Comptes rendus

Les agents biologiques autres que les anti-TNF élargissent l’éventail d’options pour la maîtrise de la polyarthrite rhumatoïde
Différences entre les anticoagulants dans le contexte d’une intervention coronarienne percutanée

La promesse des agents oraux prometteurs fait-elle le poids face aux agents établis dans le traitement de la SEP?

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 5e congrès triennal conjoint ECTRIMS/ACTRIMS 2011

Amsterdam, Pays-Bas / 19-22 octobre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

On a assisté récemment à une véritable explosion de nouvelles options de traitement dans la sclérose en plaques (SEP), comme en témoigne d’ailleurs l’abondance exceptionnelle de données de recherche récentes présentées aux congressistes. De nouveaux agents oraux en étant à un stade avancé de la recherche, on peut s’attendre à un élargissement de l’arsenal de ce côté, mais encore faudra-t-il situer ces traitements par rapport aux piliers thérapeutiques que sont l’acétate de glatiramère (AG) et les interférons (IFN), dont l’efficacité et l’innocuité sont solidement établies.

«On présente ici des données emballantes», déclare le Pr Ralf Gold, Université de la Ruhr, Bochum, Allemagne. Se livrant, le dernier jour du congrès, à un survol des résultats présentés, le Pr Gold n’a pas caché l’enthousiasme que lui inspirent non seulement les nouveaux agents, mais aussi les nouvelles indications des médicaments existants. En effet, ses observations ne portaient pas uniquement sur les agents oraux, mais aussi sur les utilisations prometteuses d’autres traitements, notamment les anticorps monoclonaux (AcM).

Soulignons que, malgré les résultats encourageants des essais, il ne faut pas s’attendre à pouvoir situer rapidement les nouveaux agents dans les algorithmes de traitement, car pour établir l’efficacité et l’innocuité d’un traitement, on doit impérativement obtenir des données sur le suivi à long terme chez un grand nombre de patients. Sur le plan de l’efficacité, ce suivi de longue durée s’impose en raison de l’inexactitude des prédicteurs de substitution de l’issue à long terme, notamment les résultats d’imagerie et la fréquence des poussées. En ce qui concerne l’innocuité, ce suivi est aussi nécessaire, parce que même des années après la mise en place d’un traitement modifiant la fonction immunitaire, le risque de survenue d’effets indésirables imprévus demeure appréciable.

Les références en matière d’efficacité et d’innocuité

Des dizaines d’années d’utilisation ont fait de l’AG et des IFN, traitements de fond classiques, des références en matière d’efficacité et d’innocuité, et c’est à ces derniers que les nouveaux venus, tels que les agents oraux et les AcM, doivent se mesurer. Au Canada, le fingolimod, premier agent oral, a fait son entrée sur le marché en 2011. Les divers exposés présentés aux congressistes et certaines interventions du Pr Gold laissent entrevoir l’arrivée prochaine d’autres traitements oraux.

Plus précisément, l’analyse des données groupées a porté sur les 3 sous-groupes suivants : 1) patients qui avaient reçu de l’IFN dans l’année ayant précédé la randomisation et ont eu autant ou plus de poussées pendant la première que pendant la deuxième année de traitement; 2) patients qui ont reçu de l’IFN dans l’année ayant précédé la randomisation, qui avaient au départ une lésion prenant le gadolinium (Gd+) sur les clichés pondérés en T1 ou 9 lésions en T2, puis qui ont eu au moins 1 poussée pendant la première année; et 3) patients qui n’avaient jamais été traités, avaient au moins 1 lésion Gd+ au départ et ont eu au moins 2 poussées après la randomisation. À la posologie homologuée, soit 0,5 mg/jour, le fingolimod «a amélioré les paramètres cliniques par rapport au placebo et à l’IFN» dans les 3 groupes, nous apprend la Dre Eva Havrdova, Université Charles de Prague, République tchèque, chercheuse principale de cette étude.

On observe une accumulation rapide de données sur d’autres agents oraux qui ne sont pas encore commercialisés au Canada. Ainsi, des prolongations d’études sur le tériflunomide sont venues étayer des données d’innocuité et d’efficacité antérieures, tirées de l’essai TEMSO de phase III. Que les patients aient reçu du tériflunomide d’emblée ou après 2 années sous placebo, la fréquence annualisée des poussées (FAP) est demeurée faible tout au long des 5 années d’évaluation, signale le Dr Paul W. O’Connor, St. Michael’s Hospital, Toronto, Canada. Les valeurs vont de 0,182, pour les patients ayant reçu un placebo avant de passer au comprimé de tériflunomide à 14 mg 1 fois/jour, à 0,251, pour les patients ayant reçu un placebo avant de passer à la dose de 7 mg. Enfin, ajoute le Dr O’Connor, l’IRM a révélé une augmentation moindre du volume lésionnel, sans écart statistiquement significatif toutefois, dans les groupes traités d’emblée par l’agent actif comparativement aux groupes ayant d’abord reçu un placebo.

Les données d’innocuité — recueillies après 4 ans et présentées par le Pr Giancarlo Comi, président de la Faculté de neurologie, Università Vita-Salute San Raffaele, Milan, Italie — ne montrent pas de variation significative par rapport aux effets indésirables signalés après 2 ans. Les manifestations les plus fréquentes ont été la rhinopharyngite (environ 22 %, quelle que soit la dose), les céphalées (environ 12 % quelle que soit la dose) et la hausse des enzymes hépatiques (environ 12 % quelle que soit la dose). Le suivi au long cours semble donc confirmer le «profil d’innocuité favorable» observé précédemment, conclut-il.

Dans une étude satellite récente portant sur les résultats à 2 ans de l’étude TEMSO, le test PASAT-3 (Paced Auditory Serial Addition Test) a mis en lumière une amélioration significative de la fonction cognitive chez les sujets sous tériflunomide par rapport aux témoins sous placebo, explique le Dr Aaron Miller, Mount Sinai School of Medicine, New York. Bon nombre de patients atteints de SEP voient leur bien-être diminué par l’atteinte cognitive, déplore le médecin; une preuve de plus, donc, de l’utilité de cet agent.

Les premiers résultats de phase III sur le laquinimod, agent oral, ont été dévoilés au congrès. Lors de l’essai BRAVO, 1331 patients atteints de SEP rémittente, répartis dans 153 établissements et 18 pays, ont reçu après randomisation du laquinimod par voie orale à 0,6 mg/jour, un placebo oral d’aspect semblable ou de l’IFN bêta-1a à 30 µg (IM) 1 fois/semaine. La comparaison laquinimod-placebo s’est faite à double insu. Le laquinimod, premier représentant de sa classe, semble agir en atténuant l’activation de cellules immunitaires dans le système nerveux central (SNC), laquelle déclenche la démyélinisation, explique le Dr Timothy Vollmer, chercheur principal à la University of Colorado Health Sciences Center, Denver.

L’étude BRAVO a révélé les bénéfices du laquinimod par rapport au placebo – après ajustement en fonction de l’activité de la maladie au départ – sur divers aspects, notamment une baisse de 21 % de la FAP (p=0,026) ainsi qu’une réduction de 27,5 % de la perte cérébrale visible sur les clichés d’imagerie par résonance magnétique (IRM) (p<0,0001) et de 33,5 % du risque d’aggravation de l’incapacité selon l’échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale) (p=0,044). La baisse de 29 % de la FAP dans le groupe IFN bêta-1a IM par rapport au groupe placebo était semblable à la diminution observée dans le groupe laquinimod (p=0,002); au chapitre de l’incapacité, cependant, le recul de 28,7 % n’était pas significatif sur le plan statistique (p=0,089). En outre, l’IFN bêta-1a IM n’a eu aucun effet sur l’atrophie cérébrale.

Les congressistes ont eu droit aux premières données de phase III sur un autre agent oral : le BG12. Les 1234 participants à l’essai DEFINE ont reçu, après randomisation, le BG12 à raison de 240 mg 2 fois/jour ou de 240 mg 3 fois/jour, ou un placebo. On pense que le BG12, dérivé de l’acide fumarique de deuxième génération, exerce ses effets anti-inflammatoires en agissant sur les leucocytes, notamment sur leur capacité de produire des cytokines pro-inflammatoires.

Après 96 semaines complètes de traitement, le risque de poussée était environ 50 % (p<0,0001) moins élevé dans les deux groupes sous BG12. De plus, par rapport au placebo, le BG12 a réduit le risque de progression de l’incapacité de 38 % (p=0,005) et de 34 % (p=0,0128), selon qu’il était pris 2 ou 3 fois/jour, déclare le Pr Gold, chercheur principal. Selon lui, ces résultats montrent que le BG12 pourrait être utile.

Un exposé distinct sur une étude satellite de DEFINE, menée par IRM, a révélé que le nombre moyen de lésions GD+ avait diminué de 73 % et de 98 % dans les groupes 2 et 3 fois/jour, respectivement, et que le nombre de nouvelles lésions ou de lésions ayant augmenté de taille avait diminué de 74 % et de 85 %, respectivement. L’effet anti-inflammatoire observé chez les 540 sujets de cette étude satellite «est comparable à celui des agents les plus puissants homologués dans la SEP», affirme le chercheur principal, le Dr Douglas L. Arnold, Institut et hôpital neurologiques de Montréal, Canada.

Enfin, les données d’innocuité de DEFINE, dévoilées dans une troisième présentation, témoignent d’une fréquence comparable d’effets indésirables graves dans les groupes BG12 et placebo. Ainsi, on a enregistré un taux d’abandon pour cause d’effets indésirables de 16 % dans chaque groupe BG12, contre 13 % dans le groupe placebo. De toutes les manifestations indésirables observées plus souvent chez les sujets sous traitement actif que chez les témoins sous placebo, les bouffées vasomotrices ont été, et de loin, les plus fréquentes. Elles étaient cliniquement significatives chez environ le tiers du groupe BG12, comparativement à 5 % du groupe placebo. D’ailleurs, dans un récapitulatif de l’étude DEFINE, le Pr Gold y est allé d’une mise en garde : un traitement d’appoint visant à atténuer les bouffées vasomotrices pourrait s’imposer dans certains cas.

Anticorps monoclonaux

On a présenté de nouvelles données importantes non seulement sur les traitements oraux, mais également sur plusieurs AcM, dont le natalizumab (homologué dans la SEP), l’alemtuzumab et le daclizumab. Sur le plan de l’efficacité, les données sur le natalizumab tirées de l’étude RESTORE et présentées par le Dr Robert J. Fox, Cleveland Clinic, Ohio, corroborent les constatations antérieures. On a conçu cette étude de manière à évaluer l’effet d’interruptions de traitement de 24 semaines; après randomisation, les sujets ont reçu des perfusions de natalizumab, un placebo ou un traitement de fond par l’AG ou de l’IFN. Dans les groupes natalizumab et placebo, l’étude s’est déroulée à l’insu. Après 2 ans, on n’a observé aucun cas de reprise de l’activité de la maladie – suivant des critères d’IRM prédéfinis – chez les patients sous natalizumab, alors que la maladie est redevenue active chez 44 % des témoins sous placebo. La probabilité de reprise de l’activité de la maladie était maximale chez les patients dont la maladie était la plus active avant la randomisation (selon les clichés d’IRM).

Sur le plan de l’innocuité, le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LMP) associé à cet agent demeure inquiétant. Des 124 patients atteints de LMP associée au natalizumab répertoriés à ce jour, 101 (80 %) sont encore en vie, annonce le Pr Ludwig Kappos, Hôpital universitaire, Bâle, Suisse. C’est là, poursuit-il, un taux de survie plus élevé que celui qu’on observe généralement dans la LMP liée à d’autres causes. Cependant, souligne-t-il, tous les patients ayant développé une LMP sous natalizumab doivent composer avec un certain degré d’incapacité. Cette dernière est considérée comme sévère chez 37 % des survivants.

Dans l’essai CARE-MS, présenté par le Dr Alasdair J. Coles, Cambridge University, Royaume-Uni, on a comparé l’alemtuzumab à l’IFN bêta-1a (SC) chez 581 patients. Au terme d’un suivi de 2 ans, la FAP était de 0,18 dans le groupe alemtuzumab, soit 55 % plus faible (p<0,0001) que la FAP de 0,39 enregistrée dans le groupe IFN. Au chapitre de l’incapacité cumulative persistante, l’écart n’a pas été significatif sous alemtuzumab (8 % vs 11 %; p=0,22), mais on a noté un recul significatif des nouvelles lésions à l’IRM. En revanche, les auteurs signalent des effets indésirables plus marqués sous alemtuzumab, y compris des hyperthyroïdies (18,1 % vs 6,4 %) et un plus grand nombre de retraits pour cause d’effets indésirables (5,9 % vs 1,3 %).

Le Dr Gavin Giovannoni, Queen Mary University, Londres, Royaume-Uni, a pour sa part présenté un essai sur le daclizumab, dont le critère principal était la variation de la FAP. Après randomisation, les sujets ont reçu 150 ou 300 mg de daclizumab toutes les 4 semaines, ou un placebo. À 1 an, la fréquence des poussées était, par rapport au placebo, 54 % (p<0,0001) et 50 % (p=0,0002) moins élevée dans les groupes 150 et 300 mg, respectivement. Aucun effet indésirable grave n’a été associé à cet agent, mais le suivi demeure, pour l’instant, de courte durée.

Traitement précoce

Ces progrès sont encourageants, certes, mais on ne s’attend pas pour autant à ce que ces nouveaux agents complémentent ou remplacent l’AG et les IFN, dont l’efficacité et l’innocuité sont étayées par une abondance de données. À vrai dire, ce sont plutôt les arguments, de plus en plus nombreux, en faveur d’un traitement précoce qui pourraient accroître les indications de ces agents. Mis à part les résultats des essais sur les nouveaux agents, l’une des analyses les plus intéressantes est un examen des données des essais BENEFIT, ETOMS, REFLEX, PreCISe et CHAMPS (Tableau 1). Dans chacun de ces essais, on a évalué l’AG ou les IFN chez des sujets ayant subi un syndrome clinique isolé (SCI). Il ressort de ces études que l’on peut retarder la SEP cliniquement certaine par un traitement précoce après un SCI; c’est du moins ce que conclut le Pr Comi, qui a dirigé ce travail de synthèse.

Tableau 1. Patients atteints de SEP cliniquement certaine à 2 ans dans les études sur le traitement précoce


«Ces constatations nous ont amenés à traiter plus tôt les patients après un premier épisode de démyélinisation évocateur de la SEP», déclare le Pr Comi. Et la sensibilité toujours plus grande des critères diagnostiques de la SEP rend le traitement précoce encore plus intéressant. On a montré, dans une étude satellite de REFLEX, que les critères de McDonald de 2010 étaient plus prédictifs de la SEP cliniquement certaine que ceux de 2005. Cela dit, le chercheur principal de l’étude REFLEX, le Dr Mark S. Freedman, Université d’Ottawa, Canada, fait remarquer que l’IFN a diminué le risque de passage du SCI à la SEP cliniquement certaine, et ce, peu importe les critères (2005 ou 2010) utilisés.

En plus de contribuer à retarder ou à prévenir la SEP cliniquement certaine, l’AG et les IFN sont de solides alliés dans la prise en charge courante de la SEP et le demeurent, qu’on dispose ou non de nouveaux agents. Ce sont des médicaments efficaces et sûrs dans un contexte de traitement usuel, comme vient d’ailleurs de le confirmer SAME, une autre étude dans ce domaine. SAME est une évaluation rétrospective de 546 patients recevant un immunomodulateur. Cette cohorte représente environ 10 % des patients soumis à un traitement de fond en Suisse.

On a mené cette étude afin de comparer l’efficacité et l’innocuité dans des conditions réelles, explique le chercheur principal, le Dr Claudio Gobbi, Ospedale Civico, Lugano, Suisse. Dans les études antérieures, ajoute-il, on a généralement comparé deux des quatre médicaments injectables sur le marché, sans compter que les IFN n’ont été comparés à l’AG que dans quelques études seulement.

On a obtenu les valeurs suivantes pour la FAP : 0,24 pour l’AG, 0,27 pour l’IFN IM, 0,29 pour l’IFN bêta-1a SC et 0,22 pour l’IFN bêta-1b SC. La fréquence des symptômes pseudogrippaux variait entre 25,3 et 46,7 % dans les groupes IFN, contre 2,3 % dans le groupe AG. Quant à la fréquence des réactions au point d’injection, elle atteignait 10,5 % chez les sujets du groupe IFN IM alors qu’elle variait entre 26,1 % (groupe AG) et 38,3 % (IFN bêta-1b SC) dans les trois autres groupes.

En ce qui concerne la maîtrise de la SEP, «les quatre traitements de fond injectables ont prévenu avec une efficacité comparable l’incapacité et les poussées», signale le Dr Gobbi. Sur le plan des effets indésirables, enfin, «l’AG et les IFN sont, semble-t-il, les médicaments les mieux tolérés»; les IFN ont une longueur d’avance pour ce qui est des réactions au point d’injection, tandis que l’AG entraîne moins de manifestations pseudogrippales.

Résumé

Les exposés de l’ECTRIMS/ACTRIMS laissent entrevoir un enrichissement appréciable de l’arsenal thérapeutique dans la SEP au cours des années à venir, notamment au chapitre des agents oraux. Toutefois, on ne doit pas s’attendre à une évolution rapide des traitements de première intention, car on dispose déjà d’options efficaces et éprouvées. Plusieurs années pourraient s’écouler avant que l’on dispose d’un tableau complet des bénéfices et des risques associés aux nouveaux agents par rapport aux anciens. Les nouvelles perspectives sont bien sûr intéressantes pour les patients chez lesquels la maladie échappe en partie aux traitements de fond actuels, mais il reste que l’efficacité de ces derniers en première intention est solidement établie; d’ailleurs, de plus en plus souvent, on les prescrit après un SCI lorsqu’il y a, estime-t-on, une forte probabilité de progression vers une SEP cliniquement certaine.

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