Comptes rendus

Objectif rémission dans la polyarthrite rhumatoïde
Optimisation des résultats thérapeutiques de la prise en charge du risque cardiovasculaire

Face au paradigme de la douleur dans la fibromyalgie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 8e Congrès européen annuel de rhumatologie (EULAR)

Barcelone, Espagne / 13-16 juin 2007

Au dire du Dr Jordi Carbonell Abelló, chef, unité de rhumatologie, Hospitales del Mar y de la Esperanza, Barcelone, Espagne, la fibromyalgie est un syndrome douloureux chronique courant dont les options de traitement sont loin d’être optimales. Une démarche multidisciplinaire concertée et l’éducation du patient sont essentielles, souligne-t-il. Il est fréquent que les patients soient insatisfaits des soins qu’ils reçoivent et qu’ils délaissent les démarches thérapeutiques et l’exercice pour se tourner plutôt vers les médecines douces proposées sur Internet et ailleurs (BMC Musculoskeletal Disord 2007;8:27). C’est donc dire que nous devons améliorer la prise en charge de la fibromyalgie, poursuit le Dr Carbonell Abelló.

Rôle du système nerveux central

Comme l’explique la Dre Eva Kosek, professeure adjointe, département des neurosciences cliniques, Institut Karolinska, Stockholm, Suède, les agents qui ciblent les mécanismes sous-jacents amélioreront le pronostic de la fibromyalgie. Selon sa propre recherche, une anomalie de l’intégration des stimuli nociceptifs pourrait être un facteur clé dans la fibromyalgie. Contrairement aux témoins en bonne santé, les patients fibromyalgiques présentent une hyperactivité cérébrale en réponse à une stimulation de la douleur à la pression (Pain 1996;68[2-3]:375-83; Pain 2000;88[1]:69-78).

À l’heure actuelle, le traitement repose sur les analgésiques non narcotiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les injections dans les tissus mous. Les chercheurs étant maintenant sensibilisés au rôle du système nerveux central dans la fibromyalgie, ils ont tenté d’évaluer l’utilité éventuelle de nouvelles démarches, dont les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline, souligne la Dre Leslie Crofford, professeure titulaire de la chaire Gloria W. Singletary sur la recherche en santé de la femme, division de rhumatologie, University of Kentucky, Lexington.

Lors d’une étude à double insu de 12 semaines, des sujets fibromyalgiques souffrant ou non d’un trouble dépressif majeur ont été randomisés de façon à recevoir de la duloxétine à 60 mg b.i.d. ou un placebo. Ce traitement a été associé à une nette amélioration de plusieurs paramètres de mesure de la douleur par rapport au placebo.

Les résultats préliminaires d’une autre étude ont révélé que, parmi les nouveaux composés, le modafinil semble aussi efficace que l’amitryptiline dans le traitement de la fibromyalgie. D’autres études pourraient confirmer son utilité éventuelle dans cette maladie.

Bien que la quête de traitements plus efficaces se poursuive, la Dre Crofford et le Dr Carbonell Abelló s’entendent sur l’importance d’intégrer le traitement médicamenteux de la fibromyalgie dans un plan de traitement global axé sur l’éducation du patient, l’exercice et la thérapie cognitivo-comportementale.

La fibromyalgie se manifeste notamment par des troubles du sommeil et la fatigue, deux éléments de la triade de la douleur qu’elle partage avec d’autres syndromes somatiques fonctionnels comme le syndrome de fatigue chronique et la douleur neuropathique.

Résultats de l’essai FREEDOM

La Dre Crofford a cité les résultats de l’essai récent FREEDOM (Fibromyalgia Relapse Evaluation and Efficacy for Durability of Meaningful Relief) (Arthritis Rheum 2006;54:4118). Les patients qui répondaient aux critères de la fibromyalgie de l’American College of Rheumatology (ACR) de 1990 étaient admissibles à un essai multiphase randomisé, à double insu et comparatif avec placebo sur l’arrêt du traitement. L’essai comportait une phase de présélection d’une semaine, une phase ouverte de six semaines et une phase à double insu de 26 semaines. Les investigateurs déterminaient la posologie optimale de la prégabaline (300, 450 ou 600 mg/jour) chez chaque patient pendant la phase ouverte. Les patients chez qui, au terme des six semaines de la phase ouverte, on observait une diminution d’au moins 50 % du score de la douleur par rapport au score initial sur une échelle visuelle analogique (EVA) et au moins «une grande amélioration» selon l’échelle PGIC (Patient Global Impression of Change) pouvaient ensuite être randomisés de façon à recevoir le traitement actif ou un placebo.

Le paramètre principal de la phase à double insu était la perte de réponse thérapeutique (PRT), que les chercheurs définissaient comme une diminution <30 % du score de la douleur sur l’EVA, par rapport au score initial de la phase ouverte, lors de deux visites consécutives, ou une aggravation subjective de la fibromyalgie. Au chapitre des paramètres secondaires figuraient le score sur l’échelle MAF (Multidimensional Assessment of Fatigue) et le sous-score sommeil de l’échelle MOS (Medical Outcomes Study), l’objectif étant d’évaluer l’intervalle précédant la PRT sur les plans de la fatigue et des troubles du sommeil connexes.

Les résultats ont mis en évidence un bénéfice soutenu chez les deux tiers des répondeurs à la prégabaline.

Parmi les 1051 sujets qui ont été admis à la phase ouverte, 663 y ont participé jusqu’à la fin et 566 étaient admissibles à la phase randomisée. Au cours de cette phase, 279 patients ont reçu la prégabaline et 287, un placebo. L’intervalle précédant la PRT sur le plan de la douleur était significativement plus long dans le groupe de traitement actif que dans le groupe placebo (p<0,0001) (Tableau 1).

Tableau 1. Durabilité de l’effet durant la phase à double insu


Pendant la phase ouverte, les effets indésirables les plus courants du traitement actif étaient les étourdissements (36 %) et la somnolence (22 %). Pendant la phase à double insu, les effets indésirables les plus courants étaient la sinusite (5 % pour le traitement actif vs 3 % pour le placebo) de même que les arthralgies et l’anxiété (5 % vs 2 %, respectivement).

Évaluation du soulagement selon le score sur l’EVA

Comme le précise la Dre Lesley M. Arnold, professeure agrégée, département de psychiatrie, University of Cincinnati, Ohio, ces résultats concordent avec ceux de l’analyse des données colligées de deux essais antérieurs (n=1493) à double insu, comparatifs avec placebo et réalisés en mode parallèle comparables à l’essai FREEDOM. Les patients admissibles qui répondaient aux critères de la fibromyalgie de l’ACR de 1990 recevaient aléatoirement de la prégabaline (300 mg/jour, 450 mg/jour ou 300 mg b.i.d.) ou un placebo. L’ajustement posologique – qui se faisait sur une période de une ou deux semaines – était suivi d’un traitement à dose fixe pendant 12 semaines.

La réduction moyenne du score moyen sur l’EVA entre le début (6,9) et la fin de l’étude était significativement plus prononcée dans tous les groupes de traitement actif que dans le groupe placebo (p<0,0001 dans chaque cas), et la diminution était «presque linéaire» entre les groupes 300, 450 et 600 mg/jour, note la Dre Arnold. Selon le questionnaire sur les retombées de la fibromyalgie, l’écart moyen était de -2,47 dans le groupe 300 mg/jour (p=0,0707), et l’amélioration était encore plus marquée dans les groupes 450 mg et 600 mg. De plus, les chercheurs ont rapporté une amélioration cliniquement importante chez une proportion significativement plus grande de patients sous traitement actif selon l’échelle PGIC : 38 % (p=0,0002), 44 % et 45 % (p<0,0001 dans les deux cas) dans les groupes 300, 450 et 600 mg/jour, respectivement, vs 29 % dans le groupe placebo.

En général, les patients ont bien toléré le traitement actif. Les effets indésirables étaient pour la plupart bénins à modérés et avaient tendance à se résorber lorsque le traitement se poursuivait. Les effets indésirables les plus courants durant le traitement (c.-à-d., la somnolence et le gain pondéral) sont survenus chez 31 %, 41 % et 45 % des patients recevant le traitement actif à 300, 450 ou 600 mg/jour, respectivement, et chez 8 % des patients recevant un placebo. Les effets indésirables ont motivé l’abandon du traitement chez 18 %, 22 % et 29 % des patients des groupes 300, 450 et 600 mg/jour, respectivement.

Résumé

Sur le plan physiopathologique, la fibromyalgie semble se caractériser par une hyperactivité cérébrale en réponse à la douleur. Les stratégies qui inhibent les mécanismes de perception de la douleur à ce niveau sont donc fort avantageuses. Conjointement avec la physiothérapie et la thérapie cognitivo-comportementale, de nouvelles options pourraient contribuer à améliorer la capacité fonctionnelle des patients fibromyalgiques pour qui les options ont toujours été limitées.

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