron bêta (IFNß) à dose et à fréquence élevées selon les critères de McDonald de 2001. C’est aussi la plus vaste étude jamais réalisée sur le SCI. Après six mois, le SCI avait évolué vers la SEP chez plus de 50 % des patients du groupe placebo de BENEFIT et après deux ans, chez 85 % de ces patients, indique le Dr Mark Freedman, directeur, unité de recherche sur la sclérose en plaques, Hôpital d’Ottawa, et professeur titulaire de neurologie, Université d’Ottawa, Ontario. De plus, des analyses de sous-groupes de cette étude ont mis au jour un risque plus élevé de SEPCC chez les patients plus jeunes (<30 ans : 60 % vs 33 %). Chez les patients dont la maladie était monofocale et se caractérisait par plus de neuf lésions ou des lésions rehaussées au gadolinium (Gd+) sur les clichés IRM, le risque de progression vers la SEP était plus élevé qu’en l’absence de ces caractéristiques à l’examen IRM (55 % vs 31 % et 63 % vs 36 %, respectivement). Cependant, les paramètres IRM n’ont fourni aucune donnée supplémentaire sur le risque de SEP chez les patients dont la maladie était multifocale d’emblée.

Bien-fondé du traitement précoce

Comme l’explique le Dr Comi, le bien-fondé d’un traitement précoce repose sur la sévérité de la maladie et sur la possibilité d’un diagnostic très précoce, dès le stade biologique de la maladie. De plus, une atteinte axonale irréversible – probablement imputable à l’inflammation – apparaît au début de la maladie. Les immunomodulateurs, qui suppriment l’inflammation, sont plus efficaces au début de la maladie, car l’évolution inflammatoire s’estompe avec le temps. Par ailleurs, la plasticité du SNC est plus marquée au début de la maladie, d’où un meilleur rétablissement fonctionnel. Autre facteur à considérer, l’évolution initiale de la maladie est prédictive de son évolution à long terme. Enfin, les résultats favorables des études CHAMPS, ETOMS et BENEFIT «montrent sans équivoque que les IFNß sont efficaces et, fait encore plus important, qu’ils sont plus efficaces s’ils sont administrés très tôt. Je crois que nous avons des raisons très solides de préconiser le traitement précoce de la SEP», déclare le Dr Comi.

Néanmoins, malgré les bienfaits éprouvés de ces agents et le pronostic global bien connu de la SEP, les cliniciens aimeraient pouvoir prédire l’issue à long terme de la maladie afin de déterminer avec plus de facilité le moment où le traitement doit être amorcé. Heureusement, nous avons en main les données de plusieurs études épidémiologiques, dont certaines remontent à plus de 40 ans. Le Dr Comi en a résumé les résultats pertinents et a expliqué que, chez les patients présentant un SCI, une atteinte multifocale d’emblée, une fréquence élevée de poussées dès le début, des clichés IRM montrant un volume lésionnel élevé et la progression de l’incapacité dès les cinq premières années sont tous des facteurs pronostiques défavorables.

Les études CHAMPS et ETOMS portaient toutes deux sur l’IFNß-1a administré une fois par semaine, souligne le Dr Freedman. Cependant, chez les patients souffrant de SEP rémittente établie, l’administration hebdomadaire de l’IFNß-1a par voie sous-cutanée (s.c.) n’a eu aucun effet sur la fréquence des poussées lors de l’étude OWIMS (Once Weekly Interferon for MS) alors que l’administration trois fois par semaine de l’IFNß-1a par voie s.c. avait permis une diminution évidente et statistiquement significative (p=0,0003) de la fréquence des poussées lors de l’étude PRISMS (Prevention of Relapses and Disability by Inteferon beta-1a Subcutaneously in Multiple Sclerosis).

L’objectif principal de l’étude BENEFIT était de prouver l’efficacité, l’innocuité et la tolérabilité de l’IFNß-1b chez des patients ayant eu un SCI et présentant au moins deux lésions cliniquement silencieuses à l’examen IRM. Les patients recevaient l’IFNß-1b à raison de 250 µg par voie s.c. ou un placebo tous les deux jours jusqu’à ce qu’une SEPCC ait été diagnostiquée ou qu’ils aient été suivis pendant 24 mois. Après deux ans, dans le groupe placebo, la maladie était cliniquement certaine chez 45 % des patients, et 85 % des patients répondaient aux critères de McDonald, le paramètre principal. Le traitement par l’IFNß-1b a retardé le risque global d’apparition d’une SEPCC (p<0,0001) et d’une SEP répondant aux critères de McDonald (p<0,00001). Le taux de risque (intervalles de confiance à 95 %) se chiffrait à 0,50 (0,36, 0,70) pour la SEPCC et à 0,54 (0,43, 0,67) pour la SEP selon les critères de McDonald. «Ce traitement a retardé [l’apparition de la SEP] de près de un an dans une étude de deux ans seulement», rapporte le Dr Freedman.

La variation du score sur l’échelle MSFC (MS Functional Composite) entre le début et la fin de l’étude – qui était un paramètre exploratoire et secondaire – s’est améliorée d’une médiane de 0,06 dans le groupe placebo et de 0,199 dans le groupe IFNß-1b (p=0,0386). Cette amélioration s’explique principalement par le résultat au test PASAT (Paced Auditory Serial Addition Test), qui n’a pas varié dans le groupe placebo, mais qui a augmenté d’une médiane de 0,124 chez les patients recevant le traitement actif (p=0,0007). «Ces données montrent que nous sous-estimons vraiment le poids du déclin cognitif chez les patients ayant subi un SCI. Nous savions que beaucoup de patients qui marchent et vivent normalement et dont l’incapacité physique est minime se plaignent très tôt de troubles cognitifs, et nous voyons maintenant que la mise en route précoce du traitement, même au stade du SCI, pourrait faire une différence à cet égard.»

Décision de traiter

Les résultats des études CHAMPS, ETOMS et maintenant BENEFIT justifient le traitement du SCI, estime le Dr Comi. Si le patient souffre d’un premier épisode de démyélinisation, si son examen IRM du cerveau montre des clichés typiques et s’il présente au moins un facteur pronostique défavorable (au moins neuf lésions cérébrales à l’IRM, au moins une lésion Gd+, une atteinte multifocale d’emblée ou une poussée sévère), «le traitement doit être amorcé sans délai». En l’absence de facteurs pronostiques défavorables, le traitement peut être retardé, mais un examen IRM du cerveau doit être répété après trois mois. Cependant, le traitement est indiqué chez les patients dont les clichés témoignent d’une dissémination temporelle. Autrement, l’examen IRM doit être répété après six à 12 mois. «En cas de doute quant au diagnostic, de données IRM peu parlantes ou d’absence de lésions cérébrales, il est clair que le patient est exposé à un faible risque d’évolution [vers la SEPCC], explique le Dr Comi. Il vaut mieux clarifier la situation et répéter l’examen IRM après six mois ou un an.»

Le Dr Xavier Montalbán, Hôpital universitaire Vall D’Hebrón, Barcelone, Espagne – qui présidait la séance sur le traitement précoce – a exprimé certaines réserves au sujet du traitement de la SEP au stade du SCI. Le diagnostic pourrait encore être incertain et/ou la maladie pourrait connaître une évolution bénigne chez certains patients. Puisque l’on envisage d’administrer pendant 15 à 20 ans un agent partiellement efficace qui entraîne des effets indésirables, pourquoi ne pas attendre de voir si la maladie est évolutive? De plus, comment les médecins peuvent-ils assurer l’observance à long terme d’un traitement qui s’injecte à intervalles réguliers? Enfin, d’ajouter le Dr Montalbán, il n’a pas été démontré que ces traitements de fond préviennent l’incapacité ou les dysfonctions à long terme.

Dans l’ensemble, estime le Dr Comi, le diagnostic ne laissait planer aucun doute. «D’après les résultats de ces trois études, il est clair que dans probablement 95 % des cas, au bas mot, les patients qui ont un SCI sont exposés à un risque élevé de SEP.» La SEP bénigne – qui touche 7 à 8 % des patients – est «très, très rare». Quoi qu’il en soit, la SEP bénigne ne peut être diagnostiquée qu’avec du recul, au terme de la vie du patient. En outre, même les patients qui ne présentent pas d’incapacité physique sévère ont généralement un déclin cognitif. Le Dr Comi met aussi en doute l’allégation de son confrère voulant que les traitements de fond n’aient pas d’effet à long terme sur l’incapacité : «L’étude PRISMS a révélé que les patients ayant reçu le traitement au cours des deux premières années, par rapport à ceux chez qui le traitement avait été retardé, étaient encore en meilleur état après deux ans […] Ce qui est perdu l’est à jamais.»

Le Dr Freedman y est allé de quelques données rassurantes sur l’observance du traitement à long terme par un IFNß à dose et à fréquence élevées. Tant lors de l’étude EVIDENCE (European North American Comparative Efficacy) que de l’étude INCOMIN (Independent Comparison of Interferon), «le taux d’observance était très élevé», dit-il. De plus, 96 % des patients admissibles qui ont participé à l’étude BENEFIT jusqu’à la fin ont décidé de participer à l’étude de prolongation. Les résultats du suivi à 16 ans de l’étude pivot sur l’IFNß-1b ont permis de constater qu’une cote EDSS plus faible au début du traitement est corrélée avec une cote plus faible pendant le suivi et que le taux de mortalité était plus élevé chez les patients qui avaient d’abord reçu un placebo : 20 patients vs neuf et six patients, respectivement, de ceux qui recevaient 50 µg et 250 µg d’IFNß-1b. La mise en route précoce du traitement par l’IFNß-1b pourrait donc avoir des répercussions durables sur l’évolution de la SEP.

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