Comptes rendus

Le rôle des agents biologiques dans la maîtrise précoce et soutenue des maladies inflammatoires de l’intestin
Nouvelles données sur la prévention du cancer colorectal chez les patients souffrant d’une maladie inflammatoire de l’intestin

Du nouveau sur les carbapénems : le point sur la sensibilité des espèces du genre Pseudomonas

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 44e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America

Toronto, Ontario / 12-15 octobre 2006

La possibilité que l’utilisation accrue de l’ertapénem amoindrisse la sensibilité de Pseudomonas æruginosa à l’imipénem a soulevé des inquiétudes aujourd’hui apaisées. En effet, on a montré dans le cadre de deux études distinctes que, loin de diminuer, la sensibilité de ce micro-organisme à l’imipénem avait augmenté après l’inscription de l’ertapénem dans la liste des médicaments de l’hôpital.

Le Dr Ellie Goldstein, professeur de clinique en médecine, University of California Medical School, Los Angeles, a présenté une étude rétrospective témoignant de l’effet qu’avait eu l’arrivée de l’ertapénem sur l’utilisation des antimicrobiens dans son propre hôpital (St. John’s Health Center, Santa Monica), d’une part, et sur l’activité in vivo de l’imipénem, de la lévofloxacine, du céfépime, de la gentamicine et de l’association pipéracilline/tazobactam sur des bacilles Gram négatifs aérobies, d’autre part.

Les micro-organismes Gram négatifs étudiés étaient Escherichia coli, des espèces des genres Klebsiella et Enterobacter ainsi que P. æruginosa. Environ un an après l’inscription de l’ertapénem dans la liste des médicaments de l’hôpital, un ordre d’autosubstitution est entré en vigueur : l’association ampicilline/sulbactam était dès lors systématiquement remplacée par l’ertapénem. On a simultanément restreint le recours empirique au céfépime; en effet, après 72 heures de traitement, seules les infections par P. æruginosa pouvaient être traitées par cet agent, et on encourageait l’emploi du céfotaxime. Trois ans et demi après l’inscription de l’ertapénem dans la liste des médicaments, l’utilisation de la céfoxitine a été ramenée de 28 à huit doses quotidiennes définies (DQD) par tranche de 1000 jours-patients, celle de l’imipénem, de 35 à 23 DQD par tranche de 1000 jours-patients et celle de la lévofloxacine, de 107 à 73 DQD par tranche de 1000 jours-patients.

Parallèlement à ces baisses, les chercheurs ont observé un recours plus fréquent à l’ertapénem, dont les DQD sont passées à 63 par tranche de 1000 jours-patients, et une diminution correspondante de l’utilisation d’ampicilline/sulbactam; la prescription de l’association pipéracilline/tazobactam et des aminosides est quant à elle demeurée stable. Ce qu’il importe surtout de souligner ici, c’est que la sensibilité de P. æruginosa à l’imipénem s’est accentuée, passant de 61 % au début de l’étude à 87 % à la fin; la sensibilité de ce micro-organisme au céfépime et à la lévofloxacine s’est également accrue, passant respectivement de 60 à 95 % et de 50 à 65 %. Enfin, la sensibilité de P. æruginosa à la tobramycine et à l’association pipéracilline/tazobactam a peu évolué, voire pas du tout.

De même, la sensibilité de E. coli, de P. mirabilis, d’espèces du genre Klebsiella et d’Enterobacter cloacæ aux divers agents a peu évolué, voire aucunement; qui plus est, tous ces micro-organismes ont conservé leur pleine sensibilité à l’ertapénem. «Comme l’ertapénem n’est pas actif contre le genre Pseudomonas, on craignait que l’utilisation d’un carbapénem de classe I tel que l’ertapénem entraîne une résistance aux carbapénems de classe II, comme l’imipénem ou le méropénem, commente le Dr Goldstein. Mais ce n’est pas du tout ce qui s’est produit. L’arrivée de l’ertapénem dans notre hôpital est loin d’avoir été néfaste; à vrai dire, elle a été salutaire, tant et si bien que nous poursuivons l’autosubstitution», ajoute-t-il.

Résultats comparables

Une seconde étude, présentée par Christopher Crank, PharmD, pharmacien clinicien spécialisé dans les maladies infectieuses, Rush University Medical Center, Chicago, Illinois, a produit des résultats comparables. Les chercheurs se sont intéressés à l’effet de l’utilisation accrue de l’ertapénem sur la sensibilité de P. æruginosa à l’imipénem entre 2003 (année où l’ertapénem a été ajouté à la liste des médicaments du centre hospitalier) et 2005. Ils ont consulté des rapports de microbiologie pour connaître les taux de sensibilité. Tout au long de l’étude, les chercheurs ont évalué les changements intervenus dans l’utilisation des carbapénems en général et la sensibilité de P. æruginosa à l’imipénem en particulier.

L’équipe de recherche a constaté que le recours à l’ertapénem avait progressé de manière significative. En effet, les ordonnances d’ertapénem représentaient 22,5 % des ordonnances de carbapénems en 2003 et 42,4 % en 2005. Évaluée en DQD, l’utilisation de l’imipénem est demeurée stable. Or, la sensibilité de P. æruginosa à l’imipénem a augmenté, passant de 65 % en 2003 à 75 % en 2005, tant pour les isolats sanguins que pour l’ensemble des isolats. La sensibilité de P. æruginosa au méropénem est quant à elle demeurée stable pendant la même période, à savoir 71 % en 2003 et 75 % en 2005.

«L’ertapénem est pris une seule fois par jour; c’est un traitement efficient dont les patients apprécient la commodité», précise Christopher Crank. Les carbapénems figurent au nombre des agents les plus efficaces contre les souches résistantes du genre Pseudomonas. «Perdre nos carbapénems pour traiter les infections à Pseudomonas, c’est dire adieu à l’un de nos meilleurs traitements», fait-il remarquer.

Cette étude montre une fois de plus que l’utilisation accrue de l’ertapénem ne semble pas provoquer l’apparition de souches de P. æruginosa résistantes aux carbapénems, puisque le recours plus fréquent à cet antibiotique s’est accompagné d’une progression significative du nombre d’isolats de P. æruginosa sensibles à l’imipénem.

Essai PREVENT

Le compte rendu de l’essai PREVENT (Prospective Randomized Trial of Ertapenem vs. Cefotetan Following Elective Colorectal Surgery) – qui paraîtra sous peu dans un périodique soumis à une évaluation confraternelle – nous fournira des renseignements détaillés.

Lors de la conception de l’essai PREVENT, le céfotétane, céphalosporine de deuxième génération, était souvent prescrit à titre prophylactique contre une vaste gamme de micro-organismes aérobies, anaérobies, Gram positifs et Gram négatifs, notamment E. coli, H. influenzæ et les espèces du genre Klebsiella. Cet agent était également actif contre de nombreuses souches des genres Staphylococcus et Streptococcus, mais non contre E. enterococcus. De même, environ la moitié des espèces du genre Enterobacter importantes sur le plan clinique lui résistaient, tout comme P. æruginosa.

Dans le cadre du congrès, le Dr Robin Turpin, West Point, Pennsylvanie, a présenté les résultats d’une analyse des coûts dans laquelle on a comparé l’ertapénem à 1 g au céfotétane à 2 g administrés à titre prophylactique 30 minutes avant une intervention chirurgicale.

Au total, 338 patients ont reçu l’ertapénem et 334, le céfotétane. Ont été inclus dans l’analyse le coût de chaque traitement – 45 $US pour l’ertapénem et 28 $ pour le céfotétane – et le coût du séjour à l’hôpital («gîte et couvert»), soit 580,26 $ par jour.

Dans les deux groupes, l’échec de la prophylaxie était le plus souvent imputable à l’infection du champ opératoire. Le taux d’échec de la prophylaxie, toutes causes confondues, s’est établi à 28 % dans le groupe ertapénem et à 42,8 % dans le groupe céfotétane.

Pour l’ensemble des patients, qu’ils aient ou non répondu au traitement prophylactique, la durée moyenne du séjour à l’hôpital a été de 7,6 jours dans le groupe ertapénem et de 8,7 jours dans le groupe céfotétane; chez les patients ayant essuyé un échec prophylactique, le séjour a duré en moyenne 10,3 jours pour l’ertapénem et 11,6 jours pour le céfotétane. Cependant, la durée moyenne du séjour variait suivant la raison de l’échec. Par exemple, elle s’est établie à 18,8 jours pour le groupe ertapénem et à 14,3 jours pour le groupe céfotétane lorsque l’infection touchait l’organe opéré ou le champ opératoire, à 10,8 jours vs 23,4 jours pour les infections profondes de l’incision et à 7,6 jours vs 8,5 jours pour les infections superficielles. Les échecs causés par une fuite anastomotique ont été associés à un séjour moyen de 21 jours chez les patients qui avaient reçu l’ertapénem, comparativement à 18,1 jours chez ceux qui avaient reçu le céfotétane.

Le coût moyen du traitement prophylactique a totalisé, par patient, 4454,97 $ pour l’ertapénem et 5076,26 $ pour le céfotétane, soit un écart de 621,29 $ par patient. Bien qu’il ne soit plus offert aujourd’hui, le céfotétane était l’un des agents les plus souvent utilisés en prophylaxie lorsque l’essai a débuté, il y a cinq ans. Selon les chercheurs, cette analyse des coûts témoigne de l’efficacité – et de l’efficience – de l’ertapénem à titre d’antimicrobien lors d’une intervention chirurgicale non urgente motivée par un cancer colorectal.

D’après les exposés suivants, présentés lors des séances scientifiques :

Goldstein et al. Effect on antimicrobial usage and the in vitro susceptibility on aerobic, Gram-negative rods after the introduction of ertapenem onto a hospital formulary.

Crank et al. Effect of ertapenem utilization on Pseudomonas æruginosa susceptibility to imipenem.

Wilson et al. A cost analysis of prophylaxis of ertapenem versus cefotetan in elective colorectal surgery based on the PREVENT Study.

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